01 02 17 X, demanderesse, c. PRATT & WHITNEY CANADA INC., entreprise. L’OBJET DU LITIGE Le 15 décembre 2000, M me X formule auprès de l’entreprise, Pratt & Whitney Canada inc., la demande d’accès comme suit : Due to recent developments, I think there is no legal reason to deny me access to my file any longer, therefore, I would like to have a copy of my medical file in whole, and access to all other files with my name, as soon as possible. Le 18 janvier 2001, l’entreprise répond en lui transmettant des documents tout en lui précisant qu'elle a exclu de son envoi ceux que M me X détient déjà, ainsi que les : Documents which are protected by solicitor-client privilege, in particular documents generated for the use of Pratt & Whitney’s attorneys in the preparation of its defense to complaints filed under the Act respecting labour standards and the Charter of Human Rights and Freedoms; Le 7 février suivant, M me X sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la « Commission ») pour examiner cette mésentente. Le 2 avril 2002, les parties sont entendues en audience à Montréal. LA PREUVE ET LES ARGUMENTS
01 02 17 - 2 - L’avocat de l’entreprise fait témoigner, sous serment, madame Nathalie Primeau. Celle-ci déclare être conseillère principale en ressources humaines pour le « Groupe Opération » assignée chez l'entreprise depuis le mois d’août 1997. Dès son arrivée, elle a été impliquée dans les procédures légales intentées par M me X, contre l'entreprise, auprès de diverses instances. M me Primeau spécifie que M me X a travaillé chez l'entreprise, de 1979 jusqu’à son congédiement, le 3 avril 1997, à la suite de son refus à subir un examen médical. En raison de son congédiement que M me X considère injustifié, elle formule quatre plaintes, telles que décrites au « Contexte factuel » déposé par l'entreprise à l'audience (pièce E-1). Ces procédures judiciaires sont : − deux plaintes devant la Commission des normes du travail (la « CNT »), dont l'une, pour congédiement sans raison juste et suffisante; et une seconde, pour congédiement illégal; − une plainte devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la « CDPDJ ») pour harcèlement sexuel; − une demande d'examen de mésentente devant la Commission pour obtenir une copie intégrale de son dossier conservé par l'entreprise. M me Primeau confirme que la plupart des documents réclamés par M me X ont déjà été remis à celle-ci à l'occasion des procédures légales qu’elle avait intentées contre l’entreprise. Elle prétend que les deux plaintes déposées devant la CNT ont été entendues, durant plusieurs jours, devant le commissaire du travail, M e Pierre Cyr. Plusieurs pièces ont été déposées devant celui-ci, y inclus celles réclamées présentement par M me X. Elle soutient que celle-ci était représentée par un procureur, et qu'elle a obtenu une copie de toutes les pièces, y inclus ses évaluations de rendement au travail. L’entreprise lui a tout de même transmis une nouvelle copie de trois évaluations de rendement. Elle ajoute, qu’en principe, l’employée est évaluée une fois par année. Cette dernière reçoit alors une copie de l'évaluation annuelle.
01 02 17 - 3 - M me X confirme avoir reçu une copie de ses évaluations de rendement durant les 18 années où elle a travaillé chez l’entreprise. Cependant, elle veut les recevoir à nouveau. Elle ajoute avoir obtenu une copie de la dernière évaluation de rendement qui, selon elle, « contient des allégations fausses » et à laquelle s'imposeraient des modifications ou ajustements. Elle exige qu’une rectification soit apportée au document. L’avocat de l'entreprise s’oppose à ce type d’intervention. Il argumente que M me X requiert l’accès à des documents qu’elle détient déjà. Sa demande d'examen de mésentente ne concerne pas une demande de rectification. Il ajoute que « la Commission n’est pas le bon forum pour débattre de ces points à ce moment-ci ». La soussignée se prononce en accord avec l'objection soulevée par l'avocat de l'entreprise. En effet, la demande d'examen de mésentente porte sur un refus, par l’entreprise, d'accorder à M me X l’accès aux documents contenus dans son dossier pour la période où elle travaillait chez l'entreprise. Cette demande d'examen de mésentente ne porte nullement sur une demande de rectification. M me Primeau, témoin de l'entreprise, déclare qu'une décision a été rendue, le 13 novembre 1998, par le commissaire du travail, au sujet des deux plaintes déposées par M me X devant la CNT. Quant à la plainte formulée par M me X auprès de la CDPDJ, M me Primeau indique qu’il n’existe plus de litige car cette Commission a fermé le dossier, le 15 novembre 2000. Ce que M me X confirme. Par ailleurs, celle-ci reconnaît avoir reçu une copie de la plupart des documents réclamés. Cependant, elle insiste pour que l’avocat de l'entreprise ne dévoile pas les discussions, les interventions et la preuve qui furent présentées auprès des différentes instances. Elle soutient vouloir uniquement obtenir une copie intégrale de son dossier, y inclus son dossier médical. Elle déclare que le
01 02 17 - 4 - commissaire, M e E. Roberto Uticone, a déjà rendu une décision lui donnant accès à son dossier médical que détenait l’entreprise. Elle dit vouloir s’assurer que personne d’autre ne puisse avoir accès à ce dossier. M me X insiste sur le point que personne a le droit de consulter ni son dossier personnel ni son dossier médical, d'autant plus qu’elle ne travaille plus chez l’entreprise. M me Primeau spécifie qu’il n’existe aucun autre document à remettre à M me X, à l’exception de ceux, qui, de l’avis de l’entreprise, sont couverts par le secret professionnel. Preuve à huis clos L’avocat de l'entreprise demande de faire une preuve à huis clos, à l’exclusion de M me X, afin de présenter des documents confidentiels qui seraient sous l’égide du secret professionnel; ce qui lui fut accordé. M me Primeau explique, en détails, le contenu de chaque document déposé par l'entreprise, sous le sceau de la confidentialité : Pièce E-1 (88 pages) : notes manuscrites qu'elle a prises, à la demande de l’avocat de l’entreprise, durant les journées d’audience relatives aux deux plaintes déposées par M me X devant la CNT. Contient également d’autres notes relatives à la préparation de témoins éventuels qui auraient pu être entendus devant le commissaire du travail. Pièce E-2 (67 pages) : résumés de l’interrogatoire des témoins à l’audience devant le commissaire du travail; noms de témoins éventuels ayant rencontré l’avocat de l’entreprise, en présence de la représentante de celle-ci, pour leur préparation de l’audience devant ce commissaire. Pièce E-3 (44 pages) : avis juridiques émis par l’avocat de l’entreprise à celle-ci; lettres transmises à des tiers; formulaires de la CNT dûment remplis, datés et signés par M me X au sujet de son congédiement; lettre de la CNT adressée à l’entreprise. Pièce E-4 (10 pages) : notes internes et un avis juridique émis par l’avocat de l’entreprise à celle-ci. Contre-interrogatoire mené par M me X
01 02 17 - 5 - En contre-interrogatoire, M me X demande à M me Primeau, témoin de l’entreprise, de lui fournir l’original du livret personnalisé (non produit à l’audience), daté du 31 décembre 1996, dans lequel est inscrit un estimé de son fonds de pension. M me Primeau rappelle que l’entreprise lui a déjà transmis l’original de ce livret. M me X désire en obtenir un second original. Sur ce point, M me Primeau affirme que l'entreprise pourra lui obtenir un autre livret et qu'elle n’est nullement obligée de lui en transmettre un autre original. M me Primeau spécifie que Mme X n’est plus au service de l’entreprise et que son dossier est « mis sous scellé », personne ne peut y avoir accès. Elle ajoute que la seule façon, pour un représentant de l'entreprise, d'y accéder, est d'en faire une demande écrite. DÉCISION Les documents En ce qui concerne les documents que M me X détient déjà, l’avocat de l'entreprise cite la décision M c Ara c. Radisson hôtel des Gouverneurs 1 où le commissaire, M e E. Roberto Uticone, souligne : Dans pareil cas, la Commission a maintenu que la demande d’accès est irrecevable car le but de la loi est de donner accès à des documents que le demandeur n’a pas et non pas à des documents qu’il a déjà en sa possession. En outre, faire une demande à la Commission dans ce sens serait d’utiliser la « loi sur le secteur privé » de façon irresponsable. Il cite également la décision Boucher c. Communauté urbaine de Montréal 2 . Dans les deux cas, les demandes ont été rejetées par la Commission. Le secret professionnel invoqué par l’entreprise 1 C.A.I. 96 09 61, 7 avril 1997, c. Iuticone, p. 3. 2 C.A.I. 93 09 23, 2 février 1995, c. Comeau.
01 02 17 - 6 - L’avocat de l’entreprise invoque l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 3 (la « Charte ») pour refuser à M me X l’accès à certains documents : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. L’avocat de l'entreprise cite le jugement Rondeau c. Fafard et Bellehumeur 4 dans lequel les procureurs des défendeurs s’opposent à la divulgation du dossier médical de la demanderesse […] pour le motif que ce rapport médical constitue un document privilégié tombant sous le sceau de la confidentialité des rapports entre avocat et client puisqu’il s’agit d’un document préparé à la demande du procureur en vue de l’assister dans la préparation et la conduite du procès . […] L’origine, la nature et l’étendue de ce secret en ce qui touche l’avocat ont été définies par la Cour d’appel dans l’arrêt Montreal Street Railway Co. c. Feigleman 6 . […] Les documents écrits pour l’information des avocats, à l’occasion ou en prévision d’un procès, sont d’une nature confidentielle et participent à l’immunité du secret professionnel. ________________ 6 [1913] 22 B.R. 102. L'avocat de l'entreprise cite d'autres décisions statuant sur les renseignements fournis par une personne en toute confidentialité à son procureur, dans le contexte de la relation avocat-client, et dans le but d’obtenir, entre autres, un avis juridique ou pour préparer un procès. Il commente ces jugements qui, à son avis, s’appliquent au cas sous étude : 3 L.R.Q. 1975, c. C-12
01 02 17 - 7 - • Descôteaux et al c. Mierzwinski 5 ; • Le Procureur général du Québec c. Landreville 6 ; • Brouillette c. Sa Majesté La Reine 7 ; • Giroux c. Centre hospitalier St-Vincent-de-Paul 8 . DÉCISION La preuve non-contredite démontre que l’entreprise a déjà transmis son dossier à M me X, et plus particulièrement, lorsque celle-ci était représentée par un avocat devant le commissaire du travail. De plus, l’entreprise lui a remis une copie supplémentaire de trois évaluations de rendement au travail, et M me X reconnaît avoir reçu toutes les évaluations la concernant durant les 18 années qu’elle y a travaillé. En ce qui a trait au livret personnalisé contenant l’estimé de son fonds de pension accumulé chez son ancien employeur et daté du 31 décembre 1996, M me X reconnaît que l’entreprise lui en avait remis un original. Bien qu’elle ait présenté une copie à l’audience, l’entreprise a, tout de même, consenti à lui en faire parvenir un nouvel exemplaire, sans se sentir toutefois obligée de lui en transmettre un autre original. Quant au dossier médical, M me X reconnaît qu’une décision a déjà été rendue, le 10 janvier 2000, par le commissaire, M e E. Roberto Uticone, dans le dossier X c. Pratt & Whitney Canada inc. 9 lui donnant un accès partiel à son dossier médical. Il n’y a pas lieu de statuer quant à cette partie de la demande, puisqu’une décision a déjà été rendue sur ce point et que M me X ne travaille plus chez l’entreprise depuis le mois d’avril 1997 (pièce E-1 précitée). Il n’y a ni faits 4 [1976] C.S. 1148, 1149. 5 [1982] 1 R.C.S. 860. 6 [1986] R.J.Q. 2169 (C.S.). 7 [1992] R.J.Q. 2776 (C.A.). 8 [1990] C.A.I. 145.
01 02 17 - 8 - nouveaux, ni éléments nouveaux qui nécessiteraient une intervention quelconque de la soussignée. Par ailleurs, la décision, ci-dessus mentionnée, rendue par M dresse « un tableau » de toutes les démarches entreprises auprès de différentes instances par M me X contre l’entreprise. En ce qui a trait au refus par cette dernière de transmettre à M documents pour lesquels l’entreprise invoque le secret professionnel, la preuve détaillée soumise à huis clos me convainc que l'entreprise avait raison d’avoir agi ainsi. La plupart de ces documents doivent demeurer confidentiels. Ceux-ci contiennent, entre autres, des avis juridiques, un résumé de l’interrogatoire de chaque témoin devant le commissaire du travail ainsi que des notes manuscrites prises lors de la préparation des témoins éventuels. Ces documents (pièces E-1, E-2 et E-4) sont donc couverts par le secret professionnel dans leur intégralité, tel qu'il est défini par l’article 9 de la Charte. Quant à la pièce E-3, elle est également couverte par le secret professionnel, à l’exception de trois documents que l’entreprise doit transmettre à M les deux formulaires de la CNT dûment remplis et portant les dates du 9 avril et du 17 avril 1997 ainsi qu'une lettre de cette Commission datée du 29 avril 1997. Les explications fournies convainquent que l’entreprise ne détient pas d’autres documents relatifs à M POUR LES MOTIFS CI-DESSUS ÉNONCÉS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande d'examen de mésentente de M 9 [2000] C.A.I. 41. e Uticone, me X les me X, à savoir : par M me Primeau à l’audience me me X. me X;
01 02 17 - 9 - INTERDIT toute communication, divulgation ou reproduction des documents confidentiels produits à huis clos, à savoir les pièces E-1, E-2 et E-4; INTERDIT toute communication, divulgation ou reproduction des documents confidentiels produits à huis clos et contenus à la pièce E-3, à l’exception des deux formulaires de plainte de la CNT dûment remplis par M me X et portant les dates du 9 avril et du 17 avril 1997, ainsi que d'une lettre de cette Commission datée du 29 avril 1997; ORDONNE à l’entreprise de communiquer à M me X les documents ci-dessus indiqués; REJETTE, quant au reste, la demande d'examen de mésentente de M me X. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 16 mai 2002 M e Rhéaume Perreault Heenan Blaikie Procureur de l’entreprise
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