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00 04 14 SOCIÉTÉ DES ALCOOLS DU QUÉBEC ci-après appelée l’« organisme » c. EVERELL, Martin ci-après appelé le « demandeur » Il sagit dune requête présentée par lorganisme afin de se faire autoriser, par la Commission, à ne pas tenir compte de la demande daccès du demandeur. Le 27 janvier 2000, monsieur Everell sadresse à lorganisme afin dobtenir « la liste de tous les présidents et vice-présidents des différents secteurs à la SAQ ainsi que leur salaire annuel et leur compte de dépenses pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999 ». Il désire également que lorganisme lui envoie copie de ses rapports annuels pour les mêmes années. Le 17 février 2000, lorganisme formule une requête afin que la Commission lautorise à ne pas tenir compte de cette demande daccès. Cette requête est faite en vertu de larticle 126 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . La Commission entend cette requête en la ville de Québec, les 16 et 31 octobre 2001. LAUDIENCE Lavocate du demandeur prétend que la requête est irrecevable en raison dun vice de forme entraînant sa nullité absolue, savoir : labsence, en annexe, dune déclaration assermentée tendant à établir les faits qui y sont allégués. Lavocat de lorganisme répond quaucune disposition de la Loi exige la production dune telle 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi », article 47.
00 04 14 2 déclaration assermentée et que la Commission, qui établit ses propres règles de procédure, na jamais imposé cette règle. Jai rejeté la prétention de lavocate du demandeur au motif que le fonctionnement des audiences de la Commission nétant pas assujetti à des règles de procédure strictes, ni au Code de procédure civile, labsence dun tel document ne pouvait entraîner le rejet de la requête. LA PREUVE Lavocat de lorganisme fait témoigner madame Francine Richard, responsable du service de laccès à linformation et de la gestion des documents chez lorganisme depuis une dizaine dannées. Ce service comprend six employés, savoir, trois agents de bureau, un archiviste, un commis et elle-même. Elle déclare analyser, avec laide de larchiviste, toutes les demandes daccès qui sont refusées ou qui ne sont pas traitées par les répondants sectoriels au Service des ressources humaines, au Service de santé et au Service denquête et de sécurité. Parfois, elle agit à titre de conseil auprès des répondants de ces secteurs. Elle prépare les analyses des dossiers quelle traite et les présente à la responsable daccès en titre, M e Paquin, pour décision. Outre la responsable de laccès, seulement ces deux personnes au sein de son service, soit elle-même et larchiviste, ont la formation suffisante pour traiter et analyser les demandes daccès. Le nombre de demandes daccès reçues par lorganisme, pour les années 1996 à 1999, inclusivement, sont, respectivement : 35, 94, 214 et 243. Madame Richard a traité la demande daccès en cause. Elle a déterminé quelle devait dabord référer, pour répondre à la plus grande partie de cette demande, au grand livre général de comptabilité de lorganisme. Chez lorganisme, toutes les dépenses sont classées par périodes. Il y a 13 périodes comptables par année financière. Elle dépose, sous la cote O-1, le calendrier des périodes comptables en vigueur chez lorganisme. Lanalyse de la demande doit donc se faire sur les quatre années visées, soit sur 52 périodes comptables. Pour ce qui est du nombre et de lidentité des individus visés par la demande, elle a déterminé que celle-ci visait 45 personnes dont elle a établi la liste quelle dépose sous la cote O-2. Sur ce point, en contre-interrogatoire et sur présentation de la
00 04 14 3 pièce D-1, elle admet cependant quà loccasion, le nom dune même personne se répète en raison de remplacement ou de mutation. Le grand livre général réfère à 1 350 postes budgétaires actifs, postes qui sont établis par le plan comptable de lorganisme. Pour répondre adéquatement à la demande daccès, madame Richard a déterminé que lexamen de 13 postes budgétaires serait pertinent. Elle dépose la liste de ces 13 postes budgétaires, avec chacun, leur numéro spécifique apparaissant au grand livre général, sous la cote O-3. Elle explique que le grand livre général contient toutes les imputations de dépenses par poste budgétaire. À titre dexemple de lampleur du contenu du grand livre général, elle affirme quune seule période dune seule année financière, disons la période 12 de lannée 1999 quelle exhibe à la Commission, se matérialise en 2 304 pages et tient dans une boîte de type « archivex ». Madame Richard nhésite pas à extrapoler : le nombre de pages quelle aura à consulter dans cet outil de base, pour démarrer le processus de recherche sélèvera à plus de 100 000 (52 périodes X 2 300 pages). Chacune des pages du grand livre est constituée des cinq colonnes décritures suivantes : a) Référence (ou lécriture venant du journal), b) le numéro du service concerné, c) la description sommaire de la dépense et pièces justificatives, d) débit et e) crédit. À titre dexemple des recherches à entreprendre pour les dépenses quaurait encourues monsieur Châtillon, le vice-président du service des communications et détenteur dun des 19 postes réguliers pour ce service 17 300 (O-4), elle dépose sous la cote O-5, un extrait du grand livre général pour la période budgétaire 12 de l999, concernant les postes budgétaires 5-139-16 (logement, stationnement, taxi Qc), 5-139-17 (autobus, avion, train Qc) et 5-421-01 (repas avec invités) relatifs au Service 17 300. Elle spécifie que les inscriptions manuscrites napparaissent pas sur loriginal. Ces inscriptions sont le résultat partiel de ses propres recherches dans le présent dossier. Ainsi, après avoir lu la pièce justifiant chacune de ces dépenses, elle a pu déterminer le nom de la personne qui les avaient effectuées et a inscrit ce nom. Dans ces pages du grand livre, elle y trouvera chacune des dépenses classées par poste budgétaire. Les dépenses ny sont pas classées à partir du nom de lindividu à qui elles sont imputables ni à partir du titre de la fonction de cette personne, mais à partir du numéro du service dans lequel cette personne évolue. Cette méthode de
00 04 14 4 classement fait partie du plan comptable de lorganisme et est centré sur lidentification de la dépense et non sur lidentification de la personne qui la fait. Cest une méthode comptable universellement reconnue. Par exemple, référant à la première page de la pièce O-5, pour retracer les dépenses de « repas avec invités » du vice-président Châtillon, elle devra sortir les entrées faites pour ce poste comptable (numéro 5-421-01) pour le service numéro 17 300 et consulter chacune des pièces justificatives pour ne garder que celles appartenant à monsieur Châtillon. Elle devra ensuite examiner loriginal de chacune de ces pièces appartenant à monsieur Châtillon, conservée en un autre lieu dûment identifié et facilement repérable, la débrocher, en faire une photocopie, la reclasser et élaguer la photocopie des renseignements nominatifs quelle contient avant de la remettre, ainsi élaguée, au demandeur. Madame Richard ajoute que, pour répondre adéquatement à la demande daccès, elle devra exécuter ce travail pour chacune des 52 périodes, pour chacun des 13 postes budgétaires identifié et pour chacune des 45 personnes visées par la demande. Lorsque interrogée sur le nombre de documents pertinents qui devra être ainsi traité pour élagage, elle répond, se basant sur lhypothèse, approximative mais quelle estime conservatrice, dun seul remboursement de dépenses par semaine par période (qui contient généralement 4 semaines) par individu, quelle devra analyser 9 360 remboursements de dépenses qui, chacun, peut comprendre plusieurs pièces justificatives qui doivent être examinées une à une. Elle dépose, pour illustrer cette dernière déclaration, la pièce O-6 qui contient les pièces justificatives pour le remboursement P01491. Dans cette liasse, il y a 11 pages de pièces justificatives au nom de monsieur Châtillon (les 11 dernières). En réponse à la question de savoir en combien de temps elle estime que ce travail pourrait être effectué, et selon son expérience de la chose, elle répond que pour un individu, sur la période visée par la demande et pour 13 postes budgétaires, sans analyse ni élagage des pièces justificatives, le temps prévisible serait de 43 heures. Si elle ajoute le temps danalyse et délagage, elle comptabilise le temps nécessaire à 86 heures. Pour 45 individus, elle croit que le temps requis totaliserait près de 4 000 heures. Comme dans une année, il y a 1 820 heures ouvrables de travail, cela signifie quil faudrait à un employé plus de deux années à temps complet pour répondre à cette demande daccès.
00 04 14 5 Lavocat de lorganisme appelle, pour livrer témoignage, madame Suzanne Paquin, secrétaire générale et vice-présidente, Services juridiques. Elle exerce aussi la charge de responsable de laccès. Madame Paquin confirme les faits révélés par le témoignage de madame Richard en précisant toutefois deux points : elle explique dabord le rôle du Service du responsable de laccès et de la gestion des documents au sein de lorganisme. Elle vient préciser ensuite que, compte tenu du remplacement de personnes ou de postes visés par la demande daccès durant la période des quatre années, on devrait limiter le nombre dindividus à 40 au lieu de 45. Madame Paquin déclare que depuis 8 ans quelle occupe le poste de responsable de laccès, lorganisme a pu répondre à toutes les demande daccès qui lui étaient adressées. Elle ajoute quoutre son poste, un poste et demi est attribué au Service pour répondre aux demandes daccès. Elle affirme que la demande en cause implique le retraçage, la photocopie, lexamen et lélagage de milliers de documents, ce qui commande des milliers dheures de travail. Elle est convaincue que le Service du responsable de laccès serait paralysé sil devait répondre à cette demande et quil serait de surcroît impossible de livrer la réponse dans le temps requis par la Loi, soit dans un temps maximun de 30 jours. Elle a donc , à lintérieur de ce délai, invoquer larticle 126 de la Loi afin de se faire autoriser, par la Commission, à ne pas tenir compte de la demande en cause. LES ARGUMENTS Lavocat de lorganisme plaide que les témoignages entendus et les pièces O-1 à O-6 démontrent le travail titanesque et complexe qui devrait vraisemblablement être entrepris par les quelques personnes rattachées au Service du responsable de laccès pour satisfaire le demandeur. Cette preuve na pas été contredite. Il argue que chaque demande daccès devrait pouvoir être traitée dans les 20 jours prévus par la Loi ou, à la limite, dans les 30 jours de sa réception, si lorganisme se prévaut de son droit de sattribuer 10 jours supplémentaires (article 47, dernier alinéa). Lavocat de lorganisme fait un résumé de la jurisprudence de la Commission sur lapplication de larticle 126 de la Loi et remet un imprimé du cédérom de la collection Juritech (mai 1997) Soquij sur le sujet dont, larrêt de base est Ville de
00 04 14 6 Montréal c. Winters 2 ainsi que copie intégrale des décisions et jugement postérieurs quil estime applicables 3 . Il souligne que les décisions les plus pertinentes sont cependant les affaires Winters, Bayle, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1821 (a contrario) et Ville de Fermont qui traitent directement de lapplication du premier alinéa de larticle 126 sur les demandes abusives quant à leur nombre dans le sens dampleur. En effet, les autres traitent du deuxième alinéa de larticle 126 qui, de façon incidente, peut trouver application en lespèce : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. Lavocate du demandeur plaide que linvocation de larticle 126 constitue une barrière totale à lapplication de larticle 9 de la Loi qui consacre le droit daccès. 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. Elle argue que la preuve démontre que le système de classement de lorganisme est déficient puisquil empêche le repérage des documents demandés, contrairement à ce que prescrit larticle 16 de la Loi. En effet, selon le témoignage de madame Richard, il est impossible de retracer les dépenses à partir du nom de celui qui en a réclamé le remboursement. Lorganisme doit, pour les retracer, sastreindre à des opérations qui a fait lobjet dun long témoignage. Elle fait remarquer que la demande de son client est pourtant simple : les comptes de dépenses des vice-2 [1991] CAI 359, (C.Q.) ou 1989 R.J.Q. 2252 à 2257. 3 Bureau du coroner c. Alain Bayle, [1995] CAI 214, 220, 221 et 222; Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1821 c. Commission scolaire des Milles-Îles, [1998] CAI 327, 333, 334; Ville de Fermont, c. Pellerin et Otis, [1999] CAI 64, 67; Ville de La Baie, [1999] CAI 433,436; Ministère des Transports c. Roderic McLauchlan, [2000] CAI 7, 12, 13; Lampron, c M.R.C. LÎle dOrléans, [2000] CAI 248, 250, 251 et 252; Ville de La Plaine, c. Action municipale de La Plaine, CAI Québec 99 06 44 2001-02-08, M e Hélène Grenier, commissaire; Hydro-Québec c. Larivière, CAI Québec 98 03 36, M e Diane Boissinot, commissaire.
00 04 14 7 présidents et du président. Elle rappelle quaucune preuve a été présentée par lorganisme pour établir lordre selon lequel le classement est fait : 16. Un organisme public doit classer ses documents de manière à en permettre le repérage. Il doit établir et tenir à jour une liste de classement indiquant l'ordre selon lequel les documents sont classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l'exercice du droit d'accès. Le droit d'accès à cette liste ne s'exerce que par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail. Lavocate du demandeur soutient que la demande de son client nest pas abusive par le nombre ou son caractère répétitif ou systématique. La demande daccès en cause est la seule et unique demande de son client. Elle sinterroge sérieusement, sil est vrai quune telle demande si simple était de nature à bloquer les activités normales de lorganisme, sur ses capacités organisationnelles. Elle fait remarquer que lorganisme ne peut, en bout de ligne, certifier le nombre de documents réellement visés par la demande. La preuve ne tend à établir que le nombres de documents quil faudrait possiblement vérifier avant de déterminer lesquels sont visés par la demande. Elle souligne que la jurisprudence citée par son collègue vise des organismes plus petits que lorganisme en cause ici, pour la plupart. Lavocate avise la Commission et lorganisme que son client serait prêt à réduire sa demande de façon à la limiter au Président, monsieur Frigon, pour mars et avril 1998 et pour 1999 et à monsieur Serge Racette pour lannée 1999 seulement. Elle estime que la Commission, en raison des limites importantes au droit daccès de son client causées par failles du système de classement de lorganisme, devrait accepter la réduction de la demande daccès ainsi proposée par son client. Subsidiairement, si la Commission en arrivait à donner raison à lorganisme sur lampleur de la demande de son client, elle propose quil soit ordonné à lorganisme de répondre à la demande daccès dans un délai de deux mois au lieu des 20 ou 30 jours prévus par la Loi.
00 04 14 8 En réplique, lavocat de lorganisme déclare inacceptable quà la fin du processus dadjudication et après la fermeture de la preuve, lavocate du demandeur propose que lon discute dune nouvelle demande daccès dune toute autre ampleur que celle faisant lobjet de la présente demande dêtre autorisé à lignorer et formule, sans avertissement, une requête risquant dassujettir lorganisme à une ordonnance de répondre. Il réfère la Commission à sa décision dans laffaire Roderic McLauchlan plus haut citée sur les limites de ses pouvoirs dordonnance. Sur cet argument, lavocate du demandeur réplique quil ne sagit pas dune nouvelle demande, mais dun amendement à la demande daccès. Elle signale que ces amendements sont possibles en tout temps, même à la Cour dappel. Lamendement vise à réduire et non augmenter la demande daccès, ajoute-t-elle. Lavocat de lorganisme répond à la dernière remarque de sa consoeur et soulignant que la question mériterait dêtre discutée si la Commission en était à statuer sur une des requêtes ou demandes de son client, ce qui nest pas le cas. Il rappelle que la Commission doit se pencher ici sur la requête de lorganisme faite en vertu de larticle 126. Sil y avait amendement à faire, il faudrait que ce soit sur cette requête-. DÉCISION La demande daccès vise, en très grande partie, les documents reliés aux dépenses de certaines personnes. Ces documents sont conservés pour des fins comptables ou budgétaires. Il est normal que leur classement soit adapté aux méthodes généralement utilisées en comptabilité. Or, la preuve démontre que le plan comptable de lorganisme prévoit que chaque dépense est classée par poste budgétaire et quelle est imputée à un service plutôt quà une personne en particulier. Le demandeur na pas démontré que le plan comptable de lorganisme était inadéquat ou déficient pour ce qui est de la méthode de classement des dépenses des employés. Je suis davis que le système de classement des documents relatifs aux dépenses des employés de lorganisme nest pas déficient ni nempêche leur repérage. Compte tenu des fins pour lesquelles ces documents sont conservés, jestime que le système de classement est approprié et raisonnable.
00 04 14 9 Je rejette donc toutes les prétentions de lavocate du demandeur relatives à la déficience de ce système. La preuve non contredite démontre que la demande, même visant un nombre moins grand dindividus (40 au lieu de 45) exige du service du responsable de laccès un travail que lavocat de lorganisme a qualifié, avec raison, de « titanesque ». Le témoignage de madame Richard me convainc que la demande daccès, telle que rédigée, enclencherait un long et lourd processus de traitement en raison du nombre vraisemblablement très imposant de documents (des milliers) quil faudrait retracer, consulter, analyser, élaguer et reclasser. Le nombre dheures (près de 4 000 heures) estimé par ce témoin pour arriver à répondre adéquatement à la demande daccès, en respectant le droit à la vie privée des tiers ou des titulaires des postes visés, mapparaît raisonnable. La preuve établit également que le nombre de personnes assignées à cette tâche au Service du responsable de laccès suffit habituellement à laccomplir. En effet, depuis huit années, la responsable la affirmé, ces personnes ont pu répondre à toutes les demandes daccès qui lui étaient adressées. Le même personnel ne pourrait pas, aujourdhui, répondre à celle du demandeur en deçà de plusieurs mois, sinon en deçà de deux ans. Il est donc impossible, pour lorganisme, de répondre dans les délais impartis par larticle 47 de la Loi. Pour ce qui est du nombre de document en cause et de limportance de lorganisme, les faits et la preuve sont similaires à ceux examinés dans Ministère des Transports c. McLauchlan 4 à laquelle je réfère pour motiver la présente décision comme suit : Largument principal de lorganisme est fondé sur lapplication du premier alinéa de larticle 126. Il sagit de déterminer si, comme linvoque lorganisme, la demande est manifestement abusive par le nombre de documents quelle vise. Dans le jugement Winters 5 , la Cour du Québec, après avoir statué quune seule demande, en principe, ne peut être considérée « abusive par leur nombre », sexprime néanmoins de la façon suivante : […] Il est évident que le législateur nenvisageait pas des demandes daccès aussi colossales quand il a édicté larticle 9 de la Loi. Comment le responsable de lorganisme public pourrait-il, dans le délai de 20 jours de larticle 47, donner suite à une demande daccès à un dossier contenant plus de 1 000 documents et vérifier dans ce délai les restrictions au droit daccès de certains de ces documents ? […] Le tribunal est davis que, généralement, des demandes portant sur des 4 [2000] CAI 7, 12, 13. 5 Op. cit. supra, note 2, page 362 et 363.
00 04 14 10 centaines voire des milliers de documents à la fois sont juridiquement irrecevables au sens de la Loi sur laccès. (Jai souligné) Les trois juges de la Cour du Québec ont donc en quelque sorte conclu quune seule demande, lorsquelle implique létude et lanalyse de centaines ou de milliers de documents, peut être manifestement abusive au sens du premier alinéa de larticle 126 en raison de lampleur du nombre de documents visés. Dans le même jugement, le juge Boissonneault ajoute un élément concernant la taille de ladministration visée par la demande et le critère de « paralysie administrative » : Dans sa décision, la Commission fait entrer un élément nouveau qui napparaît pas dans le texte de la loi, à savoir que « les inconvénients démontrés devraient être tels que la paralysie de ladministration en découlerait 6 ». Lappelante souligne à bon droit que cette preuve est impossible puisquune ville aussi importante que Montréal peut théoriquement engager un personnel suffisant pour répondre à toute demande. Larticle 126 parle uniquement de demandes manifestement abusives par leur nombre. On doit se référer uniquement aux demandes telles que formulées par la personne et voir si ces demandes sont exagérées en nombre au point de constituer un abus. Le témoignage de monsieur Perron et la preuve documentaire déposée, en liasse, sous la cote O-1 démontrent que lorganisme ne peut, malgré sa taille, répondre rigoureusement et dans les délais impartis par la Loi, à la demande daccès qui vise des centaines de documents [...]. Le demandeur propose damender sa demande daccès ou quil soit ordonné à lorganisme de répondre dans un délai plus grand. Pour ce qui est de la modification de la demande daccès, la Commission na pas le pouvoir de le faire et je dois me référer à ce que jai écrit à ce sujet dans ma décision dans laffaire McLauchlan à la page 13 : [...] De son côté, la Commission, sinspirant des termes du jugement de la Cour du Québec dans laffaire Winters 7 , ne peut proposer, par ordonnance, une solution de compromis entre les parties qui aurait pour effet de scinder la demande daccès dans le but de la rendre plus acceptable. Ainsi sexprimait la Cour lorsquelle analyse la troisième erreur de droit commise par la Commission, savoir : rendre une ordonnance ultra vires sur le repérage de documents et sur létablissement dun tableau général de catégorie de documents et leur ampleur : En rendant cette ordonnance, [la Commission] se trouve à ajouter à la loi une obligation que cette dernière ne comporte pas. Elle se substitue au législateur. Or [la Commission] na aucun pouvoir dinjonction et ne peut prononcer que des ordonnances que la loi habilitante lui permet effectivement et explicitement de prononcer. Elle ne peut prétendre sautoriser dun tel pouvoir que lui conférerait larticle 126. Cet article ne donne à [la Commission] ni implicitement ni explicitement le pouvoir 6 Ville de Montréal c. Winters, (1984-86) 1 CAI 165, 169. 7 Op. cit. supra note 2, page 363.
00 04 14 11 dimposer aux parties une telle solution de compromis. Le Tribunal déclare donc ultra vires lordonnance émise par [la Commission] dans les conclusions de sa décision. Pour ce qui est de lordre qui serait donné à lorganisme de répondre dans les deux mois, je suis davis quil serait de la nature dune injonction et que la Loi ne me permet pas dexprimer une telle ordonnance dans le cadre dune requête formulée en vertu de larticle 126 de la Loi. La Commission est davis, vu la preuve, que les conditions dapplication du premier alinéa de larticle 126 sont réunies savoir, que la demande daccès en cause est manifestement abusive par le nombre de documents qui est vraisemblablement visé. Il nest donc pas nécessaire quelle se prononce sur largumentaire supplétif de lorganisme fondé sur le deuxième alinéa de ce même article. POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la requête présentée par lorganisme; et AUTORISE ce dernier à ne pas tenir compte de la demande daccès du demandeur. Québec, le 21 février 2002 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocat de lorganisme : M e Gilles Jolicoeur Avocate du demandeur : M e Lucie Parizeau
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