Dossier: 00 04 02 ________________________________________________________________________ DÉCISION ________________________________________________________________________ Le litige : L’organisme refuse de donner communication d’une lettre que lui a adressée le tiers le 26 janvier 2000. L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne l’article 23 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels La demanderesse requiert la révision de cette décision. Les parties sont entendues à Matane. PREUVE et ARGUMENTATION : Il est admis que la lettre en litige, considérée par l’organisme comme étant une mise en demeure, n’a pas été suivie de procédures judiciaires. 1 L.R.Q., c. C-12. 2 L.R.Q., c. A-2.1.GUIMOND, Marleine Demanderesse c. COMMISSION SCOLAIRE DES PHARES Organisme LES TRANSPORTS MITIS INC. Tiers 1 ainsi que 2 sont invoqués au soutien de ce refus.
00 04 02 Madame Suzie Pelletier, qui a traité la demande d’accès du 2 février 2000 en qualité de responsable de l’accès aux documents de l’organisme, témoigne sous serment. Madame Pelletier a refusé l’accès à cette lettre en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne parce que les discussions qui avaient eu lieu entre le tiers et son avocat y étaient apparemment inscrites. Elle a également appuyé sa décision sur l’article 23 de la Loi sur l’accès parce que la lettre a été communiquée par le tiers avec la mention « strictement confidentiel » et parce que des renseignements concernant d’autres tiers, notamment des personnes physiques, y étaient inscrits. L’avocate de l’organisme prétend que les confidences échangées entre le tiers et son avocat sont de nature confidentielle en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne et que ces confidences conservent leur nature confidentielle même si elles ont été communiquées par l’avocat du tiers à l’organisme. À son avis, la lettre en litige est une mise en demeure constituée de renseignements commerciaux de nature confidentielle, mise en demeure fournie par le tiers qui a exigé qu’elle soit traitée de façon strictement confidentielle par l’organisme. Elle soutient que les mises en demeure n’acquièrent un caractère public que lorsqu’elles sont suivies de procédures judiciaires. Elle soutient que le tiers ne consent toujours pas à la communication de la mise en demeure en litige et elle ajoute que l’organisme endosse toutes les observations écrites que l’avocat du tiers lui a fait parvenir après consultation, observations indiquant que :
00 04 02 • « Si nous avons cru opportun de transmettre notre lettre du 26 janvier 2000 avec la mention « strictement confidentiel » c’est parce que nous considérions que son contenu ne concernait que la Commission scolaire et notre cliente et que nous tenions à une divulgation restreinte aux personnes directement concernées par son contenu, à savoir les décideurs impliqués. • De plus, pour des raisons évidentes, à savoir le fait que cette lettre contient certains renseignements nominatifs et plusieurs informations de nature privée auxquelles il pourrait être possible d’apposer par la suite des noms, mais aussi parce qu’une interprétation erronée de son contenu pourrait avoir pour effet de causer injustement du tort à certaines personnes, notre cliente maintient que sa lettre devrait conserver le caractère « strictement confidentiel » qu’elle a voulu lui attribuer, soit un document adressé strictement aux décideurs concernés par son contenu. • Notre cliente tient également à mentionner que la lettre en question vous a été transmise « sous toutes réserves » et elle rappelle cette mention à votre attention. ». L’avocate soutient enfin que l’application de l’article 53 de la Loi sur l’accès s’ajoute à celle de l’article 23 de la même loi. L’avocat du tiers a pour sa part produit ses observations écrites auprès de la Commission et de l’organisme dès le 23 avril 2001; il en a transmis copie à la demanderesse le 26 avril suivant. Il rappelle que la lettre en litige a été adressée à l’organisme avec la mention « Strictement confidentiel », confidentialité que le tiers a volontairement attribuée au document et qu’il a voulu imposer aux décideurs concernés de l’organisme qui, de l’avis du tiers, sont les seuls qui avaient à en être informés.
00 04 02 L’avocat du tiers rappelle également que le document en litige comprend des renseignements nominatifs ainsi que plusieurs renseignements privés « auxquels il serait possible d’apposer des noms, sans compter qu’une interprétation erronée ou incorrecte de son contenu pourrait injustement causer des torts à des tiers. ». Il explique que ces raisons ont amené le tiers à adresser le document sous pli « strictement confidentiel » et « sous toutes réserves ». Il ajoute que le tiers se dégage de toute responsabilité pouvant découler de la diffusion totale ou partielle du document advenant une décision favorable à la demanderesse. La demanderesse mentionne qu’après avoir reçu la lettre en litige, le conseil de l’organisme a modifié la position qu’il avait adoptée concernant le tiers. À son avis, les renseignements constituant cette mise en demeure ne sont pas du type de ceux visés par l’article 23 de la Loi sur l’accès dont l’interprétation doit être restrictive : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. À son avis également, cette mise en demeure n’appartient pas au tiers puisqu’elle est adressée à l’organisme; elle n’est pas, non plus, traitée de façon confidentielle par le tiers puisqu’il l’a communiquée à l’organisme; elle n’est pas constituée de renseignements fournis par le tiers puisqu’elle traite des services fournis par le tiers en vertu d’un contrat conclu avec l’organisme. Selon la demanderesse, l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne ne peut être invoqué par l’organisme parce que celui-ci n’est pas partie à la communication
00 04 02 confidentielle intervenue entre le tiers et son avocat et parce que l’organisme ne peut plaider pour le tiers: 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel. Le secret professionnel, signale-t-elle, oblige l’avocat du tiers à la confidentialité, non pas l’organisme. Elle souligne que les mises en demeure, qui à son avis ne sont pas visées par l’article 23 précité, ne sont pas, non plus, protégées par le secret professionnel. Elle avance que la mention « sous toutes réserves » ne confère aucun caractère confidentiel à la mise en demeure en litige. Elle prétend enfin que le tiers a renoncé au caractère confidentiel des renseignements constituant la mise en demeure en litige en communiquant ce document à l’organisme. L’avocate de l’organisme rappelle que la responsable de l’accès aux documents de l’organisme doit, en vertu de la Loi sur l’accès, justifier la légalité de son refus; ce faisant, elle ne plaide pas pour le tiers, signale-t-elle. DÉCISION : J’ai pris connaissance du document en litige, constitué de 4 pages, dont copie m’a été transmise par l’organisme.
00 04 02 Ce document comprend les mentions « strictement confidentiel » et « sous toutes réserves » et il est spécifiquement adressé par l’avocat du tiers aux seuls membres de l’organisme ainsi qu’à la directrice générale de celui-ci. Il est de toute évidence constitué de faits particuliers très détaillés, nécessairement confiés par un représentant du tiers à son avocat, et de l’application, par cet avocat, du droit à ces faits particuliers. Il s’agit essentiellement d’une opinion juridique qui met en relief les droits du tiers et qui les oppose vigoureusement aux diverses obligations légales de l’organisme, ces droits et obligations légales étant appliqués aux faits particuliers que le représentant du tiers a personnellement confiés à son avocat afin que des mesures soient rapidement prises concernant les intérêts du tiers. Tout le contexte factuel, exprimé d’un point de vue personnel par le représentant du tiers, de même que les droits et obligations afférents y sont exposés et expliqués par l’avocat, à l’intention de l’organisme, en vue d’éviter un conflit impliquant plusieurs personnes. Je comprends que le tiers a consenti à ce que cette opinion juridique soit exclusivement communiquée aux décideurs de l’organisme. Je comprends que l’organisme a refusé de communiquer l’opinion juridique qui a amené ses membres à reprendre leurs délibérations et à modifier la décision que contestait le tiers. L’article 31 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels habilite un organisme public à refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l’application du droit à un cas particulier :
00 04 02 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. L’organisme a donc agi en toute légalité. Je ne saurais prétendre que toutes les mises en demeure sont constituées d’opinions juridiques. Je suis d’avis que la mise en demeure en litige l’est essentiellement. Je souligne que la nature confidentielle des opinions juridiques est consacrée par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne; les opinions juridiques fournies par un tiers qui en refuse la communication doivent demeurer confidentielles parce que l’article 31 précité comprend nécessairement l’article 9 de la Charte; les opinions juridiques préparées pour un organisme public peuvent, à la discrétion de celui-ci, être ou ne pas être communiquées. PAR CES MOTIFS, la Commission rejette la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 27 mars 2002. M e Cathy-Maude Croft, avocate de l’organisme; M e Louis-P Huot, avocat du tiers.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.