Dossier n o 01 18 33 YVES ST-DENIS, demandeur, c. VILLE DE SAINT-JÉRÔME, organisme public, et GROUPE CJB INC., tierce partie. __________________________________________________________________ DÉCISION PRÉLIMINAIRE __________________________________________________________________ Le 26 octobre 2001, M. Yves St-Denis adresse à la Ville de Saint-Jérôme (la « Ville »), une demande afin d’obtenir les documents ci-après décrits : À titre de conseiller municipal du quartier Bélanger (n o 6), je requiers une copie conforme des documents suivants : − toutes les factures, les chèques, les résolutions autorisant les paiements, les résolutions d’embauche, les demandes de soumissions, les soumissions et les devis présentés ou préparés par « Groupe CJB inc. », « Les Communications Jean Battah inc. » ou toutes autres affiliations, compagnies ou sociétés reliées à Jean Battah et ce, pour les années 1998, 1999, 2000 et 2001 Le 13 novembre suivant, la Ville acquiesce en partie à sa demande. Moyennant le paiement des frais de reproduction, M. St-Denis pourra obtenir une copie de l’offre d’achat, de la résolution pour la compagnie Sogestmont ainsi que celle des résolutions, liste des comptes payables et des chèques pour le Groupe CJB inc. (la « tierce partie »). En ce qui a trait aux factures, aux offres de service et aux soumissions de la tierce partie, la Ville lui en refuse l’accès car « le Groupe CJB considère ces documents confidentiels ».
01 18 33 - 2 -Insatisfait de cette réponse, M. St-Denis sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») pour réviser cette décision, le 22 novembre 2001. Contexte Une première audience est tenue, le 6 mars 2002, dans la Ville de Saint-Jérôme. Dès le début de l’audience, M. St-Denis présente, par l’intermédiaire de son avocat, une demande de remise. Après représentations de M e Lise Monfette, avocate de la Ville, et de M e Louis-Philippe Bourgeois, avocat de la tierce partie, cette demande est accordée afin de laisser à M. St-Denis le temps nécessaire pour retenir les services d’un autre avocat. Lors de cette même audience du 6 mars 2002, les avocats de l'organisme et de la tierce partie informent M. St-Denis de leur intention de s’opposer, par moyen préliminaire, à la compétence de la Commission pour entendre cette cause, car « lors de la demande d’accès aux documents auprès de la Ville, le 26 octobre 2001, M. St-Denis avait requis les documents à titre de conseiller municipal du quartier Bélanger (n o 6) ». Il n’occupe plus cette fonction depuis les élections municipales du 25 novembre 2001. L’audience sur le moyen préliminaire est tenue à Montréal, le 16 avril 2002, en présence des parties et de leur procureur respectif. L’audience M e Alfred Bélisle, avocat de M. St-Denis, déclare ne pas avoir été préalablement informé, à cette date, du moyen préliminaire qui serait débattu en ce jour devant la soussignée. Il ajoute toutefois être prêt à faire le nécessaire pour pouvoir y répondre. Les avocats de la Ville et de la tierce partie répliquent que, le 6 mars 2002, M. St-Denis avait été informé que ce point serait débattu à la prochaine
01 18 33 - 3 audience. Ils soulignent que M. St-Denis n’a pas été pris par surprise et qu'il lui incombait d’en aviser son nouveau procureur. Cela étant, la soussignée informe l’avocat de M. St-Denis qu'elle lui accorderait un délai de trente jours pour compléter ses représentations par écrit, et ce, dans l’éventualité où il ne pourrait le faire à l’audience. Le droit de réplique des avocats des autres parties pour y répondre, dans un délai équivalent, leur serait également alloué, le cas échéant. LES ARGUMENTS M e Lise Monfette L’avocate de la Ville plaide que la Commission est sans juridiction pour entendre et décider sur le fond de la présente cause. Elle argue que la demande d’accès de M. St-Denis est spécifique, « elle est faite à titre de conseiller municipal du quartier Bélanger (n o 6). Il n’est plus conseiller municipal. » L’avocate argue que la compétence de la Commission se limite aux dispositions législatives que lui confère sa loi habilitante, à savoir la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur l'accès »). Elle ajoute que les droits d’un demandeur pour avoir accès aux documents sont préservés, en vertu de l’article 171, lequel doit être lu en conjonction avec les articles 168 et 169 de la Loi sur l'accès : 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre: 1 o l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels; 2 o la protection des renseignements personnels ni l'exercice du droit d'accès d'une personne à un renseignement nominatif la concernant, résultant de 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 18 33 - 4 l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982; 3 o la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication. 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 169. Sous réserve de l'article 170, toute disposition d'une loi générale ou spéciale qui est inconciliable avec celles du chapitre II relatives à l'accès aux documents des organismes publics ou celles du chapitre III relatives à la protection des renseignements personnels cesse d'avoir effet le 31 décembre 1987. Il en est de même de toute disposition d'un règlement qui est inconciliable avec celles de la présente loi ou d'un règlement du gouvernement adopté en vertu de la présente loi. Elle cite la décision École Peter Hall inc. c. Michel Rossignol et autre 2 dans laquelle le juge Marc E. Cordeau, de la Cour du Québec, conclut : En somme, la Loi sur l’accès ne doit pas être perçue comme une norme générale contraignante en matière d’accès et de protection des renseignements nominatifs, mais bien plutôt comme une norme minimale que les organismes publics doivent, à tout le moins, respecter. De par son libellé, l’article 171 de la Loi sur l’accès ne vise aucunement à conférer une compétence additionnelle à la Commission d’accès à l’information. L’avocate de la Ville plaide que les dispositions législatives ne permettent pas à la Commission de modifier le libellé de la demande de M. St-Denis. À son avis, l’article 122 de la Loi sur l'accès qui reconnaît la compétence exclusive de la Commission en matière de révision, est inapplicable dans ce cas. L’article 9 de la Loi sur l'accès traitant du principe général de l’accessibilité aux documents ne s’applique pas non plus pour les motifs ci-dessus mentionnés. Les articles 9 et 122 se lisent ainsi : 2 [1995] C.A.I. 454, 459.
01 18 33 - 5 -9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 122. La Commission a pour fonction d'entendre, à l'exclusion de tout autre tribunal, les demandes de révision faites en vertu de la présente loi. La Commission exerce également les fonctions qui lui sont attribuées par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (chapitre P-39.1). À son avis, lorsqu’il n’existe aucune disposition formelle à la Loi sur l'accès pour traiter ce type de demande, la Cour supérieure, tribunal de droit commun, possède la compétence exclusive, pour disposer et statuer sur le cas en l’espèce. L’avocate ajoute que l’article 31 du Code de procédure civile 3 (« C.p.c. ») ci-après énoncé contient une disposition supplétive qui s’appliquerait en matière municipale : 31. La Cour supérieure est le tribunal de droit commun; elle connaît en première instance de toute demande qu’une disposition formelle de la loi n’a pas attribuée exclusivement à un autre tribunal. Elle considère que M. St-Denis n’a pas démontré que les renseignements recherchés lui étaient nécessaires à la prise de décision éclairée lors de réunions du conseil municipal de la Ville à titre de conseiller. Il voulait plutôt les obtenir pour son profit personnel, ce qui contrevient à l’article 323 du Code civil du Québec 4 (« C.c.Q.»). : 323. L’administrateur ne peut confondre les biens de la personne morale avec les siens; il ne peut utiliser, à son profit ou au profit d’un tiers, les biens de la personne morale ou l’information qu’il obtient en raison de ses fonctions, à moins qu’il ne soit autorisé à le faire par les membres de la personne morale. 3 L.Q. 1991, c. 64. 4 L.R.Q., c. C-25.
01 18 33 - 6 -Elle cite la décision Ville de L’Ancienne-Lorette et un autre c. Communauté urbaine de Québec 5 (« CUQ ») où le juge Robert Lesage, de la Cour supérieure, devait statuer sur la divulgation de documents demandés par le maire de la demanderesse et membre du conseil de la CUQ. Le juge indique ce qui suit : On ne peut mettre en doute le principe que le membre du conseil d’un organisme a le droit d’obtenir l’information que détient l’organisme sur une question soumise aux délibérations du conseil, dans la mesure où cette information est utile à la prise de décision au conseil. […] L’information qu’un membre d’un organisme municipal a droit d’obtenir ne peut être recherchée dans son intérêt personnel, mais doit être réclamée dans l’intérêt collectif de l’organisme. […] Dans la décision École Peter Hall inc. 6 précitée, le juge devait statuer sur la compétence de la Commission pour rendre une décision en vertu des dispositions législatives contenues à une autre loi. L'avocate de la Ville commente également l'arrêt Supermarchés Jean Labrecque c. Flammand 7 rendu par la Cour suprême sous la plume de la juge L'Heureux-Dubé : Le Tribunal du travail est un tribunal administratif qui tire ses pouvoirs de la loi qui le crée. Ceux-ci sont donc limités par sa loi constructive. En conséquence, le Tribunal et un juge de ce tribunal doivent se conformer strictement aux pouvoirs que leur confère cette loi sous peine d’excès de juridiction ou d’abus de compétence. L’avocate mentionne l’article 55 du C.p.c. selon lequel la personne faisant une demande en justice doit avoir un intérêt suffisant. M. St-Denis n’a plus l’intérêt juridique requis à cet article, car sa demande a été faite « à titre de conseiller municipal du quartier Bélanger (n o 6) (le 26 octobre 2001) » et qu'il n’a pas été réélu aux dernières élections municipales (le 25 novembre 2001). 5 [1996] R.J.Q. 1345, 1351 et 1352 (C.S.). 6 École Peter Hall inc. c. Michel Rossignol et autre, précitée, note 2. 7 [1987] 2 R.C.S. 219, 232 citée dans décision École Peter Hall inc., précitée, note 2, 456.
01 18 33 - 7 M e Louis-Philippe Bourgeois M e Bourgeois représente la tierce partie, le Groupe CJB inc. Il soulève essentiellement quatre points résumant la position de son client, à savoir : a) la compétence de la Commission eu égard aux tribunaux supérieurs; b) la façon de réviser les actes posés par une municipalité; c) M. St-Denis tente de faire indirectement ce que la Loi sur l'accès lui interdit de faire directement; d) M. St-Denis veut entraîner la tierce partie dans un litige où elle se trouve dans l’obligation de se défendre. L’avocat commente, à son tour, la décision Ville de L’Ancienne-Lorette 8 où la Cour avait décidé que le demandeur devait avoir accès aux documents recherchés afin « de remplir adéquatement ses devoirs de membre du conseil ». Ce n'est pas le cas en l'espèce, M. St-Denis n'ayant pas démontré que les documents recherchés étaient nécessaires à la prise d'une décision éclairée au sein de la municipalité dont il était l'un des conseillers municipaux. En ce qui concerne un tribunal administratif, il plaide que la décision École Peter Hall inc. 9 précitée s’applique car le juge Cordeau y indique notamment que : « Par conséquent, un tribunal administratif ne dispose d’aucun pouvoir inhérent, à moins que la loi ne le prévoie ». De plus, l’avocat cite à cet effet l'arrêt Three Rivers Boatman Ltd c. Conseil canadien des relations ouvrières 10 où la compagnie soulevait la compétence de la Cour supérieure à entendre une décision rendue par le Conseil canadien des relations ouvrières. La Cour suprême a statué que la Cour supérieure possédait la juridiction « pour contrôler l'exécution d'une décision quasi judiciaire rendue par le Conseil canadien, lorsque cette exécution doit affecter les 8 Précitée, note 5. 9 Précitée, note 2, 457.
01 18 33 - 8 -droits des justiciables de la province de Québec et y être effectuée » 11 . Le jugement Les Immeubles Port Louis Ltée c. Corporation municipale du Village de Lafontaine a également été cité 12 . De ce qui précède, l’avocat de la tierce partie déduit que la Commission ne possède pas les pouvoirs législatifs pour entendre la présente cause. Il ajoute que dans l’éventualité où la Commission déciderait de l'entendre, cela constituerait un abus de pouvoir, donnant ouverture au pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure du Québec. Il argue que M. St-Denis implique, contre son gré, la tierce partie dans la présente cause, obligeant celle-ci à se défendre. En conformité avec les décisions précitées, l’avocat plaide que M. St-Denis n’avait pas besoin des documents pour l’aider à prendre une décision éclairée dans l’exercice de ses fonctions de conseiller municipal. À son avis, M. St-Denis « s’en allait en excursion de pêche et voulait utiliser ces documents à ses fins personnelles », ce qui serait contraire à l’analyse faite dans l'arrêt Laurentide Motels Ltd. c. Ville de Beauport 13 . Selon l’avocat, M. St-Denis, n’étant plus conseiller municipal, sa demande est désormais sans objet et la Commission devrait décliner compétence. M e Alfred Belisle M e Alfred Belisle représente le demandeur, M. St-Denis. L’avocat argue que son client n’a pas fait sa demande d’accès uniquement à titre de conseiller municipal. L'avocat plaide qu'« avant d’être conseiller municipal », son client est 10 [1969] R.C.S. 607. 11 Pierre LEMIEUX, Droit administratif – Doctrine et jurisprudence, Sherbrooke, Éditions de la Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, 1998, p. 6-7. 12 [1991] 1 R.C.S. 326. 13 [1989] 1 R.C.S. 705.
01 18 33 - 9 -« une personne comme toute autre personne » tel qu'il est stipulé à l’article 61 de la Loi sur les élections et référendums dans les municipalités 14 (« L.é.r.m. ») : 61. Est éligible à un poste de membre du conseil de la municipalité toute personne qui a le droit d’être inscrite sur la liste électorale de celle-ci et qui réside de façon continue ou non sur le territoire de la municipalité depuis au moins 12 mois le 1 er septembre de l’année civile où doit avoir lieu une élection régulière. Cet article prévoit également les qualités requises par une personne pour être éligible à un poste de conseiller municipal. L’avocat cite également l’article 93 de la Loi sur les cités et villes 15 (« L.c.v. ») (consultation des registres de la Ville par toute personne qui en fait la demande), l’article 100 (1) (inscription aux livres de comptes par le trésorier de toute personne ayant versé ou reçu des deniers) et l’article 114.2 (obligation pour le responsable de l’accès de fournir, sur demande, des copies ou des extraits des documents conservés aux archives de la municipalité). Selon l’avocat, cette tentative de distinction contreviendrait aux articles précités de la L.é.r.m et de la L.c.v. qui permettent l’accès aux documents à toute personne qui en fait la demande. L’avocat ajoute que M. St-Denis est avant tout « une personne » au sens de l’article 9 de la Loi sur l’accès indépendamment de la fonction qu’il occupait lors de sa demande d’accès à la Ville. À son avis, le principe du droit d’accès aux documents que confère cet article à un citoyen doit être respecté. À cet effet, il cite la décision Association des citoyens des cantons de Grenville d’Harrington c. Municipalité du Canton de Grenville 16 . 14 L.R.Q., c. E-2.2. 15 L.R.Q., c. C-19. 16 [1986] C.A.I. 254.
01 18 33 - 10 -Dans ce jugement, la commissaire Caroline Pestieau rappelle « que le droit d’accès général consacré à l’article 9 de la loi n’exige aucun intérêt de la part de la demanderesse » 17 . L’avocat admet que les documents requis par M. St-Denis n’étaient pas nécessaires à la prise de décisions puisque celles-ci avaient déjà été adoptées par la Ville. En ce qui concerne la décision Dollard Bhérer et une autre c. Ministère de la Santé et des Services sociaux 18 , M. Marcel Pépin, alors président de la Commission, précise que : […] les demandeurs n’ont pas à démontrer leur intérêt dans l’obtention du document en litige. Ils bénéficient, comme toute personne d’ailleurs, du droit d’accès aux documents détenus par un organisme public dans l’exercice de ses fonctions. L'article 9 de la loi établit ce principe général. En réplique aux arguments de M e Bourgeoys, avocat de la tierce partie, M e Bélisle, avocat de M. St-Denis, commente la décision Les Immeubles Port Louis Ltée 19 précitée, tout en l’adaptant à la présente cause. Il souligne que la Ville doit exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus par le législateur. « Elle entache ses actes et décisions si elle abuse de son pouvoir discrétionnaire. » Pour étayer sa plaidoirie, l’avocat de M. St-Denis cite aussi les décisions Otis c. Ville de Fermont 20 et Garneau c. Mont-Aubert inc 21 . Dans le cas sous étude, l’avocat rappelle le principe de l’accessibilité aux documents tel qu'il est stipulé à l’article 9 de la Loi sur l'accès précité. Il ajoute que la Ville a cru nécessaire de remettre à M. St-Denis une série de documents (ex. : copie des résolutions, de chèques). Elle a toutefois refusé de lui communiquer copie des factures émises par la tierce partie à la Ville. 17 Idem, 258. 18 [1986] C.A.I. 359, 361. 19 Immeubles Port Louis Ltée c. Corporation municipale du Village de Lafontaine, précitée, note 12. 20 C.A.I. Québec, n o 98 18 97, 17 mars 2002, c. Comeau, A.I.E. 2000AC-31. 21 [1990] C.A.I. 297.
01 18 33 - 11 La réplique de M e Bourgeoys M e Bourgeoys, avocat de la tierce partie, réplique que la différence existant entre le présent cas et les décisions Bhérer 22 et Grenville 23 repose sur le fait que, dans ces dernières, les demandeurs ne se sont pas prévalus de leur titre au sein de l'organisme pour faire leur demande d’accès aux documents. La réplique de M e Monfette L'avocate de la Ville, M e Monfette, réplique aux arguments de l’avocat de M. St-Denis en rappelant à la soussignée son obligation de « prendre la demande dans l’état où elle est, c’est-à-dire de tenir compte du titre de conseiller municipal qu’il occupait ». Elle demande de rejeter la demande de révision pour les motifs énoncés et dans le respect des décisions citées. DÉCISION L’article 1 de la Loi sur l'accès stipule ce qui suit : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. L'application de cet article requiert le respect de quatre conditions : 1. Le renseignement recherché doit se retrouver dans un document; 2. Ce document est détenu physiquement ou juridiquement par un organisme; 3. Ce même document est détenu par un organisme; 22 Bhérer c. Ministère de la Santé et des Services sociaux, précitée, note 18. 23 Association des citoyens des cantons de Grenville d'Harrington c. Municipalité du Canton de Grenville, précitée, note 16.
01 18 33 - 12 -4. Ce document est détenu par cet organisme, dans l’exercice de ses fonctions. Dans le cas présent, les renseignements recherchés par M. St-Denis rencontrent les quatre critères ci-dessus décrits. D’ailleurs, dans sa réponse du 13 novembre 2001, la Ville lui confirme qu’il peut avoir accès à quatre des cinq documents demandés. Elle lui refuse toutefois l’accès aux documents qui, à son avis, appartiennent à la tierce partie. L’article 9 précité détermine le principe du droit d’accès à toute personne qui en fait la demande, nonobstant l’intérêt qu’un demandeur peut avoir dans sa recherche d’un document ou encore la fonction qu'il occupe. De l’avis de la soussignée, les mots « Toute personne ou quiconque » tels qu'ils sont décrits à l’article 9 de la Loi sur l'accès et dans les autres lois précitées, incluent la personne de M. St-Denis et celle du conseiller municipal qu’il était lors de sa demande d’accès aux documents auprès de la Ville et lors de sa demande de révision auprès de la Commission. M. St-Denis constitue une seule et même personne. Par ailleurs, sous la rubrique faisant référence au droit d’accès aux documents des élus municipaux dans un document intitulé Droit municipal – Principes généraux et contentieux 24 , les auteurs commentent ce qui suit : […] l’article 9 de la Loi sur l’accès et les décisions de la Commission d’accès à l’information nous informent que le droit d’accès est le même pour tous, peu importe le titre, l’occupation ou encore le statut du demandeur. En d’autres termes, la personne responsable de l’accès aux documents au sein de l’organisme public pourra, et dans certains cas devra, après avoir analysé la demande d’accès qui lui a été transmise, refuser d’acquiescer à cette demande lorsque l’une des restrictions au droit d’accès prévues dans la Loi sur l’accès s’applique au cas sous étude, et ce indépendamment du fait que le demandeur soit, à titre d’exemple, journaliste, notaire ou huissier. 24 Jean HÉTU et Yvon DUPLESSIS, Droit municipal – Principes généraux et contentieux, Montréal, Hébert Denault, 1998, p. 443.
01 18 33 - 13 -De plus, dans Roger St-Amant c. Cégep de Victoriaville 25 , la commissaire, M e Hélène Grenier, statue que : La qualité de membre du comité exécutif de M. St-Amant, qualité en vertu de laquelle M. St-Amant a formulé ses demandes d’accès et de révision, est sans effet sur la compétence exclusive attribuée par la loi à la Commission. La compétence de la Commission lui est attribuée par la loi, non pas par le titre, le statut ou la qualité de la personne qui fait une demande d’accès. Les dispositions attributives de compétence sont très claires et seul le législateur peut les modifier. En ce qui concerne l’article 122 de la Loi sur l'accès précité et commenté par l’avocate de la Ville qui prétend que cet article ne s’applique pas au cas en l’espèce, la soussignée n’est pas de cet avis. En effet, le législateur a prévu d’accorder à la Commission, à l’exclusion de tout autre tribunal, une juridiction exclusive pour entendre « les demandes de révision faites en vertu de » la présente loi. Ainsi, il importe de souligner que la Commission est saisie d’une demande de révision en bonne et due forme par M. St-Denis, selon l’article 135 de la Loi sur l'accès ci-après cité, à la suite de la décision prise par la Ville de ne lui accorder qu’un accès partiel aux documents qu’il tente d’obtenir : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. (J'ai souligné.) 25 C.A.I., Québec, n o 00 17 95, 16 mai 2002, c. Grenier, p. 12 (en appel : 500-02-108510-020).
01 18 33 - 14 -Cet article décrit qu’« une personne dont la demande écrite a été refusée » peut s’adresser à la Commission pour réviser cette décision. C’est ce qu'a fait M. St-Denis. Celui-ci rencontre donc les critères prévus à cet article, et ce, pour les motifs précédemment énoncés. Par ailleurs, la soussignée a examiné avec grand intérêt les arguments pertinents soumis par les avocats de la Ville et de la tierce partie pour tenter de démontrer la non-applicabilité de la Loi sur l’accès à la présente cause, particulièrement en raison du fait, qu'à leur avis, M. St-Denis se serait servi de son titre de conseiller municipal pour avoir accès à des documents détenus par la Ville. Cependant, la soussignée ne peut pas garder sous silence les dispositions législatives précitées permettant à « toute personne » d’avoir accès à des documents, en respectant certaines conditions. De plus, il a été démontré que M. St-Denis est une « personne » visée par l’article 9 de la Loi sur l'accès; l’article 1 de cette loi trouve également application sous réserves des restrictions soulevées par la tierce partie et non encore débattues par celle-ci et par la Ville. En raison de ce qui précède, la soussignée considère que la Commission possède la compétence nécessaire pour entendre la demande de révision de M. St-Denis. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE l’objection préliminaire soulevée par la Ville et par la tierce partie, quant à la compétence de la Commission pour entendre la demande de révision de M. Yves St-Denis;
01 18 33 - 15 -DÉCLARE que la Commission est compétente pour entendre la demande de révision; CONVOQUE les parties à l’audience de la demande de révision de cette cause dont l’avis de convocation leur sera communiqué à une date ultérieure par la Commission. ORDONNE aux parties de s’y conformer. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 25 juillet 2002 M e Lise Monfette Deveau, Bissonnette, Monfette Fortin & Associés Procureure de la Ville de Saint-Jérôme M e Louis-Philippe Bourgeois Dunton Rainville Procureur du Groupe CJB inc. M e Alfred Bélisle Bélisle, Bertrand, Dubé, St-Jean Procureur de M. Yves St-Denis
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