Dossier: 01 03 22 HOUDE, Jean-François Demandeur c. VILLE DE GASPÉ Organisme GROUPE BERLETIN Tiers ________________________________________________________________________ DÉCISION ________________________________________________________________________ Le 10 janvier 2001, le demandeur s’adresse au responsable de l’accès aux documents de l’organisme afin d’obtenir copie : • « des documents administratifs et de correspondance du dossier de l’implantation future d’un magasin à grande surface (que vous avez désigné comme étant Canadian Tire le 4 décembre 2000) près du pont de Gaspé, centre-ville; • les correspondances échangées entre la Ville de Gaspé et ses interlocuteurs privés ou publics dans ce dossier; • les rapports d’évaluation des coûts des travaux municipaux rendus nécessaires pour l’implantation du magasin à grande surface; • le ou les scénarios de financement du règlement d’emprunt correspondant; • les études d’impact sur les infrastructures d’égout et d’aqueduc dans le secteur projeté; • les mémos internes concernant ce projet; • les relevés d’appels téléphoniques des lignes du maire, du directeur général et de vous-même, de janvier à décembre 2000; • tout autre document afférent au dossier précité.
01 03 22 2 Le responsable donne au demandeur copie de certains documents. L’accès aux autres documents est refusé en vertu des articles 21, 22, 23, 24, 27, 37, 38, 39, 53 et 54 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Le 2 ième alinéa de l’article 9 de la même loi est également invoqué. Insatisfait, le demandeur requiert la révision de cette décision. Les parties sont entendues à Gaspé. Le tiers, formellement avisé par la Commission à plusieurs reprises, n’est pas présent. PREUVE : Le greffier et responsable de l’accès aux documents de l’organisme, monsieur Claude Gilbert, témoigne sous serment; il me remet tous les documents qui demeurent en litige et qu’il répartit en 6 catégories : • correspondance émanant de l’organisme; • correspondance émanant de tiers non reliés au projet; • correspondance émanant de tiers reliés au projet; • plans; • notes personnelles, brouillons; • relevés téléphoniques. 1. Correspondance émanant de l’organisme : L’accès à la lettre du 1 er novembre 1999, émanant du directeur général de l’organisme, est refusé en vertu des articles 21, 22 et 27 de la Loi sur l’accès; aucune preuve concluante 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 03 22 3 n’est cependant présentée relativement à l’application de ces articles au contenu de ce document; cette lettre est donc accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès, exception faite, vu l’article 53 de la même loi, du nom et des coordonnées de son destinataire : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. L’accès à la lettre du 15 décembre 1999, émanant du directeur général de l’organisme, est refusé en vertu des articles 21, 22 et 27 de la Loi sur l’accès; aucune preuve concluante n’est cependant présentée relativement à l’application de ces articles au contenu de ce document; cette lettre, avec le plan qui l’accompagne, est accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès, exception faite, vu l’article 53 de la même loi, du nom et des coordonnées de son destinataire ainsi que du 3 ième paragraphe. L’accès à la lettre du 22 décembre 1999, émanant du directeur général de l’organisme, est refusé en vertu des articles 21, 22 et 27 de la Loi sur l’accès; aucune preuve concluante n’est cependant présentée relativement à l’application de ces articles au contenu de ce document; cette lettre est accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 de cette loi, exception faite du nom et des coordonnées de son destinataire ainsi que de son objet;
01 03 22 4 seuls les trois paragraphes de la lettre du 9 décembre 1999, à laquelle la première réfère, sont accessibles en vertu de l’article 9 précité. La « légende » est accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9; les renseignements concernant des personnes physiques ainsi que leurs coordonnées doivent cependant être masquées en vertu de l’article 53. L’accès à la lettre du 24 janvier 2000, émanant du directeur général de l’organisme, est refusé en vertu des articles 21, 22 et 27; cette lettre, avec le document qui y est annexé, est accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9, aucune preuve concluante relative à l’application de ces articles au contenu des documents n’ayant été présentée. Le nom ainsi que les coordonnées de son destinataire doivent être masqués en vertu de l’article 53 précité. Il en est de même en ce qui concerne la lettre du 2 février 2000 : tous les renseignements identifiant les destinataires doivent être masqués, le reste étant accessible. L’accès à la lettre du 4 février 2000, émanant du directeur général de l’organisme, est refusé en vertu des articles 21, 22 et 27; aucune preuve concluante n’est cependant présentée relativement à l’application de ces articles au document; cette lettre est donc accessible en vertu de l’article 9, étant entendu que le nom ainsi que les coordonnées de son destinataire de même que le nom de la personne à qui une copie conforme est transmise doivent être masqués en vertu de l’article 53 précité. Le traitement de la lettre du 6 mars doit être le même, vu l’absence de preuve concluante relative à l’application des articles 21, 22 et 27; le nom du destinataire, de même que ses coordonnées seront masqués.
01 03 22 5 La preuve présentée par monsieur Gilbert concernant l’avis apparaissant sur une page manuscrite me convainc de l’application de l’article 37; l’organisme peut refuser de communiquer cet avis; il en est de même des renseignements analytiques, de l’avis et de la recommandation inscrits sur la 2 ième page manuscrite; monsieur Gilbert a démontré l’application des articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite. Il en est de même du document du 29 mars 2000 : monsieur Gilbert a démontré que les articles 37 et 39 recevaient application; l’organisme pouvait refuser de les communiquer en vertu de ces articles. L’accès à la lettre du 15 août 2000, émanant du directeur général, est refusé en vertu des articles 21, 22 et 27; aucune preuve concluante n’est cependant présentée relativement à l’application de ces articles au contenu du document; le nom du destinataire de la lettre ainsi que ses coordonnées doivent être masqués en vertu de l’article 53. L’accès à une partie (dernier paragraphe) de la lettre du 25 octobre 2000 (incluant les documents annexés 1 et 4) a été refusé en vertu des articles 21, 22 et 27; aucune preuve concluante n’est cependant présentée au soutien de l’application de ces articles; la lettre ainsi que les documents annexés sont accessibles en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 précité, exception faite des renseignements nominatifs qui doivent être extraits.
01 03 22 6 L’accès à la lettre du 6 novembre 2000 a été refusé en vertu des articles 37 et 39 précités; la preuve démontre que le 1 er alinéa de l’article 37 s’applique et que le refus du responsable est fondé. L’accès à la lettre du 22 novembre 2000, transmettant l’avis ainsi que les recommandations du 6 novembre précédent, a été refusé en vertu de l’article 37; les renseignements constituant ce document n’ont rien d’un avis ou d’une recommandation; ce document est donc accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9. Monsieur Henri Bernier témoigne sous serment. Il a été, durant 25 ans et jusqu’à la fin du mois de mai 2001, directeur général de l’organisme; il reconnaît les documents qu’il a signés à ce titre et qui sont en litige. Il mentionne que le nom du promoteur du projet visé par la demande d’accès a été révélé par le maire de l’organisme, avant la demande d’accès, lors d’une séance publique tenue en octobre ou novembre 2000. Il explique que le projet avait été traité confidentiellement par l’organisme afin d’éviter la surenchère en ce qui concerne le prix des terrains disponibles. Il ajoute que ce projet était convoité par d’autres villes puisque le promoteur, Canadian Tire, avait annoncé vouloir s’établir en Gaspésie. Il indique également que l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation du projet ne s’est finalement pas faite. Madame Marie-Hélène Côté, directrice des services administratifs de l’organisme, témoigne sous serment.
01 03 22 7 Elle a, sur demande, transmis des copies de titres de propriété de l’organisme à une personne qui représentait un promoteur ainsi qu’un projet non identifiés. À son avis, la confidentialité des projets et des promoteurs est générale. Les documents transmis par l’organisme à cette personne sont également accessibles au demandeur en vertu du 1 er alinéa de l’article 9. 2. Correspondance émanant de tiers non reliés au projet : La lettre du 21 novembre 2000 a été fournie par un tiers; aucune preuve n’a été présentée au soutien du refus de la communiquer; cette lettre est accessible en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 précité, exception faite des renseignements nominatifs identifiant le tiers qui doivent tous être masqués en vertu de l’article 53. Il en est de même de la lettre du 28 novembre 2000 : les renseignements nominatifs, incluant le 2 ième paragraphe, doivent être masqués. 3. Correspondance émanant de tiers reliés au projet : Monsieur Bernier affirme que tous les promoteurs exigent la confidentialité afin de surprendre leurs compétiteurs; l’organisme garantit la confidentialité requise, tous les promoteurs refusant quelque accès que ce soit aux renseignements qu’ils fournissent. Il connaît l’existence d’autres projets qui ne sont pas portés à la connaissance du maire, les promoteurs exigeant la confidentialité la plus grande. Il signale que l’organisme a déjà divulgué le nom d’un promoteur et, conséquemment, perdu le projet. L’organisme, précise-t-il, considère surtout la confidentialité du promoteur.
01 03 22 8 Monsieur Henri Bernier reconnaît le nom du principal interlocuteur du promoteur avec lequel il échangeait des renseignements concernant le développement du projet. L’accès aux lettres du 22 octobre 1999 et du 17 mars 2000 est refusé en vertu des articles 21, 22, 23, 24 et 27; aucune preuve concluante ne suffit à démontrer l’application de ces articles; ces documents sont accessibles en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 précité, étant entendu que l’objet ainsi que tous les renseignements nominatifs concernant l’auteur du document doivent être masqués. Il en est de même des lettres du 20 mars 2000 et du 21 août 2000. L’accès aux lettres du 22 novembre 2000 a été refusé en vertu des articles 21, 23 et 24; la preuve démontre que l’article 24 s’applique et que le refus de l’organisme est fondé. 4. Plans : L’accès aux plans fournis par des tiers a été refusé en vertu des articles 21, 23, 24 et 27; la preuve présentée ne suffit pas à démontrer l’application de ces articles; ces plans sont accessibles en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 précité, ce, exception faite de tous les renseignements nominatifs qui doivent être masqués. 5. Notes personnelles, brouillons : Monsieur Bernier spécifie que ses notes personnelles ont été laissées au greffier de l’organisme avant de prendre sa retraite; il conservait ses notes comme aide-mémoire. J’ai pris connaissance de ces notes; il s’agit effectivement de notes personnelles et de
01 03 22 9 brouillons inscrits par le directeur général en marge des documents officiels qu’il écrivait et signait dans le cadre du projet immobilier. Les autres renseignements que le responsable qualifie de personnels ou de brouillons sont inscrits par un employé de l’organisme dans l’exercice de ses fonctions; ils sont expédiés à un interlocuteur externe, au nom de l’organisme. Ces renseignements n’ont rien de personnel, de brouillon ou de préparatoire; ils sont accessibles en vertu du 1 er alinéa de l’article 9 précité, avec les documents annexés, étant entendu que les renseignements nominatifs doivent en être extraits en vertu de l’article 53. 6. Relevés téléphoniques : Les relevés téléphoniques sont accessibles en vertu du 1 er alinéa de l’article 9; les noms des personnes ainsi que tous les numéros de téléphone doivent être extraits en vertu de l’article 53 de la Loi sur l’accès. DÉCISION : J’ai révisé la décision du responsable en ce qui a trait aux documents en litige qui existaient à la date de la demande d’accès. Je dois souligner que la preuve qui m’a été présentée par l’organisme ne m’a pas convaincue que la majorité des restrictions invoquées par le responsable étaient, à compter de la demande d’accès du 10 janvier 2001, applicables aux renseignements auxquels l’accès a été refusé.
01 03 22 10 Je comprends que les articles 21, 22, 23, 24 et 27 puissent être invoqués en vue d’assurer la concrétisation d’un projet. La preuve doit cependant démontrer que les renseignements en litige sont bel et bien visés par les restrictions qui sont invoquées à l’encontre d’une demande d’accès, ce, à compter du moment où cette demande est formulée. Cette preuve n’a généralement pas été faite. La preuve doit de plus convaincre la Commission que toutes les conditions d’application d’une restriction invoquée sont satisfaites. Cette preuve n’a généralement pas été faite. PAR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE partiellement la demande de révision; ORDONNE au responsable de communiquer au demandeur copie des documents accessibles dans la mesure déterminée plus haut; REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 2 avril 2002.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.