01 06 34 X Demanderesse c. UNIVERSITÉ LAVAL Organisme public Madame X a demandé accès au rapport préparé par un comité d’enquête constitué par l’organisme à la suite d’une plainte qu’elle avait déposée à l’endroit d’un professeur. Elle requiert la révision du refus du responsable de lui donner communication des passages qu’il a considérés «comme contenant des renseignements nominatifs ou confidentiels. ». Les parties sont entendues le 6 novembre 2001, à Québec. L’avocate de l’organisme me remet copie du rapport et elle désigne les renseignements qui demeurent en litige et qui se distinguent par une marque claire. PREUVE et ARGUMENTATION : M e Jacques Deslauriers témoigne sous serment en qualité d’adjoint au secrétaire de l’organisme. Il affirme que la demanderesse a déposé une plainte en vertu de la Politique relative à l’intégrité scientifique (O-1) adoptée par l’organisme, qu’une enquête a été effectuée par
01 06 34 2 le Comité d’enquête sur les manquements à l’intégrité scientifique ou conflits d’intérêts constitué selon cette politique et que ce comité a remis, comme prescrit, un rapport confidentiel à la vice-rectrice à la recherche de l’organisme. M e Deslauriers ajoute que la vice-rectrice à la recherche a transmis une partie de ce rapport à la demanderesse le 20 février 2001, mettant ainsi un terme au processus d’enquête entrepris à la suite de sa plainte (O-2). Il précise que des renseignements nominatifs nécessaires à l’exercice de la fonction de gestion de la vice-rectrice à la recherche ont cependant été extraits de cette partie du rapport qui a été communiquée à la demanderesse. M e Deslauriers indique que madame X a par la suite manifesté sa volonté de recevoir la totalité du rapport du comité d’enquête et que le traitement de sa demande, par le secrétaire de l’organisme ainsi que par lui-même, lui a permis d’obtenir les renseignements auxquels l’accès lui avait été refusé le 20 février 2001 exception faite de ceux qui demeurent en litige et qui font l’objet de la demande de révision (O-3). M e Deslauriers témoigne à huis clos et ex parte concernant les renseignements en litige. Madame X témoigne par la suite, sous serment. Elle indique vouloir comprendre ce qui s’est réellement passé. Elle souligne, essentiellement, que l’enquête du comité résulte de sa propre plainte et qu’elle a un droit d’accès : • au rôle des personnes qui ont été impliquées dans une affaire qui lui a causé préjudice; • aux témoignages exprimés devant le comité d’enquête;
01 06 34 3 • aux commentaires qui concernent d’autres personnes tout en la concernant. Elle signale qu’elle connaît toutes les personnes qui ont pu être invitées à témoigner devant le comité et elle dit soupçonner que le comité ait requis le témoignage de certaines personnes en particulier. À son avis, il est possible que des éléments du rapport aient été extraits parce qu’ils sont douteux. Elle réitère vouloir prendre connaissance de l’intégralité du rapport d’enquête afin d’avoir un éclairage complet sur ce qui s’est passé, non pas en vue de harceler des personnes. Elle mentionne enfin que son droit d’accès au rapport ne peut être restreint puisque les procès sont publics et que les décisions des tribunaux le sont également. Contre-interrogée par l’avocate de l’organisme, la demanderesse précise ne pas connaître l’identité des personnes qui ont témoigné devant le comité sauf celle du professeur visé par sa plainte. M e Deslauriers indique que le rapport du comité d’enquête ne constitue pas une décision. Ce rapport, explique-t-il, comprend un avis et des recommandations formulés à l’intention de la vice-rectrice à la recherche afin qu’elle prenne les mesures administratives qui s’imposent. Il explique également que le fonctionnement du comité d’enquête n’est pas celui d’un tribunal; il spécifie que ce comité interne est de nature administrative, qu’il ne procède pas de façon contradictoire et que les témoins entendus, qui ne sont pas contraignables, s’expriment confidentiellement et individuellement dans le cadre d’une enquête privée. Il souligne enfin que les conclusions du comité d’enquête
01 06 34 4 sont, comme le prévoit la politique précitée (O-1), confidentielles et transmises à la vice-rectrice à la recherche pour décision (O-1, O-2). L’avocate de l’organisme prétend que les renseignements en litige sont nominatifs, donc confidentiels. Elle souligne que la Politique relative à l’intégrité scientifique (O-1) prévoit que le processus d’analyse préliminaire de la plainte ainsi que le processus d’enquête du comité administratif interne tiennent compte de l’application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ; elle ajoute que ces processus sont confidentiels et que les témoins entendus par le comité ne sont pas contraignables. Elle prétend également que le refus du responsable de communiquer les renseignements en litige, lequel s’appuie sur l’article 88 de la loi susmentionnée, est fondé puisque ces renseignements sont nominatifs : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. Elle rappelle que la demanderesse a eu accès à tous les renseignements qui la concernent en propre. Elle soutient enfin que les renseignements en litige : • inscrits à la page 5 du rapport sont nominatifs en ce qu’ils permettent d’identifier la personne physique concernée qui n’est pas la demanderesse; • inscrits à la page 6 du rapport sont nominatifs en ce qu’ils concernent une personne physique autre que la demanderesse et qu’ils permettent de l'identifier;
01 06 34 5 • inscrits à la page 7 du rapport sont nominatifs en ce qu’ils concernent une personne physique autre que la demanderesse et qu’ils permettent de l’identifier; • inscrits à l’annexe sont nominatifs en ce qu’ils identifient les personnes qui ont témoigné devant le comité d’enquête. L’avocate de l’organisme soutient que la preuve démontre que la demanderesse ne connaît pas l’identité des témoins exception faite d’une personne dont elle ne connaît cependant pas le témoignage. Elle soutient également que le renseignement indiquant qu’une personne identifiable a été témoin est un renseignement nominatif dans certaines circonstances. Elle soutient enfin que la conduite d’une personne dans le cadre des fonctions exercées pour un organisme public est un renseignement nominatif 1 . DÉCISION : J’ai pris connaissance du rapport du comité d’enquête qui comprend 8 pages, incluant l’annexe; j’ai analysé, à la lumière de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la preuve qui m’a été présentée, les renseignements en litige, soit : • la 1 ière phrase du 3 ième paragraphe de la page 5 : cette phrase est substantiellement constituée d’un renseignement concernant une personne physique autre que la demanderesse; de plus, ce renseignement permettrait d’identifier cette autre personne physique même si son nom était extrait de la phrase; 1 Université de Montréal c. Lamontagne (C.Q.) 1998 C.A.I. 467, 469.
01 06 34 6 • les 2 premières phrases du dernier paragraphe de la page 6 : ces phrases sont substantiellement constituées de renseignements concernant principalement une personne physique autre que la demanderesse; de plus, ces renseignements permettent d’identifier cette autre personne physique même si son nom était extrait du texte; je reconnais cependant que ces renseignements concernent aussi la demanderesse; • le 2 ième paragraphe de la page 7 : ce paragraphe est substantiellement constitué de renseignements concernant principalement une personne physique autre que la demanderesse; de plus, ces renseignements permettent d’identifier cette autre personne physique même si son nom était extrait du paragraphe; je reconnais cependant que ces renseignements concernent aussi la demanderesse; • l’annexe au rapport du comité d’enquête : cette annexe de moins d’une page est constituée du tableau du déroulement des travaux du comité; ce tableau comprend substantiellement des renseignements qui concernent des personnes physiques autres que la demanderesse et qui les identifient; il comprend cependant la date du début des travaux du comité, date inscrite à la page 2 du rapport, laquelle a été intégralement communiquée à la demanderesse, aussi que la date du 21 décembre 2000 à laquelle la demanderesse a été rencontrée par le comité. Les renseignements en litige sont nominatifs en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels parce qu’ils concernent des personnes physiques et qu’ils permettent de les identifier : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne.
01 06 34 7 Les renseignements nominatifs sont confidentiels : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. Les exceptions à la confidentialité prévues par l’article 53 ne s’appliquent pas, comme le démontre la preuve qui m’a été présentée : l’organisme a établi que les renseignements inscrits dans le rapport n’ont pas été obtenus dans l’exercice d’une fonction d’adjudication par un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires; la demanderesse, qui a admis ne pouvoir identifier qu’un seul témoin, n’a, pour sa part, pu démontrer que les témoins consentaient à la divulgation des renseignements les concernant. Les renseignements en litige n’ont par ailleurs aucun caractère public en vertu de la loi, notamment en vertu de l’article 57 de la loi susmentionnée, article dont la portée est limitée : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1 o le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2 o le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3 o un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4 o le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un
01 06 34 8 organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. 5 o le nom et l'adresse de l'établissement du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à entraver le travail d'une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2 o ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. Parce qu’ils sont nominatifs, les renseignements en litige ne peuvent être communiqués : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 1 o au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2 o au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3 o à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4 o à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5 o à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6 o (paragraphe abrogé); 7 o (paragraphe abrogé); 8 o à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1. 9 o à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la
01 06 34 9 sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. La preuve démontre que le cas soumis par la demanderesse n’est pas prévu par les paragraphes 1° à 9° susmentionnés. L’avocate de l’organisme a invoqué l’article 88 de la Loi sur l’accès parce que certains des renseignements en litige concernent à la fois la demanderesse et une autre personne : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. La preuve, notamment le témoignage de la demanderesse, démontre que la divulgation des renseignements en litige qui concernent à la fois la demanderesse et une autre personne physique révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant cette autre personne physique. L’article 88 doit donc recevoir application. Le droit d’accès de la demanderesse est régi par la Loi sur l’accès; le fait que la demanderesse soit à l’origine de la plainte qui ait donné lieu au rapport du comité d’enquête et qu’elle ait pu subir un préjudice ne lui confère pas nécessairement un droit d’accès absolu. La décision du responsable est fondée tant en ce qui a trait aux renseignements nominatifs qui concernent une personne physique autre que la demanderesse qu’en ce qui a trait aux renseignements qui concernent la demanderesse mais dont la divulgation révélerait un renseignement nominatif concernant une autre personne physique : la loi n’autorise pas l’organisme à communiquer ces renseignements à la demanderesse.
01 06 34 10 Enfin, la première phrase du 2 ième alinéa de l’article 14 de la Loi sur l’accès doit recevoir application en ce qui concerne la communication de l’annexe : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. PAR CES MOTIFS, la Commission rejette la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 10 novembre 2001. M e Annie Caron, Beauvais Truchon, avocate de l’organisme.
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