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01 02 81 FLAMAND, ANTONIO, le demandeur, c. MINISTÈRE DU CONSEIL EXÉCUTIF, lorganisme. Le 5 janvier 2001, le demandeur sadresse à lorganisme afin dobtenir : copie de toutes les informations sur les démarches effectuées face aux problèmes rencontrés par la Commission de construction du Québec (CCQ) dans ses efforts pour faire appliquer le décret de la construction dans les réserves indiennes Criees de la région de la Baie-James ; copie des lettres, notes sur les échanges téléphoniques ou autres entre la CCQ, lorganisme, le Grand conseil des Cries et le conseil de bande pour tenter de visiter les chantiers de construction de la réserve dOujé-Bougoumou dans les années 1993 et suivantes ; et les renseignements sur les échanges de toute nature entre lorganisme, la CCQ, le Grand conseil des Cries et les Conseils de bandes dans le but de permettre la visite des chantiers de construction dans les réserves dOujé-Bougoumou, Mistissini, Waswanipi, Nemaska, Wakagasish, Eastmain, Wemindji et Chisasibi de 1990 à aujourdhui. Le 23 janvier 2001, le Responsable de laccès de lorganisme, M. Alain Lauzier, (le Responsable) reconnaît avoir reçu la demande le 8 janvier précédent et se prévaut de son droit détendre, de 10 jours supplémentaires, le délai de réponse à sa disposition. Le 7 février 2001, après avoir décidé quun document serait accessible au demandeur, le Responsable lui refuse laccès à une série de documents en vertu des articles 14, 32 et 37 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi). Il ne se prononce pas sur laccessibilité dune autre série de documents détenus par lorganisme mais produits 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 02 81 -2-à ce dernier par la CCQ, référant le demandeur au responsable de laccès de la CCQ conformément à larticle 48 de la Loi. Le 21 février suivant, le demandeur requiert la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser cette décision du Responsable. Une audience se tient en la ville de Québec, le 29 mai 2002. LAUDIENCE Dès le début de laudience, M e Alain Loubier, lavocat de lorganisme annonce que larticle 32 de la Loi nest plus invoqué par ce dernier et remet séance tenante au demandeur deux documents qui faisaient partie de la liasse 1 ci-après décrite et qui portaient les numéros 2 et 4. Il sagit de la note de service du 17 septembre 1997 par François Dupuis à M. Moisan et de la note de service du 27 mai 1994 par Paul Lacasse à Jacques Meunier. LA PREUVE M e Loubier appelle, pour témoigner, le Responsable, monsieur Alain Lauzier. M. Lauzier remet dabord les documents en litige à la Commission, sous pli confidentiel. Il sagit de deux liasses de documents. La première concerne les documents visés par les articles 14 et 37 de la Loi et qui émanent tous du Secrétariat aux affaires autochtones de lorganisme et la seconde, ceux visés par larticle 48 de la Loi émanant tous de la CCQ : Liasse-1 #1. Rapport sur la rencontre du 1 er décembre 1997 (7 pages) ; #3. Lettre du 3 juin 1994 (2 pages) ; #5. Note du 10 mai 1994 (3 pages) ; #6. Note du 1 er mars 1994 (3 pages) ; #7. Note du 25 février 1994 (3 pages). Liasse-2 #1. Note de service du 8 octobre 1991 (1 page) ; #2. Note de service du 11 juin 1992 (3 pages) ; #3. Lettre du 30 mai 1994 (1 page) ; #4. Note du 26 mai 1994 (2 pages) et annexées, notes #1 et #2.
01 02 81 -3-Il dépose ensuite, sous les cotes O-1, O-2 et O-3, respectivement, sa réponse présentement sous révision, la demande daccès et la lettre quil adressait, par courtoisie, le 7 février 2001, au responsable de laccès de la CCQ afin de lui faire parvenir copie des documents détenus par lorganisme et dont, à son avis, la détermination de laccessibilité relève davantage de la compétence de ce responsable (liasse 2). Avant de témoigner ex parte et à huis clos, ce à quoi le demandeur ne sobjecte pas formellement, le témoin Lauzier explique brièvement les démarches entreprises pour retracer les documents demandés. Il déclare que le Secrétariat aux affaires autochtones fait partie intégrante de lorganisme et sest donc adressé à ce dernier pour les documents les plus récents et aux archives pour les documents semi-actifs. Il a relevé 14 documents dont un a été immédiatement divulgué au demandeur, puis retenu les 13 autres. Deux de ces 13 documents ont été remis au début de laudience. Ils avaient dabord été retenus parce quil croyait, à lépoque, que ces documents #2 et #4 de la liasse 1 pouvaient avoir une incidence sur des procédures judiciaires. Quant aux documents de la liasse 2 produits par la CCQ, le Responsable affirme quil nest pas qualifié pour soulever les dispositions de la Loi qui pourraient être invoquées par la CCQ. Seule la CCQ peut, par exemple, faire le choix de soulever ou non les restrictions facultatives prévues à la Loi en pleine connaissance de cause et de façon circonspecte. Il ne peut faire ce choix pour la CCQ. Le reste du témoignage de M. Lauzier se continue ex parte et à huis clos. Il y affirme que les 15 documents qui ont été retracés sont les seuls que lorganisme détienne et qui peuvent répondre à la demande daccès telle que formulée. Cette affirmation est réitérée, à la demande de la Commission, en présence du demandeur à son retour en salle daudience. Cette déclaration sapplique même aux documents qui contiennent des références à des pièces annexées qui, selon le Responsable, se sont avérées introuvables. En labsence du demandeur, le témoin Lauzier fait la revue de chacun des documents de la liasse 1 encore en litige. Il indique , dans les textes, la notion davis et de recommandation peut se déceler par le choix des termes employés par lauteur, par la volonté de lauteur de transmettre son point de vue quant à la conduite de ce dossier par les décideurs du Secrétariat, par les commentaires quil
01 02 81 -4-fait sur les faits examinés. Il y souligne également les recommandations formelles de lauteur. En contre-interrogatoire, M. Lauzier déclare que la demande daccès, telle que formulée, ne peut viser des documents archivés en raison des dates relativement récentes auxquelles elle réfère. De son côté, le demandeur a admis que des procédures judiciaires existaient entre la CCQ et une corporation avec laquelle il est lié. Le demandeur dépose également, sous la cote D-1, une lettre adressée par Monsieur André Ménard, directeur de la qualification professionnelle chez la CCQ à Les Constructions DArgenson le 1 er mars 1994 il est spécifié ce qui suit : Les représentants de la Commission de la construction du Québec ont tenté en vain de visiter le chantier de ce constructeur du village dOujé-Bougoumou depuis plusieurs mois. Nous avons saisi le Secrétariat aux affaires autochtones (S.A.A.) de ce dossier afin de trouver une solution. Monsieur Meunier du S.A.A. y a chargé un représentant de traiter des différents problèmes existant entre cette communauté et diverses instances. Nous en attendons un suivi. […] LES ARGUMENTS LORGANISME Larticle 48 de la Loi : M e Loubier plaide, dune part, que larticle 48 est libellé de manière à accorder lentière discrétion au Responsable pour décider si, à son avis, la détermination de laccessibilité des documents relève ou non de la compétence dun autre organisme. La preuve établit que le Responsable ne pouvait, par exemple, faire le lien entre les renseignements se trouvant dans ces documents et une possible procédure judiciaire entre la CCQ et une autre partie concernant lapplication du décret de la construction dans les réserves Criees. Il ne sest donc pas prononcé sur laccessibilité de ces documents parce quil navait pas à se substituer au responsable de laccès de la CCQ. Dautre part, la preuve démontre que les documents de la liasse 2 sont
01 02 81 -5-produits par la CCQ et émanent de cette dernière. Il nen fallait pas plus pour permettre au Responsable de référer le demandeur au responsable de laccès de la CCQ conformément à larticle 48. Larticle 37 de la Loi : Lavocat de lorganisme soutient que la preuve démontre que les documents de la liasse 1 sont tous datés de moins de 10 ans et que les auteurs ont été identifiés par le Responsable lors de son témoignage ex parte et à huis clos comme étant des employés du Secrétariat des affaires autochtones, faisant partie de lorganisme. Ces éléments limitent linvocation de larticle 37 à son premier paragraphe. Il réfère la Commission aux notions davis et de recommandation développées par le juge Jean-Paul Aubin de la Cour du Québec dans laffaire Deslauriers 2 . Il rappelle le témoignage de M. Lauzier sarrêtant sur le choix des expressions utilisées par les auteurs des textes, tel choix reflétant lintention dinfluencer les décideurs par des avis menant aux recommandations formelles. Les avis sont inextricablement liés à des faits issus de la problématique précise soumise à lorganisme par la CCQ. Il est, selon lavocat de lorganisme, impossible disoler les faits des avis. Ces éléments sont imbriqués les uns aux autres de sorte que le découpage des faits et des avis enlèverait toute signification aux textes. Pour lavocat de lorganisme, les avis forment la substance des textes 3 . LE DEMANDEUR Larticle 48 de la Loi : Le demandeur plaide que la détention des documents de la liasse 2 par lorganisme dans lexercice des ses fonctions est admise par ce dernier. La Loi doit alors 2 Deslauriers c. Le Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] CAI 311 (C.Q.) 315, 316, 319, 320 et 321. 3 Devcorp inc. c. Société immobilière du Québec, [1989] CAI 180, 182 ; « A » c. Hôpital Notre-Dame de Montréal, [1987] CAI 145, 147 ; La Commission scolaire Laurenval c. Stéphanie, Mehta, [1990] CAI 279 (C.Q.) 281.
01 02 81 -6-sappliquer conformément à son article 1. Lorganisme ne peut invoquer ce motif de refus car il y a détention des documents. DÉCISION Larticle 48 de la Loi : 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. Le témoignage du Responsable démontre quil savait vaguement que la CCQ avait intenté des procédures judiciaires relativement aux sujets abordés par la demande daccès. Le demandeur a admis quune société à laquelle il était lié (les Constructions DArgenson) avait été poursuivie par la CCQ dans le contexte décrit par la demande daccès. De ces circonstances mis en lumière par les témoignages et de la lecture du contenu des documents de la liasse 2 en litige, la Commission conclut que le Responsable était fondé de référer le demandeur au responsable de laccès de la CCQ pour que ce dernier statue sur leur accessibilité. Le Responsable en cause ici ne pouvait analyser aussi bien que le responsable de la CCQ les liens entre le contenu de ces documents et la procédure judiciaire. Il ne pouvait savoir non plus précisément à quel stade en étaient ces procédures. De lavis de la Commission, le cas sous étude est représentatif du but que visait le législateur lorsquil a édicté larticle 48. Il convient de lire à ce sujet les auteurs Raymond Doray et François Charette 4 : En règle générale, le responsable de laccès est tenu de répondre à toute demande concernant des documents détenus par son organisme, mais il est possible que le responsable nait pas toute linformation nécessaire pour cerner la portée du document et évaluer les incidences de sa divulgation. Tout dabord, le responsable cherchera à obtenir ces informations à linterne, auprès des fonctionnaires et dirigeants de son organisme, mais il arrivera 4 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à linformation, Loi annotée Jurisprudence Analyse et commentaires. Vol. 1. Cowansville : Yvon Blais, 2001. P. II/48-1, 48-2.
01 02 81 -7-parfois que le document ait été produit par un autre organisme public ou pour le compte dun autre organisme; ou encore que, après analyse, il se révèle que le document relève davantage de la compétence dun autre organisme public. La loi prévoit que le responsable doit alors inviter le demandeur à sadresser à cet autre organisme public. De plus, il doit linformer du nom et des coordonnées de son homologue au sein de cet autre organisme public. Le législateur a choisi de traiter chaque organisme public comme une entité séparée, responsable de sa politique daccès, eu égard aux prescriptions de la loi. Le corollaire de ce choix, cest que le responsable ne peut se voir dicter ses décisions par un autre organisme public. Aussi, lorsquun document répond à lun ou lautre des critères prévus à larticle 48, le responsable est tenu de guider le demandeur vers lorganisme compétent qui sera mieux placé pour répondre à sa demande. La CCQ est plus à même dexercer la discrétion qui lui échoit de communiquer ou non les documents de la liasse 2, en particulier dans le contexte de lapplication de larticle 32 et la décision du Responsable est bien fondée à cet égard : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. Larticle 37 de la Loi : La seule disposition invoquée pour refuser laccès se lit comme suit : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. Lexamen des documents de la liasse 1 en litige et la preuve révèlent que ces documents sont tous postérieurs au 5 janvier 1991 (rédigés depuis moins de 10 ans avant la demande daccès) et quils ont été préparés par les membres du personnel de lorganisme qui, lui, agit dans lexécution de son mandat de conseil, à la demande de la CCQ (D-1) et quils constituent, en partie du moins, un jugement de valeur sur la problématique posée par les faits soumis par la CCQ. Ce jugement de valeur est destiné à influencer directement les décideurs de lorganisme. Les critères dapplication de larticle 37 de la Loi sont en partie satisfaits puisque les textes
01 02 81 -8-contiennent aussi une partie substantielle qui revêt une nature différente : des descriptions de faits et des conclusions sur ces faits. Cependant, outre la conviction que la relation de ces faits est trop intimement liée aux avis et recommandations qui suivent pour les séparer les uns des autres en vertu de larticle 14 en sauvegardant lintelligibilité du tout, la Commission est aussi convaincue quune bonne partie des faits et conclusions sur ces faits, menant aux avis et recommandations visés par larticle 37, forme également des ensembles quelle peut qualifier danalyses : […] pour quil y ait analyse, il faut un document qui comporte du texte de la nature dune étude ou dun rapport danalyse et quon y retrouve réunis des faits bruts, des analyses de ces faits et des recommandations découlant de ces analyses 5 . […] Le paragraphe 5° al. premier de larticle 33 Lorganisme na pas soulevé le paragraphe 5° du premier alinéa de larticle 33 qui est dapplication impérative. En raison du caractère impératif de cette restriction à laccès, la Commission peut toutefois soulever ce paragraphe doffice : 33. Ne peuvent être communiqués avant l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans de leur date: […] 5 o les analyses effectuées au sein du ministère du Conseil exécutif ou du secrétariat du Conseil du trésor et portant sur une recommandation ou une demande faite par un ministre, un comité ministériel ou un organisme public, ou sur un document visé dans l'article 36; […] La preuve établit que le Secrétariat aux affaires autochtones fait partie intégrante de lorganisme et quil sest penché sur la problématique soulevée par la CCQ à la demande de cette dernière (D-1). La CCQ est un organisme public aux termes de sa loi constitutive 6 et de larticle 4 de la Loi. Les premiers critères dapplication de ce paragraphe sont satisfaits. Reste à déterminer si la Commission est en présence danalyses. Lexamen des documents révèle quune partie substantielle des documents de la liasse 1 en litige est constituée danalyses qui amènent tout naturellement à la formulation davis et de recommandations. encore, les faits 5 St-Constant (Ville de) c. Filiatrault, McNeil et associés inc., [1999] CAI 523 (C.Q), 525. 6 Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-dœuvre dans lindustrie de la construction, L.R.Q., c. R-20, chapitre II, section I.
01 02 81 -9-bruts, normalement accessibles au demandeur, sont intimement liés à lanalyse de sorte quil nest pas possible de les extraire pour les lui divulguer sans leur enlever tout leur sens logique. La partie soulignée de larticle 14 sapplique, ici aussi, comme la Commission a pu le faire pour larticle 37 ci-haut : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. Somme toute, le jeu des articles 14, 33, paragraphe 5°, et 37 rend les documents de la liasse 1 totalement inaccessibles au demandeur puisque leur contenu est, en substance, composé danalyses, davis et de recommandations visés par ces exceptions à laccès. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. Québec, le 13 août 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Alain Loubier
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