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DOSSIERS : 00 17 85 BIBEAU, M e LISE, 00 19 12 01 01 13 la « demanderesse », c. CENTRE COMMUNAUTAIRE JURIDIQUE DE LA MAURICIE-BOIS-FRANCS, le « Centre ». DÉCISION INTERLOCUTOIRE En août, septembre et décembre 2000, la demanderesse sadresse au Centre pour obtenir tout son dossier demploi, une partie de son dossier médical, certains comptes de dépenses et traitements salariaux ainsi que divers documents administratifs et budgétaires. À la suite de ces demandes, le Centre lui transmet certains documents contenant des renseignements personnels la concernant et certains documents de nature administrative mais refuse de lui transmettre divers autres documents dits administratifs ou autres renseignements quelle demande et ce, pour divers motifs. Un des motifs soulevés à lappui de ce refus est que le Centre nest pas un organisme public et, par conséquent, nest pas assujetti à la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Dans chacun de ces dossiers, la demanderesse en appelle à la Commission daccès à linformation (la Commission) afin que cette dernière intervienne. Elle allègue dans deux des trois présents dossiers, entre autres, que le Centre est un organisme public au sens de la Loi sur laccès. Une audience se tient en la ville de Québec, le 29 avril 2002. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci après appelée la « Loi sur laccès ».
00 17 85 2 00 19 12 01 01 13 LOBJET DU LITIGE Vu les documents constitutifs de ces instances et lénoncé des prétentions de chacune des parties au tout début de laudience, la Commission doit dabord et principalement déterminer si le Centre est assujetti à la Loi sur laccès, comme le soutient la demanderesse ou sil est plutôt assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 2 , comme le propose lavocat du Centre. LAUDIENCE La Commission est davis, du moins pour ce qui est de la question préliminaire à trancher, que les trois dossiers soient entendus conjointement et que la preuve, le cas échéant, et les arguments présentés au soutien des prétentions des parties sur cette question dans lun des dossiers soient versés dans les deux autres. Les parties manifestent leur accord sur cette façon de procéder. LA PREUVE La demanderesse dépose, sous les cotes D-1 à D-8, divers documents tendant à établir laveu extrajudiciaire de létat dorganisme public du Centre. Il sagit, entre autres du Deuxième rapport sur limputabilité des sous-ministres et des dirigeants dorganismes publics de la Commission de ladministration publique de lAssemblée nationale du Québec du 25 novembre 1997 (D-1); dun extrait du Rapport annuel 2000-2001 du ministère de la Justice, avec son organigramme (D-2); dextraits du Guide sur la déclaration de services aux citoyens, septembre 2000, annexe 4 (D-3) et notes introductives (D-4); Modernisation de la Gestion publique, texte publié sur le site Internet du Conseil du trésor du Québec en 2001, liste des répondants ministériels du 9 février 2001 (D-5); Déclaration de services aux citoyens, texte publié conjointement par la Commission des services juridiques et les Centres communautaires juridiques le 1 er novembre 2001 (D-6); et deux textes de la Série des mémorandums sur la TPS/TVH (mai 2 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée la « Loi sur le privé ».
00 17 85 3 00 19 12 01 01 13 1995 et décembre 1994) publiés sur Internet par lAgence des douanes et du revenu du Canada concernant les services daide juridiques (D-8). Lavocat du Centre ne présente aucun élément de preuve. Il admet toutefois que la Commission des services juridiques (CSJ) exerce un contrôle sur le Centre. LES PLAIDOIRIES Le centre Lavocat du Centre, M e Gérard Larivière, soutient que la jurisprudence applicable en la matière est toujours la décision de 1986 de la Commission dans Perreault c. Centre communautaire juridique de Laurentide-Lanaudière (laffaire Perreault) 3 . Il estime que le contexte juridique et réglementaire na pas changé depuis cette décision. Il maintient que la Commission doit sen tenir à cette application de larticle 4 de la Loi quelle y a déjà faite et statuer que le Centre nest pas un organisme public au sens de cette disposition et, partant, nest pas assujetti à la Loi sur laccès. La demanderesse La demanderesse plaide tout dabord que le contexte juridique dans lequel œuvrent le Centre et la CSJ, lorganisme public qui le contrôle, a changé depuis la décision dans laffaire Perreault. En effet, des amendements à la Loi sur laide juridique 4 (LAJ) ainsi que le nouveau Règlement dapplication de la Loi sur laide juridique 5 (le Règlement) ont modifié le statut légal et de la CSJ et des centres régionaux, dont fait partie le Centre, en les désignant maintenant comme « personne morale » plutôt que comme, autrefois, « corporation au sens du Code civil », et ont accru le contrôle de ces centres régionaux par la CSJ 6 . 3 [1986] CAI 341. 4 L.R.Q., c. A-14, a. 19, 31. 5 L.R.Q., c. A-14, r.1. 6 Loi sur ladministration publique (P.L. n° 82, 2000, c. 8, sanctionné le 30 mai 2000, a. 102, modifiant la LAJ par lajout de larticle 81.1).
00 17 85 4 00 19 12 01 01 13 Elle plaide, de plus, que certains aspects de contrôle ou de délégation possible nont pas été discutés dans laffaire Perreault. Elle soutient que le Centre est un démembrement de la CSJ 7 ou une de ses unités administratives 8 ou son mandataire 9 . Elle énumère toutes les dispositions législatives discutées ou non dans laffaire Perreault existante ou non lors de laudition de cette dernière affaire qui établissent le contrôle de la CSJ sur le Centre, contrôle que son collègue représentant le Centre a dailleurs admis. La demanderesse plaide quen raison de laction gouvernementale dont le Centre fait partie, ce dernier serait un établissement public selon certains auteurs 10 . Elle soutient que les contrôles étroits et laction gouvernementale viennent modifier la doctrine traditionnelle. En réplique, lavocat du Centre rappelle que la modification apportée aux articles 19 et 31 de la LAJ, faisant de la CSJ et des centres des personnes morales plutôt que des corporations au sens du Code civil a été faite en 1996 dans le seul but dharmoniser les termes de la LAJ avec le nouveau Code civil du Québec 11 en vigueur depuis 1994. Cette nouvelle appellation ne procure de nouveau statut légal ou juridique ni à lun ni à lautre. DÉCISION La question en litige doit se trancher par linterprétation de larticle 4 de la Loi : 4. Les organismes gouvernementaux comprennent les organismes non visés dans les articles 5 à 7, dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que le personnel soit nommé ou rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1) ou dont le fonds social fait partie du domaine public. 7 a. 13 LSJ. 8 a. 13 du Règlement. 9 a. 31 de la LSJ. 10 Issalys et Lemieux, Laction gouvernementale Précis de droits des institutions administratives, ed. Yvon Blais, 1997, p. 377 et suivantes; Vos clients et la Charte Actes de la Conférence de lAssociation du Barreau canadien, octobre 1987, Jean-Louis Beaudouin, p. 27 et ss., René Dussault, p. 91 et ss. 11 L.Q., 1991, c. 64.
00 17 85 5 00 19 12 01 01 13 Aux fins de la présente loi, le curateur public est assimilé à un organisme gouvernemental, dans la mesure il détient des documents autres que ceux visés par l'article 2.2. Est assimilée à un organisme gouvernemental, aux fins de la présente loi, une personne nommée par le gouvernement ou par un ministre, avec le personnel qu'elle dirige, dans le cadre des fonctions qui lui sont attribuées par la loi, le gouvernement ou le ministre. Dans le cadre de linterprétation de cet article, la Commission avait dabord considéré que le législateur, en utilisant les mots « Les organismes gouvernementaux comprennent », navait pas voulu limiter leur sens aux seules entités qui répondaient aux critères précis prescrits par cet article, au contraire. La Cour du Québec et la Cour supérieure en ont jugé autrement. Les auteurs Raymond Doray et François Charrette 12 font, à ce propos, les commentaires suivants : […] Pour sa part, la Commission a décidé à quelques reprises que lutilisation du mot « comprennent » aux articles 4 à 7 de la Loi sur laccès indiquait une volonté législative de ne pas limiter lapplication de cette loi aux organismes mentionnés ou à ceux qui répondent aux critères prescrits dans les articles 3 à 7 de la Loi sur laccès. Ainsi, la Commission a procédé à une analyse des fonctions et des opérations dun organisme non spécifiquement visé par larticle 4 pour savoir sil répondait à la définition que les dictionnaires ou les ouvrages de doctrine en droit administratif donnent dun organisme gouvernemental[ 13 ]. La Cour supérieure et la Cour du Québec ont rejeté cette approche et ont conclu dune analyse des articles 3 à 7 que les seuls organismes assujettis à la Loi sur laccès sont ceux qui sont spécifiquement mentionnés dans ces articles ou qui répondent aux critères dassujettissement quils énoncent. En dautres mots, les articles 3 à 7 de la Loi sur laccès ont un caractère exhaustif ou limitatif 14 . En lespèce, est donc inutile, pour la Commission, dexaminer plus à fond les nouveaux éléments de contrôle accru qui résulteraient des amendements récents à la LAJ puisque létude de ces nouveaux éléments procède dune analyse des fonctions et des opérations du Centre que la Cour supérieure et la Cour du Québec interdisent désormais de considérer dans lapplication de larticle 4 de la Loi. 12 Accès à linformation Loi annotée. Jurisprudence, Analyse et commentaires, Vol. I, Ed. Yvon Blais, 2001, Cowansville, p. I/ 4-2 et 4/3. 13 Propane Frigon inc. c. Québec (Curateur public), [1986] CAI 270. 14 Marchildon c. Commission daccès à linformation, [1987] CAI 96 (C.S.); Plastiques M & R inc. c. Bureau du commissaire général du travail, [1992] CAI 372 (C.Q.); Collège français primaire inc. c. Ouimet, [1996] CAI 439 (C.Q.) [445, 446].
00 17 85 6 00 19 12 01 01 13 La Commission na seulement quà se demander si le Centre répond aux critères précis circonscrits par cet article, savoir : a) il nest pas visé par les articles 5, 6 et 7, cest-à-dire, il nest ni un organisme municipal, ni un organisme scolaire, ni un organisme de santé ou de services sociaux et i) ses membres sont nommés par le gouvernement ou un ministre ii) ou la loi ordonne que son personnel soit nommé ou rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) iii) ou son fonds social fait partie du domaine de lÉtat ; ou b) il est le Curateur public ou c) il est une personne nommée par le gouvernement ou par un ministre, avec le personnel quelle dirige. Le Centre nest manifestement ni le Curateur public, ni la personne visée en c). Pour déterminer si le Centre, qui nest pas, de toute évidence, visé par les articles 5, 6 et 7 de la Loi, répond à lun ou lautre des critères i), ii) et iii), la décision de la Commission dans laffaire Perreault est toujours aussi pertinente, à cet égard. Nous acceptons largument du Centre selon lequel aucun des trois critères énumérés à cet article ne sapplique à lui. En ce qui concerne la nomination de la majorité des membres et la rémunération du personnel, les dispositions déjà citées parlent delles-mêmes[ 15 ]. Quant à lexpression « dont le fonds social fait partie du domaine public », nous nous rallions à linterprétation du Centre qui suit la distinction que fait le professeur René Dussault dans son Traité de droit administratif canadien et québécois 16 il explique que lon distingue habituellement deux grandes catégories dentreprises ou sociétés publiques : a) celles qui sont sans fonds social, cest-à-dire sans capital-actions, dont la loi constituante précise simplement quelles sont des corporations au sens du Code civil b) celles qui sont fonds social, cest-à-dire dont le capital est constitué dactions que le gouvernement détient en tout ou en partie, soit directement, soit par lintermédiaire du ministre des Finances. Lorsque le gouvernement est le seul actionnaire de la compagnie, on parle de société à capital public. 15 La Commission faisait ici référence aux articles cités par le Centre : les articles 35 al. 1 er , 32b) et 80i) de la LAJ dont la rédaction était substantiellement la même que celle qui suit : 35. Les pouvoirs d'un centre régional sont exercés par un conseil d'administration formé de 12 membres nommés pour trois ans par la Commission. De plus, le directeur général y siège dès sa nomination avec voix consultative seulement. 32. Un centre régional a pour fonction principale de fournir l'aide juridique de la manière prévue par la présente loi et, à cette fin, dans le cadre des règlements et de toute entente conclue avec la Commission : [...] b) d'engager les avocats et les notaires à temps plein et les autres employés nécessaires ainsi que de retenir les services d'étudiants en droit; [...] 80. Peuvent être adoptés des règlements pour les fins de la présente loi et notamment pour: [...] i) établir les normes et les barèmes suivant lesquels sont nommés et rémunérés les employés de la Commission et des centres, qui ne sont pas régis par une convention collective de travail, ainsi que les normes et critères suivant lesquels sont établies les indemnités payables aux membres du conseil d'administration d'un centre régional et les allocations de présence payables aux membres du comité administratif; [...] 16 Tome I. Québec : P.U.L. 1974, p. 126
00 17 85 7 00 19 12 01 01 13 Lexpression « fonds social » implique donc le financement par capital-actions. Or, le budget du Centre vient exclusivement de la Commission des services juridiques qui elle-même administre une enveloppe budgétaire accordée par le Gouvernement. Nous constatons que le Centre ne satisfait à aucun des trois critères qui définissent un organisme gouvernemental aux termes de larticle 4 de la Loi. (Les mentions entre crochets sont de la Commission.) La Commission ajoute, à propos du critère ii) que ni la LAJ ni ses règlements dapplication ne prévoient que les employés du Centre sont nommés ou rémunérés suivant la Loi sur la fonction publique. Dailleurs, la lecture concomitante des articles 44 et 45 de la LAJ, fait plutôt conclure que la Loi sur la Fonction publique ne sapplique que dans des cas exceptionnels et compte tenu des adaptations nécessaires : 44. Le directeur général, le secrétaire ainsi que les autres employés d'un centre régional sont nommés par le conseil d'administration; toutefois, la nomination du directeur général doit être ratifiée par la Commission. Les avocats et les notaires dont le centre régional veut retenir les services à temps plein sont nommés par le conseil d'administration sur recommandation du directeur général; les employés visés au présent article sont rémunérés suivant les normes et barèmes établis à cette fin par les règlements. 45. L'article 24 de la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à l'égard d'un avocat ou d'un notaire employé à plein temps par un centre d'aide juridique. La décision dans laffaire Perreault tranche également la question de lindépendance du Centre vis-à-vis la CSJ, question qui revêt une importance certaine lorsquil sagit de déterminer si le Centre détient pour lui les documents en litige ou si cest la CSJ qui en a la détention juridique pour lui. La Commission y a décidé que le Centre, personne morale distincte, était indépendant de la CSJ, bien que fortement encadré par cette dernière, et cette décision est toujours pertinente à cet autre égard. Le Centre peut donc détenir des documents pour lui-même. En vertu des pouvoirs que lui octroient les articles 122 et 141 de la Loi sur laccès et 55 de la Loi sur le privé, et afin de préserver les droits de la demanderesse, la Commission consent à la demanderesse le droit dexercer tous les recours prévus à la Loi sur le privé lui résultant des refus du Centre de lui communiquer les renseignements et documents demandés :
00 17 85 8 00 19 12 01 01 13 122. La Commission a pour fonction d'entendre, à l'exclusion de tout autre tribunal, les demandes de révision faites en vertu de la présente loi. La Commission exerce également les fonctions qui lui sont attribuées par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. 55. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à une personne exploitant une entreprise de donner communication ou de rectifier un renseignement personnel ou de s'abstenir de le faire. Présumant que la demanderesse se prévaut de ce droit, la Commission prend les dispositions nécessaires afin que la maître des rôles de la Commission convoque les parties à la continuation de laudience. POUR CES MOTIFS, la Commission DÉCLARE que le Centre nest pas un organisme public au sens de la Loi sur laccès ; DÉCLARE que le centre nest pas assujetti à la Loi sur laccès ; DÉCLARE les demandes irrecevables en vertu de la Loi sur laccès ; DÉCLARE que le Centre est une entreprise au sens de la Loi sur le privé ; DÉCLARE que le Centre est assujetti à la Loi sur le privé ; DÉCLARE que les demandes dont est saisie la Commission sont des demandes dexamen de mésentente au sens de la Loi sur le privé ;
00 17 85 9 00 19 12 01 01 13 DÉCLARE que ces demandes sont recevables en vertu de la Loi sur le privé ; ORDONNE aux parties de se présenter devant la Commission pour la continuation de laudience dans ces trois dossiers conformément à lavis de convocation que la maître des rôles leur fera parvenir. Québec, le 6 août 2002 DIANE BOISSINOT commissaire Avocat du Centre : M e Gérard Larivière
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