01 10 09 VASILE TANASA Demandeur c. COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL Organisme public L’OBJET DU LITIGE Le 21 décembre 2000, par l’intermédiaire de ses avocats, le demandeur requiert de l’organisme d’apporter une rectification au dossier le concernant, laquelle rectification se lit comme suit : […] Suivant des informations reçues de le lieutenant détective Normand Mastromatteo notre client fait l’objet d’une restriction PSU 2 auprès de la SPCUM. Pour des motifs dévoilés par le lieutenant détective Normand Mastromatteo, devant la Cour le 13 décembre 2000 cette restriction n’a pas sa raison d’être. Nous vous demandons donc d’enlever cette restriction sur la personne de notre client sur réception de la présente et nous en aviser à votre plus proche convenance. (sic) […] Le 13 décembre 2000, à la suite de l’interrogatoire du demandeur tenu devant la Cour supérieure de Montréal dans un dossier de divorce l’impliquant avec son ex-épouse, ses avocats requièrent de l’organisme de leur transmettre « le nom et les coordonnées du procureur de l’épouse » du demandeur.
01 10 09 - 2 -Le 13 mars 2001, l’organisme refuse au demandeur l’accès aux renseignements, invoquant l'article 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi). Le 30 mai suivant, le demandeur requiert l’intervention de la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) pour réviser les deux décisions. Le 7 mars 2002, une audience se tient à Montréal. Vérification des délais entre les demandes de rectification et d’accès et la demande de révision auprès de la Commission L'avocate de l’organisme fait entendre, sous serment, le capitaine Georges Ménard. Celui-ci explique que l'organisme a reçu la demande de rectification et la demande d’accès du demandeur le 20 février 2001. C’est le motif pour lequel l’organisme lui a transmis son refus d’accès le 13 mars suivant. Le demandeur, pour sa part, a fait parvenir à la Commission sa demande de révision le 8 juin suivant, dans une correspondance datée du 30 mai 2001, signée par les avocats qui le représentaient à ce moment. Le demandeur explique, sous serment, qu’il éprouvait de la difficulté à comprendre la réponse de l’organisme, la langue française n’étant pas sa langue maternelle. Le demandeur ajoute qu’il réalisa que ses avocats n’avaient pas transmis à la Commission, dans le délai prescrit par la loi, sa demande de révision à la suite du refus de l’organisme de lui communiquer les renseignements recherchés. Toutefois, je constate que, dans un document assermenté le 19 février 2001, le demandeur a transmis à M. Roland Blanchette, au Service de police de l’organisme, les documents relatifs à sa cause (pièce D-1). 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 10 09 - 3 -Dans ledit document, le demandeur s’exprime ainsi : Je vous fais parvenir la lettre ci-jointe de la part de Me Émilio Monaco, car, apparemment les lettres envoyées par son bureau n’ont pas toutes arrivés à la destination et ma situation demande une solution le plus tôt possible. (sic) Cependant, dans ladite demande de révision datée du 30 mai 2001, les avocats du demandeur indiquent qu’ils avaient été mandatés par celui-ci pour entreprendre les procédures judiciaires, plus spécifiquement devant la Cour supérieure de Montréal, afin de tenter de retrouver la fille du demandeur qui, semble-t-il, vit avec sa mère, l’ex-épouse de celui-ci. Ils soulignent ce qui suit : […] De plus, nous demandons que ledit corps policier nous avise de tout autre raison et/ou motif pour ce que ce dernier refuse de procéder à faire enquête dans l’enlèvement de l’enfant mineur de notre client, Rachella Tanasa, par son ex-épouse Maria Carolina Majuca Carvallo. Nous vous demandons de prolonger le délais pour faire une demande de révision vu qu’il a été impossible d’agir avant vu que le demandeur tentait, par recours légaux de retrouver sa fille qui a été illégalement enlevée par sa femme Maria Carolina Majuca Carvallo. (sic) Or, les avocats du demandeur réfèrent la Commission à une copie d’un interrogatoire tenu, le 13 décembre 2000, devant l’honorable juge Nicole Duval Hesler de la Cour supérieure (pièce D-2). L’article 47 de la loi prévoit qu’en ce qui concerne le délai : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: 1 o donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2 o informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3 o informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie;
01 10 09 - 4 -4 o informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5 o informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6 o informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. (soulignements ajoutés) J’ai examiné les explications fournies tant par l'avocate de l’organisme que par le demandeur qui se représente seul à l’audience. Je considère que, pour une saine administration de la justice, il y a lieu de relever le demandeur du défaut de soumettre à la Commission sa demande de révision dans le délai de trente jours, tel qu'il a été prescrit à l’article 135 de la loi : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. (soulignement ajouté) Discussion sur deux demandes d'accès Les parties, à l’audience, me demandent de traiter la demande de rectification du demandeur et la demande d’accès de celui-ci simultanément (21 décembre 2000). Ces documents se retrouvent dans le même dossier de la
01 10 09 - 5 Commission. Les parties demandent également de traiter une autre demande d’accès relative à deux rapports d’événement formulée par le demandeur le 21 février 2000. Il importe de spécifier que les deux demandes comportent des dates différentes, à savoir : le 21 décembre 2000, pour la demande de rectification et la première demande d’accès; alors que la deuxième demande d’accès est datée du 21 février 2000. Pour cette dernière, le demandeur requiert de l'organisme une copie de deux rapports d’événement portant les numéros respectifs : 08991015-008 (15 octobre 1999) et 08991228-007 (28 décembre 1999). Le 23 février 2000, l’organisme a refusé d’acquiescer à cette demande. Le demandeur n’a pas soumis à la Commission une demande de révision. Cependant, j’autorise le témoin de l’organisme à présenter la version de l’organisme quant à ces deux rapports. Le témoin explique qu’il n’existe qu’un seul rapport, à savoir celui portant le numéro 08991015-008. En ce qui concerne le n o 08991228-007, il s'agit d'un dossier qui a été créé alors que l’organisme menait une enquête criminelle. Une fois l'enquête terminée, l’organisme a jugé nécessaire d'en faire un rapport complémentaire qui a été annexé au dossier n o 08991015-008, tel qu’il est expressément indiqué à la page 6 dudit rapport. Selon le témoin, le dossier n o 08991228-007 a donc été annulé. L'avocate de l'organisme dépose, sous le sceau de la confidentialité et pour l’essentiel, le rapport d’événement (deux pages), le rapport complémentaire (cinq pages) et un document contenant des renseignements confidentiels (une page). Le témoin remet au demandeur une copie dudit rapport après que l’organisme a masqué, au préalable, les renseignements nominatifs. De plus, il lui remet, entre autres, une copie du jugement intérimaire rendu le 16 décembre 1999
01 10 09 - 6 -(une page, C.S. n o 500-12-243661-984) et une lettre que l’ex-épouse du demandeur avait adressée à celui-ci et à une avocate le 8 octobre 1999. LA PREUVE ET LES ARGUMENTATIONS La rectification datée du 21 décembre 2000 L’avocate de l’organisme fait entendre, sous serment, le capitaine Georges Ménard. Celui-ci explique que la mention « PSU 2 » est un code dont se sert le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) dans certaines circonstances particulières. En raison de la confidentialité entourant ce code, le témoin souligne ne pas être en mesure de dévoiler plus d’informations, ce qui risque de révéler une méthode d'enquête destinée à prévenir, détecter ou réprimer un crime ou des infractions aux lois. Il invoque donc les dispositions législatives prévues à l’article 28 (3) de la loi. De plus, le témoin déclare que l’organisme a déjà retranché du dossier relatif au demandeur cette mention « PSU 2 ». La rectification a donc été effectuée. Le demandeur, pour sa part, est convaincu que l’organisme n’a pas retranché cette mention. Il prétend que ce code avait été inscrit alors que l’organisme refusait de collaborer avec lui dans sa recherche pour retrouver son enfant qui, selon le demandeur, vit avec sa mère. Il spécifie : « je veux m’assurer qu’il n’y a pas de discrimination à mon égard en utilisant ce code. » La demande de révision datée du 21 décembre 2000 Le demandeur veut obtenir le nom et les coordonnées de l’avocat de son ex-épouse afin de pouvoir lui faire signifier des procédures judiciaires. Il ajoute que
01 10 09 - 7 -les avocats qui le représentaient au moment des procédures civiles auraient dû le faire, mais cela n’a pas été le cas. J’ai ordonné un huis clos, afin de connaître les motifs pour lesquels celui-ci n'a pu obtenir ce renseignement. À cette étape-ci, le demandeur est prié de quitter la salle d'audience. À la reprise de l’audience, le témoin réitère que l’organisme ne peut pas communiquer au demandeur le nom et les coordonnées de l’avocat de l’ex-épouse de celui-ci, en vertu de l’article 28 de la loi. Le demandeur, pour sa part, explique qu’il est tout à fait normal d’obtenir lesdites informations, parce que s’il ne réussit pas dans cette démarche, ses avocats seront incapables de faire signifier les procédures judiciaires à l’avocat de son ex-épouse. La demande d'accès du 21 février 2000 En accord avec le demandeur, l'organisme me demande, à l'audience, de traiter cette demande d'accès relative à deux rapports d'événement que le demandeur avait formulée le 21 février 2000 (pièce D-3). Lesdits rapports d’événement portent les numéros respectifs : 08991015-008 (15 octobre 1999) et 08991228-007 (28 décembre 1999). Le 23 février 2000, l’organisme a refusé d’acquiescer à cette demande. Le demandeur n’a pas soumis à la Commission une demande de révision dans les délais prescrits et n'a fourni aucune explication pour tenter d'être relevé du défaut de le faire. DÉCISION L’article 28 de la loi stipule que : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement
01 10 09 - 8 -obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1 o d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2 o d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6 o de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7 o de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8 o de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9 o de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1 o à 9 o du premier alinéa. En ce qui concerne la demande de rectification, le témoin de l’organisme affirme, sous serment, que celui-ci a réévalué sa décision et que la mention « PSU 2 » a déjà été retranchée tel qu’il a été requis par le demandeur, bien que celui-ci n’y croit pas. L'article 72 de la loi traite de l'obligation pour l'organisme de veiller notamment à ce que les renseignements nominatifs qu'il conserve soient à jour et exacts. L'article 89, pour sa part, traite du droit d'un individu à la rectification de renseignements contenus dans un ficher le concernant. On y lit ce qui suit : 72. Un organisme public doit veiller à ce que les renseignements nominatifs qu'il conserve soient à jour, exacts et complets pour servir aux fins pour lesquelles ils sont recueillis.
01 10 09 - 9 -89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. En raison de la preuve soumise et en raison des dispositions législatives précitées, je considère la déposition du témoin de l'organisme crédible lorsqu'il déclare que la mention « PSU 2 » a été retranchée au dossier portant le nom du demandeur. Toutefois, cette rectification a été effectuée après que celui-ci ait transmis sa demande de révision à la Commission. En ce qui a trait au nom et aux coordonnées de l’avocat de l’ex-épouse du demandeur que l’organisme continue de refuser de communiquer au demandeur, j’ai interrogé le témoin, à huis clos en l’absence du demandeur, afin de vérifier si l’article 28 de la loi devait s’appliquer, comme l'organisme le prétend. À la reprise de l’audience et après avoir examiné les représentations des parties, la preuve me convainc que l’organisme est justifié d’invoquer l'article 28 (3 et 6) de la loi pour ne pas communiquer au demandeur ces renseignements. Ledit organisme ne peut donc pas déroger à cette disposition législative qui révèle un caractère impératif. En ce qui a trait à la demande d’accès datée du 21 février 2000 relative à deux rapports d’événement sur laquelle les parties me demandent de statuer, je prends note des explications détaillées qui ont été fournies de part et d'autre à l’audience sur ce sujet. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision;
01 10 09 - 10 -CONSTATE que l’organisme a déjà apporté la rectification au dossier qu’il détient au nom du demandeur et que la mention « PSU 2 » a été retranchée dudit dossier, et ce, après la demande de révision auprès de la Commission; DÉCLARE que le demandeur ne peut pas connaître le nom et les coordonnées de l'avocat de son ex-épouse; et REJETTE, quant au reste, la demande de révision du demandeur. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 23 avril 2002 M e Caroline Brisebois Procureure de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.