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02 12 23 MARIO CUSSON, demandeur, c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, organisme public. L'OBJET DU LITIGE M. Mario Cusson écrit au ministère de la Sécurité publique (le « Ministère »), le 27 juin 2002, pour obtenir « […] tous les documents denquête […] » sur son dossier n o 044020513004. Le 28 juin 2002, le Ministère accuse réception de la demande et requiert un délai supplémentaire de 10 jours pour pouvoir la traiter. Sans réponse, M. Cusson dépose à la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), le 6 août 2002, une demande pour que soit révisé le refus présumé du Ministère de ne pas lui communiquer les documents demandés. Le Ministère, par lettre datée du 29 juillet 2002, achemine à M. Cusson une copie de sa demande de permis darmes à feu. En vertu des articles 9, 28, 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »), il lui refuse toutefois « […] tous les renseignements pouvant révéler une méthode denquête relative au 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 12 23 - 2 -traitement de votre demande de permis ainsi que les documents concernant des tiers puisque aucun consentement de leur part na été produit. » Le 6 septembre 2002, M. Cusson signifie à la Commission que sa « […] demande […] fait clairement référence à la dénonciation auprès de la Sureté du Québec dont jai été victime de la part de collègues de travail. Je maintiens donc ma demande initiale […]. » Le 26 novembre 2002, une audience se tient à Montréal. LA PREUVE M. André Marois, responsable de laccès et de la protection des renseignements personnels, remet à la Commission, sous pli confidentiel, une copie intégrale du document en litige de 88 pages. Il signale avoir fait parvenir à M. Cusson, le 29 juillet 2002, les pages 11, 13, 14, 22, 25, 27 à 35, 58 à 65 et 80 à 88 de ce document (pièce O-1 en liasse). Il mentionne que le dossier demandé par M. Cusson concerne un permis darmes à feu ayant fait lobjet dune inscription au Système canadien denregistrement des armes à feu (le « SCEAF »). Il explique que, dans ce dossier, une enquête préventive a été réalisée par la Sûreté du Québec, selon la Loi sur les armes à feu 2 , après que celle-ci a reçu des informations au dossier de M. Cusson. M. Yves Massé, capitaine à la Sûreté du Québec, raconte être responsable de la Division analyse et de celle de la vérification de comportement à la Sûreté du Québec. Il mentionne avoir traité la demande de M. Cusson et fait valoir que les trois premiers chiffres du numéro de rapport, « 044 », signifient quil sagit du dossier « ALPHA » se rapportant à la Loi sur les armes à feu. Il indique détenir le dossier ALPHA complet de M. Cusson ainsi que celui obtenu avec sa date de naissance. Le dossier linforme quun policier a rencontré plusieurs
02 12 23 - 3 -personnes, dont M. Cusson, dans le cadre dune enquête sur les armes à feu (p. 3 du document en litige). Le policier, signale-t-il, a interrogé le Centre de renseignements policiers du Québec (le « CRPQ ») dans le cadre dune vérification sur le comportement de M. Cusson. Il spécifie que toute demande relative aux armes à feu est inscrite au SCEAF, lequel est continuellement mis à jour, et que seuls les employés désignés particulièrement à cet effet y ont accès. Interrogé par M. Cusson, M. Massé précise que le dossier, traité par les analystes, a dabord été ouvert avec son nom et sa date de naissance et, par la suite, selon la classification ALPHA. Un policier est alors intervenu pour effectuer une vérification de comportement. Il affirme que tous les documents au sujet de M. Cusson se rapportant au permis darmes à feu se trouvent au dossier ALPHA. Il signale que le délai de conservation pour les renseignements versés au dossier ALPHA est de 10 ans. Il fait remarquer que chaque demande détude de comportement demeure un cas despèce. M. Marois passe en revue toutes les pages du document en litige et les commente de la façon suivante : Les pages 1, 50 et 51 Il sagit dinformations ayant servi à lanalyse et aux conclusions de lenquête. Ces pages sont refusées en vertu des articles 53 et 88 de la Loi. La page 2 Il sagit de notes référant à dautres personnes que M. Cusson et au processus utilisé pour létude du dossier. Cette page est refusée en vertu des articles 53, 54 et 88 de la Loi. 2 1995, c. 39.
02 12 23 - 4 -Les pages 3 à 6 Il sagit de la personne responsable de lenquête décrivant le processus quelle a suivi pour la vérification. Ces pages sont refusées parce quelles dévoileraient une méthode denquête, selon les termes du 3 e paragraphe de larticle 28 de la Loi. La page 7 Il sagit de renseignements portant à la fois sur le processus denquête et sur dautres personnes que M. Cusson. Cette page est refusée en vertu du 3 e paragraphe de larticle 28 et de larticle 88 de la Loi. Les pages 8 et 9 Il sagit de renseignements cueillis à la suite de vérifications faites au dossier de M. Cusson. Ces pages sont refusées en vertu du 3 e paragraphe de larticle 28 de la Loi et parce qu'elles contiennent notamment le nom, la date de naissance et les déclarations dautres personnes visées par l'article 88 de la Loi. Les pages 10, 12 et 15 Ces pages ne sont plus en litige, sagissant dinformations détenues par M. Cusson, à lexception dune brève note apparaissant à la marge de la page 15. Les pages 16 à 21, 36 à 41, 42 à 47, 49 et 71 Il sagit de pages à lusage exclusif de la Sûreté du Québec, faisant partie du processus denquête, qui révéleraient lidentité dautres personnes que M. Cusson. Ces pages sont refusées en vertu du 3 e paragraphe de larticle 28 et de larticle 88 de la Loi.
02 12 23 - 5 -Les pages 23 et 26 Il sagit de pages résultant de lapplication de lanalyse des pages 16 à 21. Ces pages sont refusées en vertu du 3 e paragraphe de larticle 28 et de larticle 88 de la Loi. Les pages 24 et 48 Il sagit de propos de médecins. M. Marois relate que ces pages ont été refusées, selon larticle 88 de la Loi, parce quon ne sait pas si ces renseignements sont connus de M. Cusson. Les pages 52 et 53 Il sagit de la correspondance révélant des renseignements sur des tiers. Ces pages sont refusées en vertu de larticle 88 de la Loi. Les pages 54 à 57, 68 à 70 et 72 à 79 Il sagit de relevés ou de renseignements reliés au CRPQ ayant servi au policier pour sa vérification. Ces pages sont refusées en vertu du 3 e paragraphe de larticle 28 de la Loi. Les pages 66 et 67 Il sagit de renseignements obtenus notamment du SCEAF, dans le cadre du traitement du dossier de vérification, qui font également la chronologie des événements et qui révéleraient, indirectement, les méthodes denquête utilisées dans le cadre du processus de vérification. Ces pages sont refusées en vertu de larticle 28 de la Loi. M. Cusson
02 12 23 - 6 M. Cusson allègue avoir été informé, le 17 mai 2002, que deux collègues de travail quil nomme se sont plaints à son employeur et au syndicat davoir été menacés par lui à larme blanche, soit un couteau quil utilise pour couper sa pomme. Il soutient avoir essayé de discuter avec lun des plaignants le 21 mai suivant, mais sans succès. Il spécifie avoir donné le nom de ces dernières personnes comme références à la Sûreté du Québec dans le cadre de sa demande de permis darmes à feu. Il prétend que ce sont les mêmes personnes qui ont porté plainte contre lui à la Sûreté du Québec, provoquant lenquête dont il a été lobjet. Cest dans ce contexte quil a reçu un appel de M me Moreau, de la Sûreté du Québec, au sujet de son permis darmes à feu. Une rencontre de 160 minutes sest dailleurs tenue le 24 mai 2002 avec M me Moreau. Il précise avoir répondu de façon transparente à toutes les questions posées par M me Moreau, mais que celle-ci ne lui a pas parlé, à ce moment, de la dénonciation dont il a été lobjet. Il soutient que ce nest que le lundi suivant cette rencontre avec M me Moreau quun compagnon de travail la informé que ses deux collègues de travail ont demandé à la Sûreté du Québec de retirer leur nom à titre de personnes répondantes à sa demande de permis darmes à feu. Cette dernière information, dit-il, lui a été confirmée ultérieurement par M me Moreau lors dune conversation téléphonique. Il prétend que la dénonciation de ses collègues de travail est abusive et quil veut en obtenir la confirmation officielle. Il affirme que M me Moreau la rappelé cinq semaines plus tard pour laviser que son permis darmes à feu demeurait valide et quil nétait pas une personne dangereuse. Interrogé par M e Louis-Bernard Charland, procureur du Ministère, M. Cusson atteste avoir demandé « la confirmation du nom des plaignants et de leurs propos ». Il indique vouloir rétablir sa réputation et quil est probable, selon les informations obtenues, quil prenne des procédures contre les plaignants. LES ARGUMENTS
02 12 23 - 7 M e Charland soumet que 31 des 80 pages du document en litige ont été données à M. Cusson. Il est davis que la preuve justifie la non-remise à M. Cusson de plusieurs pages parce quelles contiennent beaucoup de renseignements nominatifs, cueillis dans le cadre dun processus denquête et protégés par les articles 28, 53, 54 et 88 de la Loi : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; […] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
02 12 23 - 8 M e Charland soumet que le Ministère ne peut révéler lidentité dun plaignant 3 , ni les renseignements nominatifs tirés dentrevues 4 , ni ceux révélant une méthode denquête, notamment linformation extraite du CRPQ et du SCEAF 5 . APPRÉCIATION Jai examiné les pages qui demeurent en litige. Les pages 54 à 57, 68 à 70 et 72 à 79 sont la reproduction des panoramas informatiques extraits du CRPQ. Ces pages sont essentiellement composées de codes et de numéros nétant accessibles quaux corps policiers et à leurs membres. Le Ministère était justifié den refuser laccès conformément à larticle 28 de la Loi. Les pages 2, 4 à 9, 23, 26, 50 à 53, 66 et 67 sont truffées de renseignements nominatifs ou permettant didentifier une autre personne physique que M. Cusson. Il sagit de noms, adresses et numéros de téléphone et de commentaires dindividus ou de propos permettant de les identifier. Le Ministère était justifié den refuser laccès conformément à larticle 88 de la Loi. Le Ministère était également justifié de refuser laccès aux pages 16 à 21 et 36 à 47, selon les termes des articles 88 et 54 de la Loi, parce quelles renferment les déclarations manuscrites de personnes autres que M. Cusson. En raison des circonstances et des opinions que révèlent ces déclarations, il est impossible dappliquer larticle 14 de la Loi : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. 3 Université de Montréal c. Lamontagne, [1998] C.A.I. 467 (C.Q.); 4 Patenaude c. Protecteur du citoyen, [2001] C.A.I. 1. 5 Patenaude c. Ministère de la Sécurité publique, [2000] C.A.I. 191.
02 12 23 - 9 -Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. La page 1 est accessible à M. Cusson, sagissant dinformations, vu la preuve, lui ayant déjà été communiquées. La page 3 est accessible parce quelle ne contient que des renseignements visés par les 1 er et 2 e paragraphes de larticle 57 de la Loi : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1 o le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2 o le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; […] La preuve démontre que les pages 24 et 48 sont des propos de médecins obtenus par la Sûreté du Québec, après une autorisation écrite à cet effet de M. Cusson, le 24 mai 2002. Cette dernière autorisation et la vérification de ces pages en litige avec les documents déjà détenus par M. Cusson convainquent la Commission que celui-ci possède déjà les informations inscrites à ces pages et peut donc les obtenir. Finalement, la page 49 et celle identique, 71, ne contiennent, de lavis de la Commission, aucun renseignement protégé par les articles 28 ou 88 de la Loi. M. Cusson pourra donc obtenir ces pages. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de M. Mario Cusson;
02 12 23 - 10 -CONSTATE que M. Cusson a obtenu du Ministère les pages 11, 13, 14, 22, 25, 27 à 35, 58 à 65 et 80 à 88 du document en litige. PREND ACTE que les pages 10, 12 et 15 ne sont plus en litige parce que déjà détenues par M. Cusson; ORDONNE au Ministère de communiquer à M. Cusson les pages 1, 3, 24, 48, 49 et 71 du document en litige. REJETTE, quant au reste, la demande de révision. M e MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 27 janvier 2003 BERNARD, ROY & ASSOCIÉS (M e Louis-Bernard Charland) Procureurs de l'organisme
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