00 15 43 MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ci après appelé l’ « organisme requérant » ou l’ « organisme » c. BERGERON, Jean-Claude ci-après appelé le « demandeur d’accès » Le 16 août 2000, le demandeur d’accès s’adresse à l’organisme afin d’obtenir copie de toutes les ententes et ou contrat de délation (repenti) conclus par le ministère de la Justice et l’organisme ayant été déposés devant les tribunaux du Québec depuis 1990. Le 22 août 2000, la responsable de l’accès de l’organisme (la responsable) demande à la Commission d’accès à l’information (la Commission) d’autoriser l’organisme à ne pas tenir compte de cette demande en invoquant l’article 126 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. Les parties sont convoquées à une audience devant se tenir conjointement avec une autre audience en vertu de la même disposition de la Loi, relative aux mêmes documents mais concernant un autre demandeur (dossier 00 15 62). L’audience commune débute le 22 mai 2001. Avec l’accord des parties, la Commission scinde 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
00 15 43 -2-l’audition des deux causes considérant les difficultés d’ordre technique et juridique insurmontables spécifiques à ces dossiers. L’audition de la présente demande de révision se termine le 29 novembre 2001. Le 6 décembre 2001, les documents en litige ont été produits sous pli confidentiel à la Commission, à la demande de cette dernière. Il s’agit des mêmes documents dans les deux dossiers. Le délibéré dans les deux dossiers a donc débuté le 6 décembre 2001. L’AUDIENCE LA PREUVE Monsieur André Marois, le responsable actuellement en fonction pour l’organisme déclare que la requête de l’organisme est fondée sur le deuxième alinéa de l’article 126. Il déclare que c’est M e Monique Gauthier, la responsable en fonction à l’époque de la réception de la demande d’accès en cause, qui a reçu et traité la demande d’accès en cause. Monsieur Marois déclare que l’organisme ne tient pas de statistiques ni de renseignements sur l’utilisation judiciaire des contrats de repenti qu’il a à administrer. L’organisme détient tous ces contrats soit par sa Direction générale des services correctionnels, Direction programmes et soutiens réseau, si cette direction est impliquée, soit par la Direction des affaires policières, si le repenti n’a pas reçu de sentence. En contre-interrogatoire, le témoin Marois répète que l’organisme ne fait pas de suivi de ces ententes quant à leur dépôt devant les tribunaux. Il admet cependant que la Direction des services correctionnels détient et gère les contrats des repentis qui sont incarcérés et ne détient pas les contrats de ceux qui ne le sont pas. Il admet aussi que les contrats des repentis qui ne sont pas incarcérés ou qui n’ont pas reçu de sentence ne sont pas déposés devant les tribunaux. Il précise que, ce que l’organisme sait, au départ, c’est que l’individu qui signe une telle entente fait ou fera l’objet d’accusations pour lesquelles il a décidé d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité.
00 15 43 -3-L’organisme dépose, sous la cote O-1, une copie du Rapport sur l’utilisation des témoins repentis en 1998 préparé en juin 2000 par le ministère de la Justice et l’organisme. Ce document est utile pour comprendre le contexte dans lequel ces contrats sont conclus par l’organisme et utilisés. Il contient en annexe un contrat-type. Avec l’accord du demandeur, l’organisme dépose sous la cote O-2, à titre d’exemple du type de contrat recherché, le contrat de repenti qui lie le demandeur, le Procureur général, l’organisme et le Service de police de la communauté urbaine de Montréal. Ce contrat O-2 illustre le type de renseignements qui se retrouvent dans la plupart des contrats demandés : il y a, entre autres, des informations personnelles sur l’individu repenti, des informations sur lui-même et d’autres individus. Le demandeur, de son côté, vient expliquer le but de sa demande. Il ajoute qu’il ne veut pas obtenir les renseignements personnels concernant la famille et les proches des repentis. Il ne veut avoir accès qu’aux conditions de ces contrats qui s’appliquent aux repentis. Il rappelle qu’il ne veut pas obtenir les contrats de ceux qui n’ont pas été incarcérés ou qui n’ont pas reçu de sentence. Il ne veut que les contrats de repenti qui ont été déposés en cour et accepte qu’on élague les renseignements concernant la famille et les proches des repentis. LES ARGUMENTS L’avocat de l’organisme attire l’attention de la Commission sur les vertus de la publicité données à ces contrats mais aussi sur les mises en garde à ce propos que souligne le Rapport O-1 en ses pages 5 et 6. Il réfère également la Commission à une ordonnance, dont il dépose copie, de mise sous scellé d’une entente semblable rendue par le juge Jean-Claude Beaulieu de la Cour supérieure du district de Québec, chambre criminelle, le 5 avril 2001 dans la cause 410-01-007876-005. L’avocat de l’organisme rappelle que preuve est faite que l’organisme ne connaît pas les décisions des juges des procès quant à la sauvegarde de la confidentialité de tout ou de partie de ces contrats. Il soutient que preuve est faite que l’organisme ne
00 15 43 -4-recense pas les contrats déposés en cour sans restriction de publication, donc à contenu entièrement public. L’avocat de l’organisme prétend qu’il a été établi que tout ou partie de ces contrats peut bénéficier d’une restriction de publication décrétée par le juge du procès; il conclut que les renseignements contenus dans ces contrats déposés en Cour ne sont pas nécessairement tous revêtus d’un caractère public. Il argue ensuite que les contrats demandés contiennent un très grand nombre de renseignements personnels sur des tiers par rapport au demandeur d’accès. L’organisme fait aussi valoir que les fins pour lesquelles sont cueillis et conservés ces renseignements diffèrent totalement des fins que vise le demandeur en se les appropriant. Il estime que divulguer ces informations au demandeur aurait pour effet de modifier substantiellement la finalité de la cueillette de renseignements auprès du repenti lors de la conclusion du contrat 2 . L’avocat de l’organisme est d’avis que le fait de requérir une telle quantité de renseignements personnels ainsi que le fait de poursuivre une fin incompatible avec celle déclarée lors de la cueillette de ces renseignements font de la présente demande d’accès une demande qui n’est pas conforme à l’objet des dispositions de la Loi qui traitent de la protection des renseignements personnels (Chapitre III, articles 53 à 102.1) dont les articles 53, 54, 59, alinéa premier, 64 et 65. Le demandeur prétend que les renseignements qu’il demande sont du domaine public. Il souligne que la preuve a démontré que la Direction générale des services correctionnels de l’organisme était la seule, au sein de l’organisme, à détenir les contrats qu’il recherche, puisque cette Direction ne gère et ne conserve que les contrats des repentis qui sont incarcérés ou qui ont reçu une sentence. La preuve a révélé que seuls les repentis qui sont incarcérés ou qui ont reçu une sentence ont subi un procès, procès au cours desquels les contrats ont été nécessairement déposés. Le demandeur d’accès soutient donc que les contrats déposés devant les tribunaux et qu’il veut obtenir sont tous au même endroit et détenus dans une seule 2 Kavanaght, David c. Communauté urbaine de Montréal, CAI Montréal 97 01 95, 30 mai 1997, M e Michel Laporte, commissaire; Québec (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation) c. Services sanitaires Transvick, [1998] CAI 225, AZ-98151031, p.p. 13 et 14; Conseil scolaire de l’’Île de Montréal c. Directron Media, [1992] CAI 24, 26, 27, 28, 29.
00 15 43 -5-Direction. Il prétend que ces contrats sont tous revêtus d’un caractère public et qu’il y a droit. Il souligne qu’il ne veut finalement obtenir, de ces contrats, que les conditions rattachées aux repentis. Il ne s’oppose pas à ce que soit biffés les renseignements personnels concernant leur famille et leurs proches. DÉCISION La requête sous étude a pour objet d’obtenir l’autorisation de la Commission à ne pas tenir compte de la demande d’accès. Ce recours prévu par l’article 126 de la Loi existe indépendamment de tout autre moyen à la disposition de l’organisme. Il n’est donc pas pertinent d’examiner ici le bien-fondé des motifs de refus qui ont été soulevés par l’organisme si la Commission rejetait la présente requête (articles 1, 15, 28, 29, 53 et 88 de la Loi). La lecture des contrats déposés sous pli confidentiel et la preuve démontrent que ces contrats contiennent, en substance et en grand nombre, des renseignements personnels ne concernant aucunement le demandeur d’accès. Ils contiennent des renseignements concernant le repenti, sa famille et ses proches, d’autres personnes ayant commis des crimes, etc. La preuve me convainc que l’organisme détient les ententes conclues entre ce dernier, le Procureur général, les corps de police d’une part, et les repentis d’autre part. La preuve démontre que les contrats déposés devant les tribunaux sont tous détenus par la même Direction au sein de l’organisme, soit la Direction générale des services correctionnels. La lecture de ces contrats déposés, sous pli confidentiel, entre les mains de la Commission, du modèle en annexe au Rapport sur l’utilisation des témoins repentis en 1998 (O-2) et de l’entente impliquant le demandeur (O-1) révèle le rôle que l’organisme joue dans l’administration de ces contrats. Ce rôle est essentiellement administratif (versement de certaines allocations pour frais de subsistance ou autres, fourniture d’une nouvelle identité, support des coûts de relocalisation, etc.). L’organisme n’a donc pas à se préoccuper du volet judiciaire de ces ententes. Il est donc vraisemblable de conclure que l’organisme n’a nullement besoin de classer ces
00 15 43 -6-fichiers selon une méthode de classement qui tienne compte de l’utilisation judiciaire de ces contrats. La preuve démontre que certains de ces contrats qui sont déposés en Cour sont frappés d’un interdit total ou partiel de publication ou de divulgation par le juge du procès. La preuve me convainc que l’organisme ne fait pas la compilation des contrats de repenti qui, parmi ceux qu’il administre, sont déposés dans les procédures judiciaires, ni ne détient d’informations sur ceux qui, parmi ceux-là, sont frappés d’un interdit de publication, que cet interdit soit partiel ou total. Bien que la demande d’accès ne vise que les contrats déposés en Cour et que ceux-ci sont facilement repérables au sein de l’organisme, compte tenu du libellé de l’article 15 de la Loi, la Commission est d’avis que l’organisme n’est pas tenu de faire une analyse supplémentaire dans les dossiers des tribunaux, dossiers qu’il ne détient même pas, afin de départager les parties de ces contrats qui ont acquis un caractère public de celles qui sont frappées d’un interdit de publication : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. La seule façon pour l’organisme de traiter la demande d’accès serait de l’examiner en fonction de l’ensemble des contrats qu’il détient et ce, indépendamment de leur parcours judiciaire individuel, donc indépendamment du caractère public dont seraient revêtus certains renseignements qui en feraient partie. Une telle demande, dans le contexte où l’organisme est obligé de la traiter, vise donc une foule de renseignements nominatifs ne concernant nullement le demandeur. Une demande d’accès visant un si grand nombre de renseignements nominatifs concernant uniquement des tierces personnes physiques n’est pas conforme à l’objet des dispositions de la Loi qui traitent de la protection des renseignements personnels (articles 53 à 102.1 de la Loi). Le demandeur a modifié sa demande d’accès en déclarant en audience qu’il ne s’intéressait plus qu’aux noms des repentis et aux conditions du contrat qui les concernent. Or, au départ, la demande telle que formulée visait tout le contenu des ententes déposées en Cour. La responsable s’est adressée à la Commission pour se
00 15 43 -7-faire dispenser de répondre à cette demande originale-là. La Commission doit se prononcer sur le bien-fondé de la requête au moment où celle-ci est formulée, et la dispense doit viser la demande d’accès telle que formulée. La Commission ne peut tenir compte de faits postérieurs à la requête (réduction de la demande d’accès lors de l’audience) dans son appréciation du bien-fondé de cette requête. Rejeter la présente requête en autorisant le demandeur à réduire sa demande d’accès équivaudrait à scinder cette demande d’accès et imposer une situation de compromis, donc à exercer un pouvoir que la Loi ne confère pas explicitement à la Commission. Trois juges de la Cour du Québec dans l’arrêt Winters 3 lui a interdit ce procédé : En rendant cette ordonnance, l[a Commission] se trouve à ajouter à la loi une obligation que cette dernière ne comporte pas. Elle se substitue au législateur. Or l[a Commission] n’a aucun pouvoir d’injonction et ne peut prononcer que les ordonnances que la loi habilitante lui permet effectivement et explicitement de prononcer. Elle ne peut prétendre s’autoriser d’un tel pouvoir que lui conférerait l’article 126. Cet article ne donne à l[a Commission] ni explicitement ni implicitement le pouvoir d’imposer aux parties une telle solution de compromis. Le Tribunal déclare donc ultra vires l’ordonnance émise par l[a Commission] dans les conclusions de sa décision. (Les inscriptions entre parenthèses sont de la soussignée) POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission, ACCUEILLE la requête de l’organisme ; et AUTORISE ce dernier à ne pas tenir compte de la demande d’accès du 16 août 2000. Québec, le 4 avril 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Alain Loubier 3 Ville de Montréal c. Winters, [1991] CAI 359, 363.
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