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01 07 01 BOUCHARD, GUY, le demandeur, c. BUREAU DU COMMISSAIRE DES INCENDIES, lorganisme. Le 22 mars 2001, le demandeur (M. Bouchard) sadresse à lorganisme pour obtenir copie du rapport denquête préparé par lorganisme à la suite de lincendie survenu le 29 octobre 2000, rue Saint-Félix à Saint-Augustin-de-Desmaures. Le 4 avril 2001, le responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) refuse de communiquer ce document au motif quil est visé par larticle 63, paragraphes 2° et 9° de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Le numéro de larticle invoqué est par la suite corrigé pour se lire 28, paragraphes 2° et 9°. Le 16 avril 2001, M. Bouchard demande à la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser cette décision du responsable en vertu de larticle 135 de la Loi. Une audience se tient en la Ville de Québec, le 15 mai 2002, date à laquelle commence le délibéré. LAUDIENCE Lavocat de lorganisme confirme que les dispositions invoquées pour fonder le refus de communiquer le document demandé sont les paragraphes 2° et 9° de larticle 28. De façon subsidiaire, si jamais la Commission ne retenait pas ces motifs de refus, il rappelle que la Commission devra tout de même protéger les renseignements nominatifs que contient le rapport en litige. Il dépose, sous pli confidentiel entre les mains de la Commission, le document en litige. Il sagit dun rapport denquête de trois pages préparé par lenquêteur de 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
01 07 01 -2-lorganisme, André Savard, dans le dossier 2000-10-29-177, événement SM-84745, au sujet de lincendie du 29 octobre 2000 dans un immeuble sis sur la rue Saint-Félix à Saint-Augustin-de-Desmaures. LA PREUVE Lavocat de lorganisme appelle, pour témoigner, le Commissaire des incendies, M e Cyrille Delâge (M e Delâge), qui exerce également la fonction de responsable. M e Delâge a traité la demande daccès. Il affirme que lenquêteur est visé par le premier alinéa de larticle 28 en ce quil est une personne chargée en vertu de la loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. Le témoin ajoute que lenquêteur Savard est employé par lorganisme pour effectuer les recherches visées par les articles 11 et 14 de la Loi concernant les enquêtes sur les incendies 2 (la LEI) en vigueur à lépoque de lenquête. M e Delâge ajoute que lorganisme a juridiction sur le territoire de la Municipalité de Saint-Augustin-de-Desmaures en vertu dune convention de service intervenue entre la Ville de Québec et cette municipalité. Lavocat de lorganisme appelle, ensuite, pour témoigner, monsieur André Savard (M. Savard), enquêteur au Bureau des incendies de la Ville de Québec. Afin de référer plus librement et entièrement au texte du document en litige, le témoin demande de pouvoir livrer son témoignage ex parte et à huis clos en vertu de larticle 20 des Règles de preuve et procédures de la Commission daccès à linformation 3 (les « Règles de preuve ») : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. Le demandeur ne soppose pas à cette procédure et le témoin détaille le contenu du rapport, explique les circonstances particulières de lintervention des pompiers et les raisons qui ont poussé lenquêteur à conclure comme il la fait. Il révèle les 2 L.R.Q., c. E-8, remplacée par la Loi sur la sécurité incendie, c. S-3.4, le 1 er septembre 2000. 3 Décret 2058-84 du 19-09-1984, (1984) 116 G.O. II 4648.
01 07 01 -3-décisions prises par le corps de police à la suite de ses conclusions et le statut actuel de ce dossier. Le témoin décrit sa fonction comme étant celle dun agent de la paix relevant de lapplication de la LEI. Il nest pas un policier du service de police de la Ville de Québec. Il détient cependant les pleins pouvoirs de « constable spécial » pouvant effectuer des enquêtes criminelles et il est chargé, en vertu de la loi, de démasquer les incendiaires. En contre-interrogatoire, M. Savard admet quil a offert au demandeur la possibilité de lire le rapport en litige. LES REPRÉSENTATIONS LE DEMANDEUR Le demandeur plaide que laccès au contenu du document en litige lui a été offert par M. Savard. Aux termes de larticle 10 de la Loi, si la lecture dun document lui est accessible, il devrait pouvoir en obtenir copie. Le demandeur dépose la jurisprudence quil croit applicable au présent litige. Ainsi, il prétend que lenquête en cause est de nature purement administrative et quelle ne peut se qualifier en vertu du premier alinéa de larticle 28 4 . Le demandeur est aussi davis que lorsquune enquête est terminée, lorganisme ne peut plus soulever le paragraphe 2° du premier alinéa de larticle 28 pour interdire laccès au rapport denquête 5 . Le demandeur prie la Commission de sen tenir à la protection des renseignements nominatifs qui pourraient se trouver dans le rapport en litige, ce quil accepte demblée. 4 Pinsonneault c. Trois-Rivières (Ville de), [1994] CAI 32, 39, 40. 5 Dimaggio c. Paroisse de Saint-Lazare, [ 1997] CAI 152, 154-155 ; Therrien c. Ministère de la Sécurité publique, [2000] CAI 340, 341, 343.
01 07 01 -4-LORGANISME Lavocat de lorganisme prétend que même si lenquêteur Savard a offert au demandeur de consulter le Rapport en question, il nen reste pas moins que cest au responsable que revient la charge, aux termes de la Loi, den déterminer laccessibilité et à personne dautre. Au sein dun organisme, seul le responsable peut lier ce dernier quant au respect des dispositions de la Loi. Il soutient que la Cour du Québec et la Commission ont décidé que tant quune enquête nest pas solutionnée, une réouverture est toujours possible puisque la responsabilité criminelle dun acte ne se prescrit pas 6 . Dans ces circonstances, le paragraphe 2° du premier alinéa de larticle 28 sapplique. Il argue que son paragraphe 9° est applicable également puisquil apparaît au lecteur, à la face même du rapport en litige, que les personnes ayant fait lobjet de lenquête nétaient pas dans un état desprit idéal et que laudition impartiale de leur cause pourrait en souffrir. Lavocat de lorganisme plaide enfin que la jurisprudence citée par le demandeur nest pas pertinente au cas qui nous occupe. En effet, dans laffaire Pinsonneault, il sagissait bien dune enquête de routine, ce qui nest pas le cas ici. Dans laffaire Dimaggio, des procédures judiciaires étaient engagées devant les tribunaux, contrairement au cas qui nous occupe. Enfin, dans laffaire Therrien, il y eut décision quaucune accusation ne serait portée à la suite de lenquête, ce qui diffère du cas sous examen aucune telle décision na pas été prise. DÉCISION La preuve et les dispositions pertinentes de la LEI convainquent la Commission que lenquêteur André Savard est une personne visée par lalinéa premier de larticle 28 de la Loi. Lenquête quil a menée nest pas faite pour des motifs administratifs mais bien pour prévenir, détecter ou réprimer le crime. 6 Procureur général du Québec c. Gauthier, [1997] CAI 420 (C.Q.) 423; 9018-5703 Québec inc. et Pitre, Lise c. Ministère de la Sécurité publique, CAI 00 15 63 Québec, le 26 juillet 2001.
01 07 01 -5-La preuve établit que lenquête est terminée. La preuve et, surtout, la simple lecture du document en litige ne peuvent clairement pas amener la Commission à conclure que la divulgation de lun ou lautre des éléments qui compose le rapport denquête en litige puisse mettre en péril le déroulement dune enquête ni porter atteinte au droit dune personne à une audition impartiale de sa cause. Les paragraphes 2° et 9° du premier alinéa de larticle 28 de la Loi, invoqués au soutien du refus de communiquer ce document, ne sont pas applicables aux faits examinés. Aucun autre paragraphe ne peut dailleurs trouver application en lespèce. La Commission est davis que la décision du responsable de refuser la communication du document en litige en vertu de cette disposition de la Loi nest pas fondée. Le document recèle toutefois des renseignements nominatifs que la Commission, doit, doffice, protéger par lapplication des articles 53, 54 et 59 de la Loi. Le document en litige est accessible au demandeur à lexception des renseignements énumérés au dispositif qui suit, lesquels sont des renseignements nominatifs au sens des articles 53 et 54. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission, ACCUEILLE, en partie, la demande de révision ; ORDONNE à lorganisme de remettre au demandeur copie du rapport en litige à lexception des renseignements ci-après indiqués : les numéros des chambres mentionnés dans le rapport ; le nom et le sexe du suspect (point 4) ; les nom et prénom des membres du personnel impliqué (point 9) Les nom, prénom, numéro de téléphone et numéro de local des personnes physiques apparaissant aux points 11, 12 et 13 ; Les nom, prénom et numéro de téléphone de la personne employée par la centrale dalarme ainsi que les nom, prénom et fonction, le cas échéant, de lautre personne physique mentionnée au point 15 ; et
01 07 01 -6- Les nom, prénom, fonction, le cas échéant, ainsi que tout élément pouvant indiquer le sexe des personnes physiques mentionnées ou pouvant être identifiées aux deux paragraphes du point 16 ; et REJETTE la demande de révision quant au reste. Québec, le 15 août 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Jean-Sébastien Gobeil-Desmeules
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