00 16 95 L'OBJET DU LITIGE Le 5 août 2000, la demanderesse s’adresse à l’organisme afin d’obtenir une copie complète de son témoignage enregistré qu’elle a tenu devant le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens relatif à une décision prise par un médecin à son égard. Elle demande également une copie du témoignage enregistré de deux autres personnes, dont les audiences devant ledit Conseil ont été tenues les 17 novembre et 14 décembre 1999. Le 29 septembre 2000, l’organisme lui refuse l’accès en vertu de l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux Le 13 octobre suivant, la demanderesse sollicite l'intervention de la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) pour réviser cette décision. 1 L.R.Q., c. S-4.2.LISE BREAULT Demanderesse c. CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL DE LANAUDIÈRE Organisme public 1 (la L.S.S.S.S.).
00 16 95 - 2 -Le 24 janvier 2002, l’audience se tient au Palais de justice de Joliette en présence des parties. L’AUDIENCE L’avocat de l’organisme est accompagné de M me Pierrette Nadeau, qui m’informe, sous serment, être responsable des archives depuis 30 ans. LA PREUVE L’avocat m’avise qu’il a l’intention de soumettre les motifs de droit sur lesquels l’organisme s’appuie pour refuser à la demanderesse les renseignements demandés. La demanderesse, pour sa part, témoigne sous serment qu’en 1999, elle avait des tendances suicidaires. Elle a donc rencontré un médecin chez l’organisme afin d’obtenir les soins requis. Elle prétend que ce médecin ne lui a pas prodigué les soins auxquels elle avait droit et aurait tenu des propos inappropriés à son égard. Insatisfaite du diagnostic du médecin, la demanderesse porte plainte contre celui-ci auprès du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP). Elle ajoute que deux autres personnes se trouvaient dans une situation analogue à la sienne. Elle désire également obtenir une copie des témoignages enregistrés de ces deux personnes devant le CMDP les 17 novembre et 14 décembre 1999. La demanderesse se dit convaincue que l’organisme a autorisé le CMDP à permettre au médecin de prendre connaissance de son témoignage enregistré ainsi que celui des deux autres personnes. Elle considère que ledit organisme a
00 16 95 - 3 -agi de façon injuste à son égard en lui refusant l’accès. De plus, elle veut obtenir une copie du témoignage enregistré du médecin afin de connaître sa version quant aux allégations contenues dans la plainte qu’elle avait déposée contre lui. ARGUMENTATION L’avocat explique le fonctionnement du CMDP, dont le mandat consiste à vérifier notamment si les plaintes portées à l’encontre d’un médecin sont fondées ou non. Il soutient qu’aucun médecin n’a accès aux témoignages enregistrés. Cependant, dans le but d’agir équitablement, un médecin a le droit de connaître les motifs pour lesquels une plainte est déposée contre lui, afin d’être en mesure de se défendre. Le CMDP ne relève pas de l’organisme. Il plaide que ni la demanderesse ni le médecin n’ont accès aux témoignages enregistrés de l’un et de l’autre. Il cite à cet effet l’arrêt Roy c. Centre hospitalier Jeffery Hale 2 : « […] La Commission estime que l’article 114 vise les dossiers qui sont le propre du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Elle estime que les documents visés par cette notion sont soit des documents produits par le Conseil, soit des documents générés, commandés ou obtenus par celui-ci dans le cadre de l’exécution de ses mandats. […] » L’avocat indique que « Le principe général de la Loi sur l’accès à l’information est la divulgation des documents, mais il est essentiel d’examiner les restrictions contenues à l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux dans le cadre de la demande d’accès pour comprendre le refus de l’organisme » : 218. Malgré la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, les dossiers et procès-verbaux du conseil des 2 [1987] C.A.I. 419.
00 16 95 - 4 -médecins, dentistes et pharmaciens et de chacun de ses comités sont confidentiels. Nul ne peut connaissance des procès-verbaux d’un comité du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens sauf les membres du comité, les membres du comité exécutif du conseil, le Tribunal administratif du Québec ou les représentants d’un ordre professionnel dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la loi. Nul ne peut prendre connaissance des procès-verbaux du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens sauf les membres du conseil et ceux du comité exécutif de ce conseil, le Tribunal administratif du Québec ou les représentants d’un ordre professionnel dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la loi. Traitant des restrictions prévues à cet article, l’avocat cite un extrait de la L.S.S.S.S. en ces termes : « La confidentialité prévue à cet article a un caractère péremptoire et ne donne ouverture à aucun pouvoir discrétionnaire même d’un tribunal. » Il souligne que l’organisme ne peut pas acquiescer à la demande de la demanderesse, tant pour elle-même que pour les deux autres personnes. « C’est tout le processus de la confidentialité qui doit être respecté. » Il cite un extrait de l’arrêt Gomez c. Michaud 3 ainsi qu’une section des conclusions, où le juge indique : « […] en application de l’article 218 de la loi, il est interdit au CHUQ, à ses préposés et à ses instances de divulguer tout élément de l’enquête, du dossier ou d’un rapport concernant les plaintes des usagers, sauf dans les cas qui y sont prévus. […] DÉCLARE que, suivant l’article 218 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ledit Centre, ses préposés et instances sont interdits de divulguer tout élément de l’enquête, du dossier ou d’un rapport concernant les plaintes des usagers, sauf aux organes qu’indique ladite loi. 3 C.S. Québec, n o 200-05-011466-997, 23 février 2000, j. Rioux.
00 16 95 - 5 -Dans un autre arrêt Tambourgi c. Hôtel-Dieu de Roberval 4 , on peut y lire : « […] Les dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux décrètent la confidentialité absolue des documents allégués par le demandeur. Le législateur a voulu garder confidentiels les dossiers dans lesquels on discute de la compétence et du comportement d’un médecin. […] » L’avocat indique que la jurisprudence traitant des restrictions prévues à l’article 218 de la L.S.S.S.S. n’accorde aucune discrétion à un organisme, « à savoir si un document doit être remis à quelqu’un ou non. L’organisme est tenu par cet article, c’est une confidentialité absolue. » C’est le motif pour lequel l’organisme ne peut pas communiquer à la demanderesse une copie des témoignages enregistrés. DÉCISION La demanderesse n’accepte pas les réponses de l’organisme qui lui refuse toujours l’accès à son témoignage enregistré auprès du CMDP, à celui de deux autres personnes et à celui du médecin contre qui elle a porté plainte, et ce, en vertu des dispositions législatives prévues à l’article 218 de la L.S.S.S.S. mentionné plus haut. Les efforts déployés par la demanderesse pour avoir accès audit enregistrement sont compréhensibles; elle fait tout son possible pour obtenir une réponse positive de l’organisme. Les motifs invoqués par la demanderesse pour avoir accès à son témoignage enregistré, à celui de deux autres personnes ainsi qu’à celui du médecin ne sont pas prévus dans cette loi. 4 C.S. Roberval, n o 155-05-000090-960, 29 août 1997, j. Duchesne.
00 16 95 - 6 La preuve me convainc que l’établissement hospitalier ne peut pas déroger aux dispositions prévues à l’article 218 de la L.S.S.S.S. Cet article traite non seulement d’une confidentialité absolue, mais également des restrictions que je considère d’ordre impératif. La jurisprudence à laquelle l’avocat me réfère et à laquelle je souscris abonde dans le même sens. En conséquence, la demanderesse ne peut pas obtenir copie de son témoignage enregistré ni de celui des deux autres personnes ni de celui du médecin pour les motifs ci-dessus énoncés. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 3 avril 2002 M e Michel Bélair Procureur de l’organisme
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