Dossier : 98 10 60 Date : 20030311 Commissaire : Christiane Constant Ura GREENBAUM (Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique) Demandeur c. Curateur public du Québec Organisme public DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] M. Ura Greenbaum formule, le 13 mai 1998, auprès du Curateur public du Québec (le « Curateur ») une demande afin d’obtenir « une copie de la Table des matières et de l’introduction » du « Guide pour la gestion de la caisse des bénéficiaires ». [2] Le Curateur communique, le 25 mai 1998, à M. Greenbaum, directeur général de l'Association pour la défense des personnes et biens sous curatelle publique (l'« Association »), un accusé de réception l’informant qu’une réponse lui parviendrait « d’ici le 12 juin 1998 » et qu’un délai supplémentaire serait nécessaire pour le traitement de sa demande, conformément à l'article 98 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
98 10 60 Page : 2 renseignements personnels 1 (la « Loi sur l’accès »). Le Curateur l’informe également qu’en l’absence de réponse dans le délai de trente jours fixé par la Loi sur l’accès, il pourra adresser à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande de révision. [3] N'ayant pas obtenu de réponse, M. Greenbaum soumet, le 25 juin 1998, à la Commission une demande de révision. [4] Une audience se tient à Montréal, le 28 février 2003, en présence des parties et de M me Françoise Paul, témoin pour le Curateur. L’AUDIENCE [5] Au début de l’audience, M e Claire-Élaine Audet, procureure pour le Curateur, informe la soussignée que c'est M. Greenbaum qui a fait la présente demande d’accès et non l’Association. M. Greenbaum confirme ce fait précisant que sa demande d’accès a été faite en son nom personnel et qu'il en est le signataire. [6] En raison de ces précisions, les modifications nécessaires sont apportées au dossier, M. Greenbaum étant le demandeur. LA PREUVE A) M me FRANÇOISE PAUL, TÉMOIN POUR LE CURATEUR [7] M e Audet fait témoigner, sous serment, M me Paul, qui déclare être agente d’information depuis 1990 à la direction des Communications. Elle dépose, dans son intégralité, en deux exemplaires, sous le sceau de la confidentialité, un document intitulé « Guide pour la gestion de la caisse des bénéficiaires » (le « Guide ») et témoigne sur l’ensemble de ce document. [8] M me Paul déclare que des bénéficiaires, sous la responsabilité du Curateur, résident dans des établissements relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux (le « Ministère »). Elle explique que les représentants du Curateur ne peuvent pas être présents physiquement dans chacun de ces établissements pour gérer le montant d’argent alloué à chaque usager faisant l'objet d'une curatelle. En raison de ce fait, le Curateur a rédigé un guide à l’intention de ces établissements afin de les guider notamment dans la gestion des allocations accessibles à ces usagers. Ce Guide permet aux intervenants d’aider 1 L.R.Q. c., A-2.1.
98 10 60 Page : 3 ceux-ci sur la manière appropriée de dépenser leurs allocations mensuelles, par exemple, lors de l’achat de vêtements, de journaux, etc. [9] M me Paul souligne que ce document n’a jamais été distribué au sein du réseau des établissements relevant du Ministère et qu'il n’a jamais été utilisé pour les fins auxquelles il était destiné. [10] Elle ajoute qu'ayant constaté que la manière de procéder du Curateur n’était pas conforme aux dispositions du Code civil du Québec 2 (le « C.c.Q. »), le Vérificateur général avait considéré nécessaire l’intervention du législateur pour régulariser cette situation. M me Paul déclare que le Vérificateur général a émis des recommandations dans son rapport spécial déposé à l’Assemblée nationale, lesquelles visaient à apporter une modification au C.c.Q. Elle dépose à cet effet, sous le sceau de la confidentialité, le Projet de loi n o 45 intitulé Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant le curateur public, confirmant cette partie de sa déposition. [11] M me Paul déclare, qu’en 1999, la fin du premier alinéa de l'article 264 du C.c.Q. a été modifié, et mis en vigueur, avec l’ajout des mots : « ou s’il s’agit de gérer, selon ses directives, l’allocation mensuelle destinée au majeur pour ses dépenses personnelles ». [12] Elle ajoute que le document auquel M. Greenbaum réfère dans sa demande d’accès a été détruit suivant les instructions du Curateur. Cependant, elle en a conservé une copie à ses fins personnelles sans que personne ne lui ait demandé de le faire. B) CLARIFICATION PAR M me PAUL [13] En réponse à une question de M. Greenbaum, M me Paul réitère qu’elle est agente d’information et qu’elle n’est pas responsable de l’accès aux documents au bureau du Curateur. C) M. URA GREENBAUM, DEMANDEUR [14] M. Greenbaum, après avoir été assermenté, commente l’ensemble du document. Il déclare que, le 18 août 1997, le Curateur avait accepté de lui fournir une copie du Guide (pièce D-1), moyennant le paiement des frais de reproduction; et qu'il lui en refuse maintenant l’accès. Il estime que ce refus n’est pas fondé. M. Greenbaum dépose en preuve une lettre du Curateur datée du 4 juillet 1997, 2 L.Q. 1991, c. 64.
98 10 60 Page : 4 l’avisant qu’un suivi serait donné à la demande d’accès qu'il aurait faite le 6 juin 1997 pour un document portant le même titre (pièce D-2). [15] Par ailleurs, M. Greenbaum s’étonne de la position du Curateur qui prétend, à l'audience, ne pas être le détenteur juridique du document et d'en avoir exigé la destruction, alors que dans sa réponse initiale datée du 25 mai 1998, l'organisme n'avait pas mentionné ces arguments. À son avis, ce motif de refus est tardif et la soussignée ne devrait pas en tenir compte. LES ARGUMENTS A) M e CLAIRE-ÉLAINE AUDET, PROCUREURE POUR LE CURATEUR [16] M e Audet invoque l’article 1 de la Loi sur l’accès pour refuser à M. Greenbaum l’accès au Guide, car ce document n’aurait pas été détenu physiquement ou juridiquement par le Curateur dans l’exercice de ses fonctions, en ayant exigé sa destruction par ses employés. M e Audet reconnaît que, malgré les instructions du Curateur, M me Paul a conservé un exemplaire de ce Guide qu’elle utilise à ses fins personnelles, lequel document a été déposé à l’audience sous le sceau de la confidentialité. L’avocate commente, à cet effet, les décisions suivantes qu’elle considère similaires à la présente cause : • Lapointe c. Centre hospitalier et d’hébergement de Rivière-du-Loup 3 . Il s’agit d’une plainte écrite signée par une vingtaine d’employés de l’organisme contre le demandeur. Ils auraient rencontré le directeur général pour lui faire part de leurs préoccupations eu égard au demandeur et lui auraient seulement montré la plainte en question. La preuve a démontré que ces employés n’ont pas remis une copie de ce document au directeur général de l’organisme. La Commission a donc décidé que l’organisme n’était pas le détenteur du document. • J. c. Ville de Québec 4 . Par cette décision, la Commission a statué que l’organisme ne détenait plus les documents recherchés par le demandeur, notamment que « l’obtention du pardon étant intervenue entre la date des décisions de l’organisme refusant d’accéder aux demandes du demandeur et la date fixée pour la tenue d’une audition, il n’y a pas lieu pour la Commission de 3 [2001] C.A.I. 198. 4 [1986] C.A.I. 104.
98 10 60 Page : 5 statuer sur le bien-fondé des demandes originales du demandeur ». • Macdonell c. Procureur général du Québec et Assemblée nationale et CAI 5 . [17] M e Audet argue que, « par mégarde », M me Paul a conservé un exemplaire du document qui n’appartient pas au Curateur. [18] Cependant, dans l’éventualité où la soussignée décide que le Curateur détenait juridiquement ce document, M e Audet suggère d’autoriser l'organisme à inscrire à la copie devant être remise à M. Greenbaum la mention « Document non autorisé et non distribué ». B) M. URA GREENBAUM, DEMANDEUR [19] M. Greenbaum, pour sa part, demande à la soussignée de ne pas retenir l’argument du Curateur voulant qu'il n’était pas le détenteur du document recherché, ne l’ayant pas mentionné à sa réponse datée du 25 mai 1998. Il estime avoir droit à ce document que le Curateur détenait dans l’exercice de ses fonctions, d’autant que celui-ci lui a déjà offert, dans le cadre d’une autre demande d’accès, de lui en fournir une copie (pièces D-1 et D-2 précitées). Il ajoute que le Curateur est le détenteur du Guide qu’il a demandé et qui a été déposé, sous le sceau de la confidentialité, par l’une de ses employées, M me Paul. DÉCISION [20] La soussignée retient que le Curateur a fait parvenir à M. Greenbaum, le 25 mai 1998, un accusé de réception l’avisant a) qu'il procédait à l’analyse de la demande et qu'une réponse lui serait transmise « d’ici le 12 juin 1998 »; b) qu’un délai supplémentaire de dix (10) jours lui serait nécessaire pour le traitement de la demande; c) qu’en l’absence de réponse et à l’expiration du délai de trente (30) jours, M. Greenbaum avait le droit de formuler une demande de révision auprès de la Commission. [21] Le contenu de cette lettre démontre que le Curateur n’a pas avisé M. Greenbaum qu’il n’était pas le détenteur de document recherché. 5 [2002] C.S.C. 71, 22 janvier 2002.
98 10 60 Page : 6 [22] Malgré la déposition de M me Paul déclarant que le Curateur avait exigé de ses employés la destruction du document faisant l’objet du présent litige et du fait qu’elle en ait conservé un exemplaire pour son usage personnel, la preuve n’a pas démontré qu’au moment de la demande d’accès de M. Greenbaum, le 13 mai 1998, le Curateur avait déjà détruit ledit document; il en était alors le détenteur au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès ci-après cité : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [23] Dans la décision Héroux c. Commission de la fonction publique du Québec 6 , il est établi qu’« un document détenu par un employé d’un organisme public dans l’exercice de ses fonctions est un document détenu par l’organisme ». [24] Par ailleurs, un examen des trois jugements soumis par le Curateur a démontré que ceux-ci ne s’appliquaient pas à la présente cause. [25] Pour ces raisons, il n’y a pas lieu de statuer sur le Projet de loi n o 45 déposé par le Curateur à l’audience, sous le sceau de la confidentialité, et traitant des modifications législatives qui ont été apportées à l’article 264 du C.c.Q. après la demande d'accès de M. Greenbaum. [26] En ce qui concerne l’information soumise par M. Greenbaum voulant que le Curateur lui aurait offert ou communiqué, dans le passé, une copie de ce même document; rien ne démontre qu’il l’aurait reçue et que son contenu aurait été identique à celui du document faisant l’objet du présent litige. [27] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande de révision de M. Ura Greenbaum contre le Curateur public du Québec; PREND ACTE que le Curateur communiquera à M. Greenbaum une copie du « Guide pour la gestion de la caisse des bénéficiaires » sur laquelle il aura préalablement inscrit à chaque page la mention « Document non distribué et non autorisé ». 6 [1986] C.A.I. 371.
98 10 60 Page : 7 CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 11 mars 2003 M e Claire-Élaine Audet Lejeune & Associés Procureurs du Curateur public du Québec
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