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01 11 87 VILLE DE SAINTE-ANNE DE BEAUPRÉ, demanderesse, c. KRONSTRÖM, DESJARDINS, entreprise LOBJET DU LITIGE : Lentreprise sest adressée à la Ville de Sainte-Anne-de-Beaupré (la « Ville ») le 15 juin 2001 afin dobtenir copie de lensemble des documents détenus concernant le réseau daqueduc de la Ville, notamment : le plan densemble du réseau daqueduc; toutes les autorisations délivrées par le ministère de lEnvironnement; toutes les analyses deau depuis 1990; tous les rapports dinspection depuis 1990; toutes les notes de service, la correspondance, les plaintes et les avis dinfraction depuis 1990. À la requête de la Ville, lentreprise a par la suite précisé sa demande daccès. Le 20 juillet 2001, la Ville sollicite de la Commission lautorisation de pas tenir compte de la demande daccès précisée. Elle indique alors que certains documents sont prêts à être expédiés; elle spécifie cependant que les documents qui restent comprennent des renseignements nominatifs et nécessitent une analyse rigoureuse ainsi quune recherche ardue.
01 11 87 2 LA PREUVE : M. Luc Laberge, directeur général, secrétaire-trésorier et superviseur des travaux de la Ville, témoigne sous serment; les faits essentiels de son témoignage sont énoncés ci-après. M. Laberge est responsable de laccès aux documents de la Ville. Il a reçu la demande daccès du 15 juin 2001; le 27 juin suivant, il a requis des précisions auprès de lentreprise parce quil trouvait que cette demande était, somme toute, « énorme ». Dès le lendemain, lentreprise lui a précisé que sa demande daccès visait les documents suivants : « le plan densemble du réseau daqueduc de la municipalité; les analyses deau réalisées par la municipalité ou le ministère de lEnvironnement pour les réservoirs Racine I et Racine II, de 1990 à aujourdhui; les plans et devis relatifs à la construction des réservoirs Racine I et Racine II; la correspondance entre la municipalité et le ministère de lEnvironnement relativement à la qualité de leau du réseau daqueduc (1990-2001); la correspondance entre la municipalité et les résidants relativement à la qualité de leau du réseau daqueduc (1990-2001). ». Le 3 juillet 2001, M. Laberge a requis un délai supplémentaire de 10 jours pour traiter la demande précisée compte tenu de « limportance » de celle-ci et de la réduction du personnel durant les vacances. Le 18 juillet, il a demandé la prolongation de ce délai jusquau 20 août 2001; le 19 juillet, lentreprise a accepté de prolonger le délai jusquau 13 août 2001.
01 11 87 3 La requête de la Ville voulant que la Commission lautorise à ne pas tenir compte de la demande daccès est datée du 20 juillet 2001; cette requête indique que seule la correspondance demandée na pas été traitée. La Ville veut donner suite à la demande daccès dans la mesure le traitement de celle-ci ne retarde pas ses activités ou ne lui cause pas préjudice. Un citoyen a intenté des procédures contre la Ville pour une question deau potable; M. Laberge doit examiner de façon particulière la correspondance visée par la demande daccès précisée en raison de son effet possible sur ces procédures. La Ville a un nouveau système de classement depuis deux ans; ce système est utilisé pour les dossiers au fur et à mesure de leur ouverture. M. Laberge effectue lui-même la recherche des documents demandés qui sont rangés dans des boîtes, sans être classés par sujet, documents quil doit lire; cette tâche sajoute à toutes ses autres responsabilités. M. Laberge ne dispose pas des ressources nécessaires pour laider à donner suite à la demande. Il donnerait complètement suite à la demande daccès sil disposait de ces effectifs, ce, sous réserve des restrictions applicables. Il a communiqué 646 pages en réponse à la demande partiellement traitée. Il na pas, depuis la requête du 20 juillet 2001 adressée à la Commission, continué le traitement de la demande daccès précisée, faute de temps, les activités de la Ville, comprenant la préparation de lélection automnale 2001, layant complètement occupé. Le traitement de la demande lamènerait à négliger ses autres responsabilités.
01 11 87 4 M. Laberge conclut que la demande daccès est démesurée, compte tenu du travail danalyse « colossal » quexige le traitement des documents restants et du système de classement quil considère archaïque. Il ne peut évaluer le temps requis pour compléter le traitement de la demande daccès précisée. Interrogatoire de M. Laberge : M. Laberge a communiqué à lentreprise, au début du mois daoût 2001, le plan densemble du réseau (Côte Ste-Anne), les rapports danalyse et de contrôle bactériologique de leau potable (réservoirs Racine, 1990 au 2 août 2001) ainsi que le plan damélioration du réservoir (nord-est du village, 30 août 1962). À sa connaissance, la Ville a bel et bien effectué la reproduction de 646 pages pour le traitement de la demande. Lavocate de lentreprise dépose copie de la lettre du 18 juillet 2001 par laquelle M. Laberge requiert « un délai jusquau 20 août » 2001 pour répondre à la demande daccès (D-1). Elle dépose également copie de la lettre du 2 août 2001 par laquelle M. Laberge indique quil transmet les documents retracés ainsi quune facture de 180, 22 $ (D-2). M. Laberge reconnaît ces documents. LARGUMENTATION : M. Laberge soutient à nouveau quil na pas les ressources pour traiter la demande, ce, même sil a demandé la prolongation du délai de traitement jusquau 20 août 2001. Il
01 11 87 5 estime quil aurait nui à la Ville sil sétait consacré à analyser laccessibilité des documents restants à lintérieur de ce dernier délai; or, ajoute-t-il, sa fonction de directeur général exige quil travaille avant tout à la performance de la Ville, ce, avec les ressources en place. Il ne peut se soustraire à certaines de ses tâches sans nuire à la Ville. Il estime avoir agi avec diligence en demandant à 2 des 3 employés de la Ville de laider à traiter la demande daccès précisée; il signale que le traitement de cette demande empêchait la réalisation des autres tâches 1 de ces employés qui par ailleurs ont pris des vacances dont les dates étaient connues à lavance. Il estime également que la période électorale automnale a pris beaucoup de son temps. Il ajoute à cet élément le caractère « énorme » de la manipulation et de la recherche de documents que nécessite la demande et qui doivent être faites à partir de classeurs entiers. Selon lui, la demande serait trop volumineuse; il na pas eu le temps den continuer le traitement en qualité de responsable. M. Laberge prétend que larticle 15 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 sappliquerait à la correspondance qui na pas été traitée: 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. À son avis également, les articles 32, 59 et 60 de la même loi seraient susceptibles de sappliquer. 1 Fermont c. Pellerin [1999] C.A.I. 64. 2 L.R.Q., c. A-2.1.
01 11 87 6 Lavocate de lentreprise rappelle pour sa part que la requête de la Ville sappuie sur larticle 126 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. Elle soutient que la Ville na pas démontré que cet article sapplique; à son avis, le droit daccès prévu par larticle 9 de cette loi est en conséquence maintenu 3 : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. Elle soutient particulièrement que la Ville na pas démontré que la demande daccès, cest-à-dire les renseignements non encore traités par le responsable à la date de sa requête, est manifestement abusive. La preuve de la Ville est, souligne-t-elle, insuffisante, le responsable nayant pu établir le nombre et le volume de documents non encore traités ainsi que le temps requis pour les traiter. Elle avance que le caractère systématique de la demande daccès de lentreprise, également invoqué par le responsable, na aucunement été démontré. Elle conclut que la demande daccès de lentreprise nest pas manifestement abusive. Lavocate de lentreprise soutient que la preuve démontre que lentreprise avait précisé sa demande daccès et que la Ville en avait traité une partie lors de la requête du 20 juillet 2001. Elle signale que la Ville avait donc réussi à traiter une partie des documents
01 11 87 7 demandés malgré la période préétablie des vacances estivales de ses employés. Elle rappelle, concernant particulièrement ces vacances estivales pré-autorisées, que les inconvénients administratifs allégués par la Ville doivent reposer sur une preuve concluante, non circonstancielle, de lexistence de difficultés réelles qui résultent de la demande et qui sont de nature à perturber les activités normales de la Ville 4 . La preuve faite nest pas convaincante à cet égard, souligne-t-elle avant dajouter que la tenue délections nest pas, non plus, un argument qui puisse être soulevé au soutien dune requête faite en vertu de larticle 126 5 . Lavocate soutient par ailleurs que le fait que la Ville ignore lidentité du demandeur représenté par lentreprise na aucun effet sur le droit daccès aux documents demandés; larticle 9 de la Loi sur laccès sapplique à tous et il nexige pas quun demandeur justifie son intérêt. Lavocate rappelle que la Ville sest commise en sollicitant, le 27 juin 2001, une demande de précision, dénonçant ainsi son intention de communiquer les documents demandés dans un délai raisonnable, dans le cadre dune période de vacances préétablie. Elle rappelle aussi que les 3 et 18 juillet 2001, M. Laberge requérait un délai additionnel pour compléter le traitement de la demande précisée. Lavocate souligne que la Ville na rien fait, depuis le 20 juillet 2001, pour traiter les documents restants. Elle soutient à ce sujet que la Ville, qui na pu démontrer lapplication de larticle 126, a fait défaut dappliquer larticle 9 qui prévoit le droit daccès aux documents dun organisme public. 3 Ministère de lemploi et de la solidarité c. Serge Gilbert [1999] C.A.I. 335, 343. 4 Ministère de lemploi et de la solidarité c. Serge Gilbert [1999] C.A.I. 335, 341. 5 Ville de Lorraine c. Laurent Bisaillon [1999] C.A.I. 389, 391.
01 11 87 8 Lavocate de lentreprise se désiste enfin de sa demande formulée en vertu de larticle 130.1 de la Loi sur laccès. DÉCISION : Je suis daccord avec lavocate de lentreprise lorsquelle prétend que la Ville, qui avait le fardeau de la preuve, na pas démontré que les conditions dapplication de larticle 126 sont réunies. La preuve démontre que la Ville ne dispose pas des ressources nécessaires au traitement de la demande daccès précisée. La preuve démontre spécifiquement que la Ville nest pas en mesure dévaluer si la demande daccès est manifestement abusive. La preuve démontre que la Ville na pas organisé le classement et la conservation des documents quelle détient dans lexercice de ses fonctions, exception faite des documents détenus depuis les deux dernières années. Lensemble de la preuve amène la Commission à conclure que les documents qui étaient détenus avant ces deux dernières années ne sont pas classés de façon à être repérés et accessibles. La preuve démontre enfin que la Ville a invoqué larticle 126 parce quelle doit faire un énorme travail de recherche et de manipulation de nombreux documents pour trouver ceux qui sont visés par la demande daccès. La requête de la Ville ne résulte pas de la demande daccès précisée; elle résulte de labsence de classement des documents détenus par la Ville dans lexercice de ses fonctions.
01 11 87 9 La Ville est un organisme public; les documents quelle détient dans lexercice de ses fonctions sont assujettis à lapplication de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur les cités et villes. La Ville doit prendre connaissance de toutes les obligations qui lui incombent, notamment en vertu de ces lois, en matière daccès aux documents et de protection des renseignements personnels. Elle doit enfin prendre les moyens lui permettant dexécuter ces obligations conformément à la loi. La Commission rappelle à la Ville lune de ces obligations que prévoit la Loi sur laccès, à savoir : 16. Un organisme public doit classer ses documents de manière à en permettre le repérage. Il doit établir et tenir à jour une liste de classement indiquant l'ordre selon lequel les documents sont classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l'exercice du droit d'accès. Le droit d'accès à cette liste ne s'exerce que par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la requête de la Ville; ORDONNE à la Ville de traiter complètement la demande daccès précisée avant le 31 juillet 2002. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 27 mai 2002. M e Caroline Desjardins Kronström, Desjardins Avocate de lentreprise
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