Dossier : 01 02 80 Date : 20030313 Commissaire : M e Diane Boissinot DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS (a. 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».FLAMAND, ANTONIO Demandeur c. COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC Organisme et LAROUCHE CONSTRUCTION ENR Tiers
01 02 80 Page : 2 [1] Le 5 janvier 2001, le demandeur s’adresse à l’organisme afin d’obtenir copie, entre autres documents, des rapports de visites des chantiers de construction sur les réserves Criees de la Baie James (Ouje-Bougoumou, Mistassini, Waswanipi, Nemescau, Waskaganish, Eastmain, Wemindgi et Chsasibi) rédigés par les inspecteurs de l’organisme, copie des documents où les chantiers et les sous-entrepreneurs sont identifiés et copie des documents de suivi de chantier, et ce depuis 1990 pour certains documents et depuis 1992 pour d’autres. [2] Le 9 janvier suivant, l’organisme accuse la réception, la veille, de la demande d’accès et requiert 10 jours supplémentaires pour y répondre. [3] Le 2 février 2001, le responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) répond à la demande d’accès. Il donne accès à certains documents mais refuse de communiquer ceux énumérés au paragraphe 1 ci-dessus pour les motifs qui suivent : • Sauf les dossiers encore en traitement à la date de la demande d’accès, le Responsable affirme que l’organisme ne conserve pas les dossiers inactifs antérieurs à 1995; • Le Responsable affirme également que l’organisme ne détient pas de documents compilant des données concernant les entrepreneurs et les travailleurs en provenance d’autres provinces et qu’en application de l’article 15 de la Loi l’organisme ne peut être tenu de confectionner ces documents; • Certains des renseignements demandés sont visés par l’article 23 de la Loi; • Tous les renseignements demandés sont visés par l’un ou l’autre des paragraphes 1°, 2°, 5° et 9° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi; • Certains renseignements ou documents demandés sont aussi visés par les articles 31, 37, 39 et par le deuxième alinéa de l’article 9 de la Loi ainsi que par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [4] Le 22 février 2001, le demandeur formule à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de cette décision du Responsable. [5] Une audience se tient en la ville de Québec les 29 mai et 6 novembre 2002. 2 L.R.Q., c. C-12, aussi appelée la « Charte ».
01 02 80 Page : 3 L'AUDIENCE A) LE LITIGE [6] Après l’audition de certains faits que certains témoignages ont révélés et avec l’accord de l’organisme, le demandeur ne conteste plus le bien-fondé de la décision du Responsable du 2 février 2001 qu’en autant que les documents énumérés en A à la liste déposée par l’organisme sous la cote O-10 sont concernés. Tous les autres documents ou renseignements dont il demandait la communication dans sa lettre du 5 janvier 2001 ne sont plus en litige. [7] Selon l’accord des parties, les documents en litige sont donc, pour la période s’étendant entre 1995 et le 5 janvier 2001, date de la demande d’accès, les rapports d’inspection de divers chantiers pour cinq (5) des huit (8) réserves Criees de la Baie James mentionnées dans la demande d’accès. Il n’y a aucun rapport d’inspection concernant les trois (3) autres réserves. Il s’agit de 95 formulaires 34-08 remplis par les inspecteurs, certains comprenant plusieurs pages. B) LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES [8] Au cours de la première séance, l’avocat de l’organisme déclare que des renseignements fournis par de nombreux autres tiers entrepreneurs et protégés par les articles 23 et 24 de la Loi risquent d’être visés par la demande de révision, tiers dont le nombre et l’identité ne sont pas encore déterminés par ce dernier, pour l’instant. Il informe également la Commission que l’identité de ces tiers est un renseignement susceptible d’être visée par l’article 28 de la Loi. Il plaide que l’organisme, dans ce cas et pour se conformer au premier alinéa de l’article 28, en plus de refuser de communiquer ce renseignement, doit également refuser d’en confirmer l’existence. [9] L’avocat de l’organisme prétend que la communication de l’ensemble des renseignements visés par la demande de révision est totalement empêchée par les paragraphes plus haut mentionnés de cet article 28. [10] Il propose donc que la Commission se penche d’abord sur l’application de cet article 28 à ces renseignements pour le moment et reporte à plus tard l’identification des tiers qui auraient pu fournir les renseignements visés par les articles 23 et 24. Il propose également que la convocation par la Commission de
01 02 80 Page : 4 ces tiers soit reportée tant que la Commission entendra exclusivement la preuve et les représentations des parties sur l’application de cet article 28. [11] Le demandeur ne formule pas d’opposition à ces propositions. [12] La Commission, dans la lettre de la soussignée datée du 3 juin 2002, décide de ces questions préliminaires comme suit : […] […] Je vous avise que je me propose, d’abord, d’entendre toute la preuve de l’organisme et toute la contre-preuve du demandeur ainsi que toutes leurs représentations sur la question de l’application de cet article 28 de la Loi avant de prendre quelque décision que ce soit sur la procédure particulière que la Commission entend adopter pour les questions relatives aux renseignements fournis par les tiers à l’organisme et sur l’applicabilité des articles 23 et 24 de la Loi à ces renseignements. Il ne convient donc pas, pour le moment, de prévoir tout de suite une date d’audience pour débattre de la question de l’application des articles 23 et 24. Toute discussion sur cette dernière question est suspendue jusqu’à nouvel ordre de la Commission. La prochaine séance sera donc entièrement et uniquement consacrée et ce, en l’absence du ou des tiers entrepreneurs, à la question de l’article 28, question qu’il serait préférable, cependant, de vider complètement. Je demande donc à la maître des rôles […] de fixer en accord avec le demandeur et l’organisme, une date d’audience pour terminer l’audition de la question relative à l’article 28 et la dispense d’aviser le ou les tiers de la tenue de cette séance. C) LA PREUVE i) de l’organisme Témoignage de Michel McLaughlin, Responsable. [13] Monsieur McLaughlin occupe les postes de Secrétaire général et de Responsable de l’accès de l’organisme. C’est lui qui a traité la présente demande d’accès. [14] Monsieur McLaughlin explique de quelle façon il a retracé tous les documents pouvant faire l’objet de la demande d’accès. Après l’avoir bien analysée, il en déduit que deux régions administratives de l’organisme pouvaient
01 02 80 Page : 5 être touchées par la demande en plus du siège social. Il a d’abord consulté le chef de section à l’inspection, monsieur Christian Tomassin, afin que ce dernier le seconde dans le repérage des documents dans les deux bureaux régionaux concernés. Les documents restant en litige se trouvaient dans les bureaux régionaux. [15] Le témoin McLaughlin dépose en preuve, sous la cote O-4, un blanc de formulaire 34-08 appelé « Rapport d’inspection de chantier » complété par l’inspecteur de chantier de l’organisme. Le témoin veut identifier quels sont les types de renseignements qui sont susceptibles de s’y retrouver. Des espaces sont prévus pour inscrire, entre autres, les renseignements suivants : nom de l’entrepreneur, nom de l’un des sociétaires, sa date de naissance, adresse de l’entrepreneur, site de la construction, type d’entrepreneur, valeur du contrat, durée du contrat, type d’infractions d’entrepreneur ou d’employeur, nom du donneur d’ouvrage, et certains renseignements concernant les employés : nom, prénom, numéros d’assurance sociale, date de naissance, téléphone, métier, taux horaire, type d’infraction individu, etc. Le verso du formulaire contient la signification de tous les codes utilisés au recto. [16] Monsieur McLaughlin déclare que le demandeur est connu de l’organisme en ce qu’il sait qu’un litige existe entre l’organisme et la société Les constructions d’Argençon inc. (d’Argençon) dont le demandeur est, croit-il, administrateur. [17] Il dépose, à l’appui de l’existence de ce litige, les documents suivants : O-8 la déclaration produite par l’organisme à titre de demanderesse à la Cour supérieure du district de Chicoutimi dans la cause numéro 150-05-000036-949 contre d’Argençon et une compagnie d’assurance à titre de défenderesses dans une poursuite intentée en vertu de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction 3 et ses amendements; et O-9 défense et demande reconventionnelle amendées dans la même cause. [18] Monsieur McLaughlin précise que l’audition de cette poursuite devant la Cour supérieure est suspendue en raison d’un appel en Cour d’appel concernant des moyens préliminaires. Il ajoute que la question relative au fond du litige n’a 3 L.R.Q., c. R-20, ci-après appelée la « Loi sur les relations de travail ».
01 02 80 Page : 6 pas encore été abordée par la Cour supérieure au moment où il témoigne, le 28 mai 2002. [19] Le Responsale McLaughlin dépose, sous pli confidentiel entre les mains de la Commission, tous les documents en litige décrits au paragraphe 7 ci-haut. [20] Il dépose enfin, sous la cote O-10, la table des matières des documents en litige accompagnant ceux-ci. Il faut rayer de cette table les documents mentionnés sous la rubrique B et le calepin d’un inspecteur inscrit sous la rubrique C. Ces documents ne sont plus en litige. Témoignage de monsieur Christian Tomassin, chef de la direction des inspections. [21] Il occupe cette fonction de chef à la Direction des inspections depuis 2 ans. Antérieurement, il fut conseiller à cette direction pendant 2 ans, avec 12 ans d’expérience comme représentant syndical dans l’industrie de la construction et 10 ans d’expérience à titre d’employé dans cette même industrie. [22] Le témoin Tomassin déclare être très familier avec le contenu des rapports d'inspection et le travail des inspecteurs de l’organisme sur les chantiers de construction. Il a été consulté par le Responsable afin d’assurer le lien avec les régions concernées par la demande d’accès et de bien retracer tous les documents demandés. [23] Les documents déposés sous pli confidentiel sont bien les documents demandés et le nom des réserves Criees concernées y apparaissent. [24] Dès qu’un inspecteur se présente sur un chantier, il cherche à détecter s’il y a des irrégularités ou des infractions aux lois. Il rencontre les employeurs, les salariés, les propriétaires des sites et d’autres intervenants sur les plus grands chantiers. Il enquête, questionne ces personnes, recueille auprès d’elles les informations pertinentes à son enquête, effectue les vérifications nécessaires afin de détecter les infractions aux lois. [25] Monsieur Tomassin continue la description du travail des inspecteurs : ces derniers notent toutes les informations recueillies sur le chantiers dans leur calepin de format réglementaire. Ces informations sont ensuite retranscrites sur le formulaire O-4 (rapport d’inspection de chantier).
01 02 80 Page : 7 [26] Les notes inscrites dans le calepin servent à l’inspecteur pour la complétion du rapport O-4. [27] Le rapport O-4 va servir à la prise d’éventuels recours pénaux qui diffèrent selon la nature des infractions qui y sont constatées. [28] Les inspecteurs sont les seules personnes qui sont autorisées à constater les infractions aux lois pour l’organisme. [29] Le témoin Tomassin explique ensuite le contenu des différentes sections du rapport O-4. Le premier « bloc » contient des informations relatives à l’employeur. Le deuxième « bloc » renseigne sur le chantier, les plaintes logées par les employeurs, les employés ou les citoyens, la valeur du contrat, les codes de motifs d’intervention, comme par exemple un « blitz » ou une intervention planifiée dans un secteur d’activité particulier. Le troisième « bloc » s’intitule « suspension » et est complété dans le cas où la situation commande une ordonnance de suspension des travaux par l’organisme aux termes des pouvoirs que la Loi sur les relations de travail octroie à celui-ci. le quatrième « bloc » contient des information sur l’individu contrevenant, sur l’employeur ou l’entrepreneur contrevenant sur les infractions constatées (voir les codes d’infractions au verso) etc. [30] Le témoin affirme que la divulgation du contenu de ces rapports et documents, que l’information proviennent des employés salariés ou d’autres personnes impliquées sur ces chantiers, risque d’avoir un effet sur l’efficacité des enquêtes futures ainsi que sur la sécurité ou la réputation des informateurs ou des employeurs. Il rappelle que le milieu de la Construction est un milieu très « dur » et compétitif. [31] En contre-interrogatoire, monsieur Tomassin déclare qu’un des mandats de l’organisme est de s’assurer, par les inspections de chantier, que les conventions collectives en vigueur sont respectées, en plus de vérifier s’il y a contravention aux règlements et lois. [32] Le témoin Tomassin continue son témoignage ex parte et à huis clos, sans opposition de la part du demandeur. Il indique à la Commission, à titre d’exemple, les nombreux renseignements nominatifs que contiennent quelques-uns de ces documents. Également, il indique à la Commission où celle-ci devrait trouver les infractions décelées et leur code, à partir de certains exemples.
01 02 80 Page : 8 Témoignage de Francine Dionne, inspectrice [33] Madame Dionne est inspectrice de chantier pour l’organisme depuis 1989. [34] Lorsqu’elle se rend inspecter un chantier, elle doit exhiber sa carte d’identité afin de pouvoir y être admise et faire son travail. [35] Elle note toutes les informations pertinentes qu’elle recueille ou observe lors de la visite du chantier dans un calepin. Elle se réfère à ces notes pour compléter ses rapports d’inspection de chantier (documents en litige A) qu’elle signe par la suite. [36] Le calepin de notes est détruit ou jeté dès que le rapport d’inspection est complété. ii) du demandeur [37] Le demandeur dépose la première page, contenant la signature des parties incluant celle du président de l’organisme, de trois conventions collectives (celles de 1997, 1999 et 2001) en liasse sous la cote D-1. [38] Le demandeur témoigne. Il reconnaît qu’il est actionnaire de la société d’Argençon. Cette société est poursuivie par l’organisme (O-8) et poursuit l’organisme par sa demande reconventionnelle (O-9). [39] Le demandeur déclare que d’Argençon, par sa demande reconventionnelle (O-9), reproche à l’organisme de lui avoir réclamé illégalement certains paiements en vertu de la Loi sur les relations de travail ce qui cause à cette dernière de même qu’à son assureur de graves préjudices. D) LES ARGUMENTS i) de l’organisme [40] L’avocat de l’organisme plaide que preuve est faite que tous les renseignements contenus dans les documents en litige sont recueillis et obtenus uniquement par l’inspecteur de chantier de l’organisme.
01 02 80 Page : 9 [41] Aux termes de la Loi sur les relations de travail 4 , par les inspections de chantier dont il a été question durant les témoignages, l’organisme contrôle et vérifie l’application de cette loi et de ses règlements de même que, accessoirement, le respect des conventions collectives identifiées à la liasse D-1. [42] L’inspecteur de chantier de l’organisme est une personne visée par le premier alinéa de l’article 28 de la Loi car il est une personne chargée, en vertu de la Loi sur les relations de travail, de détecter et réprimer les infractions à cette loi et à ses règlements 5 . [43] L’environnement législatif de la Loi sur les relations de travail et de ses règlements ne s’est pas modifié à cet égard depuis l’affaire Dagg c. Commission de la Construction du Québec précitée, aux pages 93 et 94. La Commission avait statué, à propos des inspecteurs de chantiers de l’organisme, ce qui suit : En argumentation, le procureur de la CCQ a fait valoir le mandat législatif de l'organisme, établi par la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (6) . Il attire l'attention de la Commission sur les articles 4, 7, 7.1, 81, 83 et 83.1[…]. […] Quant à l'application de l'article 28, le procureur du demandeur attire l'attention de la Commission sur la décision rendue dans l'affaire Carrier c. Office du crédit agricole (7) où on avait refusé l'application de l'article 28 à certains rapports d'inspecteurs. Cependant, je ne crois pas cette décision applicable à la présente affaire. Dans le cas de l'Office du crédit agricole, il n'était pas clair que les personnes mandatées étaient, au sens de l'article 28, des personnes «chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois». Dans le cas présent, cette qualité est bien établie. 4 Ib.id. supra note 3, articles 4, 7, 7.1, 81 e) f), 83, 83.1, 84 et suivants, 111.1, 119, 119.1 à 122 etc. 5 Église de scientologie c. Commission des normes du Travail, [1987] CAI 200, 204, 205; Montréal (Communauté urbaine de) c. Winters, [1989] CAI 209 (C.Q.) 211; Ouimet c. Québec (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, [1990] CAI 37, 41; Dagg c. Commission de la construction du Québec, [1995] CAI 89, 93, 94. 6 L.R.Q., c. R-20. 7 [1987] C.A.I. 219
01 02 80 Page : 10 On n'a qu'à s'en référer aux dispositions précitées de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle, et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. [44] La lecture des paragraphes 16 à 19 de la défense et demande reconventionnelle amendée (O-9 ) démontre que les faits en cause sont directement liés à ceux apparaissant aux documents en litige et vice-versa et que la divulgation de ces derniers risquerait d’entraver les procédures devant la Cour supérieure (O-8 et O-9) 8 . ii) du demandeur [45] Le demandeur prétend que le jugement sur la requête en mandamus rendu le 19 mai 1994 par le juge André Gervais de la Cour supérieure du district de Chicoutimi dans cette même cause (150-05-000188-948) de même que le jugement rendu le 6 février 1996 par la Cour d’appel en appel de ce dernier jugement prennent à leur compte comme étant véridiques et connus les faits contenus dans les documents en litige. [46] En conséquence, le demandeur prétend que la divulgation de ces faits ne risque pas d’avoir quelque incidence sur ces procédures O-8 et O-9 ni ne risque de les entraver. [47] Le demandeur soutient que la Commission doit interpréter de façon très restrictive les conditions d’application de l’article 28 de la Loi 9 8 Samson c. Québec (Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu), [1989] CAI 246, 250, 251; Bouchard c. Québec (Ministère de la Main-d’œuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle), [1990] CAI 410, 416; Flamand c. Québec (Ministère de la Justice), [1998] CAI185, 208 209, appel accueilli pour un autre motif. 9 Ville de Ste-Foy c. Drouin, [1986] CAI 413, 415; B. c. Ministère de la Main-d’œuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle, [1991] CAI 183, 189, 190; (Québec) Procureur général c. Beaulieu, [1993] CAI 315, 319.
01 02 80 Page : 11 DÉCISION [48] Les documents déposés sous les cotes O-1, O-2, O-3, O-5, O-6 et O-7 ne sont plus pertinents à la solution du litige tel qu’il est réduit par le demandeur après audition de certains témoignages. La Commission les a donc ignorés dans l’appréciation qu’elle a faite de la preuve. [49] L’organisme soulève le paragraphe 1° ou l’un ou l’autre des paragraphes 2°, 5° et 9° du premier alinéa de l’article 28 pour refuser l’accès à l’ensemble des renseignements demandés. D’autres dispositions invoquées à l’appui du refus de communiquer visent, chacune, une partie des renseignements demandés : il s’agit des articles 53 et 24 (invoqués ceux-là en audience), 23, 31, 37, 39, 9 alinéa 2 de la Loi et 9 de la Charte. [50] La preuve et les arguments entendus jusqu’à ce jour ont porté exclusivement sur la question de savoir si les paragraphes 1°, 2°, 5° et 9° de l’alinéa premier de l’article 28 de la Loi s’appliquent aux renseignements contenus dans les documents en litige : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; […]ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. […]
01 02 80 Page : 12 [51] J’ai bien examiné les documents en litige. La preuve et cet examen me convainquent que ces documents contiennent, en totalité, des renseignements obtenus par des personnes chargées, en vertu des articles 4, 7, 7.1, 81, 83, 83.1 de la Loi sur les relations de travail, de détecter et réprimer les infractions à cette loi et à ses règlements 10 : 4. La Commission a pour fonction d'administrer la présente loi et notamment: […] 2° de vérifier et contrôler l'application de la présente loi et de ses règlements et notamment le respect des normes relatives à l'embauche et à la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction; 3° de s'assurer de la compétence de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction; […] 5° de veiller, dans le cadre des politiques relatives à la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction approuvées par le gouvernement, à l'application des mesures et des programmes relatifs à la formation professionnelle des salariés et des employeurs qui exécutent eux-mêmes des travaux de construction; […] 7. Dans l'exercice de ses pouvoirs, la Commission peut, par elle-même ou une personne qu'elle désigne, enquêter sur toute matière de sa compétence. La Commission, pour ses enquêtes, a les pouvoirs et les immunités d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf le pouvoir d'imposer une peine d'emprisonnement. 7.1. La Commission ou toute personne qu'elle autorise à cette fin peut: 10 Dagg c. Commission de la construction du Québec, op. cit. supra note 5.
01 02 80 Page : 13 1° pénétrer à toute heure raisonnable dans un lieu où s'effectuent des travaux de construction ou dans un établissement d'un employeur; 2° exiger tout renseignement relatif à l'application de la présente loi ou de ses règlements ainsi qu'à celle de la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1) ou de ses règlements en ce qui concerne la qualification des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires, de même que la communication pour examen ou reproduction de tout document s'y rapportant. Toute personne autorisée à exercer les pouvoirs prévus au premier alinéa doit, sur demande, s'identifier et exhiber le certificat délivré par la Commission, attestant sa qualité. 81. En vue d'assurer la mise à exécution d'une convention collective, la Commission peut: […] e) à toute heure raisonnable, examiner le système d'enregistrement, le registre obligatoire et la liste de paie de tout employeur, en prendre des copies ou extraits, vérifier auprès de tout employeur et de tout salarié le taux du salaire, la durée du travail et l'observance des autres clauses d'une convention collective; f) à toute heure raisonnable et même au lieu du travail, requérir de tout employeur ou de tout salarié les renseignements jugés nécessaires ou exiger de ces personnes qu'elles fournissent ces renseignements par écrit à la Commission dans un délai de 10 jours francs suivant la remise d'une demande écrite à cet effet ou suivant le jour où cette demande leur est laissée par tout moyen approprié; […]
01 02 80 Page : 14 83. Commet une infraction et est passible d'une amende de 200 $ à 400 $ dans le cas d'un individu et de 800 $ à 1600 $ dans le cas de toute autre personne: 1° tout employeur ou salarié qui refuse ou néglige de fournir à la Commission ou à toute personne autorisée par celle-ci les renseignements prévus au paragraphe a de l'article 82; 2° tout employeur qui n'accorde pas sur demande à la Commission ou à toute personne autorisée par celle-ci, ou retarde à lui accorder l'accès au registre, au système d'enregistrement ou à la liste de paye prévu au paragraphe a de l'article 82; 3° toute personne qui n'accorde pas à la Commission ou à toute personne autorisée par celle-ci, ou retarde à lui accorder l'accès à un lieu où s'effectuent des travaux de construction ou à un établissement d'un employeur. 83.1. Un salarié ou un employeur qui fait défaut de se conformer à une demande de la Commission en vertu du paragraphe f de l'article 81 commet une infraction et est passible, pour chaque jour que dure l'infraction d'une amende de 200 $ à 400 $ dans le cas d'un individu et de 800 $ à 1600 $ dans le cas de toute autre personne. [52] La preuve (O-9, paragraphes 16 à 19) et la lecture des documents en litige me convainquent que ces derniers renferment en substance des renseignements dont la divulgation peuvent raisonnablement avoir l’effet d’entraver une procédure devant la Cour supérieure (O-8 et O-9) au sens du paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 28 de la Loi, le déroulement de telle procédure judiciaire risquant d’être sérieusement gênée par cette divulgation au sens où ce fut décidé dans l’affaire Samson c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu du Québec 11 : 11 voir supra, note 8, page 251.
01 02 80 Page : 15 […] Dans le présent cas, les renseignements concernés sont des témoignages et différents éléments de preuve (annexes au rapport d’enquête) que l’organisme se propose d’utiliser lors de l’audition devant la Commission des affaires sociales. Il s’agit aussi de la liste des témoins qu’il pourra faire entendre lors de cette audition. La soussignée estime que la divulgation de ces renseignements aurait vraisemblablement pour effet de gêner sérieusement le déroulement de la procédure devant la Commission des affaires sociales, et, partant, de l’entraver. L’article 28 paragr. 1 est donc valablement invoqué pour refuser de les communiquer. [53] En effet, les rapports en litige risquent vraisemblablement de devenir importants pour étayer la véracité des allégations des paragraphes 16 à 19 de la défense O-9, allégations sur le bien-fondé desquelles la Cour supérieure ne s’est pas encore prononcée au moment de l’audition des parties et, a fortiori, au moment de la signature, par le Responsable, de la réponse sous examen. [54] Malgré les prétentions du demandeur au contraire et la lecture du jugement de la Cour supérieure sur la requête en mandamus et du jugement de la Cour d’appel en appel de ce dernier jugement, précités, la Commission ne voit pas où et quand la Cour supérieure a pu se prononcer sur le bien-fondé des allégations 16 à 19 de la défense et demande reconventionnelle O-9. La Commission ne peut non plus voir où la Cour d’appel aurait pu prendre à son compte ces allégations, la Cour supérieure n’ayant pas encore statué sur ces questions en première instance. [55] Le paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 28 justifie à lui seul le refus d’accès à l’ensemble des renseignements contenus aux rapports d’inspection de chantier en litige. Il n’est donc pas nécessaire de statuer sur l’application des autres paragraphes de cet article, non plus d’ailleurs que sur l’application des autres dispositions invoquées par le Responsable dans sa réponse du 2 février 2001 et au début de l’audience, dont les articles 23 et 24 de la Loi. [56] Comme l’application du paragraphe 1° de l’alinéa premier de l’article 28 dispose entièrement du litige, il est inutile que la Commission convoque les parties et les tiers pour la poursuite de l’audience. [57] Sans se prononcer sur la question de savoir s’ils en constituent la substance, la Commission tient à ajouter que les documents en litige sont truffés de renseignements nominatifs qu’il faudrait obligatoirement protéger de toute divulgation advenant que les conditions d’application du paragraphe 1° de l’alinéa premier de l’article 28 de la Loi ne soient plus présentes.
01 02 80 Page : 17 [58] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. Québec, le 13 mars 2003 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e François Charette
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.