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DOSSIER : 99 01 94 COUTURE, Denise, la demanderesse, c. UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, lorganisme, et LAURIN, Nicole, lintervenante. DÉCISION Le 12 mars 1999, la demanderesse (Mme Couture) veut obtenir, tel quelle le mentionne au dixième point de sa demande daccès, copie de la déclaration la concernant faite par la directrice du Département de sociologie lors de la réunion tenue le 22 février 1999 par lAssemblée départementale de sociologie. Le 24 mars suivant, le Responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) lui refuse laccès à cette déclaration au motif quelle est contenue dans des notes personnelles non couvertes par le droit daccès selon larticle 9 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi). Mme Couture conteste le bien-fondé de cette décision et demande à la Commission de la réviser. Une audience se tient en la ville de Montréal les 22 février 2000, le 7 mars 2000, le 5 février 2001 et le 13 juin 2002. Le 22 mars 2000, une demande dintervention avait été formulée à la Commission par M e Daniel Chénard, lavocat de lauteur de la note, Nicole Laurin, laquelle avait dailleurs longuement témoigné lors de la séance du 7 mars 2000. Le bien-fondé de cette demande dintervention est contesté par lavocat de la demanderesse, M e Michel Cossette. La requérante et les parties sont entendues à ce sujet lors de la séance du 5 février 2001. La Commission 1 L.R.Q., c. A-2.1.
99 01 94 -2-rejette la demande dintervention séance tenante. Cette décision est renversée par Monsieur le juge Raoul P. Barbe, de la Cour du Québec, par jugement rendu le 4 mars 2002 dans la cause numéro 500-02-093268-014 et une séance se tient le 13 juin suivant aux fins dentendre les représentations additionnelles de lintervenante, en principal. LAUDIENCE Lorganisme dépose, sous pli confidentiel, loriginal du document en litige qui comprend cinq pages de notes manuscrites non datées ni signées. LA PREUVE De consentement, lorganisme dépose les documents suivants : O-1 Entente signée le 22 février 2000 entre la demanderesse et lorganisme; O-2 Déclaration assermentée de Arnault Sales du 6 mars 2000; et O-3 Extraits des statuts de lUniversité de Montréal (note au lecteur, table des matières, art. 28.18 et art 31.03); O-4 Procès-verbal de lassemblée départementale de sociologie de lUniversité de Montréal, tenue le 22 février 1999 et adopté lors de lassemblée départementale du 25 mai 1999; et O-5 Procès-verbal de lassemblée départementale de sociologie de lUniversité de Montréal, tenue le 25 mai 1999. Lavocat de lintervenante dépose, sous la cote I-1, la transcription des témoignages rendus lors de la séance du 7 mars 2000 par Nicole Laurin, Andrée Demers, Denise Couture et Claire Durand. Lavocat de la demanderesse appelle, pour témoigner, Madame Nicole Laurin (Madame Laurin). Madame Laurin explique le rôle quelle jouait lors de lassemblée départementale de sociologie du 22 février 1999. Elle était directrice du département de sociologie de luniversité de Montréal à cette époque et participait à cette assemblée en cette qualité. Elle y a dailleurs donné des points dinformation en cette qualité, comme les directeurs de département et elle-même le font, à laccoutumée.
99 01 94 -3-Elle a informé le personnel enseignant de plusieurs questions différentes en référant
99 01 94 -4-à ses notes manuscrites sur 5 pages. Ces notes viennent dêtre déposées sous pli confidentiel entre les mains de la Commission et elle en est lauteur. Madame Laurin affirme que la seule partie qui a trait à la demanderesse et qui fait lobjet des demandes daccès et de révision est cette partie de ses notes manuscrites apparaissant aux pages 3 et 4 du document en litige, sous le titre Dernier point J-, et qui comprend les premier, deuxième et quatrième paragraphes de ce titre, ce dernier chevauchant les pages 3 sur 7 lignes et 4 sur 7 lignes également. Le témoin ajoute que Madame Claire Durand agissait comme secrétaire de cette assemblée du 22 février 1999 et prenait en note les points quelle portait à lattention de lassemblée afin den faire un résumé pour inclure au procès-verbal, comme les secrétaires dassemblée le font dhabitude. Elle na pas remis le texte de ses notes manuscrites à la secrétaire, Madame Durand, ni lui a promis de le faire, afin de laider à parfaire le résumé. Elle na pas demandé, non plus, à ce que le texte de ses notes soit intégré ou annexé au procès-verbal de lassemblée. En contre-interrogatoire, en réponse aux questions de lavocate de lorganisme, le témoin Laurin déclare quelle a préparé des notes pour les points dinformation quelle a donnés le 22 février 1999 comme elle le fait toujours avant chaque assemblée ou avant de donner un cours ou avant de parler en public, à titre daide-mémoire. Ces notes constituent un schéma de ce quelle a à dire. Ces notes nont pas été déposées dans un dossier du département ou dans un classeur du département, mais bien dans son dossier personnel dassemblée. Lorsquelle a quitté ses fonctions de directrice du département, le 31 mai 1999, elle na pas remis ce dossier à son successeur et la apporté avec elle, dans son bureau de professeur avec ses autres dossiers personnels. Ces notes nont servi quau témoin, exclusivement, contiennent des abréviations, des codes, des encadrés, des flèches, des renvois, des ratures; ce sont des notes à usage personnel aux fins de se préparer à parler en public. Madame Laurin rappelle que la demanderesse était présente à cette assemblée du 22 février 1999. Le témoin Laurin avoue que la partie de lassemblée elle a parlé de la demanderesse sest déroulée dans une atmosphère assez tendue, quelle explique. Le témoin Laurin a compris que la demanderesse est intervenue afin de souligner à lassemblée que ce qui venait dêtre dit par le témoin constituait une accusation de harcèlement dirigée par le témoin contre elle. Le témoin Laurin sétait alors défendue daccuser la demanderesse dune telle chose et, pour le prouver, elle
99 01 94 -5-lui a offert de lui montrer les notes quelle avait devant elle et dont elle sétait inspirée. Madame Laurin dit que, la demanderesse ne lui ayant rien demandé, elle ne la pas fait. Le témoin Laurin ajoute que la demanderesse lui a déclaré devant lassemblée ce qui suit : « Tu ne me dis pas ce quil y a dans tes notes » et a rajouté pour lassemblée : « La directrice ne dit pas ce quil y a dans ses notes ». Le témoin Laurin répète quelle na pas lu ses notes mais sen est inspirée. Elle a dailleurs invité dautres collègues présents à cette assemblée de vérifier, durant une pause, que ce qui était écrit dans ses notes représentait grosso modo les propos quelle avait tenus publiquement à lassemblée, ce qui fut fait. Madame Laurin déclare que le document en litige na fait lobjet daucune copie ou photocopie, sauf celles faites pour les fins de la présente audition. Ces notes nont pas été déposées dans le dossier de la demanderesse ni nont servi pour prendre une décision au sujet de cette dernière. Madame Laurin ajoute, en réinterrogatoire, que le résumé du point 5-J qui apparaît au procès-verbal de lassemblée du 22 février 1999 (O-4) est très succinct de linformation quelle a réellement transmise, comme lest résumé ce genre dinformation, dhabitude. Lavocat de la demanderesse appelle ensuite, pour témoigner, madame Andrée Demers, professeur au département de sociologie. Madame Demers était présente à lassemblée du 22 février 1999. Elle est de ceux qui ont été requis, par madame Laurin, de vérifier le contenu des notes manuscrites pendant une suspension de lassemblée. Le témoin confirme que, sans être textuel, ce que madame Laurin avait dit publiquement à lassemblée correspondait au contenu, quelle a pu lire, des notes manuscrites en litige. Lavocat de la demanderesse fait enfin témoigner cette dernière. Madame Couture déclare quelle était présente à lassemblée départementale du 22 février 1999. Madame Laurin, en sa qualité de directrice, a transmis à lassemblée une série de points dinformation. Arrivée au dernier point J, elle commence à lire un texte. La secrétaire de séance, madame Durand, demande alors à madame Laurin si elle doit continuer à prendre des notes ou si elle peut compter que madame Laurin lui remettra le texte quelle est en train de lire. Le témoin Couture affirme que madame Laurin répond à Madame Durand quelle lui remettra le texte, ce qui la dispensera de prendre des notes. Or, ajoute le témoin Couture, lintervention la concerne
99 01 94 -6-personnellement. Le témoin Couture dit que madame Laurin continue son intervention sans plus se référer à son texte, ce qui, selon elle, rend problématique lexactitude du rapport quen fera la secrétaire dassemblée dans le procès-verbal. Le témoin Couture exige donc que Madame Laurin parle moins rapidement afin de pouvoir prendre en note ce quelle dit et vérifier si ce quelle dit est conforme aux notes quelle compte remettre à la secrétaire dassemblée. Le témoin Couture affirme que Madame Laurin refuse de parler moins rapidement et continue de ne plus se référer à son texte. LES ARGUMENTS LORGANISME : Lavocate de lorganisme prétend que le texte faisant lobjet de la demande daccès est un document de la nature de celui visé par le deuxième alinéa de larticle 9 de la Loi. La demande daccès est donc irrecevable puisque la Loi ne sapplique pas à ce type de document : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. Subsidiairement, lavocate de lorganisme plaide que la partie en litige du document traduit des propos subjectifs de son auteur, Madame Laurin, et quà ce titre, ils ne font pas partie de la fonction de cette dernière au sein du Département et constituent des renseignements de nature nominative concernant cette dernière 2 . Des arguments relatifs aux articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne 3 sont également soumis à lappréciation de la Commission. LINTERVENANTE : Lavocat de lintervenante plaide essentiellement les mêmes arguments que ceux plaidés par lorganisme et ajoute un motif de refus non évoqué précédemment par lorganisme, savoir larticle 35 de la Loi 4 : 2 Centre hospitalier régional de Lanaudière c. Mireault, [1993] CAI 332 C.Q. 339, 340; Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Commission des écoles catholiques de Montréal, [1992] CAI 284, 287; Ville de Montréal c. Chevalier, [1998] CAI 501 (C.Q.). 3 L.R.Q., c. C-12 (la Charte). 4 Dagg c. Canada (Le ministre des finances), [1997] 2 R.C.S., 403,437, 438; Godbout c. Conseil du trésor, [1988] CAI 333, 334; Mouvement au Courant c. Hydro-Québec, [1994]
99 01 94 -7-35. Un organisme public peut refuser de communiquer les mémoires de délibérations d'une séance de son conseil d'administration ou, selon le cas, de ses membres dans l'exercice de leurs fonctions, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze ans de leur date. LA DEMANDERESSE : Lavocat de la demanderesse argue que le deuxième alinéa de larticle 9 de la Loi ne sapplique pas en matière daccès à des renseignements personnels. Il prétend aussi que les renseignements nominatifs contenus aux paragraphes en litige et visant dautres personnes physiques que la demanderesse sont connus de la demanderesse puisquils lui ont été lus en substance et ce, devant plusieurs témoins. Enfin, il soutient que les notes manuscrites en cause ont été préparées par une personne dans lexécution de ses fonctions au sein de lorganisme et que, de ce fait, la détention quen fait cette personne en fait une détention de lorganisme au sens de larticle 1 de la Loi. DÉCISION Il sagit dune demande de révision de la décision de refuser laccès à des renseignements nominatifs concernant la demanderesse et visés par larticle 83 de la Loi : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. CAI 53, 55 ; Centre hospitalier régional de Lanaudière c. Mireault, [1993] CAI 332 C.Q. 339, 340 ; Fortin c. Ministère de lEnvironnement, [1987] CAI 118, 119; Rochette c. Municipalité de Val-David, [1986] CAI 536, 540; Delisle c. Ministère du Conseil exécutif, [1996] CAI 367, 368, 370; Ministère de la Justice c. Komulainen, [1997] CAI 444 (C.Q.) 445, 446.
99 01 94 -8-La Commission doit rejeter largument de lintervenante relatif au motif de refus basé sur larticle 35 de la Loi lequel ne peut être soulevé que par lorganisme lui-même et à sa seule discrétion, ce quil a choisi de ne pas faire. Lexamen des notes manuscrites de Madame Laurin remises sous pli confidentiel à la Commission ainsi que le témoignage de cette dernière limitent lobjet du litige aux seuls trois paragraphes suivants de ces notes manuscrites, savoir : les premier, deuxième et quatrième paragraphes (ce dernier chevauchant les pages 3 sur 7 lignes et 4 sur 7 lignes), sous le titre Dernier point J-, aux pages 3 et 4. Le reste du document manuscrit de 5 pages nest pas visé par la demande daccès telle que formulée et ne fait pas lobjet de la présente décision. La preuve non contredite démontre que le texte en litige contient en très grande partie ce qui a été dit à lassemblée du 22 février 1999 par la directrice Laurin concernant la demanderesse, sans toutefois en être une reproduction textuelle. Le texte en litige contient sans contredit des renseignements nominatifs concernant la demanderesse. La preuve démontre également que la demanderesse était présente à cette assemblée et a entendu la déclaration de madame Laurin la concernant. Lintervention de la directrice Laurin durant lassemblée du 22 février 1999 est faite dans lexercice de ses fonctions de directrice du département de sociologie (Liasse O-3) et concerne également lexécution de ces fonctions. Jai bien examiné la partie des notes en litige qui concerne exclusivement la demanderesse et lexécution des fonctions de la directrice. Selon la preuve, la communication de cette partie des notes manuscrites napprendrait rien à la demanderesse quelle ne sache déjà. La communication ne peut donc en être refusée à la demanderesse en vertu de larticle 88 de la Loi : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
99 01 94 -9-La jurisprudence récente 5 confirme quun organisme ne peut opposer à une demande daccès faite en vertu de larticle 83 de la Loi, le deuxième alinéa de larticle 9 de la Loi : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. La preuve démontre enfin que la partie du document qui est en litige est, au sens de larticle 1 et dans le cadre dune demande daccès faite en vertu de larticle 83 de la Loi, détenue 6 par lorganisme public au moment de la demande daccès : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. Les droits fondamentaux à la vie privée et à la liberté dexpression de lauteur du document en litige, madame Laurin, dans lexercice de ses fonctions ne sont pas enfreints du fait quune photocopie de la partie concernant personnellement la demanderesse soit remise à cette dernière en application de la Loi. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la demande de révision ; et ORDONNE à lorganisme de remettre à la demanderesse la copie du passage la concernant, en litige, de la note de Madame Laurin, savoir copie des premier, deuxième et quatrième paragraphes (ce dernier chevauchant les pages 3 sur 7 lignes et 4 sur 7 lignes), sous le titre Dernier point J-, aux pages 3 et 4. Québec, le 12 novembre 2002 5 Fortin c. Ministère de lenvironnement, [1997] CAI 118, 120; Québec (Ministère de la Justice) c. Flamand, [1999] CAI 509 (C.Q.) 513. 6 ib. id. Fortin c. Ministère de lenvironnement.
99 01 94 -10-DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Francine Verrier Avocat de la demanderesse : M e Michel Cossette Avocat de lintervenante : M e Daniel Chénard
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