00 11 94 DESLOGES, Normand 00 12 38 Intimé c. HÔPITAL SAINTE-JUSTINE Organisme LA DEMANDE DE RÉVISION M. Normand Desloges, l’intimé, souhaite obtenir plusieurs documents de l’organisme, l’Hôpital Sainte-Justine. Le 10 mai 2000, il écrit au responsable de l’accès : Je vous remercie de votre lettre du 18 avril 2000 et pour la copie qui indique la "Contribution de la Fondation de l'Hôpital Sainte-Justine à L'Hôpital Sainte-Justine", "Données tirées des états financiers de 1994 à 1999 de la Fondation de L'hôpital Sainte-Justine". Je désire maintenant consulté, sur place, tous les documents qui font références aux montants d'argents versés ces cinqs dernières années, concernant les "Équipement et aménagement", "Recherche" et "Dons désignés programmes de soins", tel qu'indiqué sur la copie mentionné ci-haut, que vous m'avez fait parvenir avec la lettre du 18 avril dernier. SIC Le 30 mai 2000, on lui envoie un accusé de réception en lui informant que l’on prendrait les dix jours additionnels prévus par la Loi pour prendre position face à sa demande. Le 7 juin, on lui donne rendez-vous pour le 14 juin (R-11) : Suite à la vôtre du 11 mai 2000, nous désirons vous informer que les documents qui font référence aux montants d'argent versés ces cinq (5) dernières années par la Fondation de l'Hôpital Sainte-Justine à l'Hôpital Sainte-Justine concernant les équipements et aménagements, la recherche et les dons désignés programme de soins, vous seront accessibles, pour fins de consultation, le 14 juin à 14 heures à l'Hôpital Sainte-Justine.
00 11 94 2 00 12 38 Le 16 juin 2000, M Desloges écrit à la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) en indiquant qu’il n’a pas obtenu accès à tous les documents qu’il souhaitait et qu’en conséquence, il demande à cette dernière de réviser le refus de l’Hôpital. Un dossier est ouvert à son nom. Le 28 juin 2000, l’Hôpital envoie une requête visant à faire déclarer la demande d’accès abusive en vertu de l’article 126 de la Loi. L’audience dans ces deux dossiers, qui sont joints, a lieu a Montréal le 19 novembre 2001. LA DEMANDE D’ACCÈS Lors de l’audience, M. Desloges explique qu’il souhaite obtenir tous les documents qui comportent des références sur les montants d’argent versés pendant les cinq dernières années pour des équipements, aménagements, recherches, dons désignés, etc. de la Fondation Sainte-Justine à l’Hôpital Sainte-Justine, sans exception, incluant toutes les factures et toutes les dépenses y afférentes. Lors de sa dernière rencontre avec les représentants de l’Hôpital, le 14 juin 2000, M. Desloges dit qu'il n’a pas eu la collaboration qu’il espérait avoir et demande à la Commission d’ordonner qu’on lui remette tous les documents qu’il veut obtenir. Il souligne qu’il est de bonne foi et qu’il s’attendait de tout avoir lors de son rendez-vous à l’Hôpital le 14 juin 2000. Il ne croît pas que le travail nécessaire pour répondre à sa demande soit aussi exigeant que l’Hôpital le prétend, notamment parce qu'il est d'opinion que tous les noms des employés lui sont accessibles et ne nécessitent pas d’être masqués. Quant aux articles de la Loi qui visent à protéger les droits des tiers qui peuvent être
00 11 94 3 00 12 38 mentionnés dans la documentation tenue par l'Hôpital, il soutient qu’il n’y a pas lieu de les appliquer ici parce que c’est l’Hôpital qui gère sa propre documentation. LA REQUÊTE POUR FAIRE DÉCLARER ABUSIVE LA DEMANDE D’ACCÈS La Commission entend la preuve et la plaidorie à l’appui de la requête de l’Hôpital pour faire déclarer la demande d’accès abusive, afin de voir s’il y a lieu de l’acceuillir ou de la rejeter avant de procéder sur le fond de la demande de révision de M. Desloges. Les événements précédant la requête de l'Hôpital La procureure de l’Hôpital situe d’abord la demande de M. Desloges dans le contexte d’une série de demandes que celui-ci a fait au cours de l’an 2000. Selon elle, la présente affaire vise la quatrième demande d’accès de M. Desloges en autant de mois pendant le printemps 2000. Elle dépose les pièces R-1 à R-12 en appui de la requête de l’Hôpital. Les pièces R-1 à R-4 font état de la première demande d’accès, soit celle du 29 février 2000. M. Desloges demande copies des bilans financiers des montants d’argent versés de la Fondation Sainte-Justine à l’Hôpital. L'Hôpital les lui envoie le 13 mars 2000 : Tel que demandé, veuillez trouver, ci-joint, le bilan financier des sommes versées à l'Hôpital depuis les cinq dernières années. N'hézitez pas à communiquer avec nous si vous avez des questions concernant ce document. […] Elle dépose ensuite les pièces R-5 à R-8 qui font état de la deuxième demande du 20 mars 2000 et la réponse. Cette demande vise les sommes qui quittent la Fondation pour aller vers l’Hôpital. L'Hôpital répond le 18 avril 2000 :
00 11 94 4 00 12 38 Suite à votre lettre du 20 mars dernier, vous trouverez ci-jointes les informations qui ont été transmises par la Direction des services administratifs. Nous nous excusons du retard à donner suite à votre demande et je dois également vous informer que si vous êtes insatisfait de notre réponse, vous avez un droit de recours à la Commission d'accès à l'information. […] Les pièces R-9 à R-11 se rapportant à la demande du 10 mai 2000, dans laquelle M. Desloges indique qu’il souhaite consulter sur place les documents sur les montants d’argent versés à l’Hôpital en ce qui concerne les équipements, la recherche, etc. La pièce R-11, la lettre de l’Hôpital en date du 11 mai 2000 à laquelle il est fait référence ci-haut, indique que les documents seront mis à la disposition de M. Desloges lors d’un rendez-vous fixé pour le 14 juin. La pièce R-12 constitue la quatrième demande de M. Desloges qui, lors de la rencontre du 14 juin demande, séance tenante, d’autres informations, soit les curriculum vitae des chercheurs, et une série de documents dont le volume total se situerait, selon la procureure, entre 30 000 et 40 000 pièces. Cette dernière demande est mise par écrit et signée par M. Desloges. La requête pour faire déclarer abusive la demande de M. Desloges vise sa toute dernière exigence d’obtenir un volume significatif d’informations. L’Hôpital, selon la procureure, a répondu de manière satisfaisante à ses trois demandes précédentes. C’est la quatrième demande de M. Desloges qui a donné lieu à la requête. Les témoignages des employés de l'Hôpital Madame Paulette Dufresne était responsable de l’accès pour l’Hôpital à l’époque des demandes de M. Desloges. Elle a témoigné quant aux réponses qu’elle a faites, au nom de l’Hôpital, aux différentes demandes de M. Desloges.
00 11 94 5 00 12 38 Dans sa lettre du 7 juin 2000 à M. Desloges, elle a fait savoir que les documents pourraient être consultés sur place. M. Desloges lui avait indiqué dans une conversation téléphonique subséquente qu’il voulait tout sur les détails des montants d’argent remis à l’Hôpital par la Fondation et après consultation avec les services financiers, elle a rassemblé une liasse d’entre 90 et 100 pages de documents qui portaient sur le sujet en préparation de sa venue. Lors de la rencontre du 14 juin, elle raconte qu’elle s’était fait accompagner par M e Sylvie Champagne pour la conseiller dans l’application de la Loi sur l'accès et par M. Michel Cusson pour interpréter, au bénéfice de M. Desloges, les états financiers et les documents à teneur comptable. Selon madame Dufresne, M. Desloges s’est très rapidement aperçu sur place que les documents qu'on a préparés ne lui suffisaient pas et souhaitait obtenir plus de détails. On a donc amené M. Desloges à mettre par écrit ses dernières demandes et ce document fut signé par lui et par elle. Cette demande (la pièce R-12) précise que M. Desloges souhaite obtenir : 1o Centre de Recherche : 94-95 + 96+97+98+99 - noms des cherchers engagés par l'hôpital - formation chercheur : phd - salaires - type de recherche - objectifs de la recherche 2 o Équipements/Aménagements - Factures - dépenses - quel dpt - quelles hrs - contrats avec entrepreneurs/ - soumissions avis public 3 o Dons désignés - dépenses - contrats - soumissions avis public Le lendemain, elle a envoyé un accusé de réception et elle a commencé a considérer les implications de cette dernière demande. Elle témoigne, en faisant référence aux pièces
00 11 94 6 00 12 38 O-1 à O-3, sur le temps nécessaire à compiler les documents demandés par M. Desloges le 14 juin. Elle a estimé que, au total, quelques 30 000 documents seraient visés. Les centres de recherche impliquent quelques 1000 documents par année, soit 5000 documents pour la période visée. Quant à l’achat d’équipement et les aménagements, selon l’examen préliminaire qui a été fait par l’Hôpital, cette rubrique contiendrait quelques 23 000 documents, soient des chèques et des pièces à l’appui (contrats, factures, reçus etc) pour la période. La rubrique des dons désignés impliquerait quelques 75 documents pour la période. Quant au temps requis pour compiler les documents demandés, Madame Dufresne l’estime à 750 heures pour traiter la documentation concernant les centres de recherche, et de trois semaines de travail pour trois personnes chacune, soit l'équivalent de 9 semaines de travail au total pour traiter la documentation des services financiers. Le conseiller à la comptabilité, M. Michel Cusson, témoigne à son tour. Il s’occupe des bilans financiers de l’Hôpital où il travaille depuis 11 ans. Il a une connaissance personnelle du travail requis pour satisfaire la demande de M. Desloges et il a participé au calcul de l’estimation quant à l’effort requis pour examiner les documents financiers. Il explique comment il faudrait sélectionner tous les chèques pertinents dans le Fonds d’immobilisation et ensuite repérer les pièces appropriés au Service des approvisionnements. Le dernier témoin de l’Hôpital est Madame Patricia Gauthier, Directrice des services administratifs depuis l993. Madame Gauthier opine des conséquences pour l’Hôpital s’il devait traiter la demande de M. Desloges du 14 juin 2000. Elle témoigne des compressions majeures qui ont eu lieu dans le milieu hospitalier et la réduction des services de soutien en conséquence du choix de protéger le plus possible le niveau de services aux patients. Pour satisfaire cette demande il faudrait ajouter des ressources, ce
00 11 94 7 00 12 38 qui ajouterait au déficit budgétaire dont l’Hôpital est déjà grevé. Elle mentionne que la Loi 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux 1 , oblige les établissements de santé à respecter l’équilibre budgétaire. Les arguments de l'Hôpital En conclusion, la procureure de l’Hôpital, faisant référence aux affaires Ville de Montréal c. Winters 2 , Hydro-Québec c Côté 3 , Municipalité de Gallix et Comité d'intervention des citoyens(ennes) de Gallix Inc. 4 , Ministère de l’Environnement c. L’Association professionnelle des Ingénieurs du gouvernement du Québec 5 , plaide que la demande est abusive par la répétition des demandes par le nombre de documents impliqués et par le contexte financier serré dans le monde de la santé. Si la Commission accède à la demande de révision de M. Desloges, elle plaide que cela aurait pour conséquence que l'argent qui manque pour soigner les enfants malades doit être donné pour financer des demandes d'accès abusives. De plus, elle souligne que les procédures additionnelles que pourraient nécessiter l’application obligatoire des articles 23 et 24 de la Loi qui traitent de l’information impliquant des tiers et l’obligation de communiquer avec eux. L’article 53 de la Loi devrait être appliqué aussi pour masquer les renseignements nominatifs. Finalement, elle réfère aux articles 21, 27 et 37 de la Loi. Selon elle, tous ces articles pourraient être invoqués dans le cours du traitement de la demande et recevoir application, ce qui ajouterait au temps de traitement requis. DÉCISION La Loi prévoit qu'en matière d'accès, le principe fondamental d'accès des citoyens doit être respecté, sauf pour des exceptions prévues. La Loi prévoit aussi, que dans des cas 1 L.Q. 2000, c. 17. 2 [1999] C.A.I. 359. 3 [2000] C.A.I., 347. 4 C.A.I. Sept-Iles, n o 00 05 50, 5 juillet 2001, c. Boissinot. 5 C.A.I. Québec, n o 00 13 41, 17 mai 2001, c. Boissinot.
00 11 94 8 00 12 38 précis, la Commission peut autoriser un organisme à ne pas tenir compte d'une demande d'accès : Demandes abusives. 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Demandes non conformes. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Exercice de pouvoirs. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. Cet article, faisant exception au principe d'accès, doit être interprété restrictivement. À ce titre, référons à l'affaire Hydro-Québec c. Michel Côté, où l'on écrit : Est-ce que la Commission doit appliquer le premier alinéa de l'article 126 de la loi de façon automatique dès qu'il est démontré l'existence de plusieurs centaines de documents qui font l'objet de la demande ? Je ne crois pas. 6 […] Cependant, ce droit d'accès aux documents s'interprète par rapport aux faits pertinents dans chaque cas. Dans la présente cause, les demandes sont, de toute évidence, répétitives en ce qu'elles visent par quatre demandes successives en moins de quatre mois, à cerner une même problématique sous des angles différents. Cette problématique peut se définir comme étant la disposition des fonds reçus par l'Hôpital en provenance de la Fondation. Elles sont aussi systématiques en ce qu'elles visent à obtenir tous les détails sur tous les montants d'argent dépensés par rapport aux sommes versées par la Fondation. Dans sa quête pour obtenir cette information, M. Desloges revient sur le même sujet, demandant de plus en plus de détails. Bien qu'il reçoive certains documents assez volumineux à ce sujet, ils ne possèdent pas le détail d'information qu'il recherche. Ceci l'amène à demander, dans 6 [2000] C.A.I. 347.
00 11 94 9 00 12 38 sa dernière requête des quatre et celle dont il est question ici, d'avoir tous les détails des dépenses de l'Hôpital sur une période de cinq ans. Finalement, la demande de M. Desloges peut être considérée abusive en ce qu'elle nécessiterait des efforts extraordinaires de l'Hôpital pour y répondre, vu le très grand nombre de documents impliqués, soit approximativement trente mille. La preuve démontre que l'Hôpital devrait y consacrer plus de trente semaines de travail, soit l'équivalent du temps d'une personne à temps plein pendant presque huit mois. Dans le contexte dans lequel fonctionnent les établissements de santé, mettre autant de ressources sur une seule demande d'accès constituerait un fardeau excessif pour l'Hôpital. POUR CES MOTIFS LA COMMISSION : ACCUEILLE la requête et AUTORISE l'organisme à ne pas tenir compte de la demande d'accès. Montréal, le 28 janvier 2002 JENNIFER STODDART Commissaire M e Marie St-Pierre (dossier 00 11 94) Procureure de l'organisme M e Sylvie Champagne (dossier 00 12 38) Procureure de l'organisme
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