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01 08 00 JEAN-CLAUDE BOUCHER, demandeur, c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE, organisme public. L'OBJET DU LITIGE Le 28 mars 2001, M. Jean-Claude Boucher fait la demande suivante au ministère de la Justice (le « Ministère ») : Auriez-vous l'obligeance de me faire parvenir tout document en regard de l'utilisation que votre ministère entend faire des argents obtenus du ministère fédéral, c'est à dire : quelles sont les sommes reçues par le gouvernement provincial du Québec; a quel fins ces sommes seront utilisés; comment les sommes seront redistribuées; qui recevront les sommes et comment ils seront utilisés. Le 1 er mai 2001, le Ministère informe M. Boucher qu'il « n'a à ce jour reçu aucune somme dont il est fait mention dans le communiqué du gouvernement fédéral du 3 mars 2000 ». Il invoque les articles 9, 18, 19, 22, 27, 31, 33, 37 et 39 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi ») pour lui refuser les documents reliés à une entente à intervenir sur le sujet. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 08 00 - 2 M. Boucher conteste la décision du Ministère par le dépôt à la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») d'une demande de révision le 4 mai 2001. Le 26 février 2002, une audience se tient à Montréal. LA PREUVE M. Pierre Dion, responsable de l'accès, affirme avoir reçu, le 5 avril 2001, la demande d'accès. Il atteste avoir discuté et reçu de M. Boucher le communiqué du gouvernement fédéral dont il fait référence à sa demande d'accès (pièce O-1). Ce communiqué traite de l'octroi d'un montant de 29 millions de dollars sur deux ans aux provinces pour venir en aide aux enfants et aux familles à la suite d'un divorce ou d'une séparation (Le Fonds d'aide), ce que me confirme M. Boucher. M. Dion certifie qu'il n'y avait aucune entente de signée entre les gouvernement du Québec et du Canada au moment de la demande d'accès. Il ajoute que ce dossier d'entente en particulier n'en était qu'à la phase préliminaire de négociation avec le gouvernement fédéral. Il explique que la signature d'un tel type d'entente doit préalablement faire l'objet d'un mémoire au Conseil des ministres et d'une parution dans la Gazette officielle du Québec. Ainsi, malgré les diverses recherches reliées au 29 millions de dollars et visant la distribution du Fonds d'aide, il n'a pu dénicher aucun document portant spécifiquement sur le sujet. Il répète qu'aucune entente n'a été signée et que le gouvernement du Québec n'a reçu aucun montant. Il spécifie qu'aucun montant d'argent n'a été « utilisé » ou « redistribué ». Par acquit de conscience, il remet quatre documents, sous pli confidentiel, lesquels, selon lui, ne se rapportent toutefois pas à la demande d'accès visant « l'utilisation que votre ministère entend faire des argents obtenus du ministère fédéral » :
01 08 00 - 3 -1) Un mémoire au Conseil des ministres préparé dans le cadre de la première entente en 1999, mais ne touchant pas au 29 millions de dollars. Il invoque l'article 33 de la Loi pour en refuser l'accès. 2) Une communication du gouvernement fédéral adressée à M e Pierre Tanguay de la Direction de la coordination en matières familiales. Il invoque les articles 18 et 19 de la Loi pour en refuser l'accès. 3) Une communication de M me Bruyère du ministère de la Justice du Canada adressée à l'avocate attitrée au programme en question, gouvernement du Québec, M e D. Gervais. Il invoque les articles 18 et 19 de la Loi. 4) Un document explicatif préparé par la Direction générale, le 12 mai 2000, à l'intention des autorités ministérielles et traitant partiellement du partage des coûts du 29 millions de dollars. Le document est rédigé par M e Pierre Tanguay pour expliquer l'état d'avancement des négociations. Il spécifie qu'à l'époque, la négociation suivait son cours et portait sur un montant de 5 millions de dollars sans qu'aucune entente ne soit signée. Il invoque les articles 19, 37 et 39 de la Loi pour en refuser la communication : 18. Le gouvernement ou un ministère peut refuser de communiquer un renseignement obtenu d'un gouvernement autre que celui du Québec, d'un organisme d'un tel gouvernement ou d'une organisation internationale. Il en est de même du lieutenant gouverneur, du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. 19. Un organisme public peut refuser de communiquer un renseignement lorsque sa divulgation porterait vraisemblablement préjudice à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre gouvernement ou une organisation internationale. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence.
01 08 00 - 4 -39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date l'analyse a été faite. M. Dion laisse à l'appréciation de la Commission le soin de décider si ces derniers documents sont visés par la demande. Il soutient que le document en litige n o 4 affaiblirait la position du Québec s'il était communiqué parce qu'il aborde divers scénarios et discutent d'hypothèses, de la marge de manœuvre du gouvernement et de l'impact du nouveau programme fédéral sur les programmes actuels. Il affirme que le processus décisionnel n'est pas encore terminé. M. Boucher signale avoir obtenu du gouvernement fédéral des informations selon lesquelles 7 millions de dollars traînent actuellement sur la table à l'intention du gouvernement du Québec. Il fait valoir que le gouvernement fédéral a déterminé les montants à être octroyés et, de sa compréhension, ceux-ci ne sont pas négociables. Dans les circonstances, il explique difficilement la raison pour laquelle le Ministère n'a pas d'information sur l'affectation de ces montants lui étant dévolus par le gouvernement fédéral. APPRÉCIATION L'objet du litige consiste d'abord à déterminer, au sens de l'article 1 de la Loi, si le Ministère détient « tout document en regard de l'utilisation que votre ministère entend faire des argents obtenus du ministère fédéral » : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.
01 08 00 - 5 La preuve non contredite démontre que le Ministère est toujours en négociation dans le but d'obtenir une part du montant de 29 millions de dollars du Fonds d'aide. La preuve démontre également que le Ministère n'a reçu aucun montant jusqu'à présent en vertu du Fonds ni, conséquemment, utilisé ou redistribué de montant d'argent. M. Dion a déclaré n'avoir trouvé que quatre documents pouvant potentiellement avoir un lien avec la demande d'accès en précisant que, selon lui, ceux-ci ne sont pas spécifiquement visés par la demande. L'examen des quatre documents en litige confirme le témoignage rendu par M. Dion selon lequel ceux-ci ne permettent pas de connaître les « argents obtenus du Ministère fédéral » ni « les sommes reçues par le gouvernement provincial ». La Commission est d'avis que les documents en litige n os 2 et 3 ne sont pas visés par la demande d'accès. Il en est de même du document en litige n o 1, s'agissant d'un mémoire au Conseil des ministres portant sur programme apparenté, géré par le Ministère, mais n'étant pas celui ayant fait l'objet de la requête de M. Boucher (pièce O-2). Toutefois, les autres questions soulevées par M. Boucher lors de sa demande d'accès concernant notamment « à quel fins ces sommes seront utilisées » et « comment les sommes seront redistribuées » sont des hypothèses discutées au quatrième document en litige. La Commission doit donc décider du sort de ce quatrième document en litige. Préalablement, la Commission signale que M. Boucher a confirmé avoir fourni au Ministère, après sa demande d'accès, le document à l'appui de celle-ci permettant dès lors au Ministère de pouvoir y répondre dans le délai prescrit à l'article 47 de la Loi, et ce, dans le respect des prescriptions énoncées aux articles 42 et 44 :
01 08 00 - 6 -47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: 1 o donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2 o informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3 o informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4 o informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5 o informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6 o informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. 42. La demande d'accès à un document doit, pour être recevable, être suffisamment précise pour permettre de le trouver. 44. Le responsable doit prêter assistance, pour la formulation d'une demande et l'identification du document demandé, à toute personne qui le requiert. J'ai pris connaissance du quatrième document en litige. Il s'agit d'un document du Ministère de trois pages traitant d'une communication entre les responsables du dossier aux gouvernements fédéral et provincial. L'article 19 de la Loi laisse au Ministère la discrétion de soulever cette restriction s'il peut démontrer, d'une part, que le document porte sur une question au sujet de laquelle le Québec entretient des relations, dans ce cas-ci, avec le gouvernement fédéral et, d'autre part, que la divulgation des renseignements refusés porterait vraisemblablement préjudice à la conduite de ces relations. La Commission n'a identifié que les 2 e et 3 e paragraphes de la page 3 du présent document en litige pouvant répondre à la définition de renseignements visés par la
01 08 00 - 7 -première condition de cet article 19. Cependant, je n'ai pas été convaincu que la communication de ces renseignements satisfait la deuxième condition de l'article 19 et, conséquemment, la Commission rejette ce motif de restriction. Toutefois, vu la preuve, la Commission en arrive à la conclusion que l'auteur du document en litige procède à une évaluation et à une analyse des faits et énonce une position de nature à influencer le processus décisionnel, non encore complété au moment de la demande d'accès. À l'exception du 3 e paragraphe de la page 1, purement factuel, le reste du document bénéficie de la restriction des articles 37 et 39 de la Loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de M. Boucher; ORDONNE au Ministère de communiquer à M. Boucher le 3 e paragraphe de la page 1 du quatrième document en litige; REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 9 mai 2002 M e Jean-François Boulais Procureur de l'organisme
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