Dossier : 02 05 48 Date : 20030228 Commissaire : Christiane Constant Michel GAUTHIER Demandeur c. Ville de Montréal Organisme public DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 21 avril 2002, M. Michel Gauthier demande au Service de police de la Ville de Montréal (l'« organisme ») de lui faire parvenir une copie du dossier relatif à son arrestation, le 12 octobre 2001, par des policiers dont il désire entre autres connaître le numéro de leur matricule. [2] Le 24 avril, l'organisme répond partiellement à la demande de M. Gauthier en lui communiquant les coordonnées au travail des policiers ayant procédé à son arrestation. Il refuse toutefois d'acquiescer au reste de sa requête invoquant à cet effet l’article 28 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [3] Insatisfait de cette réponse, M. Gauthier soumet, le 2 mai 2002, une demande pour réviser cette décision à la Commission d'accès à l'information (la « Commission »). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 05 48 Page : 2 L'AUDIENCE [4] Une audience est tenue à Montréal, le 27 février 2003, en présence des parties et de M me Francine Boisjoly, épouse de M. Gauthier. Preuve Ex parte [5] M e Paul Quézel, avocat de l'organisme, demande de présenter une preuve ex parte en vertu de l’article 20 des Règlements de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 . L’avocat invoque également les paragraphes 4 et 5 de l’article 28 de la Loi sur l'accès ci-après cités. Cette demande est accordée, après que la soussignée ait expliqué à M. Gauthier le but d’une preuve ex parte et l'obligation pour celui-ci de se retirer de la salle à ce stade-ci de l’audience. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: [...] 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; [...] [6] Le capitaine Georges Ménard témoigne sous serment sur les éléments contenus au rapport d’événement et sur les motifs pour lesquels il estime que les renseignements qui s’y trouvent, ne peuvent pas être divulgués à M. Gauthier. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
02 05 48 Page : 3 Reprise de l’audience DÉPOSITION DE M. MICHEL GAUTHIER [7] M. Gauthier qui témoigne, sous serment, confirme que l’organisme lui a fourni une partie des renseignements recherchés. Il ajoute vouloir obtenir une copie intégrale du dossier que détient l'organisme à son sujet, pour pouvoir s’en servir à l’encontre d’accusations de nature criminelle portées contre lui par certaines personnes. [8] Selon M. Gauthier, ces renseignements se retrouvent au dossier détenu par l'organisme. Il souhaite particulièrement connaître les coordonnées de toutes les personnes qui ont porté contre lui des plaintes « d’accusations de harcèlement criminel et menaces de mort ». DÉCISION [9] La soussignée a examiné le dossier intégral que l'organisme a déposé sous le sceau de la confidentialité; il est truffé de renseignements nominatifs qui doivent demeurer confidentiels en conformité à l’article 53 de la Loi sur l'accès, car leur divulgation risque de permettre d’identifier des personnes physiques au sens de l’article 54 de cette Loi, et ce, tel qu'il a été statué à la décision Nadeau c. Ville de Laval 3 . Les dispositions législatives prévues à ces articles sont impératives et ont un caractère d’ordre public; elles peuvent être soulevées en tout temps, tel que le prévoit le jugement Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 4 . [10] Les articles 53 et 54 de la Loi sur l'accès se lisent comme suit : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 3 C.A.I. Montréal, n o 99 22 60, 26 février 2002, c. Constant. 4 [1991] C.A.I. 311 (C.Q.).
02 05 48 Page : 4 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [11] De plus, ces renseignements ont été obtenus par des personnes chargées de prévenir, de détecter ou de réprimer le crime au sens du premier alinéa de l’article 28. Leur divulgation risque de mettre en péril la sécurité d’une personne (paragraphe 4 de l’article 28). Tel qu'il est mentionné à la décision Lebel c. Ville de Sainte-Foy 5 , cette obligation générale de protection couvre l’ensemble des renseignements qu’ils soient ou non nominatifs. [12] M. Gauthier, pour sa part, reconnaît que l'organisme lui a fait connaître les coordonnées de deux sergents-détectives chargés de mener une enquête relative aux accusations de nature criminelle portées contre lui. Cependant, il prétend que ce sont plutôt deux autres sergents-détectives qui auraient été chargés de cette enquête. [13] La soussignée considère que la divulgation de l'information recherchée serait susceptible de causer un préjudice à une personne qui est l’auteur de ce renseignement ou qui en est l’objet (paragraphe 5 de l’article 28). Les auteurs Duplessis et Hétu commentent comme suit le cas Couto c. Ville de Longueuil 6 : […] le préjudice s’apparenterait, dans la plupart des cas, à un risque d’affrontement entre les personnes impliquées ou des représailles contre elles ou encore à une atteinte à leur réputation. [14] L’examen exhaustif des documents soumis sous le sceau de la confidentialité ainsi que la preuve ex parte permettent à la soussignée de croire que les renseignements qu’ils contiennent ne peuvent pas être communiqués à M. Gauthier, car leur divulgation risque d’avoir un effet nuisible sur les personnes mentionnées à ces documents, tel que l’a statué la Commission dans sa décision Douville c. Communauté urbaine de Montréal 7 . [15] Par ailleurs, l’article 83 de la Loi sur l'accès prévoit que toute personne a le droit d’être informée d’un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit d’obtenir communication de tout renseignement nominatif qui le concerne. [16] Toutefois, un organisme a le droit de refuser à une personne, comme dans ce cas-ci, M. Gauthier, la communication d’un renseignement nominatif le 5 [1999] C.A.I. 97. 6 [1987] C.A.I. 24 dans M e Yvon DUPLESSIS et M e Jean HÉTU, L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels – Loi indexée, commentée et annotée, Brossard, Publications CCH ltée, 2002, p. 80 801. 7 [2000] C.A.I. 165.
02 05 48 Page : 5 concernant, lorsque sa divulgation risque de révéler un renseignement nominatif sur une autre personne physique sauf si ce tiers donne, au préalable, une autorisation écrite au sens de l’article 88 de la Loi sur l'accès ci-après énoncé : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [17] Dans le cas sous étude, la preuve n’a pas démontré que les personnes mentionnées au rapport d’événement concernant M. Gauthier aient préalablement consenti à la communication des renseignements nominatifs qui y sont inscrits. [18] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M. Michel Gauthier contre la Ville de Montréal; FERME le présent dossier n o 02 05 48. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 28 février 2003 M e Paul Quézel Affaires juridiques – S.P.V.M. Procureur de la Ville de Montréal
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