00 15 62 MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ci après appelé l’ « organisme » c. GUAY, Robert ci-après appelé le « demandeur d’accès » Le 17 août 2000, le demandeur d’accès s’adresse à l’organisme afin d’obtenir copie de toutes les ententes et ou contrats de délation (repenti) conclus par le ministère de la Justice et l’organisme ayant été déposés devant les tribunaux du Québec depuis 1990. Le 29 août 2000, la responsable de l’accès de l’organisme (la responsable) demande à la Commission d’accès à l’information (la Commission) d’autoriser l’organisme à ne pas tenir compte de cette demande en invoquant l’article 126 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. Les parties sont convoquées à une audience devant se tenir conjointement avec une autre audience en vertu de la même disposition de la Loi, relative aux mêmes documents mais concernant une demande d’accès formulée par un autre demandeur (dossier 00 15 43). L’audience commune débute le 22 mai 2001. Avec l’accord des 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ».
00 15 62 -2-parties, la Commission scinde l’audition des deux causes considérant des difficultés d’ordre technique et juridique insurmontables. À la requête du demandeur d’accès, le délibéré dans la présente cause est suspendu jusqu’à l’audition complète de la demande de révision numéro 00 15 43 qui s’est terminée, celle-là, le 29 novembre 2001. Le 6 décembre 2001, les documents en litige ont été produits sous pli confidentiel à la Commission, à la demande de cette dernière. Il s’agit des mêmes documents dans les deux dossiers. Le délibéré dans les deux dossiers a donc débuté le 6 décembre 2001. L’AUDIENCE LA PREUVE D’emblée, M e Alain Loubier, le responsable actuellement en fonction pour l’organisme déclare que la requête de l’organisme est fondée sur le deuxième alinéa de l’article 126. M e Monique Gauthier, la responsable en fonction à l’époque de la réception de la demande d’accès en cause, vient témoigner. C’est elle qui reçoit la demande d’accès en cause. Elle explique le processus suivi alors. Elle procède tout de suite à des vérifications pour connaître l’état des documents demandés. Dès cette vérification faite, elle invoque rapidement l’article 126 de la Loi et demande à la Commission de statuer sur sa requête. Elle déclare que l’organisme ne fait pas de suivi concernant l’utilisation judiciaire des contrats de repenti qu’il a à administrer. L’organisme ne fait pas la compilation des contrats de repenti qui, parmi ceux qu’il administre, sont déposés dans les procédures judiciaires, ni d’informations sur ceux qui, parmi ceux-là, sont frappés d’un interdit de publication, que cet interdit soit partiel ou total. Elle affirme que l’organisme ne connaît pas le nombre des contrats de repenti qui sont déposés en cour. Avec l’accord du demandeur, M e Gauthier dépose sous la cote O-1, à titre d’exemple du type de contrat recherché, le contrat de repenti qui lie le demandeur, le
00 15 62 -3-Procureur général, l’organisme et le Service de police de la communauté urbaine de Montréal. Elle déclare que ce contrat O-1 illustre le type de renseignements qui se retrouvent dans la plupart des contrats demandés : il y a, entre autres, des informations personnelles sur l’individu repenti, des informations que ce dernier a données sur lui-même et d’autres individus, les déclarations et annexes concernant d’autres personnes physiques qui auraient commis d’autres crimes. Elle déclare que l’organisme n’a pas nécessairement en sa possession toutes les annexes auxquelles, le cas échéant, les contrats réfèrent. Par exemple, après vérification de l’ensemble des contrats qu’il administre, elle déclare que l’organisme n’a pas toujours, dans ses archives, les annexes reliées à la partie judiciaire (aveux, déclarations dénonçant d’autres personnes et qui vont servir dans le processus judiciaire). M e Gauthier dépose, sous la cote O-2, une copie du Rapport sur l’utilisation des témoins repentis en 1998 préparé en juin 2000 par le ministère de la Justice et l’organisme. Elle estime que ce document est utile pour comprendre le contexte dans lequel ces contrats sont conclus par l’organisme et utilisés. Il contient en annexe un contrat-type et un extrait du manuel de directives du ministère de la Justice, Direction générale des affaires criminelles et pénales traitant des témoins délateurs. L’organisme veut faire entendre un autre témoin. Il requiert la Commission de recevoir ce témoignage ex parte et à huis clos et de protéger son identité. Après représentations de l’organisme sur la nécessité de procéder ainsi et comme le demandeur ne s’objecte pas à cette procédure, la Commission permet que le témoignage soit ainsi entendu. Ce témoin vient dire à la Commission le but que, selon lui, le demandeur poursuit en formulant cette demande d’accès. Il déclare également que les contrats signés par les repentis ne sont pas toujours déposés à la Cour, comme ne le sont pas, par exemple, ceux qu’on veut utiliser dans un dossier où l’enquête policière n’est pas terminée, ou dans un dossier où la preuve n’est pas suffisante pour intenter des procédures criminelles ou dans un dossier où un plaidoyer de culpabilité est déposé. De plus, il affirme que certains contrats de repenti ont été entièrement mis sous scellés par le juge du procès ou sont frappés en partie d’un interdit de publication par ce dernier. Le demandeur, de son côté, vient expliquer le but de sa demande : il veut vérifier certaines choses en comparant le contrat qu’il a signé avec celui que les autres ont signé.
00 15 62 -4-LES ARGUMENTS L’organisme fait valoir que les contrats de repenti contiennent des clauses visant à assurer la protection de la vie des délateurs et leur sécurité de même que celles des membres de leur famille ou de leurs proches. Ces contrats consacrent l’engagement de l’organisme à assurer cette protection et cette sécurité. Dévoiler, hors du processus de divulgation de la preuve du système judiciaire, donc hors du contrôle du juge du procès, les mesures de protection et de sécurité irait à l’encontre de ses engagements. L’organisme attire l’attention de la Commission sur les vertus de la publicité données à ces contrats mais aussi sur les mises en garde à ce propos que souligne le Rapport O-2 en ses pages 5 et 6. Il réfère également la Commission à une ordonnance, dont il dépose copie, de mise sous scellé d’une entente semblable rendue par le juge Jean-Claude Beaulieu de la Cour supérieure du district de Québec, chambre criminelle, le 5 avril 2001 dans la cause 410-01-007876-005. Il argue ensuite que les contrats demandés contiennent, un très grand nombre de renseignements personnels sur des tiers et que preuve a été faite que l’organisme ne connaît pas lesquels, parmi ces renseignements personnels, ont acquis un caractère public de par leur dépôt en preuve dans un procès criminel. L’organisme ne connaît pas non plus les conditions et restrictions de publication rattachées à ces ententes déposées en preuve dans un procès criminel. L’organisme fait aussi valoir que les fins pour lesquelles sont cueillis et conservés ces renseignements diffèrent totalement des fins que vise le demandeur en se les appropriant. Il estime que divulguer ces informations au demandeur aurait pour effet de modifier substantiellement la finalité de la cueillette de renseignements auprès du repenti lors de la conclusion du contrat. Le fait de requérir une telle quantité de renseignements personnels ainsi que le fait de poursuivre une fin incompatible avec celle déclarée lors de la cueillette de ces renseignements font de la présente demande d’accès une demande qui n’est pas conforme à l’objet des dispositions de la Loi qui traitent de la protection des renseignements
00 15 62 -5-personnels (Chapitre III, articles 53 à 102.1) dont les articles 53, 54, 59, alinéa premier, 64 et 65 2 . Le demandeur prétend que les renseignements qu’il demande sont du domaine public. Il souligne qu’il ne veut finalement obtenir que le nom des personnes, le crime commis et la sentence obtenue. Il ne s’oppose pas à ce que soit biffé tout le reste des documents. DÉCISION La requête sous étude a pour objet d’obtenir l’autorisation de la Commission à ne pas tenir compte de la demande d’accès. Ce recours prévu par l’article 126 de la Loi existe indépendamment de tout autre moyen à la disposition de l’organisme. Il n’est donc pas pertinent d’examiner ici le bien-fondé des motifs de refus qui ont été soulevés par l’organisme si la Commission rejetait la présente requête (articles 1, 15, 28, 29, 53 et 88 de la Loi). À ma connaissance, la Commission n’est d’ailleurs saisie d’aucune contestation, de la part du demandeur, du bien-fondé de ces motifs en vertu de l’article 135 de la Loi. La preuve me convainc que l’organisme détient les ententes conclues entre ce dernier, le Procureur général, les corps de police d’une part, et les repentis d’autre part. La lecture de ces contrats déposés sous pli confidentiel entre les mains de la Commission, du modèle en annexe au Rapport sur l’utilisation des témoins repentis en 1998 (O-2) et de l’entente impliquant le demandeur (O-1) révèle le rôle que l’organisme joue dans l’administration de ces contrats. Ce rôle est essentiellement administratif (versement de certaines allocations pour frais de subsistance ou autres, fourniture d’une nouvelle identité, support des coûts de relocalisation, etc.). L’organisme n’a donc pas à se préoccuper du volet judiciaire de ces ententes. Il est donc vraisemblable de conclure que l’organisme n’a nullement besoin de classer ces 2 Conseil scolaire de l’’Île de Montréal c. Directron Media, [1992] CAI 24, 26, 27, 28, 29 ; Régie du bâtiment c. Entreprise E.C.L.M. inc.,[1999] CAI 31, (CAI) AZ-99151005, p. 4 ; Kavanaght, David c. Communauté urbaine de Montréal, CAI Montréal 97 01 95, 30 mai 1997, M e Michel Laporte, commmissaire ; Québec (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation) c. Services sanitaires Transvick, [1998] CAI 225, AZ-98151031, p.p. 13 et 14 ; Régie du bâtiment c. Compagnie de Gestion Optilog inc., [1999] CAI 176, AZ-50065667, p. 4 ; Ville de La Baie c. Residentex inc., [1999] CAI 433, AZ-50068404,
00 15 62 -6-fichiers selon une méthode de classement qui tienne compte de l’utilisation judiciaire de ces contrats. La preuve démontre que certains de ces contrats qui sont déposés en Cour sont frappés d’un interdit total ou partiel de publication ou de divulgation par le juge du procès. La preuve établit enfin que ce ne sont pas toutes les ententes de repenti qui font l’objet d’une utilisation judiciaire. La preuve me convainc que l’organisme ne fait pas la compilation des contrats de repenti qui, parmi ceux qu’il administre, sont déposés dans les procédures judiciaires, ni ne détient d’informations sur ceux qui, parmi ceux-là, sont frappés d’un interdit de publication, que cet interdit soit partiel ou total, ni ne connaît le nombre des contrats de repenti qui sont déposés en Cour. Bien que la demande d’accès ne vise que les contrats déposés en Cour et compte tenu du libellé de l’article 15 de la Loi, la Commission conclut qu’il n’est pas possible pour l’organisme, de retracer ces derniers avec certitude. 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. La seule façon pour l’organisme de traiter la demande d’accès serait de l’examiner en fonction de l’ensemble des contrats qu’il détient et ce, indépendamment de leur parcours judiciaire individuel, donc indépendamment du caractère public dont seraient revêtus certains renseignements qui en feraient partie. L’examen des contrats déposés sous le sceau de la confidentialité à la Commission, du spécimen accompagnant le Rapport O-2 ainsi que le contrat du demandeur O-1 me convainc que ces contrats contiennent une foule de renseignements nominatifs sur les repentis, les membres de leur famille, leurs proches ou d’autres personnes physiques. Une telle demande, dans le contexte générique et non spécifique où l’organisme est obligé de la traiter, vise donc une foule de renseignements nominatifs ne concernant nullement le demandeur. p. 5.
00 15 62 -7-Une demande d’accès visant un si grand nombre de renseignements nominatifs concernant uniquement des tierces personnes physiques n’est pas conforme à l’objet des dispositions de la Loi qui traitent de la protection des renseignements personnels (articles 53 à 102.1 de la Loi). Le demandeur a modifié sa demande d’accès en déclarant en audience qu’il ne s’intéressait plus qu’aux noms des personnes, crimes commis et sentences obtenues. Or, au départ, la demande telle que formulée visait tout le contenu des ententes déposées en Cour. Le responsable s’est adressé à la Commission pour se faire dispenser de répondre à cette demande originale-là. La Commission doit se prononcer sur le bien-fondé de la requête au moment où celle-ci est formulée, et la dispense doit viser la demande d’accès telle que formulée. La Commission ne peut tenir compte de faits postérieurs à la requête (réduction de la demande d’accès lors de l’audience) dans son appréciation du bien-fondé de cette requête. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission, ACCUEILLE la requête de l’organisme ; et AUTORISE ce dernier à ne pas tenir compte de la demande d’accès du 17 août 2000. Québec, le 20 mars 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de l'organisme : M e Alain Loubier
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