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99 22 60 LINE NADEAU Demanderesse c. VILLE DE LAVAL Organisme public LOBJET DU LITIGE Le 29 novembre 1999, la demanderesse sadresse à lorganisme afin : « […] de me permettre de lire en entier la lettre de 4 (pages) que ALAIN NADEAU (mon frère), domicilié au 301, rue Élaine #4 à Laval (H7P 2R1), a écrite et datée du 3 novembre dernier. Cette lettre ma été remise par les enquêteurs de Laval (A. Baril et P. Thomas) le lendemain soit: le 4/11/99 avec des ratures sur plus de la moitié de son contenu. Mon frère sest suicidé et cette lettre représente ses dernières pensées. De plus, il demande sur cette même lettre quelle soit vue par ses parents. » Le 30 novembre suivant, lorganisme donne un accès partiel, en masquant, au préalable, des renseignements nominatifs, invoquant les articles 14, 53, 54, 59 et 28(5) de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi). Le 13 décembre suivant, la demanderesse sollicite lintervention de la Commission daccès à linformation du Québec (la Commission) pour examiner sa demande de révision.
99 22 60 - 2 -Une audience se tient à Montréal, le 22 janvier 2002, en présence de l'avocat de l'organisme et par conférence téléphonique avec la demanderesse. LA PREUVE L'avocate de l'organisme dépose simultanément, sous pli confidentiel, une copie de la lettre de six pages laissée par le frère de la demanderesse avant son suicide ainsi que la copie élaguée, telle quelle a été transmise à celle-ci. Lavocate argumente que lorganisme ne peut pas communiquer deux pages de ladite lettre, parce que celles-ci contiennent des renseignements nominatifs auxquels le défunt réfère; lesdits renseignements ne concernent nullement la demanderesse. Elle fait témoigner M. Michel Tremblay, assistant-directeur, responsable de laccès à linformation depuis quatre ans. Ce dernier confirme que la lettre du défunt frère de la demanderesse contient six pages, et non quatre pages, tel quil a été mentionné dans la demande daccès. La demanderesse prend note de la clarification apportée par le témoin de lorganisme et déclare ne pas avoir de questions à poser à celui-ci. La demanderesse allègue quen raison du choc vécu par ses parents, ses sœurs et les proches de la famille du défunt, elle a été mandatée par ses parents pour effectuer toutes les démarches et obtenir des renseignements relatifs au décès de son seul frère. Elle a procédé à lidentification du corps à la morgue et pris arrangement pour les funérailles de son frère. La demanderesse allègue vouloir « connaître la raison de son acte de suicide, pourquoi il a posé ce geste-là. Il nous manque cela afin de boucler la boucle. » 1 L.R.Q., c. A-2.1.
99 22 60 - 3 -Elle mentionne également que si son frère ne voulait pas que ses parents prennent connaissance de sa lettre, il naurait pas inscrit « S.V.P. Cette lettre doit être vue par mes parents. » La demanderesse déclare que, par sa demande de révision, elle souhaite être en mesure daider ses parents à faire respecter les dernières volontés de son défunt frère. Lavocate rappelle que lorganisme a transmis à la demanderesse les renseignements quelle devait avoir, et ce, conformément à la loi. Elle sympathise avec la demanderesse dans sa démarche pour tenter dobtenir une copie intégrale des quatre pages de la lettre que lorganisme lui a déjà transmises. Elle souligne que la demanderesse nagit pas à titre dhéritière ou de successeur de son défunt frère dans la présente instance. Elle ne peut donc pas bénéficier de lexception à la règle que le législateur a établie à larticle 88.1 ci-après cité, laquelle autorise la communication de renseignements nominatifs à lhéritière afin de faire valoir ses intérêts pour les motifs ci-dessus énoncés. Sur ce point, elle réfère la soussignée au 2 e paragraphe de la page 2 de la lettre, selon laquelle le défunt frère sadresse à ses parents et à dautres membres de sa famille; nulle part, la demanderesse n'est mentionnée. APPRÉCIATION Nous sommes en présence dune demande de révision selon laquelle la demanderesse souhaite obtenir de lorganisme la copie intégrale de quatre pages dune lettre que son frère a laissée à ses parents avant de se suicider. La preuve me convainc que lorganisme a eu raison de ne pas avoir communiqué à la demanderesse une copie intégrale des quatre pages de la lettre de son défunt frère, lesquelles contiennent renseignements nominatifs. Lesdits
99 22 60 - 4 -renseignements doivent demeurer confidentiels, et ce, en vertu de larticle 53 de la loi : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. Accorder à la demanderesse un accès intégral audit document contreviendrait à larticle 54 de la loi qui stipule que : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. Les articles 53 et 54 précités sont impératifs et dordre public. Ils protègent tout renseignement concernant une personne physique et permettent didentifier celle-ci, peu importe les motifs, si louables soient-ils, invoqués par la demanderesse. Cest ce qui ressort de larrêt Balmet Canada inc. c. Hôpital du Haut-Richelieu 2 . De plus, les motifs de refus de communication indiqués par lorganisme me convainquent du respect de larticle 88.1, lequel doit être interprété de façon restrictive, tel quil a été mentionné aux arrêts Quesnel c. Communauté urbaine de Montréal (Service de police) 3 et Tanguay c. Université Laval 4 : 2 [1991] C.A.I. 230, 231. 3 [1990] C.A.I. 54. 4 [1990] C.A.I. 364.
99 22 60 - 5 -88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. 94. Une demande de communication ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier ou de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. Elle est adressée au responsable de la protection des renseignements personnels au sein de l'organisme public. Si la demande est adressée à la personne ayant la plus haute autorité au sein de l'organisme public, cette personne doit la transmettre avec diligence au responsable qu'elle a désigné en vertu de l'article 8, le cas échéant. En ce qui concerne larticle 94 de la loi précité, je considère quil doit être lu en conjoncture avec larticle 88.1 de ladite loi, car il établit notamment des critères selon lesquels une demande de communication peut être considérée. Lavocate de lorganisme cite également larticle 14 de la loi : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. Jajoute que lorganisme a transmis à la demanderesse une copie de quatre pages de la lettre de son défunt frère, et ce, conformément à larticle 14 précité. Après avoir effectué une lecture attentive du document en litige et examiné lensemble de la preuve, je considère que lorganisme a eu raison de ne
99 22 60 - 6 pas avoir communiqué à la demanderesse les quatre pages intégrales de la lettre du défunt frère de celle-ci. Elles contiennent, pour la plupart, des renseignements confidentiels auxquels la demanderesse ne peut pas avoir accès, et ce, conformément aux articles précités. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 26 février 2002 M e Jasmine Allaire Procureure de lorganisme
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