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01 09 48 OTTAVIO DI LENA Demandeur c. CENTRE HOSPITALIER FLEURY Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 7 mars 2000, le demandeur sadresse à lorganisme afin dobtenir une copie complète du dossier médical de son épouse décédée, M me Maria Dalonzo. Le 27 mars suivant, lorganisme transmet au demandeur une partie dudit dossier, soit les pages 6 à 71. Le 2 mai suivant, il informe par écrit le demandeur de son refus de lui communiquer les cinq premières pages du dossier médical, et ce, en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi) et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 2 (la L.S.S.S.S.). Insatisfait de cette réponse, le 30 mai 2001, le demandeur sollicite l'intervention de la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) pour réviser cette décision. Le 19 février 2002, laudience se tient à Montréal en présence des parties. 1 L.R.Q., c. A-2.1 2 L.R.Q., c. S-4.2.
01 09 48 - 2 LAUDIENCE Laudience est fixée, une première fois, au 5 février 2002, mais elle est remise afin daccorder à lorganisme le temps nécessaire pour retenir les services professionnels dun avocat. Cette exigence provient des dispositions prévues à larticle 128(1) de la Loi sur le Barreau du Québec 3 qui stipule, entre autres, que la plaidoirie constitue un « acte du ressort exclusif de lavocat ». Le demandeur, pour sa part, est informé quil a le droit de se représenter seul ou par avocat, sil le désire. À laudience, le demandeur se représente seul. LA PREUVE Lavocate de lorganisme dépose, sous le sceau de la confidentialité, les cinq premières pages du dossier médical de feue Maria Dalonzo, épouse du demandeur. Elle dépose également une copie de lautre partie dudit dossier, soit les pages 6 à 71 (pièce O-1) qui ont déjà été remises au demandeur, ce qui est confirmé par celui-ci. Lavocate fait entendre, sous serment, M me Nancy Girouard, archiviste médicale chez l'organisme. Le témoin déclare que le but de la demande daccès aux documents du demandeur est « quil veut investiguer au niveau du D r X pour éviter que cela ne se reproduise. » La patiente est décédée le 19 février 2001. Le témoin ajoute avoir fourni au demandeur toute la partie du dossier médical de son épouse décédée et à qui le D r X prodiguait des soins à compter du 14 février 2001. Selon ce témoin, les cinq premières pages dudit dossier médical ont été retranchées, parce que le D r X ne prodiguait pas de soins médicaux à lépouse du demandeur avant cette date. 3 L.R.Q., c. B-1.
01 09 48 - 3 -Le demandeur, qui se représente seul, témoigne sous serment quil doit obtenir une copie complète du dossier médical de son épouse décédée alors quelle était sous la responsabilité de lorganisme. Cela lui permettra de vérifier si lorganisme avait entrepris toutes les mesures nécessaires pour éviter le décès de son épouse. Il ajoute que le motif invoqué par lorganisme pour ne pas acquiescer à sa demande est injustifié. Tout ce quil souhaite, cest obtenir les cinq premières pages manquantes. Le demandeur fait témoigner, sous serment, M. Domenico Romagnino. Celui-ci déclare quil connaît le demandeur et son ex-épouse depuis « les années 1970. » Il se dit étonné du décès de lépouse de son ami à lhôpital. Il soutient que le demandeur a raison de senquérir des circonstances du décès de son épouse. Il a aidé celui-ci dans ses démarches auprès de lorganisme pour avoir accès au dossier médical faisant lobjet du litige. Le témoin sétonne du motif invoqué par lorganisme pour ne pas transmettre au demandeur le document recherché. Il ajoute que « même une copie du formulaire indiquant le motif de la demande du dossier » na pas été remise au demandeur. ARGUMENTATION Les faits non contredits démontrent que feue Maria Dalonzo, épouse du demandeur, a été transportée par ambulance chez lorganisme le 14 février 2001. À la suite dinterventions médicales diverses, lépouse du demandeur est décédée le 19 février 2001, alors quelle se trouvait chez lorganisme. Le 7 mars 2001, le demandeur requiert de lorganisme, entre autres : […] Jeudi le 22-02-01, je vous ai téléphoné afin dobtenir des informations et vous mavez demandé de vous faire parvenir une lettre expliquant les raisons du décès de mon épouse (dossier intégrale). La raison pour laquelle nous vous demandons ceci est que nous voulons faire une investigation au sujet du Dr. X afin de nous assurer quil a
01 09 48 - 4 tout fait pour sauver mon épouse ou si il avait pu prévenir ou éviter le décès de mon épouse. Une autopsie a été effectuée au "Montreal Corner", car nous navions pas eu confiance en vous au cas vous étiez pour couvrir votre Centre hôspitalier pour le décès de mon épouse. […] (sic) (soulignement ajouté) Lavocate plaide que le motif principal du demandeur pour avoir accès au dossier médical de son épouse décédée, consiste, entre autres, à vérifier si le D r X a prodigué à celle-ci tous les soins médicaux précédant son décès en février 2001. Elle présume que, dans le cadre de ses fonctions, le D r X a prendre connaissance de tout le dossier de lusager, incluant les cinq premières pages dudit dossier faisant lobjet du présent litige. Le demandeur veut « quune investigation soit effectuée, à la suite du décès de son épouse survenu à lhôpital ». Lavocate insiste sur le fait « que le demandeur veut également sassurer si le docteur X qui soccupait à ce moment de son épouse avait pris les mesures nécessaires pour sauver son épouse. » Selon lavocate, les cinq premières pages qui ont été retranchées du dossier médical de lépouse du demandeur ne concernent aucunement le D r X. Lorganisme est donc en droit de refuser de les transmettre au demandeur, et ce, pour les motifs invoqués ci-dessus. Le demandeur nest évidemment pas de cet avis et réitère le « devoir de lorganisme » à lui transmettre lesdits documents. Lavocate souligne de plus que « le principe général de la loi est la divulgation des documents, mais il est essentiel dexaminer les restrictions contenues à larticle 23 de la L.S.S.S.S., lequel traite des héritiers et représentants légaux, ainsi que des conjoints. » : 23. Les héritiers et les représentants légaux dun usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à lexercice
01 09 48 - 5 -de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement dune prestation en vertu dune police dassurance sur la vie de lusager ou dun régime de retraite de lusager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs dun usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que lusager nait consigné par écrit à son dossier son refus daccorder ce droit daccès. Lavocate cite également larticle 28 de cette loi : 28. Les articles 17 à 27 sappliquent malgré la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et à sur la protection des renseignements personnels. Larticle 23 précité traite des conditions requises pour que les héritiers et représentants légaux, conjoints, ascendants ou descendants puissent avoir accès au dossier médical de lusager. Cet article prévoit donc les conditions à respecter par le demandeur qui veut avoir accès au dossier de son épouse. Lavocate indique que cette disposition a été respectée par lorganisme qui a transmis au demandeur une partie du dossier médical de feue Maria Dalonzo, son épouse. Elle plaide toutefois que ledit article ne permet pas au demandeur davoir accès au document recherché, à savoir quil veut sassurer que le D r X a fait tout en son pouvoir pour sauver son épouse. DÉCISION Je tiens à préciser que je ne suis pas habilitée à trancher sur une question ou réflexion concernant la manière selon laquelle le D r X a prodigué des soins médicaux à lépouse du demandeur avant son décès. Cette matière relève plutôt de tribunaux supérieurs. Je suis cependant habilitée à trancher toutes questions relatives à laccès aux documents dans un organisme public, comme cest le cas en lespèce. Je men tiendrai donc aux pouvoirs qui me sont dévolus en vertu de la loi.
01 09 48 - 6 -Le demandeur naccepte pas les réponses de lorganisme qui lui refuse toujours laccès aux cinq premières pages du dossier médical de son épouse décédée. Les efforts déployés par le demandeur, entouré de sa famille immédiate et de ses proches, pour avoir accès audit document sont compréhensibles; il fait tout son possible pour obtenir une réponse positive de lorganisme. Ce qui mamène à traiter des articles 1 et 9 de la loi qui traitent de son application pour le premier et du droit daccès aux documents dun organisme public pour le second : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. La compétence de la Commission à statuer dans ce dossier ne fait aucun doute, et ce, en vertu de larticle précité : lorganisme public détient un document dans lexercice de ses fonctions. Cependant, il importe de souligner que « […] la nature du document elle-même peut faire lobjet dune exception à sa divulgation. » 4 Dans le présent cas, larticle 28 de la L.S.S.S.S. stipule expressément que les articles 17 à 27, incluant larticle 23, sappliquent, et ce, malgré la loi. On ne peut y déroger. 4 Yvon DUPLESSIS et Jean HÉTU, Laccès à linformation et à la protection des renseignements personnels, Loi indexée, commentée et annotée, Brossard, Publications CCH, 2001, p. 13 001.
01 09 48 - 7 Par ailleurs, jai examiné attentivement les cinq premières pages qui mont été remises par lavocate de lorganisme sous le sceau de la confidentialité. Je constate que ces dernières réfèrent à des actes médicaux prodigués à une période antérieure à celle recherchée par le demandeur. Nulle part le nom du D r X apparaît. Un autre médecin avait prodigué des soins à lépouse du demandeur avant le 14 février 2001. En raison de ce qui précède, la preuve me convainc que létablissement hospitalier ne peut pas déroger aux dispositions prévues aux articles 23 et 28 de la L.S.S.S.S. Le demandeur ne peut donc pas obtenir copie des cinq premières pages du dossier médical de son épouse feue Maria Dalonzo, décédée chez lorganisme. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 24 avril 2002 M e Élizabeth Camiré Procureure de lorganisme
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