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Dossier : 02 15 72 Date : 20030127 Commissaire : Christiane Constant André GIGNAC -et-Michel GIGNAC Demandeurs c. Ministère de la Sécurité publique Organisme DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Messieurs André et Michel Gignac (les « demandeurs ») formulent, le 5 août 2002, auprès du ministère de la Sécurité publique (le « Ministère ») la demande ci-après décrite : Suite à lenquête tenue par lagent enquêteur M. Daniel Gauthier et par le sergent Jocelyn Marleau le 22 janvier 2002 à notre domicile situé au […], pourriez-vous nous faire parvenir une photocopie du rapport de cette enquête? […]
02 15 72 Page : 2 [2] M. André Marois, responsable de laccès aux documents au Ministère, informe les demandeurs quil aurait reçu leur demande le 26 septembre 2002 et qu'un délai de trente jours serait requis pour son traitement. [3] Dans une lettre datée du 1 er octobre suivant, M. Marois leur refuse laccès aux documents recherchés en invoquant, à cet effet, les articles 28, 29, 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). [4] Insatisfaits de cette décision, les demandeurs sollicitent, le 9 octobre suivant, lintervention de la Commission daccès à linformation (la « Commission ») pour réviser cette décision. L'AUDIENCE [5] Une audience se tient, le 13 janvier 2003, au bureau de la Commission à Montréal, en présence des parties et des témoins du Ministère. LA PREUVE A) M. ANDRÉ MAROIS, RESPONSABLE DE L'ACCÈS AU MINISTÈRE [6] M e Jean-François Boulais, procureur du Ministère, fait témoigner, sous serment, M. Marois qui déclare avoir pris connaissance de la correspondance (26 pages) que les demandeurs auraient adressée, le 28 août 2001, à M. Serge Ménard, ministre de la Sécurité publique (le « Ministre ») (pièce O-1), par laquelle ils requièrent une enquête parce qu'ils « se sentent surveillés notamment par le Service canadien des renseignements de sécurité ». [7] M. Marois indique que pour mieux comprendre les allégations des demandeurs, MM. Daniel Gauthier et Jocelyn Marleau, agents enquêteurs à la Sûreté du Québec SQ »), leur auraient rendu visite à leur domicile, à deux reprises. [8] Après avoir vérifié leurs allégations, M. Gauthier aurait informé les demandeurs que la SQ ne donnerait pas suite à leur demande denquête quelle considérait non fondée. Il leur aurait remis, à ce moment, loriginal du document qu'ils avaient fait parvenir au Ministre (pièce 0-1 précitée). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 15 72 Page : 3 [9] M. Marois ajoute que le Ministère ne détient aucun rapport denquête sur cette affaire. Il dépose cependant, sous le sceau de la confidentialité, un document (57 pages) pour lequel lavocat du Ministère demande à la soussignée de soumettre une preuve ex parte quant à son contenu. M. Marois ajoute quil ne peut pas donner aux demandeurs une copie de ce document dont les renseignements seraient protégés par les troisième, quatrième et sixième paragraphes de larticle 28 ainsi que par le deuxième alinéa de larticle 29 de la Loi sur l'accès. [10] M. Marois indique que ce document contient aussi des renseignements nominatifs au sens des articles 53 et 54 pour lesquels il naurait pas obtenu le consentement des personnes mentionnées quant à leur communication, en conformité aux articles 59 et 88 de la Loi sur l'accès. M. Marois ajoute que le rapport denquête, tel qu'il a été demandé, nexiste pas. [11] Après que la soussignée ait expliqué aux demandeurs le but de la présentation dune preuve ex parte, ceux-ci se retirent de la salle daudience. B) LA PREUVE EX PARTE [12] M. Pierre Villeneuve témoigne sous serment. Il déclare être le chef de service de l'analyse et de la documentation à la direction des renseignements de sécurité à la SQ. Il décrit ses fonctions et témoigne sur le contenu du document déposé sous le sceau de la confidentialité. C) LA REPRISE DE L'AUDIENCE [13] À la reprise de l'audience, la soussignée fait un compte rendu sommaire de la preuve ex parte et avise les demandeurs qu'ils peuvent poser des questions à M. Marois, s'ils le désirent. Ils déclarent ne pas en avoir. D) M. MICHEL GIGNAC, CO-DEMANDEUR [14] M. Michel Gignac déclare, sous serment, habiter avec son frère, M. André Gignac, et reconnaît avoir écrit et signé la lettre au Ministre (pièce O-1 précitée). Il fait un récit détaillé des propos tenus dans cette lettre par laquelle il affirme que son frère et lui se sentent surveillés et poursuivis, entre autres, par la Gendarmerie royale du Canada GRC »), par l'Ordre du temple solaire OTS ») et par des individus rencontrés au hasard. Il ajoute que d'autres membres de sa famille auraient vécu une situation similaire. M. Michel Gignac réclame donc l'intervention du Ministre.
02 15 72 Page : 4 [15] Il indique avoir rencontré, à son domicile, l'enquêteur de la SQ, M. Gauthier, au sujet de leur demande d'enquête. Il ajoute qu'à son avis, son déménagement n'a pas fait cesser cette surveillance; l'intervention du Ministre est donc nécessaire. E) M. ANDRÉ GIGNAC, CO-DEMANDEUR [16] M. André Gignac, qui témoigne sous serment, confirme la déposition de son frère, M. Michel Gignac. Il considère que le Ministère est tenu de mener une enquête sur les allégations indiquées dans la correspondance que les demandeurs lui ont fait parvenir. M. André Gignac reconnaît également le contenu de la correspondance que son frère et lui ont signée conjointement (pièce O-1 précitée). LES ARGUMENTS A) M e JEAN-FRANÇOIS BOULAIS, AVOCAT DU MINISTÈRE [17] M e Boulais plaide qu'une vérification a été effectuée par les agents de la SQ, MM. Gauthier et Marleau, à la suite d'une demande d'enquête sur des allégations adressées par les demandeurs au Ministère. [18] L'avocat argue que la preuve non contredite a démontré que ces deux enquêteurs ont rencontré les demandeurs qui ont confirmé que M. Gauthier leur avait remis l'original de leur lettre au Ministre (pièce O-1 précitée). M e Boulais rappelle que MM. Gignac ont été informés de la décision de la SQ de ne pas donner suite à leur demande d'enquête car elle ne lui semblait pas fondée. [19] Quant au document soumis par le Ministère, sous le sceau de la confidentialité, l'avocat précise qu'il ne constitue pas un rapport d'enquête mais plutôt un document contenant des renseignements protégés par les paragraphes 3, 4 et 6 de l'article 28 de la Loi sur l'accès ci-après décrits : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: [...] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne;
02 15 72 Page : 5 [...] 6 o de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; [...] [20] M e Boulais ajoute que ce document ne doit pas être communiqué car sa divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne au sens du deuxième alinéa de l'article 29 de la Loi sur l'accès, et ce, en raison de la preuve ex parte soumise tel qu'il a été statué aux décisions de la Commission Massand c. Ministère de la Sécurité publique 2 et Leblanc c. Ministère de la Sécurité publique 3 . 29. Un organisme public [...] Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [21] L'avocat du Ministère plaide également que ce document contiendrait des renseignements nominatifs (article 53) dont la divulgation permettrait d'identifier des personnes physiques (article 54). Or, il n'a pas été démontré que les personnes dont les noms apparaissent dans ledit document, aient consenti à la divulgation des renseignements qui les concernent (article 59, al. 1 et article 88). DÉCISION [22] Le Ministère soumet une preuve ex parte, en l'absence des demandeurs, et ce, conformément à l'article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information 4 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [23] La preuve convainc la soussignée que le document, déposé sous le sceau de la confidentialité, n'est pas un rapport d'enquête tel qu'il était recherché par les demandeurs. La soussignée est d'avis que ce rapport d'enquête est inexistant. 2 C.A.I. Montréal n o 99 21 66, 30 mai 2001, c. Iuticone. 3 C.A.I. Montréal n o 00 04 74, 22 mars 2001, c. Laporte. 4 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
02 15 72 Page : 6 [24] De plus, le document déposé par le Ministère contient des renseignements protégés par l'article 28 (3), (4) et (6) ainsi que par le deuxième alinéa de l'article 29. Sa lecture a démontré qu'il contient également des renseignements nominatifs protégés par les articles 53, 54, 59 (al. 1) et 88 de la Loi sur l'accès. Ce document ne peut donc pas être communiqué aux demandeurs. [25] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de messieurs André et Michel Gignac contre le ministère de la Sécurité publique; FERME le présent dossier portant le numéro 02 15 72. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 27 janvier 2003 M e Jean-François Boulais Bernard Roy & Associés Procureurs du ministère de la Sécurité publique
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