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01 03 95 FORGET, René Demandeur c. VILLE DE SAINT-HUBERT Organisme LA DEMANDE M. René Forget demande une copie de ses dossiers personnels détenus par son ancien employeur, la Ville de Saint-Hubert, le 23 janvier 2001. Le 8 février 2001, M e Carmen St-Georges, responsable de laccès, lui répond quelle ne peut lui communiquer une partie de son dossier personnel : « […] En effet, certains documents ne peuvent vous être divulgués parce qu'ils révèleraient des renseignements nonimatifs concernant d'autres personnes physiques. En vertu de l'article 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, ces renseignements ne sont pas accessibles, à moins que ces personnes n'y consentent expressément par écrit. Le coût de ces documents s'élève à 8,50 (0,25$ la page). Veuillez nous faire parvenir un chèque à ce moment à l'ordre de la ville de Saint-Hubert, avec la copie ci-jointe de la présente. » […] M. Forget répond, le 12 février 2001, en donnant divers arguments dordre juridique pour contrer la position de la Ville. Dans le même document, il demande d'autres informations, soit : « […] Veuillez également me faire parvenir les documents manquants à mon dossier, à savoir : L'enquête de réputation et de référence qui a été effectuée en mai 1998 et qui était conditionnelle à mon embauche.
01 03 95 2 Les évaluations de rendement de Pierre Boissy (16-22 juin), Éric L'Écuyer (27-28 juin), Jean Pierre Lachapelle (07-27 juillet) et André Provencher (14-15 septembre) de l'année 1998. […] Cette seconde demande n'est pas aussi urgente que la première, mais je vous prierais quand même de me communiquer les documents suivants : 1) Les dossiers détenus aux ressources humaines Le médical pré-embauche Le TAP L'entrevue et son rapport complet L'enquête de réputation conditionnelle à l'embauche et son rapport complet Toutes les lettres, communications et mémos que les ressources humaines m'ont envoyées. Toutes les lettres, communications et mémos que les ressources humaines ont échangées avec d'autres personnes ou organisme et qui me concernent. Les horaires Listes d'équipement La cessation d'emploi 2) Les dossiers détenus à la paie Les slips de paye Les avantage sociaux La rétroaction après le règlement en arbitrage. Les dossiers au service de police pas encore communiqués Toutes les lettres, mémos, notes de services m'étant adressés Toutes les lettres, mémos, notes de services du service de police me concernant. Et notamment une série de communications entre Pierre Rathier et Claude Descent et Pierre Rathier et La Fraternité concernant un grief visant l'irrespect de mon droit d'ancienneté lors d'une assignation. Ces communications sont datées du 4 juillet et suivants. La convention collective effective à l'époque Le règlement survenu en arbitrage Le règlement de discipline- La liste par ancienneté des policiers au 98-08-01 et celle du 01-02-12 Une copie de tous les constats d'infractions, et de leurs preuves, que j'ai émis ou contre-signés. Bien sûr, épurés de tous rensignements nomitatifs concernant des tiers. Une copie de tous les rapports de police que j'ai remis ou contre-signés. Bien sûr, épurés de tous rensignements nominatifs concernant des tiers. L'historique des communications des références à des tiers. » (Sic) […] En réponse, la Ville avise M. Forget quelle prendrait dix jours additionnels, soit jusquau 14 mars 2001, pour traiter la demande. Le 12 mars, M e St-Georges, responsable de laccès, écrit ce qui suit :
01 03 95 3 La présente fait suite à votre demande datée le 12 février 2001 à propos de votre dossier personnel à la Ville de Saint-Hubert, et a pour but de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de donner suite à la première partie de cette demande. En effet, nous vous informons que nous ne pouvons pas reconsidérer notre décision du 8 février 2001. Nous maintenons donc cette décision. En ce qui concerne la deuxième partie de votre demande que vous avez intitulée « demande complémentaire (secondaire) », il nous fait plaisir de vous transmettre les documents suivants : Votre cessation d'emploi ; Votre relevé de paie au 19 septembre 1998 ; Votre relevé de paie relatif à un ajustement ; La liste des policiers réguliers et temporaires par rang d'ancienneté au 1 er février 2001 ; La convention collective des policiers en vigueur en 1998 ; La sentence arbitrale rendue le 18 décembre 1998 ; Le règlement 907-90 concernant la discipline interne du corps de police. Quant aux documents suivants que vous avez demandés, il sont inexistants, n'ont jamais été contenus dans nos dossiers ou n'ont pas été conservés. Le médical pré-embauche ; Le TAP ; Les lettres et communications qui vous ont été transmises par les Services des ressources humaines et de la police (tout a été transmis le 8 février 2001) ; L'entrevue et son rapport complet (tout a été transmis le 8 février 2001) L'enquête de réputation conditionnelle à l'embauche et son rapport complet ; Toutes les lettres, communications et mémos que les Ressources humaines ont échangés avec d'autres personnes ou organismes (tout a été transmis le 8 février 2001) Les horaires ; Les communications entre M. Pierre Rathier et M. Claude Descent et M. Pierre Rathier et la Fraternité concernant un grief Votre demande relative aux avantages sociaux et à la liste d'équipement, devra être précisée afin que nous puissions y donner suite. Quant aux copies de tous les constats d'infraction et de leur preuve que vous avez émis ou contresignés ainsi que tous les rapports de police que vous remis et contresignés, nous considérons que nous ne sommes pas tenus de vous les communiquer en vertu de l'article 15 de la Loi à l'accès et à l'information. En effet, cette demande exige un travail de comparaison de renseignements considérables et pourrait être considérée abusive et non conforme à l'objet des dispositions de la Loi sur la protection de renseignements personnels. Les documents que nous vous transmettons comportent 102 pages que nous devons vous vendre à 0,25 $ la page pour un total de 25,50 $. Veuillez nous faire parvenir un chèque à l'ordre
01 03 95 4 de la Ville de Saint-Hubert avec une référence à votre demande afin d'acquitter cette somme. » (Sic) […] Le 18 avril 2001, la responsable de laccès de la Ville lui envoie une autre lettre dans laquelle elle fait état de sa décision revisée par rapport à laccessibilité des constats dinfraction : « Nous avons reconsidéré votre demande du 12 février 2001 en ce qui concerne les constats d'infraction que vous avez émis ou contresigné entre juin et septembre 1998. En effet, ces documents ne sont pas sujets à l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements personnels parce qu'ils sont introductifs d'instance. La Cour municipale a identifié 33 constats d'infraction qui peuvent vous être transmis. Bien que le temps consacré au traitement de cette demande soit importante, nous avons jugé qu'il ne s'agissait pas d'une demande abusive et nous y donnons suite. Conformément aux tarifs en matière pénale, les droit exigibles pour obtenir une copie d'un constat d'infraction est de 2 $ la page. Le coût des documents demandés est donc de 168 $. Vous pouvez consulter ces documents au Service du greffe de la Ville de Saint-Hubert ou en obtenir une copie au coût mentionné ci-haut. Nous vous prions de bien vouloir communiquer avec le Service du greffe au (450) 445-7657 afin d'obtenir un rendez-vous pour la consultation des documents ou pour nous indiquer si vous désirez recevoir une copie de ces documents. » Les 5 et 16 mars 2001, M. Forget demande à la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) de réviser ces décisions. Le 12 avril 2001, il demande une révision des frais de transcription et de communication des documents exigés par la Ville. Laudience a lieu aux bureaux de la Commission à Montréal, le 22 octobre 2001.
01 03 95 5 LAUDIENCE La version du demandeur M. Forget souhaite obtenir la totalité des documents identifiés dans sa correspondance avec la Ville. De plus, il conteste les frais exigibles de reproduction des documents proposés par la Ville. Il croit que les informations quil recherche sont déjà de nature publique en vertu de larticle 57 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements personnels 1 (la loi) et que les informations, pour lesquelles la Ville prétend devoir obtenir un consentement, jouissent dune exception en vertu de larticle 59(4) étant donné le caractère urgent de sa demande pour sa propre santé et sécurité. Il souligne que larticle 10(a) de la Charte constitutionnelle 2 lui donne le droit davoir une information complète dans des délais rapides pour contester son congédiement quil prétend illégal : 10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention : a) d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention. Larticle 67 de la Loi sur l'accès donne la possibilité à un employeur de communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée et donc, selon M. Forget, un employé devrait aussi avoir accès aux renseignements qui le concernent sans avoir à obtenir le consentement des personnes. Commentant les articles 83, 87 et 88 de la même loi, il croit avoir droit à lensemble des informations car il souhaite communiquer avec les gens qui ont fait des plaintes à son sujet pour les interroger. Selon lui, sil sagit de policiers qui sont des fonctionnaires au sens de larticle 57 (2) de la loi, leur identité ne devrait pas être protégée. Toutefois, il se dit prêt à assumer la responsabilité de ne pas communiquer avec eux. Selon lui, les documents quil recherche sont disponibles après un moratoire de deux ans en vertu des paragraphes 1 et 2 du Règlement sur les organismes publics tenus de refuser de confirmer l'existence et de 1 L.R.Q. c. A-2.1.
01 03 95 6 donner communication de certains renseignements 3 . Quant aux frais exigés, il conteste l'obligation de devoir payer pour l'information qu'il croit être publique. Il affirme avoir payé en double. La version de la Ville de Saint Hubert La Ville fait témoigner la responsable daccès, M e St-Georges. Celle-ci explique le contenu des documents déposés sous pli confidentiel et les raisons qui motivent la Ville à refuser de les communiquer au demandeur. En ce qui a trait à la réponse de la Ville à la première demande daccès de M. Forget du 23 janvier 2001, il était impossible, selon M e St-Georges, de divulguer les documents demandés sans révéler, par les faits qui sy trouvaient, lidentité probable de leur auteur, à lexception dun seul document il a été possible de masquer les renseignements nominatifs. En réponse à la deuxième demande de M. Forget en date du 12 février 2001, elle collige les documents qui sont disponibles aux ressources humaines, au service de la paie et au service de la police. Certains documents, dont elle fait état dans sa lettre du 12 mars 2001, sont introuvables ou inexistants à la Ville. Elle lui envoie les autres documents le 12 mars 2001, en excluant toutefois les constats dinfraction. Toutefois, le chèque de M. Forget pour les frais de reproduction de documents a été arrêté par celui-ci. Le 18 avril 2001, après avoir révisé son opinion, elle informe le demandeur de la disponibilité des constats dinfraction. En réponse au contre-interrogatoire de M. Forget, M e Saint-Georges explique que la Loi sur laccès l'oblige à protéger les renseignements personnels concernant d'autres 2 Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada 1982, R.-U., c. 11, dans L.R.C. (1985), App. II, n o . 44]. 3 Ibid., r.1.2.
01 03 95 7 personnes physiques qui se retrouvent dans les documents, en loccurrence lidentité des plaignants dans les plaintes formulées contre le demandeur. En général, elle dit exiger le paiement avant denvoyer les documents, mais cette-foisci, étant donné le temps écoulé, elle les lui a envoyés directement. Elle ignore comment le demandeur aurait pu payer en double. Au sujet des documents déposés sous pli confidentiel par la Ville, le procureur affirme devoir protéger lidentité des citoyens qui rapportent des événements et demandent à la Ville de préserver la confidentialité de leur plainte quils font à lagent de police. En référant à larticle 59 paragraphe 9 de la loi, le procureur souligne que les personnes dont lidentité doit être cachée sont justement des témoins ou des dénonciateurs, faisant ainsi exception au principe de laccès. Il cite larrêt Ville de Montréal c. Chevalier 4 qui traite de la qualification des plaintes, à la fois par rapport à la qualité de leur signataire et par rapport à leur contenu pour justifier la décision de la Ville de retenir les documents qui pourraient révéler lidentité des tiers. En ce qui concerne les arguments constitutionnels du demandeur, le procureur rappelle la nécessité de donner un préavis au Procureur-général en vertu de larticle 95 du Code de procédure civile. LA DÉCISION En labsence du préavis prescrit par l'article 95 du Code de procédure civile, la Commission ne peut considérer les arguments dordre constitutionnel, aussi pertinents quils puissent être. 4 [1998] C.A.I. 501.
01 03 95 8 Par ailleurs, j'ai été informée par les parties en cours d'audience que dans un autre dossier impliquant le demandeur et la Ville de Saint-Eustache, la Cour du Québec était, à la date de la présente audience, saisie d'une requête pour permission d'en appeler d'une décision rendue par la Commission le 7 septembre 2001 dont un des arguments porte sur la question des frais exigibles par la Ville pour la reproduction de documents. Tenant compte de cette situation, la question des frais exigibles pour la reproduction de documents imposés par la Ville, dans le présent dossier, n'a pas été abordée au cours de cette audience. Reste à décider si la Ville a eu raison de refuser laccès à certains renseignements demandés les 12 et 23 janvier 2001 par M. Forget. Quant aux documents qui ne sont pas en la possession de la Ville, la Commission doit prendre acte de la déclaration sous serment de la responsable daccès à cet effet et l'absence de preuve contraire présentée par le demandeur pour conclure au rejet de la demande de révision à leur sujet. Quant au document à l'égard duquel la Ville a masqué les renseignements nominatifs, soit 0-2#1 et les documents pour lesquels la Ville refuse accès en totalité, soit 0-2 #2, 3, 4, 5 et 6, la Commission donne raison à la Ville pour les raisons suivantes : La soussignée a examiné attentivement les six documents remis à la Commission sous pli confidentiel. Ce sont essentiellement des plaintes portées contre le demandeur. Dans le premier document,O-2 #1, la Ville a éliminé deux paragraphes à la première page et plusieurs parties de phrases à la deuxième page. Elle a eu raison de le faire sur la base de l'article 88 de la Loi sur l'accès, puisque ces parties retranchées révèlent lidentité des personnes qui se sont plaintes du demandeur et de ses agissements.
01 03 95 9 Dans cinq de ces documents, soit les documents cotés O-2 #2 à #6 inclusivement, quel que soit le contexte dans lequel ils ont été rédigés ou les buts auxquels ils sont destinés, il est possible didentifier les signataires ou les témoins par les circonstances qui y sont décrites. Ainsi, la Ville ne peut retrancher quelques noms ou même quelques paragraphes sans risquer que lidentité du narrateur et les personnes impliquées ne soit néanmoins révélée par lensemble du récit lui-même. Dans ce sens, lensemble du document revêt un caractère nominatif au terme des articles 14 et 88 de la loi : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Accès non autorisé. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4° de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. Des circonstances similaires ont été examinées par la Cour du Québec dans laffaire Ville de Montréal c. Chevalier 5 précitée : Lorsqu'un document révélerait l'identité de son signataire, il doit demeurer nominatif, si ledit document offre une quelconque opinion qui provienne de son facteur. L'article 14 de la loi permet de refuser l'accès à tels documents si les renseignements nominatifs « en forment la substance » (art. 14 al. 2 de la Loi sur l'accès). De la même façon, la jurisprudence précitée semble indiquer majoritairement que tout rapport a teneur disciplinaire doit être considéré nominatif pour celui qui l'écrit : il ne s'agit pas d'une « relation froide », dans l'exécution des fonctions. 5 Supra note 3.
01 03 95 10 La Ville a ainsi lobligation de garder confidentiel ces documents afin de protéger les renseignements nominatifs qui sy trouvent. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision et FERME le dossier. Montréal, le 30 mai 2002 JENNIFER STODDART Commissaire M e Benoit Amyot Procureur de l'organisme
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