02 00 84 MADAME L., demanderesse, c. D re NICOLE THIBAULT, entreprise. L'OBJET DU LITIGE Le 20 novembre 2001, M me L. écrit à la D re Nicole Thibault pour qu'elle retire plusieurs renseignements au rapport produit à La compagnie d'assurance vie RBC (la « RBC ») le 31 juillet 2001. Elle prétend que sa demande d'indemnisation à la RBC a été rejetée à cause des informations non pertinentes transmises par la D re Thibault à la RBC. Le 5 décembre 2001, la D re Thibault avise M me L. qu'elle ne peut modifier son rapport parce qu'il a été complété avec les renseignements que celle-ci lui a fournis. Le 15 janvier 2002, M me L. dépose à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») une demande pour que soit examinée sa mésentente avec la D re Thibault. Le 21 mai 2002, une audience se tient à Montréal. LA PREUVE La D re Nicole Thibault dépose le dossier médical complet de M me L. avec le consentement de cette dernière (pièce O-1 en liasse). En raison des
02 00 84 - 2 -renseignements personnels que renferme ce dossier médical, la Commission frappe celui-ci d’une interdiction de diffusion, publication et communication. La D re Thibault relate avoir terminé son cours de médecine générale en 1985, pratiqué trois ans en chirurgie, deux ans en ORL et six ans à l’Urgence d’un hôpital et réalisé des projets de recherche clinique. Elle est propriétaire d’une clinique médicale ayant 26 médecins depuis 1997. La D re Thibault raconte que M me L. l’a autorisée, le 16 mai 2001, à répondre aux représentants de la RBC, à l’époque Westbury canadienne, compagnie d’assurance-vie (« l’assureur »), dans le cadre d’une demande faite par M me L. pour obtenir une rente d’invalidité (p. 74 de la pièce O-1). Elle a répondu succinctement, sur une seule feuille (p. 75 de la pièce O-1), aux 11 questions de l’assureur (pp. 72 et 73 de la pièce O-1) : Question 1 Le diagnostique actuel en utilisant le DSM IV, y compris tout trouble de l’axe II et le niveau de fonctionnement actuel. Veuillez indiquer tous les symptômes qui supportent ce diagnostique. (sic) Réponse 1 I) Dépression majeure II) Personnalité dépendante III) Hypothyroïdie de novo IV) Troubles conjugaux V) 50% La D re Thibault indique que le DSM IV est un précis de psychiatrie qui donne tous les symptômes, tels la dépression (I), les troubles de la personnalité (II), les conditions médicales pouvant amplifier les éléments du diagnostic (III), les troubles conjugaux, familiaux ou de travail (IV) et la fonction psychosomatrice (V). Question 2 Veuillez nous fournir un bref historique des événements et circonstances qui ont entouré la décompensation de votre patiente en février 2001.
02 00 84 - 3 -Réponse 2 En novembre 1999, elle a eu une grosse chirurgie pour hystérectomie totale avec comme complication perforation de la vessie. Retour au travail en moins de deux mois. Soutient de famille x 1 an, re son conjoint est au étude en mai 2000, début panique, anxiété, stress et gastrite avec décompensation en février 2001. (sic) La D re Thibault explique qu’il existe un lien entre la dépression et des événements antérieurs, qu’il y a eu une opération majeure avec complication et, qu’habituellement, le retour au travail ne s’effectue pas avant trois mois. Question 3 Existe-t-il d’autres diagnostics ou complications qui pourraient contribuer à la prolongation de la période d’invalidité? Réponse 3 Hypothyroïdie, ancienne dépendance à la cocaïne. La D re Thibault mentionne que l’hypothyroïdie prend généralement de trois mois à un an pour la contrôler. Elle devait signaler l’ancienne dépendance à la cocaïne parce qu’il y a toujours une humeur de dépression liée à ce fait. Question 4 Un résumé des antécédents psychiatriques et physiques de votre patiente, y compris la description de toute maladie actuelle ou passée, incluant la date de toute hospitalisation en établissement psychiatrique. Réponse 4 Aurait déjà fait une dépression dans le passé vers l’âge de 20-25 ans. Sa mère est présentement traitée pour PMD. La D re Thibault indique que PMD est une abréviation pour « psychose maniaco-dépressive ». Les renseignements donnés à l’assureur sont des informations fournies par M me L. et prises en note lors des consultations qu’elle a eues avec celle-ci (p. 4 de la pièce O-1).
02 00 84 - 4 Question 5 Veuillez nous fournir une description des facteurs contributifs à son état de santé actuel et nous faire connaître quelles sont les possibilités de rechute. Selon votre connaissance, y aurait-il problème d’usage abusif de substance? Réponse 5 Possibilité de rechute est forte car la patiente présente une personnalité dépendante, n’utilise plus de cocaïne mais elle prend de l’alcool et du pot. La D re Thibault raconte avoir eu un malaise à répondre à cette question parce qu’il est rare qu’un assureur exige ce type d’information. Elle prétend que l’assureur détenait déjà cette information. Elle fait remarquer que l’alcool et surtout le « pot » sont des éléments « dépresseurs ». Elle est d’avis que M me L. a changé de dépendance parce que la consommation d’alcool et de « pot » est plus acceptable socialement. Question 6 Inclure les résultats de tous les tests psychologiques ou autres tests, ainsi qu’une copie des rapports de consultations en psychiatrie et vos notes de bureau depuis le 1 er juillet 2000 jusqu’à présent. Réponse 6 Les notes évolutives au dossier sont privées et ne vous seront pas transmises. Aucune consultation en psychiatrie n’a été faite. Les labos seront à la suite de cette lettre. Question 7 Veuillez-nous donner un résumé du dossier des médicaments actuelles et passées, y compris la dose, la durée, les résultats, ainsi que la raison du changement de toute médication antérieure pour la médication actuelle? Si oui, quand? Quel est le plan de traitement prévu pour l’avenir? (sic) Réponse 7 Était sous Zololf 100 die depuis mai 2000. Avril et mars 2001 pour Effexor XR 75 puis 150 puis 225. Effexor XR 225 pour un an. La D re Thibault souligne que les médicaments sont des antidépresseurs.
02 00 84 - 5 Question 8 Jusqu’à quel point l’insatisfaction vécue au travail ou les problèmes liés à ce dernier contribuent-ils au tableau clinique de la patiente ou représentent-ils pour elle un obstacle à son retour au travail? Réponse 8 Pas de problème au niveau du travail. La D re Thibault affirme que ses notes cliniques ne réfèrent nulle part à des problèmes de M me L. au travail. Questions 9 et 10 Madame L. est-elle apte au travail? A temps plein? A temps partiel? Si non, veuillez expliquer en détail toute restriction ou limitation concernant son retour au travail. Comment son problème psychiatrique nuit-il à sa vie quotidienne? Quel est votre pronostic quant au potentiel de retour au travail? A temps plein ou à temps partiel? Réponses 9 et 10 Non apte au retour au travail. Pensons possibilité de retour à temps partiel pour le mois de septembre 2001. Présentement incapable de se concentrer et perte d’estime de soi. Question 11 Veuillez nous faire savoir si votre patiente a été adressée à un psychiatre en vue d’un traitement pharmacothérapeutique plus agressif. Le cas échéant, veuillez nous indiquer le nom du psychiatre et la date du premier rendez-vous et nous faire parvenir une copie des notes de consultation. Si elle n’a pas été adressée à un psychiatre, veuillez nous faire part des raisons qui motivent ce choix. Réponse 11 Aucune consultation en psychiatrie car ceci est non nécessaire. La patiente répond bien à la médication. Effexor XR. La D re Thibault signale que M me L. est sa patiente depuis 1998 et qu’elle a répondu à l’assureur selon un style télégraphique pour protéger M me L. Elle maintient que les réponses livrent son opinion et qu’elle ne peut modifier cette version, très succincte, communiquée à l’assureur de M me L., notamment parce que :
02 00 84 - 6 -• Le fait que M me L. ait déjà fait une dépression est un facteur de risque plus grand de récidive; • L’alcool et le « pot » sont des facteurs « dépressants », malgré les motifs au soutien de cette consommation; • Il n’a pas de note se rapportant au stress vécu au travail; • Le Zoloff est une médication prescrite lorsqu’une personne cesse la consommation de cocaïne. M me L. atteste avoir signé l’autorisation du 16 mai 2001. Elle prétend que la note transmise par la D re Thibault doit être rectifiée pour les motifs suivants : • Sa mère était dépressive et a fait une tentative de suicide, mais n’était pas PMD et n'a pas été traitée à l’Hôpital Hippolyte-Lafontaine; • Il y est fait état de problèmes au travail; • Elle croit qu’elle n’a jamais fait de dépression, mais plutôt eu des problèmes avec la glande thyroïde, lesquels, avec les problèmes au bureau et à la maison, donnent un diagnostic plus réel. Elle avance que depuis sa prise de médicaments pour la glande thyroïde, elle n’a plus eu de problème. M me L. confirme : • l’hystérectomie, le fait d’avoir élevé son enfant seule, les éléments rapportés sur les médicaments, la panique, l’anxiété et le stress; • la dépression liée au travail. Elle est d’avis que son employeur refuse de reconnaître le travail qu’elle fait comme étant stressant; • la consommation de cocaïne, d’alcool et de « pot ». Elle ne croit pas cependant être dépendante maintenant à l’alcool ou au « pot »; • les études de son conjoint qui ne l’a jamais soutenue. Cette situation n’a pas d’influence, selon elle, parce qu’elle s’est toujours débrouillée seule; M me L. fait valoir qu’elle ne s’attendait pas à ce que son employeur puisse détenir les renseignements fournis par la D re Thibault à son assureur. Elle fait remarquer s’être confiée à la D re Thibault pour recevoir de l’aide et ne pensait pas que les renseignements seraient dévoilés à son assureur. Elle ne s’attendait vraiment pas à ça, insiste-t-elle.
02 00 84 - 7 -LES ARGUMENTS La procureure de la D re Thibault, M e Andrée Boisselle, soumet que l’on ne peut modifier par une demande de rectification l’opinion du médecin 1 et les faits correspondant aux informations données par M me L. 2 ou reflétant ce qu’a perçu la D re Thibault 3 . Elle plaide que la perception différente qu’ont deux individus ne donne pas ouverture à la rectification 4 . M me L. fait valoir qu’il est important que sa vie de travailleuse soit préservée et que la rectification soit acceptée. Délai pour la présentation de la demande de mésentente M e Boisselle soumet qu’en vertu des articles 32 et 43 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 5 (la « Loi »), M me L. n’a pas respecté le délai pour présenter sa demande d’examen de mésentente, la D re Thibault ayant refusé la rectification le 5 décembre 2001 et la demande d’examen de mésentente ayant été déposée le 15 janvier 2002 : 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer. 43. Lorsque la mésentente résulte du refus d'acquiescer à une demande ou d'une absence de réponse dans le délai accordé par la loi pour répondre, la personne concernée doit la soumettre à la Commission dans les 30 jours du refus de la demande ou de l'expiration du délai pour y répondre à moins que la Commission, pour un motif raisonnable, ne la relève du défaut de respecter ce délai. 1 M. c. Centre hospitalier régional de l’Outaouais, [194-86] 1 C.A.I. 120. 2 J. c. Clinique Roy-Rousseau, [1986] C.A.I. 129. 3 M… c. C.L.S.C. Normandie, [1986] C.A.I. 87. 4 Dufour c. Ministère de la Justice, [1987] C.A.I. 20. 5 L.R.Q., c. P-39.1.
02 00 84 - 8 -(soulignement ajouté) M me L. réplique que le délai est attribuable aux démarches faites auprès de membres de la Commission et à celles faites parallèlement auprès du Collège des médecins. De ces motifs, de la preuve sur le fond soumise par la D re Thibault et considérant qu’il est d’intérêt pour la justice de statuer sur le fond du litige, la Commission, conformément à l’article 43, relève du défaut la demanderesse. APPRÉCIATION La demande de rectification de M me L. vise à ce que soit rectifié le document constituant la réponse acheminée par la D re Thibault à l’assureur de celle-ci le 31 juillet 2001. La rectification ne concerne pas le dossier médical de M me L. détenu par la D re Thibault. M me L. a corroboré à l’audience le témoignage rendu par la D re Thibault sur tous et chacun des renseignements inscrits par cette dernière à sa lettre du 31 juillet 2001 expédiée à l’assureur. De la compréhension de la Commission, M me L. a essentiellement exprimé, à l’appui de sa demande de rectification, qu’il est important pour elle que sa vie de travailleuse soit préservée et que la rectification soit acceptée pour empêcher son employeur de détenir ce type d’informations. Bien que la Commission puisse comprendre les appréhensions de M me L., le motif principal au soutien de sa demande n’en constitue pas un donnant ouverture à une rectification au sens de l’article 30 de la Loi : 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale.
02 00 84 - 9 -En outre, la preuve ne révèle aucunement que l’employeur de M détient les informations fournies par la D À l’analyse de la réponse fournie par la D preuve, la Commission a raison de croire que les données inscrites à la lettre correspondent aux informations obtenues de M D re Thibault. Cette dernière ayant rencontré les exigences de la preuve, énoncées à l’article 53 de la Loi, la rectification est donc refusée : 53. En cas de mésentente relative à une demande de rectification, la personne qui détient le dossier doit prouver qu'il n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec l'accord de celle-ci. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de rectification de M Montréal, le 18 juillet 2002 M e Andrée Boisselle McCarthy Tétrault Procureure de l'entrepriseme L. re Thibault à l’assureur. re Thibault à l’assureur et de la me L. ou à une opinion émise par la me L. M e MICHEL LAPORTE Commissaire
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