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00 10 03 X Demandeur c. RÉGIE DE L'ASSURANCE MALADIE DU QUÉBEC (RAMQ) Organisme LA DEMANDE M. X (le demandeur) demande accès à son dossier denquête auprès de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) le 2 avril 2000. Le responsable de laccès lui écrit en date du 27 avril 2000, lui refusant l'accès pour les raisons suivantes : « J'ai le regret de vous informer que le rapport d'enquête comme tel n'est pas accessible pour plusieurs motifs. En effet, ce document contient des renseignements nominatifs, c'est-à-dire des renseignements qui concernent des personnes physiques et permettent de les identifier et ces renseignements ont été obtenus pour l'exécution de la Loi sur l'assurance maladie (L.R.Q., chapitre A-29). De tels renseignements sont confidentiels en vertu des articles 53 et 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements personnels (L.R.Q., chapitre A-2.1, ci-après "Loi sur l'accès") et de l'article 63 de la Loi sur l'assurance maladie. De plus, l'article 28, paragraphes troisième et cinquième de la Loi sur l'accès prévoient qu'un organisme public, telle la Régie, doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou de réprimer le crime ou les infractions aux lois lorsque sa divulgation serait susceptible de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois et enfin susceptible de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet. À l'appui de son refus de communiquer le rapport d'enquête, la Régie invoque également l'article 37 de la Loi sur l'accès, lequel lui permet de refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits depuis moins de dix ans par un membre de son personnel dans l'exercice de ses fonctions.
00 10 03 2 Finalement, compte tenu de l'article 14 de la Loi sur l'accès, la Régie n'a d'autre choix que celui de refuser l'accès au rapport d'enquête étant donné que celui-ci comporte, en substance, des renseignements ne pouvant être communiqués. » Le demandeur fait une demande de révision à la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) le 12 mai 2000. Une audience a lieu à la Ville de Gatineau, le 21 janvier 2002. LAUDIENCE La version du demandeur Le demandeur explique quil a besoin dobtenir toute linformation contenue dans le dossier d'enquête qui a été faite par la RAMQ, car il croit que cette enquête est allée beaucoup plus loin quune vérification dadresse. Cette information lui permettra de se défendre dans les procédures judiciaires qui sont pendantes contre lui. Il croit quà cause de cette enquête, il ne peut avoir ce quil qualifie de « code de sécurité » du gouvernement fédéral auprès de qui il cherche un emploi. Par ailleurs, il croit connaître personnellement toutes les personnes impliquées dans lenquête dont certaines, selon lui, seraient des membres de sa famille. Il ny a aucune raison de lui cacher cette information, dit-il. La version de lorganisme La RAMQ dit avoir retenu de laccès deux documents, soit un rapport denquête et un résumé de son dossier. Le procureur de l'organisme fait valoir quen vertu des articles 37,53 et 88 et 171 (2) de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (Loi sur l'accès) et larticle 63 de la Loi sur 1 L.R.Q. c. A-2.1.
00 10 03 3 l'assurance maladie du Québec 2 , des extraits de lenquête ne doivent pas être révélés. Toutefois, la RAMQ modifie, lors de l'audience, sa position originale, exprimée initialement dans la réponse du responsable daccès de lorganisme du 27 avril 2000 pour admettre dorénavant que certaines parties du rapport sont dorénavant accessibles. M. Gérald Parizeau, enquêteur à la RAMQ, témoigne à huis clos. Il explique quil a la tâche, en tant quenquêteur de la RAMQ, de vérifier si les adresses des personnes assurées ont été modifiées de sorte que leur éligibilité pourrait en être affectée. Il explique que son enquête, dans le présent dossier, avait pour but de vérifier si le demandeur avait déménagé en Ontario. À cette fin, il a parlé avec plusieurs personnes et obtenu des documents contenant des renseignements nominatifs. À la fin de son enquête, il a fait une recommandation qui a été entérinée par son supérieur hiérarchique. Son rapport comporte des documents provenant de tiers ainsi que ses notes personnelles. La RAMQ dépose, sous pli confidentiel, deux documents, soit le résumé du dossier du demandeur (pièce 0-1) et le rapport d'enquête accompagné d'une série de pièces justificatives (pièce 0-2). Le procureur de la RAMQ admet l'accessibilité d'une bonne partie du rapport d'enquête faite au sujet du demandeur, en application de l'article 14 de la Loi sur l'accès et indique à la Commission, séance tenante, ces parties, lesquelles contiennent plusieurs pages. Il retire aussi l'argument de la RAMQ basé sur l'article 28, suivant ainsi la conclusion de la Cour du Québec dans Procureur général du Québec c. Beaulieu 3 , laquelle énonce le principe qu'un enquêteur d'un organisme à vocation sociale n'est pas une personne chargée de réprimer le crime au sens de l'article 28 de la Loi sur l'accès. 2 L.R.Q., c. A-29. 3 [1993] R.J.Q. 1252.
00 10 03 4 En faisant référence aux documents joints au rapport, le procureur plaide que les articles 53 et 88 de la Loi sur l'accès et l'article 63 de la Loi sur l'assurance maladie du Québec empêchent la RAMQ de donner accès non seulement aux renseignements personnels concernant des tiers, quelle que soit leur identité, mais aussi de donner toute information en provenance d'un tiers. La recommandation finale de l'enquêteur concernant le demandeur est accessible, car elle est entérinée par la contre-signature du supérieur hiérarchique la transformant ainsi en décision. Quant aux différents documents joints, le procureur fait valoir qu'ils comportent des informations sur des tiers et doivent être inaccessibles en totalité. LA DÉCISION Loi sur l'assurance maladie du Québec, 63. Les membres, les fonctionnaires et les employés de la Régie, de même que les membres et les employés d'un comité de révision constitué en vertu de l'article 41 et d'un conseil d'arbitrage visé à l'article 54 ne doivent pas révéler, autrement que suivant l'article 308 du Code de procédure civile, un renseignement obtenu pour l'exécution de la présente loi. Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements personnels (Loi sur l'accès), 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont
00 10 03 5 visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4° de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre: 1° l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels; 2° la protection des renseignements personnels ni l'exercice du droit d'accès d'une personne à un renseignement nominatif la concernant, résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1er octobre 1982. 3° la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication. La présente demande pose la question de l'interaction entre la Loi sur l'accès, loi d'application générale et loi prépondérante, et les dispositions spécifiques d'une législation sectorielle particulière. Il nous convie plus précisément à examiner la portée de l'article 63 de la Loi sur l'assurance maladie du Québec et l'obligation de protection de renseignements personnels qui incombe à la RAMQ par rapport à une demande d'accès d'une personne aux renseignements contenus à son dossier. Pour ce faire, il faut se référer à l'article 171. On dit, de l'article 171, qu'il s'agit : « […] d'un des articles les plus important de la loi puisqu'il permet la survie des dispositions législatives qui vont à l'encontre de la Loi sur l'accès lorsqu'elles ont pour objet de donner un plus grand droit d'accès ou d'offrir une plus grande protection des renseignements personnels 4 . » Parmi les exemples cités, figure celui du secteur de la santé : 4 André OUIMET, « L'accès aux documents administratifs et aux renseignements personnels : un éventail de droits », Communication présentée dans le cadre de la formation permanente, Barreau du Québec, 19 avril 2001, p. 10.
00 10 03 6 « Bien avant l'entrée en vigueur de la Loi sur l'accès, d'autres lois offraient au citoyen une protection de renseignements personnels. C'est le cas par exemple de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. L'état assurait à ses usagers du système de santé la confidentialité du dossier de santé. C'est aussi le cas de la Loi sur l'assurance maladie et de la Loi sur la protection de la santé publique qui, toutes deux, contiennent une disposition visant une plus grande protection de renseignements personnels : 63. Les membres, les fonctionnaires et les employés de la Régie, de même que les membres et les employés d'un comité de révision constitué en vertu de l'article 41 et d'un conseil d'arbitrage visé à l'article 54 ne doivent pas révéler, autrement que suivant l'article 308 du Code de procédure civile, un renseignement obtenu pour l'exécution de la présente loi. 7. Un renseignement permettant d'identifier une personne dont le nom apparaît à une déclaration faite en vertu des articles 5 ou 6 ne peut être divulgué qu'à cette personne; la présente disposition a priorité sur toute autre disposition d'une loi générale ou spéciale. Encore , le législateur n'a pas voulu amoindrir les droits déjà conférés au citoyen et a permis en conséquence que différentes lois protègent encore mieux les renseignements personnels que ne le ferait la Loi sur l'accès. Cela est particulièrement vrai pour des renseignements qu'on pourrait qualifier de «sensibles». Dans ces cas, les renseignements personnels ne peuvent être communiqués qu'avec le consentement de la personne concernée ou que dans le cadre de la loi particulière. Le régime général de communication de renseignements personnels prévu à la Loi sur l'accès (article 59) n'y est pas applicable 5 . » La dialectique qui existe dans la législation et dans la pratique, entre les droits d'accès et la protection de renseignements personnels, existe souvent dans les situations de fait impliquant les renseignements sur les tiers qui pourraient être rendus accessibles en répondant à une demande d'accès. Le conflit entre le droit d'accès d'une personne et les autres exceptions à la divulgation pouvant être invoquées par un organisme, telles les décisions administratives ou politiques, nous réfère à d'autres débats qui relèvent de la politique législative plutôt que du droit à la vie privée : « Dans une perspective réaliste, la Loi sur l'accès tempère donc le droit des citoyens à l'information en l'assortissant d'exceptions facultatives ou impératives. Dans la plupart des cas, l'organisme 5 Ibid, note 4, p. 12.
00 10 03 7 public se voit accorder, à certaines conditions strictement libellées, la faculté de ne pas divulguer des renseignements ou documents. Exceptionnellement, l'organisme doit obligatoirement en assurer la confidentialité. Ces restrictions sont réparties dans la loi en six grandes catégories : les renseignements ayant des incidences sur les relations intergouvernementales, sur les négociations entre organismes publics, sur l'économie, sur l'administration de la justice et la sécurité publique, sur les décisions administratives ou politiques et sur la vérification 6 . » À la lecture de l'article 63 de la Loi sur l'assurance maladie du Québec, on note que le législateur n'a pas cru approprié d'exempter cette disposition de la portée de l'application de la Loi sur l'accès, comme il l'a fait expressément pour le premier alinéa de l'article 64 qui, cependant, ne s'applique qu'aux personnes ayant reçu ou fourni un service assuré par la RAMQ. L'article 63 n'a pour fonction, à mon avis, que d'imposer un code de confidentialité à ceux ou celles qui doivent prendre connaissance des informations possiblement très sensibles, dont a besoin la RAMQ pour s'acquitter de sa fonction d'assureur du système public des soins de santé au Québec. Il s'applique, en général, à tous les renseignements obtenus par un grand nombre de personnes qui agissent au nom de la RAMQ. Précédant la mise en vigueur de la Loi sur l'accès, l'article 63 de la Loi sur l'assurance maladie du Québec établit une plus grande confidentialité entourant les informations en général. En effet, le terme « renseignement » n'est qualifié ni par l'adjectif personnel ni par l'adjectif nominatif. Toutefois, le procureur de la RAMQ n'a pas avancé l'argument que l'article 63 ne pourrait avoir l'effet de limiter de droit d'accès d'une personne à son dossier personnel à moins que la situation ne soit visée par l'article suivant, c'est-à-dire qu'elle se situe à l'intérieur du cadre des services assurés fournis ou reçus par la RAMQ. La jurisprudence reconnaît 6 Ibid note 4, p. 8.
00 10 03 8 que l'article 63 et la règle de confidentialité qui s'y trouve n'ont pas pour effet de nier le principe du droit d'accès d'une personne aux renseignements la concernant 7 . Dans le cas présent, il s'agit d'une enquête sur l'admissibilité d'une personne aux services de la RAMQ, une action administrative qui se situe en dehors du champ des services effectivement reçus. Les restrictions contenues à l'article 64 de la Loi sur l'assurance maladie du Québec ne s'appliquent pas 8 . Monsieur a donc, en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'accès, un droit d'accès aux renseignements qui le concernent personnellement et qui ont été recueillis à son sujet par l'enquêteur de la RAMQ. Toutefois, ce droit est tempéré par le droit des tiers qui peuvent avoir joué un rôle dans la constitution du rapport ou même être visé par sa conclusion. Ces tiers ont le droit de préserver le caractère confidentiel des renseignements personnels qui les concernent, en vertu de l'article 88 de la Loi sur l'accès. En examinant les documents soumis sous pli confidentiel, je viens à la conclusion que : - le rapport d'intervention bénéficiaire (0-1) n'est pas accessible en vertu des articles 88 et 15. En effet, il est truffé de renseignements personnels et le style de rédaction du document ne permet pas d'en extraire des renseignements accessibles. - le rapport d'enquête est partiellement accessible. Les parties accessibles sont : - à la première page : - le numéro de dossier - la date - l'endroit - l'objet - le numéro de matricule du demandeur seulement 7 Deshaies c. Régie de l'assurance-maladie du Québec, [1985] C.A.I. 250. 8 Paquette c. Régie de l'assurance-maladie du Québec,C.A.I. Montréal, n o 00 12 97, 2 avril 2001, c. Laporte et Lemieux Kozlowsky c. Régie de l'assurance-maladie du Québec, C.A.I. Montréal n o 95 18 73, 28 mars 1996, c. Laporte.
00 10 03 9 - à la deuxième page: - tout est accessible, à l'exception des paragraphes suivants : - le premier paragraphe qui commence par les mots « Comme monsieur...» - le cinquième paragraphe qui commence par les mots « Il me confirme » - le neuvième paragraphe qui commence par les mots « La même journée ... » - le douzième paragraphe qui commence par les mots « Le 2000 » - le treizième paragraphe qui commence par les mots « Monsieur » - le quatorzième paragraphe qui commence par le mot « D'ailleurs » - à la troisième page - le deuxième paragraphe qui commence par les mots « pour ce qui ». En ce qui concerne les documents joints au rapport 0-2, je les ai examinés et j'en viens à la conclusion suivante. Le premier document, une photocopie de la carte d'assurance maladie du demandeur, sectionnée en deux morceaux, est accessible. Les deuxième et troisième documents, sont des extraits d'un rôle d'évaluation foncière. Bien qu'il s'agisse de documents ayant un caractère public, ils ne sont pas accessibles parce qu'ils révéleraient l'identité de tiers impliqués par la présente enquête. Ils sont inaccessibles en vertu de l'article 88. Les quatrième et cinquième documents sont des extraits d'une recherche sur Internet. Ils sont accessibles, après avoir masqué, sur chacun, le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de la personne qui a été l'objet de la recherche. Ces renseignements apparaissent à plusieurs endroits. Les sixième et septième documents concernent d'autres personnes que le demandeur. Les articles 59 et 14 s'appliquent ici et ils sont inaccessibles.
00 10 03 10 Le huitième document est un subpoena. Il est partiellement accessible. L'organisme doit masquer les renseignements nominatifs portant sur d'autres personnes physiques que le demandeur et l'employé dans l'exercice de ses fonctions (articles 57(2) et 88). Il doit aussi masquer la mention des documents à apporter parce que le titre du document révèle des renseignements nominatifs sur des tiers. Les neuvième et dixième documents sont des notes manuscrites de l'enquêteur et sont truffés de renseignements nominatifs. Ils sont inaccessibles en vertu de l'article 88. POUR CES MOTIFS, la Commission : ACCUEILLE partiellement la demande de révision; ORDONNE à la RAMQ de rendre accessible le rapport d'enquête en soustrayant les parties indiquées ci-dessus. Montréal, le 9 avril 2002 JENNIFER STODDART Commissaire M e Denis Semco Procureur de l'organisme
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