02 04 20 YELLE, LISETTE, la demanderesse, c. MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC, l’organisme. Le 5 février 2002, la demanderesse s’adresse au responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) afin d’obtenir copie des déclarations fiscales de son père Émilien Yelle, décédé le 5 mai 1986, pour les années 1984 à 1986. Elle joint à sa demande les photocopies des documents suivants : son propre certificat de naissance de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, son propre certificat de naissance et de baptême émis par la Paroisse St-Vincent-de-Paul de Laval (les deux certificats de naissance attestant qu’elle est née le 31 juillet 1959 et qu’elle est l’enfant de Cécile Husereau et d’Émilien Yelle), certificat de décès d’Émilien Yelle, acte de renonciation pure et simple à la succession de feu Émilien Yelle par Auréa Hébert, son épouse commune en biens depuis leur mariage célébré sans contrat de mariage au préalable, le 18 août 1945, acte reçu devant M e Pierre Coutu, notaire le 16 juin 1986 et dans lequel la comparante, Auréa Hébert, déclare que son époux est décédé sans testament et qu’il laisse comme seuls héritiers elle-même pour un tiers et leur fils, Charles Yelle, pour deux tiers de la succession. Le 11 mars suivant, le Responsable lui refuse l’accès à ces documents. Selon lui, la demande est faite en vertu de l’article 94 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi). Ainsi, il écrit, dans sa décision, ce qui suit : […] En effet, cette disposition prévoit qu’une demande de communication ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d’héritier ou de successeur de cette dernière, d’administrateur 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 04 20 -2-de la succession, de bénéficiaire d’assurance-vie ou comme titulaire de l’autorité parentale. Vous nous avez produit avec votre demande une documentation qui, à sa lecture, semble contradictoire quant à votre qualité d’héritière. Puisque les renseignements dont vous demandez la communication sont sensibles, nous devons être prudents dans leur communication. En conséquence, vous comprendrez que nous ne pouvons accéder à votre demande. Le 22 mars 2002, la demanderesse s’adresse à la Commission afin de contester cette décision du Responsable, joignant à sa demande de révision, les mêmes documents qui étaient annexés à sa demande d’accès. Une audience se tient en la ville de Québec, le 9 octobre 2002. L’AUDIENCE La demanderesse ne présente aucun autre élément de preuve ou argument que ceux présentés avec sa demande de révision. ARGUMENTATION DE L’ORGANISME L’avocate de l’organisme déclare que le fait que la demanderesse soit la fille de Émilien Yelle n’est pas contesté ni admis; en fait, plaide-t-elle, ce fait n’est pas pertinent puisque cet état d’enfant n’est pas le critère que l’organisme doit considérer. Ce que l’organisme doit considérer avant de remettre les renseignements demandés (dont il est le gardien et le protecteur), c’est si la demanderesse a établi sa qualité d’héritière ou de successeur de la personne concernée par les renseignements demandés (son père) ou d’administrateur de sa succession 2 , qualité qu’elle doit établir en vertu de l’alinéa premier de l’article 94 de la Loi : 94. Une demande de communication ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier ou de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 2 Lire à ce sujet les auteurs Doray, Raymond et Charrette, François. Accès à l’information – Loi annotée – Jurisprudence Analyse et commentaires, Volume 1, mise à jour 5 déc. 2001, Ed. Yvon Blais, p. III/88,1-1 à 88.1-6 et III/94-1 à 94-11 ; Bourgeois-Audet c. Québec (Ministère du Revenu), [1998] CAI 426 ; A. c. Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, [1995] CAI 95, 97, 98 ; Cloutier c. Lévis (Ville de), [1987] CAI 465, 468, 469.
02 04 20 -3-[…] L’avocate de l’organisme soutient que les documents et les déclarations de la demanderesse établissent plutôt qu’elle s’est fait évincer de la succession de son père et qu’elle veut justement faire reconnaître sa qualité d’héritière, qualité qui peut inclure les deux autres qualités de successeur ou d’administratrice. L’avocate de l’organisme rappelle que les articles 626 et suivants du Code civil du Québec 3 prévoient le droit, pour une personne, de se porter héritière de la succession d’une personne décédée afin de réclamer les biens qu’elle a transmis : 626. Le successible peut toujours faire reconnaître sa qualité d'héritier, dans les dix ans qui suivent soit l'ouverture de la succession à laquelle il prétend avoir droit, soit le jour où son droit s'est ouvert. 627. La reconnaissance de la qualité d'héritier au successible oblige l'héritier apparent à la restitution de ce qu'il a reçu sans droit de la succession, suivant les règles du livre Des obligations relatives à la restitution des prestations. 628. L'indigne qui a reçu un bien de la succession est réputé héritier apparent de mauvaise foi. 629. Les obligations du défunt acquittées par les héritiers apparents, autrement qu'avec des biens provenant de la succession, sont remboursées par les héritiers véritables. L’avocate de l’organisme prétend que ni l’organisme, ni la Commission ne possèdent la compétence pour faire reconnaître ce droit. Seule la Cour supérieure la détient. DÉCISION Vu la preuve au dossier, l’état du droit et celui de la jurisprudence, la Commission ne peut que souscrire aux arguments de l’avocate de l’organisme, malgré la sympathie que soulève la demande de révision et les faits qui la soutiennent. La décision du Responsable est, en conséquence, bien fondée. 3 L.Q., 1991, chap. 64.
02 04 20 -4-POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. Québec, le 9 décembre 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de l'organisme : M e Nancy Morency
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