Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 02 85 Date : Le 28 juillet 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot [X] Le demandeur c. CENTRALE DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ L’entreprise DÉCISION L’OBJET : DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D’ACCÈS formulée en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] Le 13 janvier 2004, le demandeur s’adresse à l’entreprise pour obtenir copie de son dossier en entier, incluant les conclusions auxquelles l’entreprise en est venue à son sujet ainsi que les modalités de l’enquête faite par celle-ci pour en arriver à ces conclusions, le cas échéant. [2] Le 22 janvier suivant, la directrice administrative de l’entreprise, Élaine Blanchet, lui fait tenir une série de documents mais lui refuse l’accès à d’autres documents ou renseignements personnels au motif que leur divulgation serait 1 L.R.Q., c. P-39.1 ci après appelée « la Loi ».
04 02 85 Page : 2 susceptible de nuire sérieusement à des tiers, le tout tel que le stipule l’article 40 de la Loi. [3] Le 20 février 2004, le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que celle-ci examine la mésentente et une audience à cette fin se tient en la ville Montréal, au 18 e étage du 500 boul. René-Lévesque, Ouest, le 6 mai 2005 au cours de laquelle les parties ont été entendues de façon pleine et entière. Le délibéré peut donc commencer à cette dernière date. L’AUDIENCE A. LE LITIGE [4] Les parties s’entendent pour limiter l’objet de la mésentente au refus de communiquer la totalité du compte rendu d’une rencontre du comité « aviseur » (ci-après appelé le « comité ») qui s’est déroulée le 24 février 2003 et qui a été rédigé sur deux pages le 19 mars suivant par madame Élaine Giroux, membre du comité et présente à cette rencontre. [5] Ce compte rendu, objet de la mésentente créée par le refus de le communiquer, est remis sous pli confidentiel à la Commission, par l’entreprise, afin que la soussignée puisse se prononcer sur l’accessibilité du demandeur à ce document. [6] L’avocat de l’entreprise dépose en liasse sous la cote E-1, avec le consentement du demandeur, les documents qui ont été remis à ce dernier par l’entreprise avec la décision du 22 janvier 2004 à l’origine de la mésentente. [7] Le demandeur reconnaît avoir reçu ces documents. [8] En raison du caractère très personnel des renseignements se trouvant contenus aux documents déposés en liasse sous cette cote E-1, lesquels renseignements concernent autant des tiers que le demandeur, E-1, la soussignée frappe ceux-ci (à l’exception de la lettre du 22 janvier 2004) d’un interdit de publication, de communication et de diffusion par la Commission, tel interdit ne valant toutefois pas à l’encontre des parties qui pourront toujours en obtenir copie de cette dernière. B. LA PREUVE i) de l’entreprise
04 02 85 Page : 3 Témoignage de madame Noëlaine Allard [9] Madame Allard déclare qu’elle est conseillère en relation de travail et qu’elle a siégé à la rencontre du comité, le 24 février 2003. [10] Le témoin déclare que le demandeur est un salarié que l’entreprise représente, cette dernière étant un syndicat dont il est membre. [11] Elle explique que le comité est formé de personnes œuvrant au sein de l’entreprise. [12] Ce type de comité peut être formé lorsqu’une plainte est formulée par un salarié contre un autre salarié aux termes de la politique de l’entreprise intitulée « Politique contre la violence et le harcèlement en milieu de travail » (la Politique). [13] Dès que, d’une part, un salarié que représente l’entreprise est l’objet d’un avis disciplinaire pour manquement à une politique de l’employeur relative au harcèlement en milieu de travail, avis faisant l’objet d’un grief de la part de cet employé, et que, d’autre part, un autre salarié qu’elle représente également, formule une plainte en vertu de la Politique contre le salarié visé par les mesures, l’entreprise forme un comité qui, sur rapport d’enquête, se prononce sur l’à-propos de maintenir ou de retirer le grief du salarié visé par l’avis disciplinaire. [14] Madame Allard déclare que c’est en de telles circonstances que le comité a été formé pour enquêter et tient la rencontre du 24 février 2003 au cours de laquelle sont présentées verbalement les démarches d’enquêtes et leurs conclusions, est discuté le cas du demandeur et est prise la décision, entre autres, de retirer le grief contestant l’avis disciplinaire. [15] Le document en litige constitue le compte rendu de cette rencontre. Il contient notamment le nom des personnes membres du comité présentes lors de cette rencontre, le sujet de la rencontre, le portrait de la situation où le nom et la fonction des personnes rencontrées par les deux membres enquêteurs du comité sont énumérés, les conclusions des deux enquêteurs, les décisions prises par le comité et les motifs en considération desquels ces décisions sont prises. [16] Madame Allard ajoute qu’elle et un autre membre du comité ont communiqué verbalement au demandeur les décisions prises par le comité. ii) du demandeur
04 02 85 Page : 4 [17] Le demandeur déclare qu’il ne veut pas connaître les noms des personnes rencontrées par les enquêteurs ni leurs commentaires. Il ne veut savoir que ce qui a été dit ou considéré par le comité pour en arriver à de telles décisions. [18] Le demandeur ne présente aucun autre élément de preuve. C. LES ARGUMENTS [19] L’avocate de l’entreprise plaide que la preuve démontre que la divulgation au demandeur des renseignements personnels le concernant contenus au compte rendu en litige risque vraisemblablement de révéler aussi des renseignements personnels concernant des tiers et de nuire à ces tiers au sens de l’article 40 de la Loi et de la jurisprudence de la Commission qu’elle juge pertinente 2 . [20] Le demandeur ne fait part d’aucune plaidoirie, s’en remettant tout simplement à la décision de la Commission. DÉCISION [21] J’ai examiné le document en litige. [22] Ce document contient des renseignements concernant les personnes physiques suivantes : les collègues de travail du demandeur et les membres du comité. [23] Les dispositions de la Loi applicables en l’espèce sont les articles 2, 13 et 40 : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. 2 X. c. Groupe CFC, [2001] CAI 146, 148, 149 (98 16 30); Mercier c. Office municipal d’habitation de Saint-Damien-de-Buckland, [1995] CAI 144 (94 08 60).
04 02 85 Page : 5 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. LES RENSEIGNEMENTS CONCERNANT LES COLLÈGUES DE TRAVAIL DU DEMANDEUR [24] Les renseignements personnels concernant les collègues de travail du demandeur ne sont pas des renseignements visés par l’article 13 puisqu’ils concernent autant ces derniers que le demandeur. [25] La lecture comparée des documents déposés en liasse sous la cote E-1 et du document en litige me convainc que le demandeur connaît déjà les renseignements personnels le concernant lui ainsi que ses collègues de travail et qui lui seraient révélés, au sens de l’article 40, par la divulgation du document en litige. [26] La divulgation de ce document ne lui apprendrait donc rien qu’il ne sache déjà à leur propos. [27] De plus, rien dans la preuve ne vient établir que ces personnes aient souffert dans le passé de quelque inconvénient que ce soit en raison de cette connaissance qu’a le demandeur de ces renseignements à leur propos. [28] Il est donc raisonnable de conclure que la divulgation au demandeur des renseignements les concernant n’aura pas sur elles les effets désastreux prévus à l’article 40. LES RENSEIGNEMENTS CONCERNANT LES MEMBRES DU COMITÉ [29] Selon la preuve entendue et à la lecture du document en litige, il est raisonnable de conclure que les membres du comité sont à l’emploi de l’entreprise qui est une personne morale.
04 02 85 Page : 6 [30] Je suis d’avis que ces membres du comité agissent dans l’exercice de leur fonction au sein de cette entreprise. [31] Le nom, la signature et la fonction des membres du comité qui sont mentionnés au compte rendu en litige de même que les propos qu’ils ont tenus ou les actions qu’ils ont posées et qui y sont rapportés ne sont pas des renseignements personnels concernant ces personnes physiques comme individus mais bien comme représentants d’une personne morale, l’entreprise, qui ne peut agir à ce titre que par ces personnes physiques qui la représentent 3 . [32] Ces renseignements ne permettent pas d’identifier ces individus; ils servent plutôt à mieux identifier l’entreprise et à obliger cette dernière vis-à-vis les tiers. [33] En conséquence, de tels renseignements concernant les membres du comité apparaissant au document en litige ne sont pas des renseignements personnels visés par les articles 2, 13 ou 40 de la Loi. [34] Le document en litige concerne le demandeur; compte tenu de ce qui précède, il lui est donc accessible en entier. [35] POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la demande d’examen de mésentente; et ORDONNE à l’entreprise de remettre au demandeur la totalité du compte rendu en litige. DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de l’entreprise : M e Ève St-Hilaire (Grondin, Poudrier, Bernier, avocats) 3 Chouinard c. Ministère de la Justice et al, C.A.I Québec 99 18 51, le 20 décembre 2004, paragraphes 26 @ 34; Lavoie c. Pinkerton du Québec ltée, [1996] CAI 67, 73; Clark, Campbell c. Québec (Ministère des Relations avec les Citoyens et de l’Immigration) et al, C.A.I. Québec 01 08 03, le 28 juillet 2004, paragraphes 164 et 165; 9052-1170 Québec inc. (le Groupe Vespo) c. École de technologie supérieure et al., C.A.I., Québec 03 03 01, le 12 décembre 2003, paragraphe 47.
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