Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DOSSIER: 01 00 33 PIERRE BERGERON, demandeur c. VILLE DE QUÉBEC, Organisme _________________________________________________________________________ DÉCISION _________________________________________________________________________ LOBJET DU LITIGE : La Ville de Québec (la « Ville ») conserve, dans le dossier personnel du constable Bergeron, un document sur lattitude ou le comportement de celui-ci, document daté du 10 février 1992 et rédigé par un officier de la Ville. Le 6 décembre 2000, M. Bergeron demande à la Ville de rectifier son dossier personnel en vertu de larticle 89 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Il demande précisément la suppression de ce document du 10 février 1992 quil considère périmé ou non justifié par lobjet de son dossier; à son avis, la conservation ou la communication de ce document nest conséquemment pas autorisée par la loi. Le 15 décembre 2000, le responsable de laccès aux documents de la Ville refuse dacquiescer à cette demande de rectification. Sa décision sappuie notamment sur les articles 64, 72 et 73 de la Loi sur laccès. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 00 33 2 M. Bergeron expose que la décision du responsable devrait être révisée parce que le document du 10 février 1992 est périmé ou non justifié et que sa conservation nest pas autorisée par la loi. LA PREUVE : Preuve de la Ville : Témoignage de M e Pierre Angers : M e Pierre Angers témoigne sous serment. Il est responsable de laccès aux documents de la Ville depuis lentrée en vigueur de la Loi sur laccès et il a traité la demande de rectification de M. Bergeron; il a consulté tous les services de la Ville qui pouvaient léclairer dans le traitement de cette demande, incluant le service de police, celui des ressources humaines ainsi que le contentieux; il sest également documenté et il sest fait sa propre opinion avant de préparer sa décision du 15 décembre 2000. À son avis, la collecte ainsi que la conservation du document en litige sont légales en vertu des articles 64, 72 et 73 de la Loi sur laccès. À sa connaissance, le document en litige na pas donné lieu à limposition de mesures disciplinaires. Le Règlement N o 1586 de la Ville, Concernant les règles de conduite des employés de la Ville (O-1, onglet 10) et qui est toujours en vigueur, prévoit cependant que :
01 00 33 3 14.05.- En tout temps, les employés doivent avoir une tenue et une conduite convenables et sabstenir de tout propos grossier, outrageant ou impoli envers le public comme envers leurs compagnons de travail. De plus, dans lexpression de leurs opinions, ils doivent agir avec la réserve quexige leur fonction. La Ville a par ailleurs adopté, en juillet 1998, une directive administrative concernant les « dossiers de référence de la policière ou du policier » (O-1, onglet 11); cette directive établit que le dossier de référence dun membre du service de police est constitué : de son dossier administratif qui contient tous les renseignements et documents écrits concernant un membre depuis son embauche jusquà la cessation de son emploi; ce dossier comprend les sections embauche, discipline, évaluation et cheminement de carrière, assiduité, dossier pédagogique et formation; de son dossier médical qui est indépendant de son dossier administratif; de son dossier de division qui renferme des renseignements permettant la gestion courante des ressources humaines dune division, section, unité ou équipe. Le calendrier de conservation (O-1, onglet 5) de la Ville prévoit que le dossier personnel du policier est conservé comme document actif durant la période demploi de celui-ci et pendant 2 ans après la cessation de son emploi; le calendrier prévoit cependant et spécifiquement ce qui suit : « 2 ans après départ, retraite ou décès, séparer : dossier médical, assiduité & disciplinaire. Microfilmage de photos, empreintes, évaluations, cheminement carrière, dossier pédago. Discipl., médical & assiduité pas microfilmés ». Selon M e Angers, cette disposition :
01 00 33 4 consacre le principe de la vie active du dossier du policier jusquà 2 ans après la cessation de son emploi; prévoit que la Ville doit, 2 ans après le départ, la retraite ou le décès dun policier, se défaire du dossier médical ainsi que des sections discipline et assiduité de son dossier administratif sans les microfilmer au préalable. La demande de M. Bergeron vise la destruction du document en litige. Selon M e Angers, larticle 89 de la Loi sur laccès ne vise pas la destruction dun document mais bien sa correction ou précision. De lavis de M e Angers, larticle 40 du Code civil du Québec ne sapplique pas à la demande parce que la Ville juge que la conservation du document en litige est encore nécessaire à laccomplissement de son mandat de gestion, à la prise de décisions administratives notamment. Contre-interrogatoire de M e Angers : Le document en litige est, au sens de la directive administrative précitée (O-1, onglet 11), classé dans les sections discipline et évaluation et cheminement de carrière du dossier administratif de M. Bergeron. Témoignage de M. Michel Racine : M. Racine témoigne sous serment. Il est directeur adjoint du service de police de la Ville et il soccupe particulièrement dadministration.
01 00 33 5 M. Racine était, à lépoque des faits quil a rapportés dans le document en litige, capitaine de léquipe n o 4 quil dirigeait avec lassistance dun lieutenant. Il devait quotidiennement donner des instructions dordre administratif ou opérationnel aux policiers de son équipe, telles que des directives ou consignes particulières sur la criminalité, des projets en cours ou encore des informations dintérêt strictement policier ou dordre général; la communication de ces renseignements, appelée « parade », a une durée de 15 à 20 minutes par relève et elle réunit entre 30 à 40 personnes dans une grande salle; elle exige un certain décorum. M. Racine a rédigé le document en litige, daté du 10 février 1992, et il la soumis à son supérieur. Il jugeait nécessaire de préparer ce document pour faire état du comportement, à son avis très perturbateur, de M. Bergeron lors des parades des 5 et 6 février 1992 et de la difficulté qui en était résultée; à son avis, le comportement de M. Bergeron avait été absolument inacceptable, créait un problème de communication et dénotait une difficulté avec son supérieur immédiat. M. Racine a alors donné un avis favorable à la demande de changement déquipe formulée le 7 février par M. Bergeron, ce, tant pour améliorer la situation de M. Bergeron que celle de la Ville. Selon M. Racine, il est extrêmement important de conserver un document concernant le comportement professionnel dun policier parce quil est essentiel den faire le suivi pour le cheminement de sa carrière. La Ville doit avoir une image réelle et complète du policier, de son comportement notamment, pour les raisons suivantes : elle décide, dans lexercice de ses fonctions, des demandes formulées par ses policiers qui proposent leur candidature à des concours de promotion; elle évalue le comportement consécutif du policier, non pas le comportement du policier au cours de la dernière année ou le comportement relié à un seul fait;
01 00 33 6 elle se doit de vérifier la capacité de gestion du policier qui se porte candidat à un concours de promotion et qui a lui-même déjà démontré des difficultés de comportement avec ses supérieurs; elle se doit davoir des gestionnaires qualifiés, de haut calibre, tant dans lintérêt de la population que dans celui de ses policiers; elle effectue lentrevue des candidats à partir des renseignements détenus dans leur dossier, selon leur cheminement de carrière notamment; les renseignements personnels se limitant à la dernière année ne permettent pas, par exemple, de procéder à une évaluation adéquate du comportement du policier lors de situations problématiques, stressantes ou nécessitant un grand contrôle; le comportement consécutif constitue lun des critères dévaluation; il est utilisé en entrevue pour évaluer la capacité de gestion du candidat; les aspects tant positifs que négatifs du comportement continu du candidat sont essentiels à son évaluation; les difficultés entre policiers ou avec leurs supérieurs se présentent fréquemment; la Ville sait distinguer le cas isolé et le juger comme tel dans son évaluation du comportement consécutif global; le comportement consécutif global comprend les comportements positifs et méritoires; il donne une image du policier et permet de vérifier sa capacité de gestion en entrevue. La Ville tient compte de lensemble du dossier du policier pour lapplication de son programme dattribution de médailles; elle en fait de même lorsquil sagit de choisir les policiers qui proposent leur candidature pour participer à des missions humanitaires telle que celle concernant le Kosovo.
01 00 33 7 Témoignage de Mme Carole Côté : Les éléments essentiels du témoignage de Mme Côté, fait sous serment, sont ci-après énumérés. Mme Côté est diplômée en linguistique (baccalauréat) et en archivistique (certificat); elle est à lemploi de la Ville depuis 1983 et elle travaille, à titre darchiviste, à la section de la gestion des documents administratifs. Mme Côté prépare le calendrier de conservation des documents de la Ville; ce calendrier, qui établit les périodes et les modalités de conservation, prévoit, entre autres, le cheminement des dossiers des employés de la Ville. Le dossier actif dun employé de la Ville comprend tous les renseignements nécessaires à la gestion de cet employé. Le dossier personnel du policier est conservé comme document actif pendant la durée de son emploi à la Ville, durée à laquelle sajoutent deux ans après le départ, la retraite ou le décès du policier; ce délai, prévu par le calendrier de conservation de 1999 (O-1, onglet 5), est identique à celui que prévoyait le calendrier de conservation en date du 16 février 1994 (D-1). Lannexe, produite par le demandeur avec un extrait du calendrier concernant la conservation du dossier personnel du policier (D-1), est toujours en vigueur. Le service de police de la Ville est nécessairement consulté lorsquil sagit détablir la période durant laquelle le dossier personnel du policier est un document actif et par la suite un document semi-actif. À sa connaissance et depuis 1983, le service des archives de la Ville na jamais reçu de demande de retrait de document dun dossier personnel.
01 00 33 8 Contre-interrogatoire de Mme Côté : Mme Côté ne gère pas les dossiers actifs et elle ne reçoit pas les demandes de rectification concernant les dossiers actifs. Le service de police doit respecter les règles prévues par le calendrier de conservation concernant les dossiers personnels des policiers. Lannexe produite par lavocat de M. Bergeron (D-1) est toujours utilisée par la Ville. Cette annexe intègre une disposition du Règlement sur les archives de la Sûreté du Québec et des corps de police municipaux concernant le personnel policier (R.R.Q., 1981, c. P-13, r. 1, articles 3q) et 4) qui, notamment, prévoit que le policier concerné peut, après une période de cinq ans suivant limposition dune mesure disciplinaire, demander le retrait, de son dossier, dun rapport de toute mesure disciplinaire. Preuve du demandeur : Témoignage de M. Pierre Bergeron : M. Pierre Bergeron témoigne sous serment. Il est, actuellement et depuis 20 ans et demi, policier à lemploi de la Ville. Il fait état de lune des particularités de sa fonction ainsi que de sa spécialité. Le document en litige a été inséré dans son dossier en 1992; il a demandé que ce document soit retiré de son dossier, demande que la Ville a refusée.
01 00 33 9 Contre-interrogatoire de M. Bergeron : Le contenu du document en litige ne lui semble pas inexact; il en demande cependant le retrait. Il na pas, par ailleurs, demandé le retrait de lettres de félicitations qui font partie de son dossier. Témoignage de M. Bernard Lerhé : M. Lerhé témoigne sous serment. Il est policier depuis 1981 et sergent-détective depuis 1993. Représentant syndical depuis 1998, il soccupe de discipline et de déontologie. Il a été promu deux fois, après avoir soumis sa candidature à deux concours de promotion et après avoir été évalué. Selon lui, le service de police de la Ville ne prépare pas de fiches de notation et il ne signifie pas ses attentes. La Ville nattribue pas de boni au rendement et elle ne propose aucun mécanisme dévaluation au cours de la carrière du policier, les concours de promotion étant les seules occasions la Ville peut évaluer le policier si celui-ci choisit de proposer sa candidature. Les mesures disciplinaires sont prises en compte à loccasion des concours de promotion; elles ne peuvent cependant être invoquées en vertu de la convention collective de travail (O-1, onglet 9) dans les cas suivants :
01 00 33 10 25.12 Une mesure disciplinaire imposée à un ou une constable après un an de bonne conduite soutenue ne peut être invoquée contre lui ou elle à larbitrage ni dans aucune autre circonstance que ce soit, sauf si la mesure disciplinaire consistait en une suspension ou une rétrogradation. Dans ces cas, la période est portée à deux (2) ans. Lors de limposition dune mesure disciplinaire, la Ville ne considère que les mesures antérieures prises dans les délais prévus au paragraphe précédent. Une « bonne conduite soutenue » suppose labsence de blâme, de suspension ou de rétrogradation pendant la période applicable. À sa connaissance, cinq policiers qui ont fait lobjet de plaintes ont pu prendre part à des missions humanitaires en Haïti. Contre-interrogatoire de M. Lerhé : M. Lerhé est vice-président du syndicat professionnel de la police municipale de Québec depuis la fin de lannée 2000; il était auparavant représentant des enquêteurs. Il a lu le document en litige qui, à son avis, constitue une lettre de blâme, un reproche qui aurait pu conduire à un grief; il ny a eu ni grief, ni suspension, ni rétrogradation, ni congédiement, ni démarche du syndicat. Les plaintes visant les policiers qui ont pu participer à des missions humanitaires en Haïti ne sont pas encore réglées.
01 00 33 11 Lévaluation à des fins de promotion tient compte du dossier personnel du policier, notamment des lettres de félicitations ou encore des mesures disciplinaires selon ce que prévoit la convention collective (article 25.12 précité). LARGUMENTATION : Lavocate de la Ville soutient que la preuve démontre la nécessité de conserver le document en litige, document qui porte sur le comportement de M. Bergeron. Elle soutient que la preuve démontre spécifiquement que tous les aspects du comportement dun policier, tant positifs que négatifs, doivent être recueillis et conservés dans son dossier afin que la Ville détienne une image complète du policier et quelle soit en mesure de prendre des décisions éclairées à son sujet, notamment dans un contexte dévaluation comparative. Elle souligne à cet égard que la preuve démontre que la Ville tient à offrir un service policier dont les membres ont un comportement qui soit le meilleur possible. Elle prétend que le document en litige nest pas une note de blâme à lendroit de M. Bergeron et quil constitue essentiellement une évaluation personnelle et subjective de sa conduite. Lavocate de la Ville soutient par ailleurs que la preuve démontre que le dossier personnel dun policier est, au sens de la Loi sur les Archives (L.R.Q., c. A-21.1), un document actif pendant la période demploi du policier à la Ville et durant deux ans après son départ, sa retraite ou son décès.
01 00 33 12 Elle soutient particulièrement quaucune disposition ne prévoit le retrait du document en litige. Elle souligne que les dispositions de la Loi sur laccès sont prépondérantes et que larticle 64 de cette loi autorise la Ville à recueillir un renseignement nominatif nécessaire à lexercice de ses attributions ou à la mise en œuvre dun programme dont elle a la gestion. Elle rappelle que la Ville a démontré la nécessité de la collecte ainsi que de la conservation du document en litige dans le dossier actif de M. Bergeron. Lavocate de la Ville soutient particulièrement que la preuve démontre que sa cliente procède à la promotion de ses policiers par voie de concours qui supposent la tenue dune entrevue avec les candidats, leur évaluation comparative, ce, en tenant compte des renseignements détenus concernant leur comportement personnel consécutif. Elle rappelle que M. Bergeron ne conteste pas le contenu du document en litige. Elle signale quil ne demande pas le retrait des lettres de félicitations détenues dans son dossier. Elle prétend que la Commission a une compétence exclusive pour entendre la demande de rectification de M. Bergeron. Lavocate de la Ville soutient spécifiquement que la Ville a démontré: que la conservation du document en litige lui est nécessaire en raison de ses responsabilités en matière de gestion de personnel et des décisions quelle peut prendre concernant M. Bergeron;
01 00 33 13 quelle a le droit de recueillir et de conserver, selon la loi et les prescriptions de son calendrier de conservation, des renseignements concernant le comportement de ses policiers agissant dans lexercice de leurs fonctions 2 ; que le dossier personnel du policier comprend notamment une section concernant la discipline et une autre section relative à lévaluation et au cheminement de carrière; que la section évaluation et cheminement de carrière comprend nécessairement des commentaires sur le comportement, ces commentaires constituant des renseignements importants dont la Ville tient compte pour évaluer les candidats aux concours de promotion, pour octroyer des médailles et pour autoriser la participation de policiers à une mission particulière; que le dossier personnel du policier demeure actif pendant deux ans après le départ, la retraite ou le décès du policier 3 ; que le document en litige nest pas une mesure disciplinaire imposée selon la convention collective mais bien une évaluation de comportement, dattitude ou de conduite qui a été constatée dans une correspondance entre deux officiers et qui na pas eu de suite; que le Règlement N o 1586 concernant les règles de conduite des employés de la Ville (article 14.05) régit la conduite, léthique. Elle explique que le Règlement sur les archives de la Sûreté du Québec et des corps de police municipaux concernant le personnel policier prévoit le retrait des mesures disciplinaires du dossier du policier afin que le policier, qui a été sanctionné, ne le soit pas doublement par la seule conservation de linscription de ces mesures à son dossier. Elle rappelle que le document en litige nest pas une mesure disciplinaire, ni au sens de ce règlement, ni au sens de la convention collective applicable. 2 Galipeau c. Ministère de la Main dœuvre et de la sécurité du revenu du Québec [1989] C.A.I. 1, 5; Trudel c. Ville de St-Lambert [1995] C.A.I. 332, 333; Benoit c. Québec (Ministère du revenu) [1996] C.A.I. 17, 21. 3 Mainguy c. Communauté urbaine de Montréal [1993] C.A.I. 252.
01 00 33 14 Elle soutient enfin que les dispositions de la Loi sur laccès, qui prévalent, prévoient le caractère nécessaire de la collecte et de la conservation dun renseignement nominatif, non pas le caractère équitable de ces opérations. Elle signale que la preuve démontre, de façon prépondérante, que la conservation des documents relatifs au comportement des policiers est nécessaire. Lavocat de M. Bergeron soutient pour sa part que la nécessité de conserver le document en litige na pas été démontrée. Il soutient particulièrement que la nécessité de conserver ce document en vue de la prise de décisions na pas, non plus, été démontrée. Il souligne que lannexe (D-1) à la règle de conservation du dossier personnel de policier (O-1, onglet 5), appliquée par la Ville, tient compte de la possibilité de retrait, après cinq ans de son imposition, dune mesure disciplinaire portée au dossier. Il reconnaît que le document en litige porte sur le comportement ou lattitude de M. Bergeron; à son avis, la conservation du document en litige au dossier de M. Bergeron a pour effet de le punir indéfiniment pour un comportement auquel la Ville na pas donné de suite. À son avis également, la Ville devrait rectifier, par lélimination après un an de bonne conduite du policier, des renseignements qui sont relatifs à un comportement pour lequel la Ville na donné aucune suite. Lavocat de M. Bergeron prétend que le document en litige est de nature disciplinaire parce quil constitue un reproche ou un blâme à lencontre du comportement de son client, blâme ou reproche qui devait plutôt être traité suivant les dispositions de la convention collective régissant la discipline.
01 00 33 15 Il prétend par ailleurs que si le document en litige ne constitue pas un blâme, la nécessité de le conserver au dossier de son client est inexistante. Il avance que si le document en litige constitue un blâme, M. Bergeron devrait, après une période de bonne conduite, pouvoir le faire retirer de son dossier. Il soutient que le document en litige constitue depuis février 1992 un élément défavorable au dossier de M. Bergeron; il rappelle à cet égard que la convention collective prévoit que lors de limposition dune mesure disciplinaire, la Ville ne considère que les mesures qui ont été prises dans lannée ou, selon la nature de la mesure, dans les deux ans qui précèdent. Si le document en litige avait donné lieu à une mesure disciplinaire, M. Bergeron aurait pu en demander le retrait après cinq ans et ainsi obtenir une médaille, signale-t-il. Lavocat de M. Bergeron soutient que le document en litige ne fait pas partie de lévaluation et du cheminement de carrière du policier parce que la preuve démontre que la Ville ne procède pas à lévaluation de ses policiers, sauf à loccasion de la probation, que la Ville ne complète pas de fiches de notation, quelle na pas exprimé ses attentes, et que, somme toute, elle na élaboré ni critères dévaluation ni système dévaluation. Selon lavocat de M. Bergeron, si la Ville jugeait nécessaire de conserver les documents portant sur le comportement de ses policiers afin de déterminer ceux qui peuvent prendre part à des missions spéciales, elle devrait, après négociation, établir un mécanisme dévaluation des candidats à ces missions. À son avis, la nécessité de conserver un renseignement défavorable à son client, bien quinvoquée par la Ville, na pas été démontrée et demeure non justifiée. Il souligne que la nécessité de conserver le document en litige en vue de la prise dune décision après une indispensable évaluation na pas, non plus, été démontrée. Il signale par ailleurs que la
01 00 33 16 Ville applique le règlement voulant que les mesures disciplinaires puissent être retirées du dossier, à la demande du policier, cinq ans après avoir été imposées; il explique que ces mesures ne peuvent conséquemment empêcher, de façon permanente, loctroi de médailles, par exemple. Lavocat de M. Bergeron demande enfin à la Commission dordonner que la demande de rectification, la décision du responsable, la demande de révision ainsi que la décision de la Commission ne soient pas versées au dossier de son client. DÉCISION : Jai pris connaissance du document en litige, daté du 10 février 1992 (O-1, onglet 1), document par lequel le capitaine Michel Racine porte à lattention de son supérieur, M. Richard Renaud, le comportement de M. Bergeron lors dévénements quil identifie ainsi que la demande de changement déquipe que lui a faite M. Bergeron le 7 février 1992; se disant favorable à cette demande et ne suggérant ni blâme, ni mesure disciplinaire, M. Racine écrit : « Je vous soumets le tout dans lespoir que vous puissiez y donner suite dans le sens indiqué. ». Le document en litige comprend aussi le texte de la décision du supérieur Renaud, datée du 11 février 1992, décision qui refuse la demande de changement déquipe de M. Bergeron. M. Renaud motive sa décision en exprimant ainsi ses attentes À mon avis, cest une question dattitude ou de comportement du constable Bergeron quil devra changer. ». La lettre de M. Racine ainsi que la décision du supérieur Renaud qui y est reproduite indiquent respectivement que copie conforme en est versée au dossier personnel de
01 00 33 17 M. Bergeron en plus dêtre communiquée au syndicat. Aucun blâme administratif ou mesure disciplinaire nen résultent (O-1, onglet 2). La preuve démontre que lattitude, le comportement, ou encore la conduite des employés de la Ville sont régis par le Règlement N o 1586 Concernant les règles de conduite des employés de la Ville (O-1, onglet 10), qui est toujours en vigueur et qui prévoit que la conduite des employés doit, en tout temps, être convenable: 14.05.- En tout temps, les employés doivent avoir une tenue et une conduite convenables et sabstenir de tout propos grossier, outrageant ou impoli envers le public comme envers leurs compagnons de travail. De plus, dans lexpression de leurs opinions, ils doivent agir avec la réserve quexige leur fonction. La Commission comprend que la collecte des renseignements constituant le document en litige résulte de lapplication de cette disposition réglementaire qui en est une de gestion élémentaire du personnel. La Commission comprend aussi que la conservation de ces renseignements, intimement reliée à leur collecte, est en rapport direct avec les attentes exprimées par le supérieur Renaud concernant la conduite du constable Bergeron, ou encore son attitude ou comportement « quil devra changer »; ces renseignements sont un repère pour lévaluation du comportement consécutif ou continu du constable Bergeron. La preuve démontre à cet égard que les renseignements relatifs au comportement dun policier, quils soient positifs ou négatifs, sont recueillis de façon consécutive ou continue et conservés parce que la Ville estime quils sont nécessaires et destinés à lui servir pour la prise de décisions visant les policiers concernés; la preuve démontre de plus que les renseignements qui constituent le document en litige, qui ont trait au comportement de M. Bergeron mais qui nont pas donné lieu à un blâme ou à limposition dune mesure disciplinaire, ont été versés et sont conservés dans le dossier personnel de M. Bergeron.
01 00 33 18 La Commission conclut que la Ville ne contrevient pas aux articles 64 et 71 de la Loi sur laccès : 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion.
01 00 33 19 71. Un organisme public doit verser dans un fichier de renseignements personnels établi conformément à la présente sous-section tout renseignement nominatif qui: 1 o est identifié ou se présente de façon à être retrouvé par référence au nom d'une personne ou à un signe ou symbole propre à celle-ci; ou 2 o lui a servi ou est destiné à lui servir pour une décision concernant une personne. La preuve démontre aussi que les renseignements constituant le document en litige sont exacts, encore dactualité ou à jour et quils servent aux fins dévaluation comparative pour lesquelles ils ont été recueillis et à la prise de décisions qui en résultent; M. Bergeron ne prétend pas, par ailleurs, que ces renseignements soient incomplets. La Commission conclut que la Ville ne contrevient pas à larticle 72 de la Loi sur laccès : 72. Un organisme public doit veiller à ce que les renseignements nominatifs qu'il conserve soient à jour, exacts et complets pour servir aux fins pour lesquelles ils sont recueillis. La preuve démontre que lobjet pour lequel les renseignements constituant le document en litige sont recueillis nest accompli que lorsquil ny a plus de raison dévaluer le policier et de prendre de décision en conséquence. La preuve indique que le constable Bergeron est toujours à lemploi de la Ville et que son comportement doit être évalué de façon consécutive et continue. La Commission conclut que la Ville, en conservant le document en litige qui a toujours sa raison dêtre pour lévaluation et le cheminement de carrière de M. Bergeron, ne contrevient pas à larticle 73 de la Loi sur laccès : 73. Lorsque l'objet pour lequel un renseignement nominatif a été recueilli est accompli, l'organisme public doit le détruire, sous réserve de la Loi sur les archives (chapitre A-21.1). La preuve démontre particulièrement que le Règlement sur les archives de la Sûreté du Québec et des corps de police municipaux concernant le personnel policier, qui sapplique toujours en matière de protection des renseignements personnels en vertu du
01 00 33 20 2 ième paragraphe de larticle 171 de la Loi sur laccès, ne prévoit pas le retrait du document en litige du dossier du policier, document qui, faut-il le rappeler, nest pas une mesure disciplinaire ou un blâme, la décision du supérieur Renaud le démontrant clairement. La preuve démontre que le calendrier de la Ville régit la conservation du dossier personnel du policier pendant la durée de son emploi et après la cessation de celui-ci. Aucune preuve ne démontre que la Ville contrevient à son calendrier de conservation. M. Bergeron a demandé la suppression du document en litige, constitué de renseignements nominatifs qui, à son avis, ne peuvent plus être légalement conservés dans son dossier personnel parce que périmés ou non justifiés; cette demande a été faite en vertu de larticle 89 de la Loi sur laccès qui prévoit que : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. La preuve démontre de façon convaincante que la conservation du document en litige est autorisée par la loi; la destruction ou suppression de ce document qui est actuel et qui a encore sa raison dêtre ne peut être obtenue, vu la preuve de la Ville quant à la légalité de sa conservation. La Commission comprend, vu la directive administrative mise en preuve concernant les dossiers de référence de la policière ou du policier (O-1, onglet 11), que la demande de rectification, la décision du responsable, la demande de révision ainsi que la présente décision ne sont pas nécessaires à lobjet du dossier de référence du constable Bergeron et ny seront conséquemment pas versées.
01 00 33 21 La Commission souligne enfin que la négociation relative à lévaluation des policiers de la Ville ou à toute disposition de la convention collective mise en preuve nest pas de son ressort; lintervention de la Commission na pas, à juste titre, été sollicitée avant lintroduction, dans cette convention collective, des dispositions portant sur leffet des mesures disciplinaires. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 11 juin 2002. M e Robert De Blois De Blois & Associés Avocat du demandeur M e Louise Vallée Boutin & Associés Avocate de lorganisme.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.