Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

02 02 16 STÉPHANE PRINCE, demandeur, c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, organisme public. L'OBJET DU LITIGE M. Stéphane Prince conteste devant la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») la décision rendue par son ancien employeur, le ministère de la Sécurité publique (le « Ministère »), de lui refuser la rectification demandée concernant sa fiche de rendement datée du 7 janvier 2000. Une audience se tient à Sherbrooke le 28 novembre 2002 et le Ministère, le 13 décembre suivant, complète sa preuve. LA PREUVE M. André Marois, responsable de laccès et de la protection des renseignements personnels, raconte avoir obtenu la demande de rectification de M. Prince le 24 octobre 2001 et lavoir transmise pour traitement au directeur du Service de détention de Sherbrooke, M. Michel Gagnon. Ce dernier la avisé, le 18 janvier 2002, quil ne pouvait modifier lopinion inscrite à cette fiche de rendement et, conséquemment, accéder à la demande de M. Prince. M. Gagnon consent toutefois à annexer intégralement les commentaires de celui-ci.
02 02 16 - 2 M. Marois expédie à M. Prince cette réponse de M. Gagnon, le 21 janvier 2002, assortie de loffre dinclure les commentaires conformément à larticle 91 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), tout en sexcusant du délai requis pour traiter sa demande. M. Denis Germain atteste avoir signé la fiche de rendement sous étude (pièce O-1 en liasse) alors qu'il était directeur du Centre de détention de Sherbrooke à lépoque. Il raconte que M. Prince était en stage probatoire au Centre de détention de Sherbrooke et que lévaluation inscrite à la fiche de rendement venait mettre fin à son emploi. Il prétend que M. Prince navait pas le profil pour assumer lemploi, particulièrement en raison de son comportement général, notamment lié aux conflits avec des collègues de travail et des personnes incarcérées ainsi que certaines autres lacunes non significatives. Il affirme ne pas avoir changé dopinion, même après avoir pris connaissance des arguments soumis par M. Prince à lappui de sa demande de rectification. Interrogé par M. Prince, M. Germain mentionne quil réalise les évaluations de rendement des officiers et quil exerce la responsabilité de réviser celles de lensemble des membres du personnel, et ce, depuis 1996. M. Prince confirme le dépôt, le 7 janvier 2001, dun grief à lencontre de son congédiement (pièce D-2), étant dans lattente dune date pour procéder. Il conteste notamment le commentaire apparaissant à son évaluation et portant sur sa disponibilité : COMMENTAIRES 1- Malgré une lettre davertissement pour non-disponibilité, vous avez continué à accumuler dautres non-disponibilités. Il faut donc voir à corriger cette situation. (Voir feuille en annexe) 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 02 16 - 3 M. Prince fait valoir quil na pas reçu lannexe mentionnée ci-dessus. Il soumet que la seule feuille quil a pu consulter à ce sujet est celle répertoriant sa disponibilité sur appel téléphonique, intitulée « Liste des appels téléphoniques effectués », en date du 16 novembre 1999 (pièce D-4). Il explique que son emploi exigeait, en certaines occasions, une disponibilité au travail sur appel téléphonique de lemployeur. Il soutient navoir obtenu aucune fiche de « Contrôle de disponibilité », celle-ci étant habituellement remise pour confirmer un refus de travail à la suite dun appel téléphonique (pièce D-1 en liasse). En raison de labsence de cette fiche de contrôle, il demande à ce que les renseignements se rapportant aux refus de travail sur appels téléphoniques soient retirés de son dossier. Il affirme que la liste détenue par le Ministère ne tient pas compte, également, de la lettre du 16 novembre 1999 devant être retirée à son dossier parce quil a obtenu gain de cause lors dun grief. Il en est de même, dit-il, des informations erronées inscrites à cette liste pour les dates des 10 février, 8 mars et 29 août 1999. Il prétend quà ces dernières dates, il était présent au travail, en congés de maladie ou en vacances (pièce D-3). M. Prince exprime lavis que M. Germain ne possède pas les aptitudes nécessaires pour évaluer un employé, cette responsabilité incombant, selon lui, à la Direction des ressources humaines. Interrogé par la Commission, M. Germain ne peut confirmer si la pièce D-4 est bien lannexe qui se trouvait à la fiche dévaluation de rendement de M. Prince. Il indique également quil ne sait pas si M. Prince a reçu le document « Contrôle de disponibilité » pour chacune des dates inscrites à cette pièce D-4. Il sengage à aviser la Commission et M. Prince, dans les 15 jours, de lexistence ou non de ces derniers documents et, le cas échéant, à les lui remettre, ce qui fut réalisé le 13 décembre 2002. M. Marois écrit que : Les vérifications entreprises dans ce dossier eu égard à l'audience du 28 novembre 2002 à Sherbrooke m'ont amené
02 02 16 - 4 -à contacter monsieur Michel Gagnon directeur des Services en détention de l'établissement de détention de Sherbrooke et monsieur Jean-Pierre Mathieu de la Direction du personnel et des ressources financières. Nous avons tenté d'identifier le document cité dans la fiche d'évaluation du 6 janvier 2000, à la rubrique « Disponibilité ». Monsieur Michel Gagnon ne peut confirmer de quel document il s'agit. Il opine cependant qu'il pourrait s'agir de la liste des appels effectués le 16 novembre 1999. Les autres vérifications faites au dossier de la Direction du personnel et des ressources financières ne sont pas plus concluantes puisque l'évaluation recherchée ne s'y retrouve pas. À titre d'information, concernant les formulaires de contrôle de disponibilité, monsieur Michel Gagnon m'explique qu'il s'agissait d'une nouvelle mise en place graduellement à la fin de 1999 et au début 2000. Cette nouvelle pratique n'ayant pas été implantée dans tous les établissements de détention à cette époque, certains gestionnaires avaient quand même commencé à utiliser ces formulaires. Ceci explique pourquoi l'établissement de détention ne retrouve pas les formulaires de contrôle de disponibilité pour le 6 février, le 18 mars, le 7 avril et le 14 juillet 1999. LES ARGUMENTS M e Isabelle Normand réitère loffre faite par le Ministère à M. Prince de verser lensemble de ses commentaires à son dossier conformément à larticle 91 de la Loi : 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. M e Normand plaide que le Ministère a satisfait les exigences de larticle 90 de la Loi en démontrant que le fichier de M. Prince ne peut être rectifié ni retiré 2 , M. Germain refusant notamment de modifier lopinion quil a émise lors de cette évaluation de rendement 3 : 2 M. c. Centre Hospitalier régional de Loutaouais, [1984-84] 1 C.A.I. 212. 3 Galipeau c. Ministère de la Main-dœuvre et de la Sécurité du revenu du Québec, [1989] C.A.I. 1 et 115 (C.Q.).
02 02 16 - 5 -90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. M e Normand fait valoir que la preuve non contredite confirme que lévaluation de M. Prince renferme lopinion de M. Germain et que celle-ci ne peut être modifiée contre le gré de son auteur 4 ou permettre de substituer une opinion à celle de lauteur 5 . Elle est davis que la Commission ne peut pas décider non plus du caractère abusif ou non de commentaires de lemployeur 6 , car seuls les faits objectivement vérifiables donnent droit à la rectification 7 . M e Normand avance que M. Prince a produit au moins deux demandes de griefs et que lactuel dossier constitue plus un sujet en matière de relations de travail que de droit à la rectification. Elle prétend que le droit à la rectification ne peut se substituer à celui de révision ou dappel dune décision rendue par le Ministère en matière de relations de travail 8 . APPRÉCIATION Le seul objet du litige est de décider si le commentaire se trouvant sous la rubrique n o 1, intitulée « Disponibilité », à la fiche dévaluation du rendement de M. Prince peut être retiré. M. Prince veut que soit retranché ce commentaire parce quil na pas reçu le formulaire « Contrôle de disponibilité » (pièce D-1), venant confirmer ou non les 4 M c. Communauté urbaine de Montréal, [1989] C.A.I. 103; Lambert c. École Mont Saint-Antoine inc., [1989] C.A.I. 300; M.L.B. c. Communauté urbaine de Montréal, [1991] C.A.I. 88; M c. C.L.S.C. Normandie, [1986] C.A.I. 87; S. c. Communauté urbaine de Montréal, [1988] C.A.I. 33. 5 X... c. Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, [1989] C.A.I. 148; Massicotte c. École Mont-Saint-Antoine, [1989] C.A.I. 377. 6 Lambert c. École Mont-Saint-Antoine inc., précitée, note 4. 7 Massicotte c. École Mont-Saint-Antoine, précitée, note 5. Dufour c. Ministère de la Justice, [1987] C.A.I. 20; Morel c. Office du crédit agricole du Québec, [1986] C.A.I. 17. 8 Forget c. Société de l'assurance automobile du Québec, [1992] C.A.I. 104.
02 02 16 - 6 -appels téléphoniques effectués par son employeur chez lui pour quil se présente au travail (pièce D-4). Il motive également sa demande de retrait parce que la « Liste des appels effectués » (pièce D-4) ne tient pas compte des raisons justifiant soit son refus ou soit quil nait pas été rejoint. La « Liste des appels effectués » est un tableau cumulatif qui reproduit successivement la date de lappel, lheure de lappel, lacceptation, le code, le type dappel, le type de téléphone (maison), la date du début du remplacement, la date de la fin du remplacement, létablissement, le secteur, le poste, le quart de travail, etc. M. Prince ne conteste pas linscription des dates des appels téléphoniques apparaissant sur cette « Liste des appels effectués », mais plutôt le fait que son employeur na pas tenu compte des situations justifiant, selon lui, quil na pu être rejoint ou quil a refusé. Larticle 89 de la Loi permet à la Commission de rectifier un fichier inexact, incomplet ou équivoque. Ce que soumet M. Prince au sujet de la « Liste des appels téléphoniques » ne se rapporte pas à une rectification visant un fait objectivement vérifiable, telle une mauvaise date ou une heure dappel incorrect. Il sagit plutôt de la position de M. Prince contestant linscription de certaines dates dappels par son employeur. La Commission est davis que ce litige relève davantage dun conflit en matière de relations de travail et ne peut se résoudre par une demande de rectification. En conséquence, vu la preuve, la Commission en arrive à la conclusion que le commentaire sous la rubrique n o 1, intitulée « Disponibilité », à la fiche d'évaluation du rendement de M. Prince est lopinion émise par M. Germain lors de lévaluation et ne peut, en lespèce, faire lobjet dune rectification. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :
02 02 16 - 7 -PREND ACTE de loffre faite par le Ministère à M. Prince de verser ses commentaires au dossier;
02 02 16 - 8 -REJETTE la demande de rectification de M. Prince. M e MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 30 janvier 2003 M e Isabelle Normand Procureure de l'organisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.