Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

01 09 23 MUNICIPALITÉ DE VASSAN Requérante c. COMITÉ DES CITOYENS DE VASSAN Intimé L'OBJET DU LITIGE Le 13 mars 2001, l'intimé s'adresse à la requérante pour obtenir copie des prévisions budgétaires et des budgets pour les années 1997 à 2001. Il demande également le salaire des élus municipaux et des employés, les frais juridiques dépensés ainsi que l'inventaire des équipements municipaux pour les années 1995 à 2001. La requérante lui transmet, le 6 avril 2001, les documents demandés, à l'exception de ceux protégés par les articles 31, 32, 53 et 57 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi). Le 26 avril 2001, l'intimé présente à la requérante une demande en six points pour obtenir, entre autres, les états financiers et les dépenses encourues par le maire, les conseillers et les employés pour les années 1998 à 2001, les soumissions pour l'entretien de huit chemins et routes depuis 1999, le résultat des travaux effectués au réseau routier à l'été 1999, les procès-verbaux du conseil pour les années 1999 et 2000 et les « déclarations écrites pécunières selon l'art : E-22-357 du guide de l'élu municipale. » (sic).
01 09 23 - 2 La requérante dépose à la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission), le 17 mai 2001, une requête pour être autorisée à ne pas tenir compte de la demande du 26 avril parce qu'elle vise 225 documents et qu'il lui est impossible de pouvoir la traiter dans le délai requis par la loi sans que ne soient perturbées ses activités régulières. Une audience se tient à Amos en présence des parties le 23 octobre 2001. LA PREUVE M me Lucie Roy, directrice générale et responsable de laccès, raconte être responsable, pour une population de 1 052 personnes, de la gestion administrative de la requérante avec deux autres employés, une adjointe et un inspecteur. Elle fait remarquer que tous les employés ont un horaire de travail de 35 heures par semaine. Elle dit que ses responsabilités sont de voir à lorganisation des besoins généraux de la requérante, de préparer la documentation nécessaire aux réunions régulières et spéciales du conseil municipal et d'assister aux rencontres mensuelles du « caucus » et des séances du conseil. Elle signale être sollicitée pour collaborer aux travaux du Comité sur la fusion de la requérante avec la Ville de Val-d'Or et produire tous les documents (réseaux daqueduc, routier, etc.) nécessaires audit Comité, ce qui, note-t-elle, nécessite sa présence à plusieurs rencontres, dont au moins une fois par semaine à Val-dOr en vue de la préparation du budget de la future ville. M me Roy indique n'avoir jamais eu à traiter de demande d'accès, à l'exception de la dernière année elle en a reçu six, dont deux d'importance. Elle signale avoir consacré près de 20 heures pour traiter une précédente requête du demandeur, le 13 mars 2001, parce que les documents alors exigés étaient 1 L.R.Q., c. A-2.1.
01 09 23 - 3 -archivés au sous-sol de l'organisme. Elle passe en revue chaque point de la demande du 26 avril de la façon suivante : 1. « Les états financiers pour les années : 1996-97-98-99-2000 et 2001 » M me Roy soutient que les états financiers de la requérante contiennent en moyenne 57 pages et sont classés par année. Elle évalue à près de sept heures le délai requis pour répondre à cette partie de la demande. Elle spécifie qu'au moment de la demande, la requérante ne détenait pas les états financiers pour l'année 2001 parce que l'année financière n'était pas encore terminée. 2. « Les dépenses encourues (Tous les frais de kilométrage, repas, chambres d'Hotel, formation et frais divers…) pour les années 1998-1999-2000, 2001 par la municipalité de Vassan, les élus municipal, les employées, le maire, les conseillers, la secrétaire trésorières adjointe, la secrétaire trésorière et directrice générale, l'inspecteur municipale et autres employé(e)s ou employés(es) s'il y a lieu. » (sic) M me Roy mentionne que les dépenses visées par le point 2 se trouvent dans 124 documents et concernent, sur une période de quatre ans, 31 personnes. Elle affirme avoir transmis à l'intimé un document, intitulé « Prévisions budgétaires », lors d'une précédente demande et que ce dernier renferme tous les renseignements sur les dépenses encourues par la requérante. Elle précise que les états financiers donnent une information sur le type de dépenses demandées, mais de manière globale et non individuelle. Elle évalue à près de 14 heures le temps requis pour répondre à cette partie de la demande, soit deux journées de travail. 3. « Les soumissions, les noms des contractuels, leurs devis, et copies des contracts pour l'entretient des chemins pour les quatres saisons pour: a) Chemin Rousseau 1200 mètres b) Chemin Beaudet 1600 mètres c) Route Chanoine Richard 1610 mètres d) Chemin des Loisirs 900 mètres e) Chemin René 400 mètres f) Chemin Pont Champagne 8150 mètres
01 09 23 - 4 g) Route Curé Brien 3260 mètres h) Chemin Duval 5040 mètres Ainsi que les facturations et chèques émis par La municipalité pour les années-1999-2000-2001. » (sic) M me Roy relate que les soumissions pour l'entretien des routes et chemins, déneigement ou nivelage, ne sont pas classées par le nom du chemin, n'ayant pas été octroyées pour un chemin ou une route en particulier. Elle avance que 96 documents sont visés par ce sujet et qu'ils nécessitent une vérification de sa part pour, le cas échéant, aviser les tiers concernés aux termes de l'article 25 de la loi. Elle évalue le traitement de ces derniers documents à « un gros 14 heures » de travail. M me Roy signale que les factures et chèques émis par l'organisme pour l'entretien du réseau routier sont classés par le nom de l'entrepreneur dans « un compte à payer ». Elle évalue à sept heures le traitement de cette partie de la demande. 4. « Résultats des travaux effectués pour le résaux routier (coût réel par chemin mentionné à la page précédente) pour les années (été) 1999-2000 » (sic) M me Roy affirme que la requérante ne détient aucun document constatant le résultat des travaux pour l'année 1999 parce qu'il n'y a pas eu compilation des données. Elle affirme que, pour l'été 2000, le résultat des travaux du réseau routier a été publié dans le journal local « La Diffusion » et qu'il « ne sera pas long de sortir » ce renseignement. 5. « Procès verbal (pour l'année 99) pour les mois de novembre et décembre et l'année complète 2000. » (sic) M me Roy allègue que cette partie de la demande représente, pour les deux années concernées, 21 réunions et 148 pages, et qu'elle peut y répondre en trois heures.
01 09 23 - 5 -6. « Copie du contenu des déclarations écrites pécunières, selon l'art : E-22-357 du guide de l'élu municipale. » (sic) M me Roy mentionne qu'il s'agit de 23 documents visant le même nombre de personnes et qu'elle peut traiter cette partie de la demande en une heure. M me Roy fait remarquer qu'elle doit actuellement s'occuper du réseau routier, du programme et des nouvelles normes émises par le gouvernement du Québec relatifs à l'eau potable parce que l'inspecteur municipal est absent pour maladie. Elle doit également accomplir diverses tâches reliées à la fusion municipale, dont celle de se rendre une journée par semaine en la Ville de Val-d'Or préparer le budget et sortir les informations conséquentes. M me Roy répond à la Commission que l'inspecteur municipal est en congé de maladie depuis le 22 octobre 2001, mais qu'il ne l'était pas lors de la demande d'accès, et que le programme d'eau potable a débuté en mars 2001 pour une application en juillet de la même année. Elle confirme que la demande du 13 mars 2001 et celle du 26 avril sont différentes bien que similaires, que les états financiers dont il est discuté sont des états financiers vérifiés, classés par année et ayant un caractère public et que les procès-verbaux des réunions du conseil ont aussi un caractère public. Elle prétend que le traitement actuel des quelque 290 documents reliés à la demande représente 49 heures de travail et que, dans le présent contexte, il lui est impossible d'y répondre sans affecter le déroulement normal des activités de la requérante. M. Gaétan Gignac, président de l'intimé, soumet avoir présenté la demande du 26 avril à la suite du refus manifesté par la requérante et le maire, à au moins deux reprises, de répondre à certaines questions concernant la gestion de la requérante. Il assure que si la requérante avait pris le temps de l'informer adéquatement de l'impossibilité de répondre à certains points, il les aurait retirés. Dans les circonstances, il considère sa demande légitime parce qu'il s'agit de
01 09 23 - 6 documents à caractère public. Il répète qu'il ne serait pas ici s'il avait pu discuter préalablement avec les personnes concernées. M. Gignac déplore que la secrétaire-trésorière assume toutes les responsabilités et que la requérante n'ait pas pris le temps de communiquer avec lui. Il fait valoir que le citoyen a les mêmes droits, que la Municipalité « soit petite ou grosse ». LES ARGUMENTS La procureure de la requérante argue que les activités régulières de cette dernière seraient paralysées si elle donnait suite à la demande, et ce, en raison du contexte de la fusion municipale, de la taille de la requérante, du nombre d'employés, des 290 documents demandés et du temps requis pour la traiter 2 . APPRÉCIATION La requérante désire être autorisée par la Commission à ne pas tenir compte de la demande d'accès de l'intimé du 26 avril 2001 parce que « manifestement abusive par le nombre » au sens de l'article 126 de la loi : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. 2 Ville de Québec c. Paré, [1997] C.A.I. 97; Thériault c. Ville de Terrebonne, [1995] C.A.I. 34; Canton de Chatham c. Arnold, [1994] C.A.I. 109; Jason c. Municipalité de D'Alembert, [1992] C.A.I. 10.
01 09 23 - 7 -Le principe d'accès aux documents détenus par un organisme public énoncé à l'article 9 de la loi a comme conséquence l'interprétation restrictive des dispositions qui viendrait l'atténuer ou en altérer le sens et la portée : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Comme l'article 126 de la loi est une procédure exceptionnelle, il doit recevoir une interprétation restrictive 3 . Il faut retenir que le droit d'accès est le même pour tout individu, quel que soit son titre, son intérêt ou son occupation 4 . Il importe de rappeler également qu'un organisme doit répondre à une demande d'accès « avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande » aux termes de l'article 47 de la loi et que la Commission doit évaluer la situation existante à la date de ladite réponse : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : […] Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. D'ailleurs, dans l'affaire de la Fraternité des chauffeurs d'autobus, opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la C.T.C.U.M. c. Tremblay 5 , l'honorable juge Bernier de la Cour d'appel nous enseigne que : « La règle de droit en matière de révision judiciaire ou quasi judiciaire d'une décision administrative est qu'il faut se rapporter à l'époque de la décision [...] » 3 Ville de Montréal c. Winters, [1984-86] 1 C.A.I. 165 (C.Q.). 4 Compagnie de la Baie d'Hudson c. Communauté urbaine de Québec, [1994] C.A.I. 160 et [1995] C.A.I. 437 (C.Q.). 5 [1981] C.A. 157, 159.
01 09 23 - 8 -Ainsi, la Commission doit se rapporter à l'époque de la décision de la requérante, le 17 mai 2001, et considère inadmissible l'ajout de faits nouveaux, imprévus et postérieurs à celle-ci 6 . La requérante vise à démontrer son incapacité de répondre à la demande d'accès dans les délais prévus à la loi parce que ses activités régulières seraient perturbées. Une bonne partie de la preuve reposant sur des situations contemporaines à la date de l'audience et non à celle existante lors de la réponse de la requérante, la Commission peut difficilement retenir les activités faites après la requête de la requérante. La compréhension de la Commission est qu'au moment de la réponse de la requérante, M me Roy n'avait pas à assumer les tâches de l'inspecteur municipal (pouvant même obtenir à l'époque l'aide de ce dernier), ni à fournir les documents nécessaires dans le cadre de la fusion avec la Ville de Val-d'Or, ni à se déplacer physiquement chez cette dernière dans le cadre de la préparation du budget de la nouvelle ville. En raison de ce qui précède, est-ce que le nombre de documents visés par la demande justifie l'application de l'article 126 de la loi? D'une part, M me Roy a déclaré que les documents requis aux points 4, 5 et 6 de la demande peuvent facilement être repérés et qu'un délai de quatre heures lui est nécessaire pour lui permettre d'y répondre. En ce qui concerne les documents relatifs aux travaux effectués au réseau routier à l'été 1999, évoqués au point 4 de la demande, ainsi que les états financiers pour l'année 2001, inscrits au point 1 de ladite demande, M me Roy a démontré, à la satisfaction de la Commission, que ces documents n'existaient pas lors de la demande. En conséquence, la requérante n'a pas à confectionner un 6 Dufour c. Commission scolaire Beauport, [1986] C.A.I. 194.
01 09 23 - 9 -nouveau document pour répondre à cette partie de la demande, et ce, conformément à l'article 15 de la loi : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. D'autre part, M me Roy a reconnu le caractère public des états financiers de la requérante. Elle spécifie que les états financiers, ayant en moyenne 57 pages, sont classés par année. Dans les circonstances, la preuve ne m'a pas convaincu qu'il faut consacrer un délai de sept heures pour trouver lesdits documents. Toutefois, la preuve non contredite révèle, en ce qui touche les points 2 et 3 de la demande, que la requérante devra repérer, pour les années identifiées par l'intimé, quelque 220 documents, les vérifier et, le cas échéant, aviser les tiers concernés. La Commission a déjà décidé qu'une demande d'accès à laquelle on ne peut répondre, dans le délai requis par la loi, à cause du nombre et qui affecterait les activités d'un organisme ne répond pas à l'exercice du droit d'accès prévu dans la loi 7 . Elle a aussi exprimé que 8 : « Le Tribunal est d'avis que généralement des demandes d'accès portant sur des centaines voire sur des milliers de documents à la fois sont juridiquement irrecevables au sens de la loi d'accès. » À l'évidence, le travail évalué par M me Roy à plus de 28 heures, soit une personne devant consacrer une semaine complète de travail pour trouver et analyser 220 documents pour un organisme disposant de peu de ressources, justifie l'intervention de la Commission pour autoriser l'organisme à ne pas tenir compte de la demande. 7 Thériault c. Ville de Terrebonne, précitée, note 2. 8 Ville de Montréal c. Winters, [1989] R.J.Q. 2251 (C.Q.) 2254.
01 09 23 - 10 La Commission tient cependant à signaler que le demandeur conserve son droit de présenter une demande qui respecte les exigences de la loi.
01 09 23 - 11 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la requête de la requérante; et AUTORISE la requérante à ne pas tenir compte de la demande de l'intimé du 26 avril 2001. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 21 novembre 2001 M e Isabelle Breton Procureure de la requérante
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.