DOSSIER N o 01 16 60 GILLES BEAUDRY, demandeur, c. RÉGIE DES INSTALLATIONS OLYMPIQUES, organisme public, -et-METRO CAPITAL PROPERTIES INC., tierce partie. __________________________________________________________________ DÉCISION __________________________________________________________________ L'OBJET DU LITIGE Le 30 août 2001, M. Gilles Beaudry demande à la Régie des installations olympiques (la « RIO ») : - la résolution no 6920 du 27 février 1998 approuvant la vente du Village Olympique; - le document d'appel d'offre du 20 octobre 1997; - l'offre d'achat du 22 janvier 1998 à Metro Capital Properties Inc. - les lettres du 5 et du 10 février 1998 accompagnant l'offre d'achat - le décret no 217-98 du 25 février 1998, - la lettre d'entente du 27 février 1998 et les autres documents auxquels celle-ci renvoie; - les avis aux locataires relatifs à la vente du Village Olympiques; - tout autre document pertinent à l'acte de vente; Les 7 et 20 septembre 2001, la RIO remet à M. Beaudry copie de la résolution n o 6920, le Décret n o 217-98, le document d'appel d'offres, la lettre d'entente du 27 février 1998 intervenue entre la Régie et Metro Capital Properties Inc. (Metro Capital) et l'avis transmis aux locataires le 25 février 1998. Elle
01 16 60 - 2 l'informe qu'elle ne peut lui remettre l’offre d’achat de Metro Capital du 22 janvier 1998 ni les lettres des 5 et 10 février 1998 sans en avoir avisé Metro Capital, selon les termes des articles 25 et 49 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »). Le 3 octobre 2001, la RIO signale à M. Beaudry que Metro Capital refuse de lui communiquer les trois documents. Le 31 octobre 2001, M. Beaudry conteste le refus de la RIO de ne pas lui communiquer les trois documents. Le 5 juin 2002, une audience se tient à Montréal. LA PREUVE De la RIO M e André Ouellet remet confidentiellement à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») quatre documents détenus par la RIO dont Metro Capital Properties inc. en refuse la communication à M. Gilles Beaudry. Il signale que la preuve sera présentée par Metro Capital, la RIO n’ayant pas d’objection à la communication des documents. De Metro Capital M. Kevork Meterissian, directeur administratif du Village olympique, fait valoir qu’il a remis confidentiellement à la RIO les quatre documents. Il s’agit : 1. Une offre d’achat de Metro Capital du 22 janvier 1998 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 16 60 - 3 M. Meterissian affirme que ce document produit par Metro Capital à la RIO a été réalisé par des professionnels engagés par sa compagnie. L’annexe « A » de ce document est le plan d’affaires de Metro Capital et comprend la recette de la compagnie, sa façon de faire, la stratégie de financement propre à l’entreprise qu’il qualifie de « novatrice » et la façon dont elle veut développer le projet venant traduire l’expérience de Metro Capital dans l’immobilier. 2. Une lettre du 5 février 1998 M. Meterissian affirme que ce document parle des états financiers de l’entreprise, de sa comptabilité, du pourcentage de propriétés et logements qu’elle possède au Canada et d’un organigramme identifiant les individus ayant investi dans Metro Capital. Il certifie que Metro Capital est une entreprise privée non cotée en bourse, donc non publique, et que les renseignements contenus aux documents en litige ne sont pas communiqués publiquement. 3. Une lettre du 10 février 1998 avec les annexes M. Meterissian atteste que ce document est une traduction en français du document en litige n o 2. Il s’y trouve également des annexes qui font état des intentions de ce qu’entend faire l’entreprise, les compagnies avec elle traite et les programmes qu’elle veut offrir. 4. Une entente collatérale du 14 avril 1998 M. Meterissian affirme que ce document décrit la stratégie propre à Metro Capital lors d’achat d’immeubles locatifs et renferme plusieurs chiffres. Il prétend que la stratégie décrite à ce document lui est particulière et que peu de gens peuvent mettre en place ce type d’entente; c’est en quelque sorte l'expertise de Metro Capital. Il précise que la page 3 de l’annexe « G », produite par M. Beaudry, spécifie que cette entente ne sera pas inscrite au registre foncier et n’a donc pas un caractère public.
01 16 60 - 4 M. Meterissian prétend que la communication des documents en litige pourrait lui causer préjudice dans ses négociations avec la Ville de Montréal et que ses compétiteurs pourraient copier le projet et lui causer ainsi préjudice. Il soumet que les documents en litige sont tirés du plan d’affaires de Metro Capital et que ceux-ci ont été donnés à la RIO pour les convaincre de leur compétence à gérer le Village olympique. Il affirme que Metro Capital a dépensé plusieurs milliers de dollars pour développer ce plan d’affaires, traité de façon confidentielle par ses officiers, et voit difficilement la raison pour laquelle il serait divulgué à ses compétiteurs. Le plan d’affaires concerne le Village olympique, son développement et implique des millions de dollars. Il avance que si ces informations deviennent publiques, elles pourraient mettre en cause l’achat même du Village olympique. M. Meterissian indique que Metro Capital gère 7 000 logements au Canada et a développé une formule de location, sa recette, dont font état les documents en litige. Il est d’avis que celui qui veut obtenir une recette doit payer pour l’avoir. Il n’a aucun motif de rendre publiques ces informations sans que cela ne lui cause préjudice. Interrogé par M. Beaudry, M. Meterissian reconnaît le communiqué émis par le gouvernement du Québec, le 25 février 1998, sur la vente du Village olympique (pièce D-1) et le prospectus de mise en vente du 20 octobre 1997 (pièce D-2 en liasse). Ce dernier, note-t-il, est un appel d’offres ouvert à tout le monde et conçu pour la vente de l’immeuble et du terrain appartenant à la RIO. Il souligne qu’il ne peut lui dévoiler si l’entente comporte d’autres volets que la vente de l’immeuble et du terrain de la RIO. LES ARGUMENTS De Metro Capital
01 16 60 - 5 M e Éric Potvin, procureur de Metro Capital, plaide que la vente du complexe immobilier du Village olympique fait l’objet d’un intérêt public pour lequel il existe plusieurs documents de nature publique. Il soutient toutefois que d’autres documents ne revêtent pas ce caractère public, notamment ceux en litige. Ces derniers sont des documents privés et confidentiels parce qu’il s’agit de projets de développement pour l’entreprise. Il indique que la lettre du 27 février 1998 fait d’ailleurs état du caractère confidentiel de certains renseignements et que ceux-ci se rapportent à des projets de développement de Metro Capital et aux relations entretenues avec ses employés. M e Potvin fait valoir que la preuve, non contredite, établit que les documents en litige émanent du plan d’affaires de Metro Capital, sont des renseignements stratégiques, nominatifs ou très personnels à l’entreprise et que ce type de renseignements est recherché par les compétiteurs. Il prétend que les lettres de références se trouvant aux documents donnent des informations très confidentielles sur la structure financière propre au développement de Metro Capital et que les compétiteurs pourraient en tirer profit. Il soumet que les conditions énoncées aux articles 23 et 24 de la Loi pour en refuser l’accès ont été satisfaites 2 : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. De M. Beaudry 2 Berku c. Côte St-Luc, [1990] C.A.I. 237.
01 16 60 - 6 M. Beaudry réplique qu’il ne tient pas à obtenir copie de la recette de Metro Capital ou de son financement. Il soutient que sa demande vise à obtenir les documents en lien avec la pièce D-1, car, selon le document de l’appel d’offres, il n’est pas fait pas mention que Metro Capital développe les terrains autres que ceux appartenant à la RIO. Il fait remarquer que la pièce D-1 parle du caractère innovateur du projet et de l’expertise de Metro Capital. La pièce D-2 prévoit, pour sa part, le dépôt par le soumissionnaire de son plan d’affaires, notamment en ce qui concerne les services multiples qui seront offerts aux personnes âgées habitant le Village olympique. Il prétend que la lettre du 27 février 1998 ( pièce D-3) et ce que Metro Capital réalise actuellement diffèrent de ce qui était initialement prévu. Aujourd’hui, note-t-il, les logements sont loués à toutes les catégories d’âge et non seulement aux personnes âgées. M. Beaudry est d’avis que Metro Capital a reçu de l’information lors de l’achat pour autre chose et semble d’ailleurs réaliser un projet différent de ce qui était, selon lui, prévu. Il appréhende que les 900 logements du Village olympique soient modifiés et deviennent condominiums. Il lui semble que Metro Capital a des ententes avec la Ville de Montréal pour construire sur le terrain de golf et que cette situation affecte sérieusement le voisinage. APPRÉCIATION J’ai examiné attentivement les documents en litige. Les documents n os 2 et 3 ont le même contenu, le n o 3 étant une version française du n o 2 écrit en anglais. Ces derniers documents renferment, en substance, des renseignements de nature financière et commerciale propres à Métro Capital, société non cotée à la bourse, et nous renseignent sur ses ressources financières, son développement et sa façon de faire.
01 16 60 - 7 -Je suis d’avis, vu la preuve et les arguments soumis par le procureur de Métro Capital, que les quatre conditions de l’article 23 de la Loi ont été satisfaites et que la communication des documents en litige n os 2 et 3 risquerait vraisemblablement, selon les termes de l’article 24, d’entraver une négociation ou de procurer un avantage appréciable à un concurrent. Le premier document en litige, intitulé « Proposition finale – Village olympique », contient : • une lettre de quatre pages parlant succinctement du proposant, du prix ou des garanties; • une annexe (« A ») d'une page décrivant sommairement le plan d’affaires relatif au Village olympique; • trois lettres, dont une de deux pages et deux autres d'une page, confirmant la garantie de financement. Ce document est relié directement à la vente de l’immeuble du Village olympique et, à mon avis, ne renferme que des renseignements évoqués en termes très généraux qui ne répondent pas au caractère de confidentialité énoncé à l’article 23 de la Loi ni aux impacts prévus à l’article 24, à l’exception toutefois du 5 e paragraphe de l’annexe « A ». Ce dernier paragraphe doit être soustrait à l’accès pour les mêmes motifs que les documents en litige n os 2 et 3. Pour ce qui est du document en litige n o 4, il s’agit d’une entente collatérale de 14 pages, convenue entre la RIO et Metro Capital, décrivant les obligations respectives des parties et directement reliée à la vente du Village olympique. Les clauses de ce contrat consignent les conditions auxquelles ils ont accepté de se soumettre et ne permettent pas de distinguer d’où originent les renseignements qui y sont inscrits, à l’exception de la partie 9, intitulée « Plan d’affaires » se trouvant aux pages 11 et 12. Ce contrat, négocié et signé par les parties, ne saurait constituer « un renseignement fourni par un tiers », selon les
01 16 60 - 8 articles 23 et 24 de la Loi 3 . Le document a un caractère public et M. Beaudry pourra en obtenir une copie, après avoir masqué la partie 9 pour les mêmes motifs que ceux se rapportant aux documents en litige n os 2 et 3. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de M. Gilles Beaudry; ORDONNE à la RIO de remettre à M. Gilles Beaudry copie : • du document en litige n o 1, après avoir masqué le 5 e paragraphe de l’annexe « A »; • du document en litige n o 4, après avoir masqué la partie 9, intitulée « Plan d’affaires » se trouvant aux pages 11 et 12. REJETTE, quant au reste, la demande de révision. M e MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 3 septembre 2002 GINGRAS OUELLET (M e André Ouillet) Procureurs de l'organisme LAPOINTE ROSENSTEIN (M e Éric Potvin) Procureurs de la tierce partie 3 Syndicat canadien de la fonction publique c. Centre hospitalier Anna-Laberge, [1990] C.A.I. 302; Syndicat canadien de la fonction publique c. Société du parc industriel et portuaire de Bécancour, [1991] C.A.I. 75; Nadeau c. Société d'habitation et de développement de Montréal, [1992] C.A.I. 197; John de Kuyper & Fils (Canada) ltée c. Société de vin internationale ltée, [1992] C.A.I. 351(C.Q.); Boucher c. Ministère des Affaires municipales, [1996] C.A.I. 378.
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