Dossier : 02 08 15 Date : 29 janvier 2003 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. VILLE DE LAVAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS [1] Le 7 mai 2002, le demandeur s’adresse à la Ville de Laval (la Ville) pour obtenir un dossier de police qu’il identifie avec précision. Le demandeur spécifie qu’il est la personne impliquée dans ce dossier et que tous les renseignements demandés lui sont nécessaires pour l’exercice de recours différents, qu’il explique, contre des policiers de la Ville. [2] Le 24 mai 2002, le responsable de l’accès à l’information (Service de protection des citoyens) de la Ville lui transmet copie d’un rapport d’événement. Il indique avoir retranché de ce rapport des renseignements nominatifs dont la divulgation n’a pas été autorisée par les personnes concernées, ce, en vertu des articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ; le responsable ajoute avoir également retranché de ce rapport des renseignements obtenus par une personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions 1 L.R.Q, c. A-2.1.
02 08 15 Page : 2 aux lois et dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice à des personnes qui sont auteurs des renseignements ou qui en sont l’objet, ce, en vertu des articles 28 (5) et 87 de la loi précitée. [3] Le 28 mai 2002, le demandeur intente un recours en révision de cette décision. Il réitère alors que tous les renseignements demandés lui sont nécessaires à des fins judiciaires. L'AUDIENCE A) LA QUESTION PRÉLIMINAIRE [4] L’avocat du demandeur soumet une demande détaillée qui précise les renseignements auxquels son client demande accès, à savoir : 1. « Copie des dépositions écrites de tous les déposants en rapport avec le rapport d’événement » visé par la demande d’accès du 7 mai 2002; 2. Accès aux informations qui ont été rayées sur ledit rapport; 3. Accès aux autres documents ou rapports préparés par la Police de Laval faisant suite au rapport ci-dessus. ». [5] L’avocate de la Ville signale que le responsable a donné suite à la demande d’accès du 7 mai 2002 laquelle était complétée par une feuille qui y était jointe. À son avis, la demande détaillée n’est pas recevable si elle élargit la demande d’accès du 7 mai 2002 traitée par le responsable. À son avis également, cette demande détaillée n’est pas nécessaire si elle est comprise dans la demande d’accès déjà traitée par le responsable. [6] L’avocate prétend que le 3 ième élément de la demande détaillée excède l’objet de la demande du 7 mai 2002 qui, elle en convient, vise un « dossier de police ». Elle rassure l’avocat du demandeur en spécifiant que le traitement effectué par le responsable a porté sur le dossier visé par la demande d’accès du 7 mai 2002. [7] Après discussion, les parties s’entendent : la demande détaillée est retirée, la Commission n’ayant été saisie que d’une demande de révision par laquelle le demandeur conteste la décision du 24 mai 2002, laquelle ne porte que sur la demande d’accès du 7 mai précédent. Il ne pouvait en être autrement, vu l’article 135 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels :
02 08 15 Page : 3 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. B) LA PREUVE i) de l'organisme [8] L’avocate de la Ville fait entendre M. Michel Tremblay qui témoigne sous serment. M. Tremblay affirme être assistant-directeur du Service de protection des citoyens de la Ville et responsable de l’accès aux documents détenus par la Ville pour ce service. [9] M. Tremblay a traité la demande d’accès du 7 mai 2002; Il a remis une partie des renseignements au demandeur. Il remet à la Commission le dossier complet visé par la demande d’accès du 7 mai 2002. Il a pris connaissance de la demande de révision. [10] M. Tremblay n’est pas contre-interrogé. [11] La Commission reçoit à huis clos et ex parte le témoignage de M. Tremblay concernant les renseignements qui sont en litige.
02 08 15 Page : 4 ii) du demandeur [12] Le demandeur ne présente aucune preuve. C) LES ARGUMENTS i) de l'organisme [13] L’avocate de la Ville prétend que les renseignements en litige sont nominatifs. [14] Elle avance que le 5 ième paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès s’applique notamment aux personnes qui sont les auteurs des renseignements en litige ainsi qu’aux policiers qui ont participé à l’enquête et que le demandeur entend poursuivre, comme il l’a effectivement expliqué dans sa demande d’accès. [15] Elle soutient enfin que les divers recours projetés par le demandeur sont régis par des règles de preuve propres, notamment en matière de divulgation de renseignements, d’admission et de force probante. À son avis, la Ville se doit de protéger le caractère confidentiel des renseignements nominatifs qui sont en litige malgré l’intention du demandeur d’exercer des recours. ii) du demandeur [16] L’avocat du demandeur prétend qu’aucun préjudice ne sera causé à l’auteur des renseignements en litige ou à la personne qui en fait l’objet. À son avis, le 5 ième paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès ne peut recevoir application : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible:
02 08 15 Page : 5 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; [17] Il prétend que le demandeur soupçonne que les personnes qui ont requis l’intervention policière lors de l’événement visé par sa demande d’accès font partie de sa famille. De l’avis du demandeur, la plainte portée contre lui par ces personnes serait diffamatoire; le demandeur, dont les démarches sont sérieuses, doit notamment avoir accès au nom des personnes qui le diffament parce qu’il entend obtenir, par voie judiciaire, la cessation de cette atteinte à sa réputation. [18] L’avocat du demandeur précise que son client croit que son frère serait la personne qui a requis l’intervention des policiers et il veut s’en assurer afin de le poursuivre; à son avis, la déclaration faite aux policiers par le frère du demandeur est neutre, factuelle et non nominative par rapport à son auteur. [19] Il prétend que le rapport d’événement, rédigé par un policier, est neutre et factuel; à son avis, ce rapport ne comprend pas de renseignements nominatifs. [20] Il soutient que le nom de témoins ou de la source d’une information ne sont pas des renseignements nominatifs. [21] L’avocat du demandeur s’interroge enfin sur le caractère nominatif des renseignements qui ont été soustraits à l’accès. DÉCISION [22] La preuve révèle que le demandeur a eu accès aux renseignements qui le concernent exclusivement. La décision du responsable est à cet égard fondée : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature
02 08 15 Page : 6 médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [23] La preuve révèle que le demandeur a eu accès à certains renseignements qui le concernent et qui, à la fois, concernent d’autres personnes. Ces renseignements sont connus du demandeur parce qu’il était, en même temps que ces personnes qui consentaient à sa présence, présent pendant une partie de l’événement compris dans sa demande d’accès. Ces renseignements, qui ne sont pas visés par le 5 ième paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28, précité, pouvaient être communiqués au demandeur en vertu du 1 er alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès. Ces renseignements, faut-il le souligner, : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. [24] La preuve révèle que l’organisme n’a pas donné accès aux renseignements qui concernent des personnes autres que le demandeur. La preuve ne révèle pas que ces personnes aient consenti à la communication de ces renseignements. La décision du responsable est fondée. Ces renseignements sont nominatifs; les renseignements nominatifs sont confidentiels : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne
02 08 15 Page : 7 est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée;
02 08 15 Page : 8 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1. 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [25] La preuve révèle que l’organisme n’a pas donné accès aux renseignements qui concernent tant le demandeur que des personnes autres que le demandeur parce qu’il s’agit de renseignements qui ne sont pas connus du demandeur. La preuve ne démontre pas que ces personnes aient consenti par écrit à la communication de ces renseignements au demandeur. La décision du responsable est fondée : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [26] La preuve démontre enfin l’application du 5 ième paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 à une partie substantielle des renseignements nominatifs déjà
02 08 15 Page : 9 confidentiels en vertu des autres dispositions précitées. Ce paragraphe s’applique en vertu de l’article 87 de la Loi sur l’accès : 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure où la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. [27] La Commission rappelle, vu les arguments de l'avocat du demandeur, le caractère confidentiel des renseignements visés par le 9 ième paragraphe du 2 ième alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès, précité. [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [29] REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Roger Paiement Avocat du demandeur M e Francine Payette Avocate de l’organisme
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