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00 15 57 ALAIN PINSONNEAULT, demandeur, c. RÉGIE INTERMUNICIPALE DE POLICE ROUSSILLON, organisme public. LOBJET DU LITIGE Le 12 juin 2000, M. Alain Pinsonneault, par lintermédiaire de son procureur, demande à la Régie intermunicipale de police Roussillon (la « Régie ») de lui faire parvenir une copie de son dossier. Le 26 juin suivant, M. Pinsonneault autorise, par écrit, la Régie à communiquer à son procureur une copie intégrale de son dossier. Le 25 juillet 2000, ce procureur reçoit un accusé de réception de la Régie linformant quelle analyse le dossier et que, dans quelques jours, elle lui fera parvenir « le tout, conformément à votre demande ». Le 7 août suivant, la Régie refuse à M. Pinsonneault laccès au dossier, invoquant les articles 28 et 53 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »). Le 31 août 2000, M. Pinsonneault, par lintermédiaire de son procureur, sollicite lintervention de la Commission daccès à linformation (la « Commission ») pour réviser cette décision.
00 15 57 - 2 -Le 18 avril 2002, une audience se tient à Montréal en présence de M. Pinsonneault et des témoins de la Régie. LA PREUVE Le témoignage de M. Mario Bastien Dans ce dossier, la Régie est représentée par M e Caroline Daoust. Cette avocate fait entendre, sous serment, M. Mario Bastien, responsable de lapplication de la Loi et secrétaire-trésorier à la Régie. Il déclare ne pas avoir expliqué de façon précise au procureur de M. Pinsonneault quil obtiendrait le dossier intégral de celui-ci. Il ajoute que ce dossier réfère à une enquête de la Régie impliquant M. Pinsonneault et une tierce personne. M. Bastien invoque donc larticle 28 (5) de la Loi pour lui refuser laccès à son dossier qui, à son avis, contient des renseignements nominatifs qui permettraient d'identifier et de porter préjudice à une personne en particulier. Il dépose, sous le sceau de la confidentialité, le dossier intégral faisant lobjet du présent litige. Le huis clos Une demande de procéder à huis clos est demandée par lavocate de la Régie afin de faire une preuve complète sur la nécessité pour celle-ci de refuser à M. Pinsonneault laccès intégral au dossier tel quil a été demandé. Cette demande est accordée. M. Pinsonneault est donc prié de quitter la salle daudience après que la soussignée lui ait expliqué le but recherché par une partie demandant le huis clos et son impossibilité, à cette étape-ci, à lui faire part du contenu du dossier, pour les motifs ci-dessus mentionnés. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 15 57 - 3 La poursuite de laudience Lors du contre-interrogatoire mené par M. Pinsonneault, M. Bastien, témoin pour la Régie, confirme avoir communiqué avec le procureur de celui-ci au sujet des documents demandés. Il l'aurait informé quil analysait alors le dossier, sans confirmer quil le lui transmettrait, mais plutôt qu'il lui ferait parvenir « toute autre information ». De plus, M. Bastien affirme quaprès avoir rencontré lavocate de la Régie, il a décidé de refuser à M. Pinsonneault, dans sa totalité, laccès au dossier. Il ajoute que la personne impliquée dans ce dossier na pas autorisé la Régie à divulguer tout renseignement la concernant. La déposition de M. Éric Caza L'avocate de la Régie fait entendre, sous serment, M. Éric Caza. M. Caza a débuté, en 1992, pour le Service de police de Candiac, qui a été intégré par la suite à la Régie, au sein de laquelle il occupe une poste d'enquêteur depuis 1999. M. Caza indique avoir rencontré M. Pinsonneault au mois de janvier 2001, à la suite d'une plainte, de nature criminelle, que celui-ci avait déposée contre M me X, vers le 20 mars 2000. Cette plainte réfère à un incident qui serait survenu sur le territoire de la Régie. M. Caza déclare avoir été informé que le procureur de la Couronne « avait décidé de ne pas autoriser la plainte ». Il en a donc avisé M. Pinsonneault qui a été insatisfait de cette décision.
00 15 57 - 4 -En contre-interrogatoire, M. Caza confirme que la Sûreté du Québec (la « S.Q. ») avait avisé la Régie de lintention de M. Pinsonneault de déposer une plainte contre M me X. La déclaration de M. Alain Pinsonneault M. Pinsonneault, demandeur dans la présente cause, est interrogé, sous serment, par lavocate de la Régie. Il admet avoir soumis une demande daccès auprès de la Régie, relative au dossier faisant lobjet du présent litige. Il admet également avoir pris connaissance du refus au dossier. M. Pinsonneault témoigne de façon exhaustive sur le contenu de ce dossier quil dit connaître et qui implique M me X dont il a été d'abord collègue à la S.Q., avant de devenir son coéquipier et, par la suite, entretenir une liaison. M. Pinsonneault relate également un incident particulier survenu entre lui et M me X. Il admet quune enquête de nature disciplinaire a été tenue à son égard par la S.Q. qui a imposé des mesures disciplinaires. Il a été suspendu de ses fonctions, avec solde, et ce, pour une période de cinq mois, soit du 24 mars 2000 au 28 août 2000. À cette date, il a été réintégré au poste qu'il occupait précédemment, M me X nayant pas déposé de plainte de nature criminelle contre lui. M. Pinsonneault admet vouloir obtenir des renseignements contenus au dossier impliquant M me X pour entreprendre des procédures judiciaires, de nature civile, contre elle, en raison du tort qu'elle lui aurait causé. Celle-ci aurait porté atteinte à sa réputation et probablement nui à sa carrière. Il souligne connaître les témoins rencontrés par les enquêteurs ainsi que les informations diffusées par M me X et consignées au rapport denquête de la S.Q.
00 15 57 - 5 La déclaration de M. Claude Boutin M. Claude Boutin est interrogé, sous serment, par M. Pinsonneault. Il déclare être chef de service au « Service de surveillance physique » à la S.Q. et être le supérieur hiérarchique de M. Pinsonneault. Il confirme, pour lessentiel, les dépositions de MM. Pinsonneault et Caza. M. Boutin ajoute quune mise en garde a été formulée à légard de M. Pinsonneault et de M me X. Ceux-ci ne font plus partie de la même équipe de travail. LES ARGUMENTS DE LAVOCATE DE LA RÉGIE Contexte Lavocate de la Régie résume la situation qui existait entre M. Pinsonneault et M me X. À la suite dun incident survenu entre ces derniers au mois de mars 2000, M. Pinsonneault décide de porter plainte aux Affaires internes de la S.Q. contre M me X. Celle-ci, pour sa part, na pas porté de plainte formelle contre lui. Aucun des deux ne fait lobjet dune accusation criminelle et aucune cause nest pendante devant les tribunaux. Lavocate résume également la déposition de M. Pinsonneault sur tous les points relatifs au dossier faisant lobjet du présent litige. Elle considère que M. Pinsonneault, par sa déposition à laudience, a renoncé à la divulgation de renseignements le concernant, tandis quaucune preuve ne vient établir que M me X ait renoncé à la divulgation de renseignements la concernant. De lavis de lavocate et pour les motifs ci-dessus énoncés, la Régie a raison de refuser à M. Pinsonneault laccès au dossier, particulièrement en raison du but recherché par celui-ci, à savoir un recours éventuel de nature civile devant dautres instances. À cet effet, l'avocate de la Régie invoque larticle 48 de la Loi :
00 15 57 - 6 -48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. Elle plaide que cet article revêt un caractère impératif, M. Pinsonneault devra donc sadresser aux instances supérieures, sil continue de vouloir obtenir les renseignements contenus au dossier. Lavocate de la Régie réitère lapplication des articles 28 (5) et 53 de la Loi, traitant dune part, dun préjudice probable à lauteur du renseignement ou qui en est lobjet et aux témoins éventuels qui y sont mentionnés, dautre part. Ces articles prévoient qu : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; […] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.
00 15 57 - 7 -À cet effet, elle cite la décision Bordeleau c. Ministère de la Justice 2 , dans le cadre dune demande daccès aux dépositions contenues à un rapport denquête concernant le demandeur, la commissaire, M e Thérèse Giroux, statue que : La Commission réaffirme que la déposition faite par un témoin dans le cadre dune enquête nest pas, en soi et automatiquement, de nature nominative et rappelle que chaque cas doit être étudié au mérite. Or, la lecture de ces dépositions révèle quelles ne contiennent que la description factuelle de lévénement et quelles ne contiennent aucune information personnelle significative sur leur auteur ou même sur dautres personnes, si ce nest le demandeur lui-même. La Commission ne croit donc pas que lon puisse les considérer comme nominatives par rapport à leur auteur Ceci dit, ces dépositions ont été faites à un enquêteur de la S.Q. et il faut les considérer à la lumière de larticle 28. De lavis de la Commission, toute la section contenant les dépositions, de même que lindex, qui identifie les témoins, doivent être refusés au demandeur car ces renseignements pourraient, compte tenu du contexte présent ici, causer un préjudice à ces témoins au sens de larticle 28 (5). Eu égard aux articles ci-dessus mentionnés, lavocate commente dautres décisions dans lesquelles la Cour du Québec et la Commission ont analysé, entre autres, les propos susceptibles de causer un préjudice aux témoins éventuels, aux enquêteurs concernés et la nécessité de garder confidentiels les renseignements nominatifs. Ces décisions sont : Communauté urbaine de Montréal c. Winters 3 ; Goodfellow inc. c. Goulet 4 ; Waltzing c. Ministère de la Sécurité publique 5 ; Douville c. Communauté urbaine de Montréal 6 ; X c. Communauté urbaine de Montréal 7 . 2 [1985] C.A.I. 499. 3 [1989] C.A.I. 209.
00 15 57 - 8 -Faisant référence à la décision Goodfellow inc. c. Goulet précitée, lavocate de lorganisme argumente que la divulgation des renseignements contenus au dossier détenu par la Régie peut nuire à M me X et porter atteinte à ses droits à la vie privée. 4 [1995] C.A.I. 444 (C.Q.). 5 [2001] C.A.I. 213. 6 [2000] C.A.I. 165. 7 [2001] C.A.I. 140.
00 15 57 - 9 -LES ARGUMENTS DE M. PINSONNEAULT M. Pinsonneault, pour sa part, soulève deux points spécifiques relatifs à sa demande de révision devant la Commission : a) Le refus du 31 août 2000 de la Régie à son avocat est non conforme à larticle 50 de la Loi. Cet article prévoit que le refus du responsable daccès à communiquer un renseignement doit être motivé. La Régie invoque larticle 28 de la Loi, sans en préciser le paragraphe; b) M. Bastien, responsable de l'application de la Loi à la Régie, aurait d'abord confirmé à son avocat qu'il obtiendrait une copie de son dossier pour ensuite, en refuser l'accès dans sa totalité. Le refus de la Régie se lit comme suit : En réponse à votre demande daccès à linformation relativement à votre client nommé en rubrique, cest à regret que la Régie ne peut acquiescer à votre demande en vertu des articles 28 et 53 de la loi de laccès à linformation. M. Pinsonneault souhaite connaître le ou les paragraphe(s) précis de larticle 28 de la Loi auquel (auxquels) la Régie réfère pour lui refuser laccès aux renseignements recherchés. Par ailleurs, il commente la notion de « vie privée » soulevée par lavocate de la Régie lors de sa plaidoirie. M. Pinsonneault croit à linexistence de cette notion, étant donné le nombre de personnes que M me X aurait informées de lincident. DÉCISION La preuve non contredite démontre que M. Pinsonneault et M me X se connaissent. Ceux-ci travaillaient ensemble à la S.Q. et, à un certain moment, ils ont eu une liaison. En raison dun incident particulier survenu entre ceux-ci, M. Pinsonneault a fait lobjet dune enquête de nature disciplinaire. Sensuivit une suspension avec solde dune durée de cinq mois.
00 15 57 - 10 -Il a déposé une plainte formelle contre M me X que le Procureur de la Couronne na pas retenue. M. Pinsonneault considère avoir subi un préjudice et que M me X aurait porté atteinte à sa réputation et, probablement, nui à sa carrière. Il veut se servir des renseignements contenus au dossier détenu par la Régie pour pouvoir entreprendre un recours judiciaire contre M me X. La soussignée nest pas habilitée à trancher un litige en matière civile ou criminelle. Dans le cadre de sa loi constituante, la soussignée statue en vertu des dispositions législatives qui y sont décrites. Par ailleurs, le refus de la Régie à communiquer à M. Pinsonneault les renseignements au dossier respecte-t-il les critères prévus à larticle 50 de la Loi? Afin de pouvoir y répondre, la soussignée évalue la preuve documentaire et testimoniale présentée de part et dautre, tout en tenant compte des neuf critères à caractère impératif prévus à larticle 28 de la Loi. La soussignée considère que la Régie a fait amplement la preuve que la divulgation des documents recherchés par M. Pinsonneault risque de causer un préjudice particulièrement à M me X (article 28 (5)). Cet article revêt un caractère impératif qui peut être soulevé à nimporte quel moment du cheminement de la cause ou de laudience. En ce qui concerne les dispositions législatives prévues à larticle 53 de la Loi et après étude de la preuve documentaire, tous les documents se trouvant au dossier de la Régie sont confidentiels. Ces documents contiennent, entre autres, les déclarations de plusieurs personnes, dont M me X, obtenues par un enquêteur sur lincident en question. Ces documents contiennent des renseignements nominatifs concernant des personnes physiques qui, même masqués, permettraient de les identifier, ce qui contreviendrait à larticle 54 de la Loi :
00 15 57 - 11 -54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. Le dossier, dans sa totalité, doit demeurer confidentiel. Il ne peut donc pas être divulgué. Par ailleurs, en ce qui concerne larticle 48 de la Loi cité précédemment par lavocate de Régie, la soussignée croit que la preuve cueillie à laudience est suffisante pour statuer sur la demande de révision de M. Pinsonneault. Il ny a donc pas lieu de commenter cet article. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de M. Alain Pinsonneault. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 11 juin 2002 M e Caroline Daoust Bélanger Sauvé Procureure de la Régie intermunicipale de police Roussillon
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