Date : 20030110 Dossier : 01 19 06 Commissaire : Diane Boissinot MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE LA MÉTROPOLE Organisme GAUVIN, GUY et BOUCHER, JEAN-CLAUDE Demandeur DÉCISION OBJET REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR L’ORGANISME AFIN DE SE FAIRE AUTORISER, PAR LA COMMISSION, À NE PAS TENIR COMPTE DE LA DEMANDE D’ACCÈS DU DEMANDEUR (article 126 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ). [1] Le 29 octobre 2001, le demandeur (à l’origine la société L’APRÈS-RUPTURE) s’adresse au Responsable de l’accès (le Responsable) de l’organisme pour obtenir ce qui suit : Auriez-vous l’obligeance de nous faire parvenir tous les documents relatifs; aux sommes accordées, transfert de subventions, les recommandations des allocations de subventions, les reconductions des allocations de subventions, de subventions allouées de façon récurrentes et non-récurrentes. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi », article 47.
01 19 06 Page : 2 De la composition (nom, profession, implication) des différents comités viseurs des allocations ou de ré-allocations, de détermination de crédits ainsi que les sommaires de crédits. La ventilation détaillée des allocations, la répartition des accréditations annualisées et continues, le sommaire du financement alloué aux organismes subventionnés par plus d’une catégorie, les recommandations du conseil d’administration ainsi que sa composition (nom, profession, implication), leur numéro de charité respectif, et les éléments explicatifs quant à la nature de leur exercice. Pour les exercices; • 1997-1998/ 1998-1999/ 1999-2000/ 2000-2001 • Et ce pour les organismes ci-joints […] p. j. liste des organismes concernés [numérotés de 1 à 856] (sic) (Les inscriptions entre crochets sont de la soussignée.) [2] Cette demande d’accès porte le tampon de réception du 8 novembre 2001. Le 27 novembre suivant, un délai de 10 jours supplémentaires est requis par le Responsable et, le 7 décembre 2001, ce dernier prend la décision d’adresser la requête faite sous l’article 126 à la Commission en ces termes : Après avoir analysé tout le travail requis pour répondre à cette requête, je considère que la demande est manifestement abusive, compte tenu du nombre considérable de documents demandés. [3] Une audience se tient en la ville de Québec, le 11 octobre 2002. L’AUDIENCE A) LA PREUVE i) de l’organisme [4] L’avocat de l’organisme fait témoigner monsieur Jean-François Noël (M. Noël), responsable du secteur des opérations comptables et de l’approvisionnement à la Direction des services financiers de l’organisme. Dans le cadre de ses fonctions, M. Noël est consulté par le Responsable lorsque des demandes d’accès sont de nature budgétaire ou comptable. Il prend connaissance de la demande d’accès à l’époque de sa réception et il juge tout de suite, à sa face même, que les renseignements visés au deuxième paragraphe doivent être précisés par le demandeur, que certains renseignements semblent ne pas
01 19 06 Page : 3 concerner l’organisme et que la charge de travail pour répondre au premier paragraphe est démesurée. [5] M. Noël précise que, depuis la fusion, en 1998, du ministère de la Métropole et du ministère des Affaires municipales, qui possédaient chacun leur système comptable, ces deux systèmes différents demeurent en utilisation pour chacun des deux secteurs d’activités au sein de l’organisme. [6] La charge de travail pour répondre au premier paragraphe peut s’évaluer en deux temps. Il faut d’abord repérer, parmi les 856 entreprises visées par la demande, lesquelles ont reçu des subventions de l’organisme. Cette opération s’exécute par une personne à plein temps en deux à trois semaines. Ensuite, il faut que le Responsable fasse venir les dossiers actifs ou semi-actifs des entreprises repérées et analyse l’accessibilité de chacun des documents visés par le premier paragraphe ce qui, dépendant du nombre d’entreprises repérées, peut prendre, pour une personne à temps complet, de une à trois semaines de plus. M. Noël avoue que le temps qu’il faudrait consacrer à cette dernière démarche est difficile à évaluer compte tenu que le nombre d’entreprises impliquées, pour l’instant, est inconnu. [7] En contre-interrogatoire, le témoin Noël admet que le système comptable de la section du ministère de la Métropole comprend une fonction « search » qui permet de localiser immédiatement les chèques émis en subvention par cette section pour l’année en cours. Il est cependant impossible de faire ce retraçage rapide par la fonction « search » pour les années antérieures c’est-à-dire les années 1997-1998, 1998-1999, et 1999-2000. Pour ces trois années dans le secteur Métropole et pour les quatre années visées par la demande d’accès pour le secteur Affaires municipales, il faut faire la recherche par ordre alphabétique et trouver le numéro du « fournisseur » ou du bénéficiaire de la subvention. C’est l’exécution de cette dernière opération qui prend un temps considérable (de deux à trois semaines pour une personne à temps plein), ajoute-t-il. Le temps nécessaire a été déterminé à l’aide d’un test pour les mêmes 10 entreprises : les résultats de recherche pour le secteur Métropole (à Montréal) se sont obtenus en 10 minutes et ceux pour le secteur Affaires municipales (à Québec), en 30 minutes. Les systèmes comptables n’étant pas intégrés, il faut donc prévoir 40 minutes de recherches pour 10 entreprises. [8] À la question du demandeur qui veut savoir pourquoi ne pas avoir demandé les précisions jugées nécessaires sur la portée du troisième paragraphe de la demande (« ventilations détaillées » et « répartition des accréditations annualisées »), le témoin Noël répond que les recherches ont été arrêtées dès qu’il a été établi que la préparation de la réponse au seul premier paragraphe de la
01 19 06 Page : 4 demande pourrait vraisemblablement s’exécuter, au mieux, en trois semaines et au pire, en six semaines, par une personne travaillant à temps plein. [9] Le témoin croit qu’à partir du moment où cette conviction a été acquise par le Responsable, il devenait inutile de s’astreindre à demander des éclaircissements concernant la portée du reste de la demande d’accès. En effet, il devenait évident pour le Responsable qu’il ne pouvait répondre à la totalité de la demande dans les 20 ou même les 30 jours prescrits par la Loi. [10] L’organisme dépose, sous la cote O-1 en liasse, copie de onze demandes d’accès présentées par la société L’Après-Rupture à douze organismes différents et les onze demandes de révision afférentes aux réponses reçues, rédigées aux mêmes dates dans exactement les mêmes termes et concernant les mêmes entreprises. ii) du demandeur [11] Le demandeur dépose, en contrepartie, en liasse sous la cote D-1, une partie des onze réponses reçues de ces organismes. Le demandeur Gauvin (M. Gauvin) déclare sous serment qu’aucun de ces onze organismes relevés dans la liasse O-1 n’a refusé de répondre ou n’a requis de la Commission l’autorisation de ne pas tenir compte de leur demande. Il déclare que chacun de ces organismes a donc jugé que la demande d’accès qui leur était adressée n’était pas abusive. [12] Monsieur Jean-Claude Boucher, demandeur, (M. Boucher) témoigne aussi. Il admet que les demandes d’accès aux onze autres organismes sont effectivement identiques dans leur formulation. Il déclare qu’il l’a fait volontairement. Le but visé est justement de faire une analyse globale de la situation des subventions pour un même groupe d’entreprises et pour la même période et ce, dans divers ministères et organismes. Les réponses devaient absolument concerner les mêmes variables. Dans ce sens les demandes sont systématiques, dit-il. B) LES ARGUMENTS i) de l’organisme [13] L’avocat de l’organisme plaide que preuve est faite du caractère systématique des actions du demandeur. En effet, la même demande a été acheminée par le demandeur ou « L’Après Rupture » le même jour à plusieurs autres organismes. L’étude de toutes ces demandes déclenchera
01 19 06 Page : 5 vraisemblablement l’examen de milliers de documents, ce qui n’est manifestement pas le but de la Loi 2 . ii) du demandeur [14] Le demandeur prétend plutôt que la preuve démontre que onze autres organismes ont jugé que la même demande n’était pas abusive. Elle établit, de plus, que tous ces autres organismes ont rédigé une réponse à l’intérieur du délai prescrit par la Loi. [15] Le demandeur plaide que le caractère systématique des demandes visées par l’article 126 doit s’évaluer en examinant les demandes formulées à un même organisme. Les demandes doivent mettre à l’épreuve les efforts du personnel du Responsable d’un seul organisme. Le demandeur n’a formulé qu’une seule demande à l’organisme. La méthode de recherche utilisée par le demandeur au sein de plusieurs organismes revêt, certes, un caractère systématique, mais il est convaincu que ce que vise l’article 126, c’est le caractère systématique des demandes d’accès adressées à un organisme et non pas le caractère systématique des méthodes de recherches d’un demandeur d’accès chez divers organismes. [16] Le demandeur ajoute qu’aucune preuve n’a été apportée par l’organisme pour établir le nombre de documents détenus par l’organisme qui seraient visés par la demande. Le seul nombre avancé a été vague à souhait (des milliers) et portait sur l’ensemble des documents détenus par l’ensemble des organismes chez qui le demandeur s’est adressé (douze en incluant le présent organisme). [17] Également, le demandeur considère comme non crédible le témoignage de monsieur Noël quand ce dernier affirme qu’il faut trois semaines pour une personne à plein temps pour sortir une liste des chèques des subventions émis, sur 4 années, à l’une ou l’autre des 856 entreprises visées par la demande. DÉCISION [18] L’article 126 de la Loi se lit : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractè0re répétitif ou leur caractère systématique. 2 Ville de Montréal c. Winters, [1991] CAI 359 (C.Q.), 362, 363 et 364; Ministère des transports c. McLauchlan, [2000] CAI 7, 12, 13.
01 19 06 Page : 6 Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. [19] L’organisme a concentré ses efforts à tenter d’établir le caractère abusif du premier paragraphe de la demande du 29 octobre 2001, laissant entendre que, s’il était établi, ce fait suffisait à fonder l’abandon des recherches pour répondre aux deuxième et troisième paragraphes et le bien-fondé de la présente requête. [20] En conséquence de cette façon de voir, l’organisme n’a proposé aucun élément de preuve ayant trait au caractère abusif des deuxième et troisième paragraphes de cette demande d’accès. [21] Le Responsable de l’accès n’est pas venu témoigner. Il est pourtant, de façon générale, la personne la plus apte, au sein d’un organisme, à expliquer à la Commission en quoi une demande d’accès peut être abusive, compte tenu de la capacité de travail de son équipe et compte tenu des difficultés prévisibles d’analyse que présente une demande d’accès en particulier. La Commission a été privée de cet éclairage primordial dans ce dossier. Le témoin Noël n’a pas apporté cette preuve, n ‘étant pas un membre de l’équipe spécialisée du Responsable. La Commission ne peut en conséquence apprécier l’abus à ces égards. [22] Le témoin Noël a cependant établi avec netteté que le travail de repérage des entreprises ayant bénéficié de subventions peut s’exécuter par une personne employée à temps complet en deux ou trois semaines. Ce témoin n’a pas indiqué si cette personne devait posséder des compétences particulières. La Commission déduit, de l’ensemble du témoignage de M. Noël, que cette fonction peut être accomplie par à peu près n’importe qui au sein de l’organisme. La Commission peut raisonnablement en conclure que deux commis peuvent être affectés à cette tâche qui peut, dès lors, s’accomplir en une semaine et demie. Ce délai de repérage ne paraît pas exceptionnel à la Commission, du moins pas au point de constituer, à lui seul, la base nécessaire à étayer le bien-fondé de la présente requête. [23] Le nombre de dossiers qui seraient ainsi repérés n’a pas été établi. L’organisme n’a pas tenté, non plus, par extrapolation, d’informer la Commission
01 19 06 Page : 7 des possibilités à cet égard. Aucun témoin n’est venu dire à la Commission qu’elles étaient les activités habituelles de l’organisme en matière de subvention ou l’ampleur de leurs interventions en ce domaine. [24] La Commission se trouve donc sans élément de preuve pour évaluer l’ampleur du travail à effectuer par le service du Responsable une fois le travail de repérage effectué. [25] Par ailleurs, il est établi, par une preuve testimoniale et documentaire, que les onze autres organismes à qui une demande identique avait été acheminée ont répondu au demandeur. La Commission peut raisonnablement en conclure que ces onze autres organismes n’ont pas jugé cette demande abusive. [26] La position de l’organisme à l’effet que le caractère systématique d’une demande d’accès peut être mesuré à l’aune de la somme des demandes formulées dans d’autres organismes publics ne peut tenir ici. La Commission doit évaluer ce caractère systématique à la lumière des demandes reçues par le seul organisme qui requiert l’autorisation d’ignorer une demande d’accès et à la lumière des effets de cette demande sur ce seul organisme. Prendre en compte les demandes envoyées à d’autres organismes et leurs effets sur ceux-ci ne seraient pas pertinent à l’examen du bien-fondé de la présente demande d’exemption à répondre. [27] La preuve démontre ici qu’une seule demande d’accès a été acheminée à l’organisme. La Commission ne peut conclure raisonnablement de ce fait que le demandeur agit de mauvaise foi ou est animé d’une intention de nuire à l’organisme comme il pourrait l’être si, par exemple, il inondait ce dernier sous une avalanche de demandes rapprochées ayant pour effet prévisible d’engorger le service du responsable de l’accès 3 . [28] La preuve présentée ne convainc pas la Commission que la demande d’accès présentée à l’organisme par le demandeur, le 29 octobre 2001, est manifestement abusive au sens de l’article 126 de la Loi. 3 Communauté urbaine de Montréal c. Winters, (1984-86) 1 CAI 269; Ville de Montréal c. Winters, (1984-86) 1 CAI 165 (appel [1991] CAI 359 (C.Q.) accueilli sur un autre point; Ministère de l’environnement c. Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, [2001] CAI 274, requête pour permission d’appeler rejetée, jugement non rapporté, C.Q.Q., n° 200-02-027369-018, 25 janvier 2002; Ville de La Plaine c. Action municipale de La Plaine, [2001] CAI 99.
01 19 06 Page : 8 POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la requête présentée par l’organisme; et ORDONNE à ce dernier de répondre à la demande d’accès du 29 octobre 2001. Québec, le 10 janvier 2003 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l’organisme : M e Jean-Sébastien Gobeil-Desmeules
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