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00 04 71 RUMAK, Hélène RAVENDA, Johanne Demanderesses c. CHSLD CENTRE-VILLE DE MONTRÉAL Organisme public Le 20 janvier 2000, les demanderesses sadressent au responsable de laccès aux documents de lorganisme pour obtenir les «politique, directive, règlement et tout autre document concernant lutilisation dun lève-personne incluant les dates dadoption, de modification, de mise en vigueur, etc.». Les 18 et 21 février 2000, le responsable donne suite à leur demande. Il leur communique : un extrait du «manuel de service» portant sur les procédés de soins relatifs à lutilisation de certains types de lève-personne; un bulletin de Santé Canada intitulé «Alerte- matériels médicaux», daté du 20 mars 1997. Il refuse par ailleurs de leur donner communication des autres documents détenus et visés par leur demande, ce, en vertu de larticle 32 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, vu le recours collectif autorisé par la Cour supérieure le 24 novembre 1999, et en vertu de larticle 37 de la même loi. Le 23 février 2000, les demanderesses requièrent la révision de ce refus.
00 04 71 2 Les parties sont entendues le 27 mars 2001, à Montréal, la Commission ayant dabord intervenir dans le cadre de la requête déposée par lorganisme en vertu de larticle 126 de la Loi sur laccès. PREUVE : Lavocat de lorganisme identifie les trois documents auxquels laccès a été refusé (O-1); il remet aux demanderesses, séance tenante, copie de lun de ces documents. Il dépose copie dun jugement de la Cour supérieure (O-2), daté du 24 novembre 1999; ce jugement : autorise, à la suite dune requête datée du 6 janvier 1998, lexercice dun recours collectif contre lorganisme; attribue aux requérantes Handicap-Vie-Dignité et à Johanne Ravenda le statut de représentantes habilitées à exercer ce recours collectif pour le compte dun «Groupe» ainsi défini : «tous les bénéficiaires résidant à lHôpital St-Charles Borromée pendant quelque temps entre le 1 er janvier 1993 et le 31 décembre 1997 ainsi que les héritiers de ceux qui sont décédés pendant cette période.»; identifie les principales questions qui seront traitées collectivement, notamment : «a) quelles obligations contractuelles et légales lHôpital avait-il envers les membres du «Groupe» quant aux soins et services quil leur donnait pendant ladite période? ; b) lHôpital sest-il acquitté de ses obligations? ; c) si la réponse à b) est négative, lHôpital avait-il une raison valable en droit de ne pas exécuter ses obligations? ; d) si les réponses à b) et c) sont négatives, les membres du «Groupe» ont-ils subi un préjudice à cause du non-respect par lHôpital de ses obligations? ; e) si la réponse à d) est affirmative, à quel montant doit-on évaluer les dommages ainsi causés à ces membres? ».
00 04 71 3 Lavocat de lorganisme souligne que les principales questions identifiées par la Cour supérieure sont libellées très largement. Il dépose, en liasse avec ce jugement, un extrait du plumitif civil (O-2) faisant état de lévolution de ce recours collectif intenté contre lorganisme, cause toujours pendante le 12 mars 2001. Il dépose aussi une copie de la déclaration amendée et précisée des requérantes, datée du 8 mars 2001 (O-3). M e Marie-Josée Hogue, avocate mandatée pour défendre lorganisme dans le cadre du recours collectif précité, affirme que ce recours : attaque essentiellement et de façon large les services offerts par lorganisme à la Résidence St-Charles-Borromée, ce, en tenant compte de létat des bénéficiaires qui y résident et de létat particulier dune bénéficiaire représentée par la demanderesse Johanne Ravenda; dénonce, de façon détaillée, «la mauvaise organisation» de lorganisme ainsi que «linadéquation des services fournis par lui…» et définit le préjudice qui en résulte pour les bénéficiaires. Elle souligne que la définition du «Groupe» a une très large portée puisque celui-ci se compose, selon la déclaration amendée et précisée, denviron 350 à 400 personnes (O-3). Elle signale également que cette déclaration amendée et précisée réfère de façon très détaillée : à des «lacunes majeures qui avaient pour effet daffecter gravement la qualité des soins, conditions de vie et les droits des usagers» et à dautres «problèmes» identifiés dans le rapport du Conseil canadien dagrément des établissements de santé» de décembre 1993;
00 04 71 4 à de «sévères carences organisationnelles» et «autres carences administratives qui affectent la qualité des soins» soulevées par un rapport préparé en 1994 par le Comité dinspection professionnelle de lOrdre des pharmaciens du Québec; aux «fautes commises» par lorganisme, amplement décrites, ainsi quà une situation globale non totalement corrigée «à ce jour» de sorte que «les bénéficiaires les plus vulnérables continuent encore à subir des préjudices…». M e Hogue signale enfin que les interrogatoires préalables nont pas été faits, la déclaration amendée et précisée datant du 8 mars 2001. Les demanderesses déposent copie des définitions que lorganisme attribue aux mots «politique», «directive» et «règle de fonctionnement» (D-1), copie de lIndex des politiques, directives et règlements en vigueur que lorganisme leur a fournie (D-2) ainsi que copie de leur demande daccès du 20 juin 2000 (D-3). Elles font entendre monsieur Léon Lafleur, directeur général et responsable de laccès aux documents de lorganisme, qui, sous serment, affirme avoir associé cette demande daccès à un conflit survenu au sein de lorganisme le 12 janvier 2000 concernant lutilisation dun lève-personne levier») pour un résident (D-4). Monsieur Lafleur affirme également connaître, en qualité de gestionnaire de lorganisme, la problématique reliée à lutilisation des leviers et à laquelle réfèrent les demanderesses (D-5). Les demanderesses déposent lavis que monsieur Lafleur leur a fait parvenir le 10 février 2000 afin de leur indiquer que le délai de traitement de leur demande était prolongé de 10 jours (D-6). Monsieur Lafleur explique que cette prolongation de délai résulte de la
00 04 71 5 décision de lorganisme de confier ses dossiers daccès à de nouveaux procureurs, lesquels sont également mandatés pour défendre lorganisme dans le cadre du recours collectif précité. Monsieur Lafleur reconnaît sa réponse du 18 février 2000 (D-7) adressée aux demanderesses ainsi que sa réponse du 21 février 2000 rectifiant la première (D-8). Madame Hélène Rumak, lune des demanderesses, témoigne sous serment. Elle explique que lorganisme privé «Handicap-Vie-Dignité», qui est actif depuis 1991, aide les personnes les plus vulnérables qui sont placées en institution à exercer leurs droits et à recevoir tous les soins que requiert leur état. Elle spécifie que cet organisme ne se limite pas à lapproche individuelle; par lentremise de demandes daccès notamment, lorganisme «cherche toujours à établir le caractère systémique, sil y a lieu;…donc après lapproche individuelle, on demande régulièrement à linstitution des documents afin de vérifier comment sont donnés certains soins; quand il y a de quoi, notre rôle cest avec le recours collectif et tout ça; cela fait partie de notre travail détablir des choses systémiques et la seule façon détablir des choses systémiques, grâce à la Loi daccès, on obtient plusieurs documents qui confirment ou infirment sil sagit dun cas unique (on agit pareil dans un cas unique) ou sil sagit dun cas systémique on prend beaucoup de temps pour monter le dossier, on essaie de répertorier tous les documents pertinents à cette situation». Elle précise que dans le cas des leviers, «on essaye de récupérer tout çà; le but ultime, cest que les choses changent pour quune qualité de vie devienne acceptable pour les plus vulnérables; pour çà, il faut faire reconnaître la problématique, alors çà nous prend des documentsqui valent beaucoup plus que nos témoignages individuels…; avec les documents, linstitution ne peut plus nier.». Madame Rumak ajoute que la demande daccès du 20 juin 2000 vise la situation particulière et urgente dun bénéficiaire qui a toujours été transféré «à bras», sans levier.
00 04 71 6 Ce bénéficiaire a confié aux demanderesses quune directive de lorganisme exigeait dorénavant son transfert par levier, moyen de déplacement auquel il sopposait, et il a requis leur aide. Elle a entendu parler de lexistence dune directive de lorganisme relative à lutilisation généralisée des leviers et elle a demandé accès à ce document, notamment. Madame Rumak explique avoir demandé accès à dautres directives depuis la date le recours collectif a été intenté et avoir obtenu des centaines de pièces concernant la qualité des soins offerts par lorganisme. Elle déplore enfin, sans en faire un argument, le temps requis pour le traitement de la demande daccès urgente du 20 janvier 2000 (D-7, D-8). ARGUMENTATION : Lavocat de lorganisme rappelle que la preuve (O-2) révèle quen date du 24 novembre 1999, la Cour supérieure a autorisé Handicap-Vie-Dignité et la demanderesse Johanne Ravenda à exercer, pour le compte de tous les bénéficiaires ayant résidé à lHôpital St-Charles Borromée de lorganisme entre le 1 er janvier 1993 et le 31 décembre 1997 et pour le compte des héritiers de ceux qui sont décédés pendant cette période, un recours collectif en responsabilité contre lorganisme. Il précise que le témoignage de madame Rumak confirme que le but de Handicap-Vie-Dignité est détablir, sil y a lieu, le caractère systémique du manque de soins donnés par lorganisme.
00 04 71 7 Il soutient que le 3 ième alinéa de larticle 47 de la Loi sur laccès permettait à lorganisme de prolonger le délai de traitement de la demande daccès du 20 janvier 2000 (D-6) parce que lorganisme se trouvait alors dans un contexte de judiciarisation particulière tant devant la Cour supérieure que devant la Commission daccès (requête de lorganisme en vertu de larticle 126 de la Loi sur laccès) et parce quil y avait eu un changement de procureur au dossier daccès de lorganisme : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: 1 o donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 2 o informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3 o informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4 o informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5 o informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6 o informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. Il soutient également que la loi précitée régit le traitement de demandes daccès, non pas le traitement de situations dont lurgence ou autres particularités nont rien à voir avec laccès; à son avis, lorganisme était, vu les circonstances susmentionnées, pleinement justifié de prolonger le délai de traitement de la demande daccès du 20 janvier 2000 en vertu du 3 ième alinéa de larticle 47 précité. Il soutient que les deux documents qui demeurent en litige comprennent:
00 04 71 8 lanalyse de la situation reliée à la problématique du levier, analyse suivie de recommandations; lanalyse dun cas particulier, analyse suivie de recommandations. À son avis, ces deux documents sont reliés au recours collectif mis en preuve et ils sont visés par les articles 32 et 37 de la Loi sur laccès : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. Il soutient enfin quaucune preuve nétablit que dautres documents visés par la demande daccès du 20 janvier 2000 étaient détenus par lorganisme à la date de cette demande daccès. Les demanderesses soulignent que leur requête porte sur laccès à tous les documents concernant lutilisation de leviers pour les bénéficiaires. Elles se disent étonnées, compte tenu des définitions adoptées par lorganisme (D-1), de lIndex de ses politiques, directives et règlements (D-2) et des documents qui demeurent en litige, que lorganisme nait apparemment pas encore régi lutilisation des leviers alors que ses bénéficiaires doivent, pour la plupart, être déplacés ou transférés par les préposés.
00 04 71 9 À leur avis, la décision prise par le directeur général de lorganisme concernant lutilisation dun levier dans un cas particulier (D-4) serait, faute de règle générale, sans fondement et, comme le démontre la preuve, périlleuse (D-5). Les demanderesses déplorent enfin que lorganisme restreigne laccès à des documents qui comprennent des renseignements factuels, documents dont la communication permettrait lamélioration de la qualité de vie des usagers de lorganisme. DÉCISION : Jai pris connaissance des deux documents qui demeurent en litige et qui ont été identifiés par lorganisme (O-1). Ces documents sont respectivement datés du 20 mars 1997 et du 3 avril 1997; ils se situent à lintérieur de la période visée par le recours collectif (O-2). A) Le document daté du 20 mars 1997, identifié par lorganisme comme étant le rapport dintervention en santé et sécurité au travail dun technicien en prévention (O-1), est constitué de renseignements factuels suivis de renseignements analytiques et de recommandations : les renseignements factuels sont tous ceux que le technicien en prévention a inscrits sous la rubrique «Demande» et sous la rubrique «Mesures prises»; sy ajoutent les deux premiers des sept renseignements que le technicien en prévention a inscrits sous la rubrique «Observations, verbalisations». Ces renseignements ne sont pas visés par les articles 32 et 37 invoqués par le responsable au soutien de son refus; ils doivent conséquemment être communiqués aux demanderesses en vertu des articles 9 et 14 de la Loi sur laccès; les renseignements analytiques sont tous ceux que le technicien en prévention a inscrits sous la rubrique «Observations, verbalisations», exception faite des deux
00 04 71 10 premiers qui sont essentiellement factuels. Ces renseignements analytiques, qui rendent compte de lexamen dune situation particulière, sont en lien direct avec le recours collectif mis en preuve, recours que sont autorisées à exercer lune des demanderesses et Handicap-Vie-Dignité, depuis le 24 novembre 1999, pour le compte dun groupe de bénéficiaires de lorganisme, ce, contre lorganisme (O-2), recours demandé et autorisé avant la demande daccès et encore pendant lors du traitement de cette demande. La preuve présentée par les demanderesses ainsi que la preuve présentée par lorganisme, notamment les questions qui seront traitées dans le cadre du recours collectif concernant les soins et services donnés par lorganisme au groupe de bénéficiaires visé, me convainquent que la divulgation de ces renseignements analytiques risquerait vraisemblablement davoir un effet sur ce recours collectif. Larticle 32 confère à lorganisme le droit de refuser de communiquer ces renseignements analytiques à toute personne en raison de leffet vraisemblable de leur divulgation sur le recours collectif qui était pendant au moment de la demande daccès; lidentité des demanderesses, tout comme le caractère humanitaire de leurs activités auprès des plus vulnérables nont aucun effet sur lapplication de larticle 32; les recommandations que le technicien en prévention a inscrites en page 2 du rapport, complètent ce document; elles sont, de toute évidence, faites depuis moins de dix ans par un membre du personnel de lorganisme dans lexercice de ses fonctions. Larticle 37 confère à lorganisme le droit de refuser de communiquer ces recommandations. B) Le document daté du 3 avril 1997 est intitulé «Commentaires sur le communiqué Alerte-matériels médicaux»; il a été rédigé par un conseiller en santé et sécurité du travail et un technicien en prévention. Il est constitué de renseignements analytiques, davis et de recommandations : les renseignements analytiques constituent une partie substantielle du document et ils sont en lien direct avec le recours collectif mis en preuve. Pour les motifs exprimés
00 04 71 11 plus haut concernant les renseignements analytiques du premier document en litige, je suis convaincue que larticle 32 de la Loi sur laccès sapplique et que lorganisme a le droit de refuser de communiquer ces renseignements analytiques; les avis et recommandations sont, de toute évidence, faits depuis moins de dix ans par des membres du personnel de lorganisme dans lexercice de leurs fonctions. Larticle 37 confère à lorganisme le droit de refuser de les communiquer. Par ces motifs, la Commission ACCUEILLE partiellement la demande; CONSTATE que lun des trois documents qui étaient en litige a été remis séance tenante; ORDONNE à lorganisme de communiquer aux demanderesses les renseignements factuels du rapport dintervention du 20 mars 1997, tels quils ont été déterminés plus haut; REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 3 janvier 2002. M e Laurent Lesage, Heenan Blaikie (Montréal) avocat de lorganisme.
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