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DOSSIER N o 98 12 22 JOHN BURCOMBE, demandeur, c. MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA FAUNE, organisme public, -et-PANNEAUX MDF LA BAIE INC., tierce partie. __________________________________________________________________ DÉCISION __________________________________________________________________ L'OBJET DU LITIGE Le 15 mai 1998, M. John Burcombe s'adresse à l'organisme pour consulter : […] tous les documents dans le dossier du projet d'usine de la compagnie Panneaux MDF La Baie transféré de la DEE, MEF, Québec, à l'exception des documents déjà énumérés dans nos demandes antérieures, des gros plans d'ingénierie détaillée et des devis. De plus nous aimerions consulter les dossiers traités par la direction régionale en relation avec ce projet dont un sur les sols contaminés. Le 9 juillet 1998, l'organisme écrit à M. Burcombe ce qui suit : Le 4 juin dernier, à la suite de votre demande du 15 mai 1998, M. Réjean Goudreault, répondant de l'accès aux documents pour la Direction régionale du Saguenay-Lac Saint-Jean, vous signalait concernant l'objet précité qu'il devait faire un avis au tiers en vertu de l'article 25 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., c. A-2.1).
98 12 22 - 2 -À la suite de la réponse du tiers, il nous est demandé de ne pas communiquer certains documents que vous souhaitez obtenir. Après analyse, les observations de celui-ci relativement à la confidentialité de ces renseignements nous semblent répondre aux exigences des articles 23 et 24 de la Loi […] pour les documents suivants : […] 1-2-6-7-15-16-17-20-21-22-25-26-29-31-32-34-35-36-40-41-42-43-44-45-46-47-48-49-50-51-52-53-54-55-56-57-58-59-60-61-62-63-64-65-66-67-68-69-70-71-72-76-77-78-79-85-86-87-88-89-90-91-93-94-96-99-102-103-104-105-107-108-109-114-115-116-119-120-122-123-124-126-128-129-130-134-135-136-138-144-145-152 et 153. Par ailleurs, d'autres documents sont présentement devant la Commission d'accès à l'information, en attente d'une décision ou d'une audition. Nous estimons que ceux ainsi visés sont les suivants : 140-141-142-143-144-155-156-157 et 158. En conséquence, nous ne pouvons, pour le moment, vous en donner accès. De plus, les documents 73-74-75-95-100-101-106-110-111-112-113-117-118-125-127-131-132-133-137-139-146-149-150 et 151 sont constitués d'avis techniques contenant des renseignements fournis par le tiers et qui nous semblent visés par les articles 23 et 24 de la Loi […]. En outre, les documents suivants contiennent des analyses et opinions d'employés du ministère de l'Environnement et de la Faune, que nous estimons visés par les articles 37 et 39 de la Loi sur l'accès […]. Il s'agit des documents 8-9-11-12-14-18-19-24-27-28-38-97 et 121. […] Le document 13 ne peut vous être accessible en vertu de l'article 34 de la Loi […] alors que le document 148 est protégé en vertu de l'article 9 […]. Les documents 37 et 39 appartiennent à la Ville de La Baie. En vertu de l'article 48 de la Loi […], nous vous référons à cet organisme, […]. Le document 147 n'est pas pertinent à la présente demande. […] Enfin, nous notons que le tiers consent à vous donner accès aux documents suivants : 3-4-5 10 23 30 33 80 81 82 83 84-92 et 98. Ceux-ci s'ajoutant donc aux 256 autres documents qui vous sont accessibles. Monsieur Goudreault vous fournira les précisions à ce propos. Le 3 août 1998, M. Burcombe réclame l'intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour réviser la réponse donnée par l'organisme pour tous les documents refusés, à l'exception des documents n os 4, 5, 10, 23, 30, 33, 37, 39, 80, 81, 82, 83, 84, 89, 92, 98, 140 à 144 et 155 à 158.
98 12 22 - 3 -Les parties sont convoquées pour une audience devant se tenir à Montréal le 22 mars 1999, remise de consentement au 7 juin suivant, puis de nouveau au 25 février 2002. LA PREUVE Le procureur de lorganisme signale que la demande daccès porte sur 161 documents dont la plupart ont été transmis à M. Burcombe, et ce, à la suite de rencontres entre les parties. M. Burcombe confirme que ces rencontres se sont tenues immédiatement après sa demande d'accès. Le procureur mentionne que le dossier a généré pour lorganisme près de 300 heures de travail, ce que ne conteste pas M. Burcombe. À laudience, ce dernier reçoit les documents numérotés 68, 75, 76, 78, 107, les pages 5.25 et 5.66 de la partie C du document n o 73, le projet de règlement attaché au document n o 106 et les deux premières pages du document 139. Les parties reconnaissent quil ne reste en litige que 14 documents, soit ceux numérotés 24, 27, 32, 38, 73, 74, 78.1, 97, 101, 106, 121, 132, 139 et 150. Il est également reconnu que M. Burcombe a obtenu une grande partie de létude environnementale, pièce maîtresse du projet de la tierce partie, à lexception de certaines pages ayant déjà fait lobjet de décisions de la part de la Commission dans les dossiers n os 97 03 59 (pièce T-1) et 98 03 20 (pièce T-2). Le procureur ajoute que la preuve démontrera que les renseignements contenus aux documents qui restent en litige sont de même nature que ceux ayant déjà fait lobjet des décisions précitées. M. Michel Thérien, ingénieur chargé de projet pour lorganisme, mentionne avoir traité le projet présenté par la tierce partie à lorganisme et être familier avec les documents en litige. Il remet, sous pli confidentiel, les documents en litige et les traite de la façon suivante :
98 12 22 - 4 Documents en litige n os 24 et 38 (24 pages) M. Thérien soutient que les documents n os 24 et 38 (septembre 1995) sont identiques, à l'exception des pages frontispices. Il affirme que ceux-ci renferment un avis technique sur les risques d'accidents et sur la santé publique, avis quil a demandé à des collègues travaillant dans une autre unité administrative, M me Marie-Claude Théberge, ingénieure, et M me Huguette Gélinas. Ces dernières ont analysé partie de létude environnementale transmise par la tierce partie. Il souligne que ces documents nont pas été remis à la tierce partie, mais contiennent des informations provenant de celle-ci (pages 3 et 4 du document n o 24 et pages 2 et 6 du document n o 38). Il soutient que les documents sont protégés par les articles 37, 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi »). Document en litige n o 27 (6 pages) M. Thérien indique que ce document (septembre 1995) est un avis technique préparé par un spécialiste en santé de lorganisme, lequel, après lecture de létude environnementale de la tierce partie, parle des équipements de ce dernier et sattarde aux aspects ayant un impact sur lair ambiant. Il invoque les articles 37 et 23 de la Loi pour le soustraire à l'accès. Document en litige n o 32 M. Thérien indique que ce document (octobre 1995) provient de la tierce partie et quil sagit dune mise à jour des données techniques fournies préalablement par celui-ci au mois daoût 1995. Il précise que ce dossier renferme une série de correspondance et que les pages 3, 7 à 9, 11, 12, 18 à 20 sont les réponses soumises par la tierce partie à la suite des questions soulevées par
98 12 22 - 5 l'organisme. Il prétend que ces informations bénéficient de la protection des articles 23, 24 et 37 de la Loi. Documents en litige n os 73 et 74 (6 pages) M. Thérien rappelle que les pages 5.25 et 5.66 (tableau 5.27) ont été remises à M. Burcombe. Il prétend que les documents n os 73 et 74 sont identiques, à l'exception de notes à la marge du texte, et sont visés par larticle 37 de la Loi. Il s'agit, note-t-il, d'un regroupement dextraits davis techniques réalisés par des membres de lorganisme (septembre 1995) et d'extraits de létude environnementale de la tierce partie ayant été transmis au ministre de l'Environnement à la demande de ce dernier. Il indique à la procureure de la tierce partie que l'entreprise ayant vendu les équipements à la tierce partie (le fournisseur) a obtenu, dun autre client non lié à celle-ci et ayant une usine située à Médite en Irlande, les résultats déchantillonnages nécessaires à lacceptation du projet au Québec. Comme il sagissait d'un nouvel équipement inconnu au Québec, les tests déchantillonnages devenaient importants pour répondre à certaines interrogations. Une clause de confidentialité entre le fournisseur des équipements et la tierce partie a été convenue pour permettre la communication de renseignements provenant de l'usine de Médite. Il reconnaît le caractère confidentiel des renseignements en litige, comme il la déjà fait valoir dans des décisions antérieures de la Commission (pièces T-1 à T-3). Document en litige n o 78.1 (10 pages) M. Thérien indique que ce document est une communication faite au sous-ministre de lorganisme et quil renferme des extraits de lavis technique réalisé par M. Richard Leduc, responsable de la modélisation, et de M. Pierre Roy 1 L.R.Q., c. A-2.1.
98 12 22 - 6 -(août et octobre 1995). Il prétend que ce document est visé par larticle 37 de la Loi, à l'exception des pages 5.25 et 5.66 déjà données à M. Burcombe. Documents en litige n os 97 et 106 (14 pages) M. Thérien mentionne avoir donné à M. Burcombe copie du projet de règlement attaché au document n o 106. Il fait part que le document n o 97 nest quun extrait du n o 106. Il affirme que le document n o 106 (février 1997), transmis à la tierce partie, est un avis technique de l'organisme, réalisé par M. Carol Gagné, ingénieur. Ce dernier a regardé la demande dautorisation de la tierce partie. M. Gagné analyse les données fournies par la tierce partie et soulève 14 points à être soumis à ce dernier avant de se prononcer sur le projet. Il invoque les articles 23 et 37 de la Loi pour refuser laccès aux informations non encore transmises à M. Burcombe. Document en litige n o 101 (6 pages) M. Thérien affirme que cet avis technique (février 1997) de M me Suzanne Brunelle, ingénieure, gestion des matières dangereuses, soulève des interrogations sur la nature et les caractéristiques des déchets reliés au projet de la tierce partie, et ce, pour discussion à linterne. Il prétend que ce document est visé par larticle 37 de la Loi. Document en litige n o 121 (6 pages) M. Thérien indique qu'il s'agit d'un avis fait par M. Carol Gagné (mai 1997) qui passe en revue les 14 réponses transmises par la tierce partie (documents en litige n os 97 et 106). Il commente les réponses et sollicite lintervention dun autre professionnel, M. René Bougie, chimiste, pour que soient vérifiés certains aspects des réponses, notamment au niveau de léchantillonnage. Il précise que le terme « avis technique », dans le jargon habituel des membres du
98 12 22 - 7 personnel de l'organisme, est synonyme de celui d’« analyse ». Il soulève les articles 23 et 37 de la Loi. Document en litige n o 132 (12 pages) M. Thérien affirme être lauteur de ce document (août 1997) et quil sagit dun avis technique devant être réalisé à lintention de son supérieur avant l'émission du certificat dautorisation. Il explique que la tierce partie présente une demande, que son équipe lanalyse selon les champs de spécialisation (air, matière, risque, etc.), quil discute avec la tierce partie et, finalement, produit à son supérieur, pour signature, le présent document. Il précise que le document est transmis à la direction régionale concernée lorsque accordé. Il signale que les renseignements ayant déjà fait lobjet dune décision de non-communication par la Commission sont identifiés par des traits au marqueur rose et ceux surlignés en jaune sont des renseignements fournis par la tierce partie. Il dépose, sous pli confidentiel, copie de ses notes identifiant les renseignements (pièce O-1 en liasse). Il soulève les articles 23 et 37 de la Loi. Document en litige n o 139 (10 pages) M. Thérien rappelle que les deux premières pages ont été remises à M. Burcombe. Il mentionne avoir reçu de la tierce partie une demande supplémentaire concernant les équipements périphériques reliés au projet initial, telles les chaudières et les pièces situées à lextérieures de lusine. L'objet du document (octobre 1997) est un avis technique qu'il a requis de M me Renée-Claude Chrétien, ingénieure. Il avance quun œil exercé peut permettre, à la lecture du document, de connaître lissue probable du projet. Il dépose également, comme pour le document n o 132, sous pli confidentiel, ses notes (pièce O-2 en liasse). Il soulève les articles 23 et 37 de la Loi.
98 12 22 - 8 Document en litige n o 150 (16 pages) M. Thérien indique quil sagit dun document interne quil a rédigé à lintention de son supérieur (février 1998). Le document reprend tous les aspects du projet, le suivi accordé à la demande, les impacts du projet sur lenvironnement (points 2.1 et 2.2) et le respect des critères et de la réglementation. Il affirme que ce document contient son point de vue sur le projet (point 4). Il signale que le projet, autorisé avant la réglementation actuellement en vigueur, na pas passé devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (le « BAPE »). Il spécifie que ce document a été remis au sous-ministre avec, en annexe, le projet de Certificat dautorisation. Il certifie que son avis technique na pas été rendu public et que seul le Certificat annexé à cet avis a été donné à la tierce partie et remis à M. Burcombe. Il ajoute que la Direction régionale, lors de lémission du Certificat, prend le relais pour en assurer le suivi. Il dépose également, comme pour les documents n os 132 et 139, sous pli confidentiel, ses notes (pièce O-3 en liasse). Une interdiction de diffusion, de communication et de publication est prononcée par la Commission pour les pièces O-1 à O-3 remises par le témoin. Interrogé par M. Burcombe, M. Thérien lui répond que le document n o 150 na pas un caractère public parce quil sagit dun avis technique remis à son supérieur pour prise de décision. Il mentionne que la Direction régionale de lorganisme concernée ne réalise pas les avis techniques, mais collabore en livrant, le cas échéant, des commentaires. M. Thérien affirme avoir toujours traité de façon confidentielle les renseignements fournis par la tierce partie. Il note que la spécificité du projet vient du fait que la tierce partie a retenu les services dun fournisseur déquipements lui ayant demandé de conserver de façon confidentielle tous les renseignements de
98 12 22 - 9 nature technique. Le fournisseur, ayant installé le même type déquipements dans une usine en Irlande, ne veut pas que les renseignements de fabrication et les normes dutilisation de cette dernière usine puissent être dévoilés à ses compétiteurs. Il en est de même des renseignements traitant des données déchantillonnages provenant de celle-ci et lui donnant un avantage concurrentiel. Interrogé par la procureure de la tierce partie, M. Thérien relate que les représentants de la tierce partie lui ont verbalisé, dès la première rencontre, le caractère confidentiel des renseignements. M. Richard Roussin, directeur général de la tierce partie, raconte que la tierce partie se spécialise dans la reconstitution de particules de bois ou de variantes sur ce même type de produit, tel la mélamine. Il possède dix usines, dont huit au Québec, une en Ontario et une autre dans l'État de l'Ohio. Il note que M. André Verville, directeur en technologie pour la tierce partie, a témoigné que lusine de Médite a des équipements similaires à ceux que la tierce partie voulait installer à son usine de La Baie et que les informations détenues par le fournisseur lui ont été offertes sous réserve d'en conserver le caractère confidentiel (pièce T-1). Il affirme quil y a seulement trois fournisseurs mondialement reconnus qui fabriquent léquipement dont avait besoin la tierce partie et que cette dernière a retenu les services du fournisseur ayant implanté à lusine de Médite le même type déquipements. Il souligne que la technologie utilisée par la tierce partie est en constant développement, notamment sur les matières gazeuses, et que linformation sur les équipements de lusine de Médite devenait alors une expertise précieuse. Pour bénéficier dun accès à ces dernières informations, le fournisseur la autorisé à ne remettre quà lorganisme, de façon confidentielle, les informations relatives aux échantillonnages et aux conditions dopérations. Il souligne que les informations sur létude des répercussions sont conservées « jalousement », avec accès restreint, à lusine de La Baie et au bureau de M. Verville. Il soppose à la communication des informations en raison de la règle de confidentialité qui le lie
98 12 22 - 10 -avec le fournisseur, de la compétition féroce dans ce domaine chacun a ses propres procédures de traitement et de production et parce quil ne veut pas quun initié, par un regroupement et des calculs appropriés, bénéficie dun avantage économique. Il avance que la tierce partie est en compétition, à léchelle mondiale, avec 288 autres usines, dont 25 en Amérique, regroupées entre les mains de sept à huit grandes compagnies. Il prétend que les documents qui restent en litige sont davantage les recettes traitant des procédés techniques de la tierce partie que des renseignements de nature environnementale. Il avance que les équipements ont coûté 30 $ millions de dollars sur un projet total de 120 $ millions de dollars. Interrogé par M. Burcombe, M. Roussin lassure que les informations de nature environnementale lui ont été données et que ce quil veut protéger, ce sont les renseignements techniques liés à lopération de lusine. Une preuve ex parte est soumise par la tierce partie conformément à larticle 20 des Règles de preuve de la Commission 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. LES ARGUMENTS Le procureur de lorganisme plaide que le but visé par larticle 37 de la Loi est de permettre à lorganisme de recevoir les commentaires de divers spécialistes aux fins de prendre une décision éclairée et libre de toute pression : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, décret 2058-84.
98 12 22 - 11 -Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. Le procureur soumet que les documents englobent essentiellement lexpression dune opinion de professionnels de l'organisme sur une série de faits et sont des avis au sens de larticle 37 de la Loi. De plus, les documents contiennent plusieurs renseignements de nature technique fournis par la tierce partie. La procureure de la tierce partie soumet que son client a consenti à la remise de plusieurs documents, mais na pas renoncé à protéger les informations de nature technique provenant de lusine de Médite (pièce T-1). Les informations transmises par le fournisseur sur cette dernière usine, notamment létude environnementale et les procédés utilisés, ont été faites sous le sceau de la confidentialité et traitées comme telles. Elle prétend que la communication des documents provoquerait une perte de confiance auprès du fournisseur et anéantirait, par le fait même, le pouvoir de négociation de la tierce partie sur lentretien des équipements. Elle avance que le principe de la chose décidée devrait sappliquer au présent dossier, entre autres au sujet du rapport danalyse, en raison des décisions déjà rendues (pièces T-1 et T-2). Elle soutient que les documents en litige renferment des renseignements techniques et des secrets industriels 3 , de nature confidentielle et traités confidentiellement 4 , ayant été fournis par la tierce partie comme supports à la demande de certificat 5 . La communication des documents, plaide-t-elle, permettrait de déterminer le coût de production et, conséquemment, de causer une perte à la tierce partie et nuire à sa compétitivité. 3 Stop inc. c. Communauté urbaine de Montréal, [1986] C.A.I. 114; Cogénération Kingsey c. Burcombe, [1996] C.A.I. 413. 4 Lajoie c. Sidérurgie du Québec, [1995] C.A.I. 18. 5 Burcombe c. Ministère de l'Environnement et de la Faune, [1996] C.A.I. 99.
98 12 22 - 12 M. Burcombe admet avoir obtenu plusieurs documents avec l'approbation de la tierce partie. Il fait valoir que l'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement 6 rend accessibles les renseignements présentement refusés par l'organisme et la tierce partie. Il reconnaît qu'au moment de sa demande, certaines dispositions de cette dernière loi n'étaient pas en vigueur. Il soumet que sa demande d'accès ne vise qu'à vérifier la conformité du projet de la tierce partie avec l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement : 22. Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé industriel ni augmenter la production d'un bien ou d'un service s'il est susceptible d'en résulter une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet de contaminants dans l'environnement ou une modification de la qualité de l'environnement, à moins d'obtenir préalablement du ministre un certificat d'autorisation. Cependant, quiconque érige ou modifie une construction, exécute des travaux ou des ouvrages, entreprend l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé industriel ou augmente la production d'un bien ou d'un service dans un cours d'eau à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière doit préalablement obtenir du ministre un certificat d'autorisation. La demande d'autorisation doit inclure les plans et devis de construction ou du projet d'utilisation du procédé industriel ou d'exploitation de l'industrie ou d'augmentation de la production et doit contenir une description de la chose ou de l'activité visée, indiquer sa localisation précise et comprendre une évaluation détaillée conformément aux règlements du gouvernement, de la quantité ou de la concentration prévue de contaminants à être émis, déposés, dégagés ou rejetés dans l'environnement par l'effet de l'activité projetée. Le ministre peut également exiger du requérant tout renseignement, toute recherche ou toute étude supplémentaire dont il estime avoir besoin pour connaître les conséquences du projet sur l'environnement et juger de son acceptabilité, sauf si le projet a déjà fait l'objet d'un certificat d'autorisation délivré en vertu des articles 31.5, 31.6, 154 ou 189, d'une autorisation délivrée en vertu des articles 167 ou 203 ou d'une attestation de non-assujettissement à la procédure d'évaluation et d'examen délivrée en vertu des articles 154 ou 189. M. Burcombe soumet que les rapports d'analyses confectionnés par l'organisme ne jouissent plus d'un caractère confidentiel, la décision de l'organisme 6 L.R.Q., c. Q-2.
98 12 22 - 13 -ayant été prise. Il mentionne qu'il est difficile pour ce type de projet de dégager entre ce qui est une opinion, un avis ou des faits et ainsi de savoir si tous les renseignements, qualifiés de techniques, posent problème à leur communication. APPRÉCIATION La preuve non contredite démontre l'existence de 161 documents en lien avec la présente demande d'accès et que l'organisme a consacré plusieurs heures pour les repérer et les traiter. M. Burcombe confirme d'ailleurs avoir obtenu la plupart des documents détenus par l'organisme au gré de plusieurs communications tenues avec des membres de l'organisme immédiatement après sa demande. L'objet du litige porte donc essentiellement sur les 14 documents, ou partie de ceux-ci, non encore obtenus par M. Burcombe. Il s'agit des documents n os 24, 27, 32, 38, 73, 74, 78.1, 97, 101, 106, 121, 132, 139 et 150. La preuve démontre que les documents en litige sont des rapports ayant été réalisés par des professionnels de l'organisme, à la demande de M. Thérien, responsable du traitement du projet soumis par la tierce partie. L'organisme prétend que les documents renferment des avis et des recommandations, depuis moins de dix ans, protégés par l'article 37 de la Loi ainsi que des renseignements visés par les articles 23 et 24 de la Loi. J'ai examiné attentivement chacun des documents. À l'exception du document n o 32 contenant des extraits de la réponse transmise par la tierce partie à la suite de questions formulées par l'organisme, tous les autres documents ont été réalisés par des membres de l'organisme. Chacun des documents confectionnés par l'organisme, selon la spécialité des personnes ayant transmis leur avis, traite du projet de la tierce partie et des renseignements fournis par cette dernière. Les personnes commentent, décortiquent, documentent, évaluent,
98 12 22 - 14 -discutent, questionnent, parlent, désagrègent et analysent le projet de la tierce partie, les risques sur la santé, l'air et l'environnement pour en dégager des conclusions et recommandations à l'intention des décideurs. Plusieurs documents sont truffés de renseignements fournis par la tierce partie. Pour que l'article 37 de la Loi puisse s'appliquer, il doit y avoir un avis équivalant à une prise de position ou un jugement de valeur de nature à influencer le processus décisionnel. La recommandation, quant à elle, désigne un énoncé proposant une ligne de conduite 7 . M. le juge Jean-Paul Aubin, dans l'affaire Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 8 , précise que: À partir du moment l'organisme, ou quelqu'un pour lui, procède à une évaluation des faits, ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à l'organisme de garder le secret. L'analyse attentive des documents en litige, à l'exception du document n o 32, m'amène à conclure que ceux-ci contiennent de nombreuses informations techniques fournies par la tierce partie et placent l'organisme devant l'exercice d'un choix entre diverses options lui permettant d'agir ou non. M. Burcombe ne pourra obtenir les documents parce que les renseignements qui sont contenus dans la majorité de ces pages forment un tout cohérent auquel on ne peut appliquer le test de l'article 14 de la Loi sans en altérer le sens : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 7 Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Service sociaux, [1991] C.A.I. 311. 8 Id., 321.
98 12 22 - 15 -En ce qui concerne le document n o 32, la lecture de celui-ci et la preuve me convainquent qu'il englobe essentiellement des renseignements techniques, fournis par la tierce partie et répondant aux conditions de l'article 23 de la Loi. M. Burcombe ne pourra l'obtenir intégralement. Toutefois, les parties factuelles ou renseignements déjà donnés à M. Burcombe, se trouvant aux documents n os 27 et 32, ci-après identifiés au dispositif, ne bénéficient, selon moi, d'aucune restriction de la Loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de M. John Burcombe; CONSTATE que M. Burcombe a reçu 147 des 161 documents détenus par l'organisme en relation avec sa demande; CONSTATE également que M. Burcombe a reçu certaines parties des documents restant en litige, tel que précédemment décrit à la présente; ORDONNE à l'organisme de remettre à M. Burcombe copie des parties suivantes : Pour le document n o 27 la page 4 jusqu'à la fin du dernier paragraphe de cette page complété à la page 5; Pour le document n o 32 la lettre de deux pages de la tierce partie à l'organisme datée du 20 octobre 1995, à l'exception du nom apparaissant au point 2 de la page 1 et les noms inscrits au bas de la page 2 qui ne sont pas des membres de l'organisme; la lettre de la tierce partie à la Ville de La Baie, datée du 19 octobre 1995, à l'exception du nom du signataire de la lettre; la lettre datée du 20 octobre 1995 du consultant de la tierce partie;
98 12 22 - 16 - la lettre de la tierce partie du 17 décembre 1992 et celle du 12 août 1993, à l'exception du nom des signataires. REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 21 mai 2002 M e Jean-François Boulais Procureur de l'organisme M e Paule Hamelin Procureure de la tierce partie
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