Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

00 17 79 GREEN, DANIEL, le demandeur, c. MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, lorganisme. DÉCISION Le 22 août 2000, le demandeur sadresse à la ministre de lorganisme afin dobtenir communication, entre autres, des documents et renseignements suivants : […] 5) Copie des commentaires et pointages selon les critères pondérés des membres individuels du comité dexperts externes chargé dévaluer la demande de subvention de la SVP no. POO-CRE-06-096 (0254-02) présentée au programme Étalez votre science de votre ministère ; 6) La liste des projets de même nature à celui de la SVP qui a servi au comité dexperts externes chargé dévaluer la demande de subvention de la SVP no. POO-CRE-06-096 (0254-02) présentée au programme Étalez votre science de votre ministère ; 7) La liste de tous les projets soumis au programme Étalez votre science de votre ministère en avril 2000 avec leur pointage final du comité dexperts chargé dévaluer les demandes de subvention ainsi que les projets qui ont été financés et les montants de ce financement public. Le 12 septembre 2000, le responsable de laccès de lorganisme (le Responsable) refuse dacquiescer à la demande pour les motifs qui suivent : […] En réponse aux éléments 4 et 5, il nous fait plaisir de vous fournir les données concernant lorganisme SVP, contenues dans les fiches dévaluation, dans les bilans de cotation du comité dévaluation ainsi que dans un extrait de document comprenant les pointages finaux. Conformément à larticle 14 de la Loi sur laccès, nous tenons, toutefois, à vous informer que certains renseignements dont la communication vous est refusée en vertu de larticle 37, ont été masqués.
00 17 79 -2-[…] En ce qui a trait aux éléments 6 et 7 de votre demande, nous avons le regret de vous informer que, conformément à larticle 14, nous ne pouvons vous fournir les documents demandés parce quils sont constitués dans toute leur substance de renseignements dont la communication vous est refusée en vertu de larticle 37. Cependant, nous vous transmettons la « Liste des projets retenus dans le cadre du concours 2000-2001 » qui présente tous les projets retenus pour lensemble des volets ainsi que les montants accordés. Le 12 octobre 2000, le demandeur sadresse à la Commission daccès à linformation (la Commission) afin de faire réviser cette décision du Responsable en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi). Une audience se tient en la ville de Montréal, les 23 août 2001, 18 février 2002 et 18 avril 2002. LAUDIENCE QUESTIONS PRÉLIMINAIRES Au cours de la séance du 23 août 2001, il est déterminé, de laccord des parties et de la Commission, que le demandeur est monsieur Daniel Green (M. Green), personnellement, et non la Société pour Vaincre la Pollution (SVP) qui na plus dexistence légale. La Commission, avec laccord des parties, prend acte que M. Green était coprésident de cette société avant sa radiation doffice par lInspecteur des institutions financières du Québec. Également au cours de cette séance, le demandeur formule verbalement une requête en récusation de la soussignée, laquelle est rejetée par le refus de la soussignée de se retirer, tel quil appert de la décision préliminaire du 25 septembre 2001, de laquelle le demandeur na pas demandé la permission den appeler à la Cour du Québec ni tenté den obtenir la révision judiciaire par la Cour supérieure du Québec. Dès lors, les parties sont re-convoquées pour la poursuite de laudience qui 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 17 79 -3-se tient le 18 février 2002 en présence des parties pour entendre la preuve et, par lien téléphonique, le 18 avril 2002 pour entendre les représentations. LA PREUVE Lavocat de lorganisme, M e Jean Émond, appelle, pour témoigner, M. Yves Laliberté, le Responsable. Le témoin dépose sous la cote O-1 en liasse, les documents et la partie accessible des documents que le demandeur a reçus. Après vérification, le demandeur confirme avoir bien reçu ces documents et leur version élaguée. Le témoin dépose cette liasse dans le but de faciliter le repérage et la nature des renseignements qui sont en litige. Il ajoute que la liste des projets retenus remise au demandeur (deux dernières pages de la liasse O-1) a été confectionnée par lorganisme pour le demandeur, par pure courtoisie puisque lorganisme ne détenait pas ce document lors de la réception de la demande daccès. M. Laliberté dépose, sous la cote O-2, pour une meilleure compréhension du litige, la publication de lorganisme expliquant le programme Étalez votre science, sa mise en œuvre, son fonctionnement et les conditions auxquelles doivent se conformer les demandeurs de subventions. M. Laliberté remet ensuite les documents ou renseignements en litige à la Commission, sous pli confidentiel. Il sagit, en réponse au point 5 de la demande daccès, a) de la grille du bilan de cotation (comprenant la cotation spécifique par critère) de lexpert évaluateur (juré) numéro 194 pour le volet 3 du concours concernant tous les projets quil avait à évaluer. Sont en litige toutes les cotations données aux participants autres que SVP ; b) de la grille du bilan de cotation (sans la cotation spécifique par critère) de lexpert évaluateur numéro 192 (juré) pour le volet 3 du concours concernant tous les projets quil avait à évaluer. Sont en litige toutes les cotations données aux participants autres que SVP ;
00 17 79 -4-c) de la grille du bilan de cotation (comprenant la cotation spécifique par critère) de lexpert évaluateur (juré) numéro 4 pour le volet 3, projets en émergence du concours concernant tous les projets quil avait à évaluer. Sont en litige toutes les cotations données aux participants autres que SVP. Il sagit également, en réponse au point 7 de la demande daccès, de cinq tableaux intitulés « Classement des projets par ordre de rang moyen » pour le programme Étalez votre science Un tableau de 4 pages concerne le volet Expositions et matériel danimation - E Circulation E, Création E, Restauration - E (volet 3, organismes en émergence). Un tableau de 2 pages concerne le volet Audio visuel - Multimédia (volet 1a). Un tableau de 3 pages concerne le volet Audio visuel - Standard, Télévision (volet 1b). Un tableau de deux pages concerne le volet Imprimé Articles, Imprimés (volet 2). Un dernier tableau de 3 pages concerne le volet Exposition et matériel danimation Circulation, Création, Restauration (volet 3). Y sont en litige toutes les informations concernant les projets autres que celui de SVP. M. Laliberté déclare que seuls les résultats de SVP, apparaissant à la page ¾ du premier tableau (volet 3, organismes en émergence), ont été remis au demandeur (voir liasse O-1). Le Responsable déclare que lorganisme ne détient pas de document pouvant répondre au point 6 de la demande daccès. Il nexiste pas, chez lorganisme, de liste des projets de même nature qui auraient pu être utilisés par les jurés pour exécuter leur mandat. Le Responsable explique brièvement les démarches entreprises pour retracer les documents demandés et la procédure quil suit habituellement pour ce type de demande. Le témoin déclare que, pour lannée visée par la demande d'accès, chaque projet du volet 3 (organismes en émergence) a été évalué par un comité de 3 experts jurés parmi les 5 mandatés par lorganisme pour ce faire. Dans le cas qui nous occupe, trois spécialistes ont étudié le dossier : un expert en environnement, un en muséologie scientifique et un dernier en archéologie. Ces jurés proviennent de lextérieur de la fonction publique. Chaque juré accorde une note pour chacun des aspects prédéterminés sur une grille dévaluation et selon certains critères qui y
00 17 79 -5-apparaissent également. Le détail et total des points accordés par chaque juré pour un projet est un jugement sur la valeur de ce projet. Cette note se traduit par un rang parmi les projets quil a à évaluer. Une répartition entre le rang accordé par chacun des jurés est faite et le résultat donne le rang moyen du projet. Les comités nont pas de rôle décisionnel ni nagissent en vertu dune délégation de pouvoir de la ministre. La subvention est accordée ou non par la ministre à partir de ces recommandations. M. Laliberté ajoute que chacun des jurés formule ses commentaires personnels sur chaque projet ; ces commentaires forment un avis sur ce quil pense du projet, sur sa valeur par rapport à lensemble des projets, et ce, non pas en fonction des critères préétablis, mais en fonction de ses compétences personnelles. En contre-interrogatoire, M. Laliberté déclare que le rang accordé par chaque juré nest pas un avis. Cest un constat, un ordre, calculé par logiciel. Il ignore cependant qui, du juré consultant ou du ministère, utilise le logiciel. Il est également davis que la note moyenne et le rang moyen sont aussi des constats mais il ignore si ces chiffres sont le produit du calcul dun logiciel ou non. Pour le rang final, le témoin est davis quil peut arriver quil diffère du rang moyen. En effet, il peut arriver quen cas décart trop grand entre les notes des trois experts, lorganisme retourne le projet à ces derniers pour réexamen du dossier, ce qui peut mener à un changement dans les notes et forcément dans le rang final. Toujours en contre-interrogatoire, le Responsable ajoute que le comité de trois jurés rédige un texte exprimant un consensus à partir des commentaires de chacun. Cest ce commentaire commun qui est expédié au postulant en cas de refus du projet. Le témoin réfère aux « commentaires du comité » déposés sous la cote D-1. À ce propos, il mentionne quil na pas trouvé ni repéré de liste de projets de même nature que celui de SVP dans les documents de lorganisme, malgré la mention « projets de même nature » qui est faite à la fin des commentaires du comité (D-1). Une telle liste nexiste pas, affirme-t-il. Enfin, toujours en contre-interrogatoire par le demandeur qui cherchait à savoir sil ny avait pas eu manipulation du contenu du document, M. Laliberté affirme que le texte explicatif de lévaluateur numéro 194, y compris lencadré intitulé COMMENTAIRES, première page de la liasse O-1 remise au demandeur, est une
00 17 79 -6-copie conforme et véritable de ce quil a vu dans le dossier du projet SVP et de ce que lorganisme détient relativement à ce dossier. LES ARGUMENTS LORGANISME Lavocat de lorganisme plaide que le raisonnement supportant la décision de la Commissaire Laurie Miller dans laffaire Centre québécois du droit de lenvironnement c. Ministère de lenvironnement 2 sapplique ici. Il sagissait du même type de formulaire et du même système dévaluation par des experts externes de projets présentés en vue de lobtention de subventions. M e Émond est davis que la preuve démontre que les cotes sont accordées par chacun des jurés, expert dans les matières abordées par les projets, expert qui ne fait pas partie de la fonction publique, que ces cotes constituent les opinions, les avis de chacun des experts jurés sur chacun des critères apparaissant sur la grille et que chacun doit considérer. Ces notes sont additionnées et le total des points forme lopinion globale que lévaluateur a sur le projet. Ce total, fondu à celui auquel les deux autres experts arrivent, détermine le rang moyen des trois experts, lequel mène au rang final du projet par rapport à lensemble de tous les projets étudiés. Ce rang final influence directement la décision de la ministre doctroyer ou non la subvention demandée. LE DEMANDEUR Le demandeur est davis que les renseignements demandés ont, en général, un caractère public. Il estime que certains jurés navaient pas la compétence pour évaluer les projets. Larticle 37 ne peut donc sappliquer aux avis quils donnent. Il plaide que le rang octroyé par chacun des jurés, la moyenne des notes obtenues des jurés, le rang moyen et le rang final apparaissant aux tableaux pouvant répondre au point 7 de sa demande daccès sont le fruit dun calcul ou le résultat
00 17 79 -7-obtenu à laide dun logiciel, et ne proviennent pas de lévaluateur. Ces renseignements proviennent vraisemblablement de lorganisme. Ils ne peuvent constituer des avis au sens de larticle 37 de la Loi. Seule la note totale individuelle que les jurés ont accordée est de la nature dun avis. DÉCISION La disposition invoquée pour refuser laccès se lit comme suit : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. La Commission tient à rappeler quelle na pas juridiction pour juger la qualité de la compétence professionnelle du conseiller ou du consultant mandaté par lorganisme et visé par le deuxième alinéa de cet article 37, contrairement aux prétentions du demandeur. Tout au plus peut-elle sinterroger sur la nature de cette compétence, étant entendu que le terme compétence doit être pris dans son sens juridique (aptitude reconnue légalement à une personne de se prononcer sur une matière déterminée) plutôt que dans son sens familier (degré ou qualité de la connaissance ou du savoir dune personne). POINT 5 DE LA DEMANDE DACCÈS La Commission est davis que les parties masquées des trois bilans de compilation ne font pas lobjet de la demande daccès puisquils concernent les autres projets. Les termes de la demande daccès sont clairs. Elle ne vise que lévaluation de la demande de subvention de la SVP n o POO-CRE-06-096 (0254-02) présentée au programme Étalez votre science et non celle des autres projets. Les renseignements demandés ont été remis au demandeur par la communication des six premières 2 [1993] CAI 145, 148, 149.
00 17 79 -8-pages de la liasse O-1, dont la première est une copie véritable et conforme de ce que détient l'organisme.
00 17 79 -9-POINT 6 DE LA DEMANDE DACCÈS La preuve démontre que lorganisme ne détient pas, au sens de larticle 1 de la Loi, de documents pouvant répondre au point 6 de la demande daccès, et ce, malgré la prétention contraire du demandeur, prétention quil fonde à partir du texte de la lettre de refus de la subvention à SVP (D-1) : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. POINT 7 DE LA DEMANDE DACCÈS Lorganisme a donné au demandeur une liste des noms des projets acceptés, le nom des bénéficiaires des subventions accordées et le montant accordé pour chacun des projets acceptés, et ce, malgré le fait que cette liste nexistait pas lors de la demande daccès. Des tableaux répondant au point 7 de la demande daccès, et que lorganisme détenait au moment de la demande daccès, ce dernier na remis que la partie concernant SVP, masquant tous les renseignements concernant toutes les autres demandes de subvention en vertu du programme Étalez votre science pour lannée visée par la demande daccès. Le type des renseignements ainsi retirés de laccès sont les suivants : 1) le volet du programme 2) le nom des jurés 3) le numéro du projet 4) la raison sociale du demandeur de subvention 5) le numéro de dossier 6) le code détat 7) la note totale de chacun des jurés 8) le rang octroyé par chacun des jurés 9) la moyenne des notes obtenues des jurés 10) le rang moyen
00 17 79 -10-11) le rang final 12) le montant de subvention demandé 13) le cumulatif des montants des subventions demandées 14) le montant accordé 15) le cumulatif des montants accordés Lorganisme a refusé laccès à tous ces renseignements en vertu des articles 14 et 37 de la Loi. Lorganisme a prétendu que les renseignements, quil qualifie davis, forment la substance de ces tableaux, ce qui lautoriserait à ne pas remettre au demandeur les autres renseignements qui ne sont pas des avis ou des recommandations. La preuve établit que le type de renseignement 7, soit la note totale accordée par chacun des jurés, est incontestablement de la nature dun avis visé par larticle 37 de la Loi. Cest un renseignement qui sert essentiellement à influencer la décision de la ministre et il provient dun conseiller externe mandaté par lorganisme pour ce faire. Les types de renseignement 8, 9, 10 et 11 sont obtenus par le jeu de facteurs de conversion : du total des notes accordées par chacun des trois experts et du rang que ce total suppose, on en arrive à une note et à un rang moyens pour chaque projet, puis à un rang final. Le rang donné par chaque expert (8), la note moyenne (9), le rang moyen (10) et le rang final (11) sont des applications logiques, uniformes et automatiques, par calcul ou utilisation de logiciel, des avis individuels (7) des experts jurés. Lavis dorigine (7) se fond, par un procédé, aux autres avis dorigine pour former des recommandations (8, 9, 10 et 11) de plus en plus globales à laquelle la ministre ne peut se soustraire. Cette obligation de la ministre ressort des détails des tableaux en litige intitulés « Classement des projets par ordre de rang moyen » : les projets qui ont obtenu les subventions sont systématiquement les meilleurs projets tels que classés selon leur catégorie. Ces avis dorigine et les recommandations globales quils génèrent sont des avis et des recommandations au sens de larticle 37 de la Loi. Les autres renseignements dont on a refusé laccès (1 à 6 et 12 à 15) ne sont ni des avis ni des recommandations. Ces renseignements peuvent être utiles au demandeur et ne perdent pas toute signification en labsence des renseignements 7 à 11. La Commission ne voit aucun motif restreignant impérativement laccès aux renseignements de type 1 à 6 et 12 à 15.
00 17 79 -11-
00 17 79 -12-POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE EN PARTIE la demande de révision ; et ORDONNE à lorganisme de remettre au demandeur tous les renseignements en litige de type 1 à 6 et 12 à 15 contenus aux cinq tableaux pouvant répondre au point 7 de la demande daccès ; et REJETTE la demande de révision quant au reste. Québec, le 26 juillet 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Jean Émond
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.