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01 07 41 GIRARD, CHARLEMAGNE, demandeur, c. ABITIBI-CONSOLIDATED INC., entreprise. LOBJET DU LITIGE : M. Girard est membre du comité qui administre le régime complémentaire de retraite des employés non syndiqués de lentreprise; il a été désigné à ce poste par les participants non actifs du régime. Il demande, à ce titre, accès au nom et à ladresse des participants non actifs (retraités) de ce régime. Lentreprise refuse de lui donner communication de ces renseignements personnels; M. Girard sadresse à la Commission daccès à linformation (la « Commission ») afin quelle examine la mésentente résultant de cette décision. LARGUMENTATION : Prétention de lentreprise : Lavocat de lentreprise prétend que la demande dexamen de mésentente est irrecevable parce que M. Girard nest pas une personne intéressée comme lexige larticle 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 : 1 L.R.Q., c. P-39.1.
01 07 41 2 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25. Il prétend que cette demande dexamen de mésentente est dautant plus irrecevable que M. Girard nest pas, comme lexige larticle 43 de la même loi, la personne concernée par les renseignements personnels en litige : 43. Lorsque la mésentente résulte du refus d'acquiescer à une demande ou d'une absence de réponse dans le délai accordé par la loi pour répondre, la personne concernée doit la soumettre à la Commission dans les 30 jours du refus de la demande ou de l'expiration du délai pour y répondre à moins que la Commission, pour un motif raisonnable, ne la relève du défaut de respecter ce délai. Il précise que M. Girard est un tiers par rapport aux renseignements personnels qui sont en litige et qui ne le concernent pas. La Commission, prétend-il, na pas, somme toute, compétence pour recevoir la demande de M. Girard. Il soutient que la loi précitée, qui oblige le secteur privé à la protection des renseignements personnels, sapplique à lentreprise qui détient et utilise les renseignements en litige : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public.
01 07 41 3 Lavocat de lentreprise soutient que la Commission nest pas compétente pour entendre une demande dexamen soumise par un tiers et relative à lapplication dune disposition législative portant sur laccès à un renseignement personnel qui ne le concerne pas. Il explique que le droit daccès prévu par la loi précitée (articles 27 à 41) et par le Code civil du Québec (articles 37 à 40) nest attribué quà certaines personnes : Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. 31. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'une personne décédée ont le droit de recevoir communication, selon les modalités prévues à l'article 30, des renseignements relatifs à la cause de son décès et contenus dans son dossier de santé, à moins que la personne décédée n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le premier alinéa, les personnes liées par le sang à une personne décédée ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier de santé dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer. 41. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication d'un renseignement personnel à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause les intérêts et les droits de la personne qui le demande, à titre
01 07 41 4 d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. Code civil du Québec : Art. 37. Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l'utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l'intéressé ni à sa réputation. Art 38. Sous réserve des autres dispositions de la loi, toute personne peut, gratuitement, consulter et faire rectifier un dossier qu'une autre personne détient sur elle soit pour prendre une décision à son égard, soit pour informer un tiers; elle peut aussi le faire reproduire, moyennant des frais raisonnables. Les renseignements contenus dans le dossier doivent être accessibles dans une transcription intelligible. Art. 39. Celui qui détient un dossier sur une personne ne peut lui refuser l'accès aux renseignements qui y sont contenus à moins qu'il ne justifie d'un intérêt sérieux et légitime à le faire ou que ces renseignements ne soient susceptibles de nuire sérieusement à un tiers. Lavocat de lentreprise souligne que M. Girard demande accès à des renseignements concernant des personnes autres que lui. Il soutient à cet égard que lentreprise ne peut, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, lui communiquer ces renseignements: 10. Toute personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique des renseignements personnels sur autrui doit prendre et appliquer des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel des renseignements. 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. Il soutient que larticle 18 de la loi précitée na pas pour effet de conférer un droit daccès à des tiers ou dobliger une entreprise à leur communiquer des renseignements personnels; cet article, souligne-t-il, se limite à attribuer, à une entreprise et à certaines
01 07 41 5 conditions, un pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements personnels à des tiers sans le consentement de la personne concernée : 18. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu'elle détient sur autrui: 1 o à son procureur; 2 o au procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 3 o à une personne chargée en vertu de la loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions, si le renseignement est nécessaire pour la poursuite d'une infraction à une loi applicable au Québec; 4 o à une personne à qui il est nécessaire de communiquer le renseignement dans le cadre de l'application de la loi ou d'une convention collective et qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions; 5 o à un organisme public au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., chapitre A-2.1) qui, par l'entremise d'un représentant, le recueille dans l'exercice de ses attributions ou la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion; 6 o à une personne ou à un organisme ayant pouvoir de contraindre à leur communication et qui les requiert dans l'exercice de ses fonctions; 7 o à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 8 o à une personne qui est autorisée à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique conformément à l'article 21; 9 o à une personne qui, en vertu de la loi, peut recouvrer des créances pour autrui et qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions; 10 o à une personne conformément à l'article 22 s'il s'agit d'une liste nominative. La personne qui exploite une entreprise doit inscrire toute communication faite en vertu des paragraphes 6 o à 10 o du premier alinéa. Cette inscription fait partie du dossier. Les personnes visées aux paragraphes 1 o et 9 o du premier alinéa qui reçoivent communication de renseignements peuvent communiquer ces renseignements dans la mesure cette communication est nécessaire, dans l'exercice de leurs fonctions, à la
01 07 41 6 réalisation des fins pour lesquelles elles en ont reçu communication. Une agence d'investigation ou de sécurité qui est titulaire d'un permis conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (L.R.Q., chapitre A-8) ou un organisme ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi et une personne qui exploite une entreprise peuvent, sans le consentement de la personne concernée, se communiquer les renseignements nécessaires à la conduite d'une enquête visant à prévenir, détecter ou réprimer un crime ou une infraction à une loi. Il en est de même, entre personnes qui exploitent une entreprise, si la personne qui communique ou recueille de tels renseignements a des motifs raisonnables de croire que la personne concernée a commis ou est sur le point de commettre, à l'égard de l'une ou l'autre des personnes qui exploitent une entreprise, un crime ou une infraction à une loi. Il souligne, en ce qui concerne particulièrement lapplication du 4 ième paragraphe de larticle 18 susmentionné, que la Loi sur les régimes complémentaires de retraite ne prévoit aucune disposition déterminant la nécessité des renseignements en litige pour lexercice des fonctions dun membre dun comité de retraite ou obligeant un membre dun comité de retraite à rendre compte aux participants du régime; à son avis, lentreprise nest pas tenue de communiquer les renseignements en litige à un tiers membre du comité de retraite. Il soutient enfin que lobligation de donner suite à une demande daccès ne vaut que pour la demande faite par la personne concernée et que seule la personne concernée peut soumettre une demande dexamen de mésentente à la Commission lorsque la mésentente résulte du refus dacquiescer à une demande ou dune absence de réponse dans le délai applicable : 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer.
01 07 41 7 43. Lorsque la mésentente résulte du refus d'acquiescer à une demande ou d'une absence de réponse dans le délai accordé par la loi pour répondre, la personne concernée doit la soumettre à la Commission dans les 30 jours du refus de la demande ou de l'expiration du délai pour y répondre à moins que la Commission, pour un motif raisonnable, ne la relève du défaut de respecter ce délai. Il conclut que la Commission na pas compétence pour entendre la demande de M. Girard qui est un tiers par rapport aux personnes concernées par les renseignements en litige et qui na aucun droit à faire valoir en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. M. Girard, réitère-t-il, nest pas une personne intéressée au sens de larticle 42 de cette loi, ce, notamment en ce qui concerne lapplication dune disposition législative portant sur laccès. En réplique, lavocat de lentreprise prétendra que larticle 30 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé se limite à prescrire les modalités de présentation dune demande daccès et à identifier les personnes qui, au nom de la personne concernée et pour lexercice des droits de la personne concernée, sont habilitées à faire une demande daccès. M. Girard, soutient-il, na pas de droit daccès aux renseignements personnels concernant les participants non actifs au régime. Prétention du demandeur : Lavocat de M. Girard soutient essentiellement que son client est une personne intéressée au sens de larticle 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, précité, ce, en vertu de larticle 30 de la même loi: 30. Une demande d'accès ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier, de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'une assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale.
01 07 41 8 M. Girard, soutient-il, est le représentant des participants non actifs qui lont désigné au comité de retraite dont il est membre. Il réfère à cet égard à larticle 147 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (L.R.Q.. c. R-15.1) : 147. Tout régime de retraite doit, à compter de son enregistrement, être administré par un comité de retraite composé au moins dun membre qui, désigné dans les conditions et délais prévus au régime, nest ni partie au régime ni un tiers à qui larticle 176 interdit de consentir un prêt, et des membres suivants : 1° un membre désigné par les participants actifs lors de lassemblée tenue en application de larticle 166 ou, à défaut de telle désignation, un participant désigné dans les conditions et délais prévus au régime ; 2° un membre désigné par les participants non actifs et les bénéficiaires lors de cette assemblée ou, à défaut de telle désignation, un participant ou un bénéficiaire désigné dans les conditions et délais susmentionnés. Lavocat de M. Girard souligne que son client est mandaté par les participants non actifs du régime : 148. La durée du mandat dun membre du comité de retraite ne peut excéder trois ans. Le membre dont le mandat est expiré demeure en fonction jusquà ce quil soit désigné de nouveau ou remplacé. À son avis, la désignation de M. Girard par les participants non actifs emporte représentation, tel que le prévoit le Code civil du Québec : 2130. Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans laccomplissement dun acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, soblige à lexercer. Ce pouvoir et, le cas échéant, lécrit qui le constate, sappellent aussi procuration. 2138. Le mandataire est tenu daccomplir le mandat quil a accepté et il doit, dans lexécution de son mandat, agir avec prudence et diligence. Il doit également agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt du mandat et éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et celui de son mandant.
01 07 41 9 2139. Au cours de son mandat, le mandataire est tenu, à la demande du mandant ou lorsque les circonstances le justifient, de linformer de létat dexécution du mandat. Il doit, sans délai, faire savoir au mandant quil a accompli son mandat. Il prétend que M. Girard a, en qualité de représentant des participants non actifs, droit daccès aux renseignements demandés en vertu de larticle 30 précité. Il réfère à une décision par laquelle la Commission avait ordonné la communication de renseignements personnels au représentant de certaines personnes pour lexercice dun recours collectif 2 . À son avis, les participants non actifs au régime sont les mandants de M. Girard qui, conséquemment, est leur représentant. Il prétend que M. Girard a lobligation légale de rendre compte aux participants non actifs qui lont désigné; à cet égard, soutient-il, M. Girard se voit attribuer un droit daccès en vertu de larticle 18 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : 18. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu'elle détient sur autrui: 4 o à une personne à qui il est nécessaire de communiquer le renseignement dans le cadre de l'application de la loi ou d'une convention collective et qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions; Il avance que la qualité de mandataire de M. Girard loblige à rendre compte et il conclut que la communication des renseignements en litige lui est nécessaire dans le cadre de 2 Jean Lemay c. Ministère de la sécurité publique, dossier C.A.I. 97 07 25.
01 07 41 10 lapplication de la loi pour défendre les intérêts des participants non actifs et pour exercer sa fonction adéquatement. DÉCISION : Je suis daccord avec chacun des arguments présentés par lavocat de lentreprise. Jajouterai que larticle 30 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, corollaire de larticle 27 de la même loi, détermine essentiellement la qualité requise chez les personnes qui, au nom de la personne concernée, peuvent faire une demande daccès. La Commission comprend que M. Girard nest pas, pour lexercice de leur droit daccès, le représentant ou le mandataire de participants non actifs qui demandent accès à leurs propres nom et adresse. La Commission ne peut recevoir la demande de M. Girard. La Commission constate par ailleurs que la décision de lentreprise est conforme à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la requête en irrecevabilité; CESSE lexamen de la demande;
01 07 41 11 FERME le dossier 01 07 41. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 14 mai 2002. M e Pascal Girard Beaulieu, Vallée avocat du demandeur M e François Grondin McCarthy Tétrault avocat de lentreprise
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