00 07 16 LOUISE PILON Demanderesse c. COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 5 mars 2000, la demanderesse s’adresse à l’organisme afin d’obtenir : « […] la bande sonore VHS : 97-09-26-1/94 Appel : 97092600313 poste: 601 date : 97-09-26 Heure : 01:43:17 à 01:44:03 car cet appel était un canular et j’ai besoin d’identifier la voie de la personne afin de porter des accusations aux criminels. Merci » (sic). Le 22 mars 2000, l’organisme répond à la demanderesse en lui transmettant « une transcription informatisée de l’appel qui a été logé au Centre d’urgence 9-1-1, le 26 septembre 1999, relativement à des enfants abandonnés » à l’adresse indiquée dans la réponse dudit organisme, tout en prenant soin de retrancher certains renseignements confidentiels et nominatifs en vertu des articles 28 et 53 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi). Il indique également à la demanderesse qu’elle n’obtiendra pas copie de la bande sonore en vertu des articles ci-dessus mentionnés. Le 29 mars 2000, la demanderesse requiert l'intervention de la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) pour réviser cette décision. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 07 16 - 2 -Le 5 septembre 2001, l’audience se tient dans les locaux de la Commission à Montréal. L’AUDIENCE L’avocat de l’organisme n’a pas de témoin à faire entendre. Il a plutôt argumenté pour confirmer le refus de son client à acquiescer à la demande d’accès de la demanderesse. LA PREUVE ET LES ARGUMENTS L’avocat de l’organisme spécifie que les appels logés contre la demanderesse étaient en relation avec des allégations selon lesquelles les enfants de cette dernière seraient « abandonnés et maltraités ». Les policiers se sont rendus chez la demanderesse, n’ont pas rédigé de rapport d’événement et il n’y a pas eu d’enquête reliée à cette affaire, car les allégations étaient non fondées. De plus, l'avocat dudit organisme considère que le refus d’accès à la bande sonore provenant du Centre d’urgence 9-1-1 résulte du fait que la demanderesse peut identifier les personnes ayant communiqué avec l’organisme. Elle a d'ailleurs admis à l'organisme, dans sa demande d'accès, qu'elle « veut identifier la voie (sic) de la personne afin de porter des accusations aux criminels. » L'avocat de l’organisme déplore le fait que la demanderesse « n’ait pas porté plainte auprès des autorités policières contre l’appelant qui s’est adressé au Centre d’urgence 9-1-1. Cela leur permettrait de voir ce qui aurait pu être fait à l'égard de l'appelant que la demanderesse croit avoir identifié, de manière à faire appliquer la loi. Cela fait partie de leurs fonctions. Elle ne peut pas se faire justice elle-même. » Il dépose, sous pli confidentiel, la bande sonore faisant l’objet du présent litige. Il cite l’article 28 de la loi qui prévoit que : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu
00 07 16 - 3 -de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1 o d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2 o d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6 o de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7 o de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8 o de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9 o de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1 o à 9 o du premier alinéa. En vertu de cet article, trois conditions sont requises à l’application du premier alinéa, à savoir : a) les renseignements ont été obtenus par des personnes chargées en vertu de la loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; b) les renseignements ont été obtenus dans le cadre d’une enquête; et c) la divulgation des renseignements serait susceptible d’avoir l’un des effets mentionnés aux paragraphes 1 à 9 dudit article.
00 07 16 - 4 -Dans le cas sous étude, les autorités policières, chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, ont obtenu des renseignements à l’effet qu’il y a eu infraction à une loi. La Direction de la Protection de la jeunesse a également été impliquée dans cette affaire, au niveau du signalement. Les autorités policières se sont rendues au domicile de la demanderesse afin de vérifier lesdites allégations qui se sont avérées non fondées. Toutefois, l’organisme a cru nécessaire de transmettre à la demanderesse un « Relevé de l’historique d’appels », tel qu’il appert de la pièce O-1. La Commission interdit la divulgation, la publication et la diffusion de cette pièce. Cette dernière contient des renseignements nominatifs non masqués. L’avocat dudit organisme admet que ce document transmis à la demanderesse ne présente peut-être pas les renseignements recherchés par cette dernière. Mais ce processus est nécessaire de manière à protéger l’identité des appelants, conformément avec l’article 53 de la loi qui prévoit que : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. L’organisme ne peut pas donner à la demanderesse accès à la bande sonore sur laquelle les appels ont été enregistrés au Centre d’urgence 9-1-1, et il lui est impossible d’y retrancher la voix des appelants. Dans un tel cas, la bande sonore ne sera plus utile.
00 07 16 - 5 -Sur l’identité d’un plaignant, l’avocat de l’organisme cite l’arrêt Caron c. Centre de services sociaux Laurentides-Lanaudière 2 , qui énonce ce qui suit : « Droit d’accès de la demanderesse à une plainte [il s’agit d’un signalement au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1] faite auprès de l’organisme au sujet de son fils. Suivant une jurisprudence constante de la Commission, l’identité d’une personne qui a porté plainte auprès d’un organisme public est un renseignement nominatif au sujet de cette personne. Un tel renseignement est donc confidentiel en vertu de l’article 53 de la loi. Il l'est également, dans le présent cas, en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, puisque l’article 44 de cette loi en interdit la divulgation. Le refus d’accès de l’organisme à ce renseignement est donc bien fondé. » La demanderesse, qui témoigne sous serment, indique que, depuis 1997, elle fait l’objet de plusieurs plaintes logées auprès du Centre d’urgence 9-1-1 de l’organisme par deux personnes qu’elle prétend connaître : il s’agirait d’un couple, dont une personne prénommée Diane Brisebois. Ces plaintes ont été déposées si souvent que les autorités policières de l’organisme se rendaient à son domicile presque à tous les jours pour vérifier les allégations qui se sont révélées fausses. Elle déclare que sa vie, ainsi que celle de sa famille, est perturbée par les agissements des appelants. La demanderesse produit à l’audience une « Dénonciation/Sommation » contre Diane Brisebois datée du 12 avril 1990 par laquelle cinq chefs d’accusation ont été portés contre celle-ci. Lesdits chefs d’accusation démontrent une certaine similarité avec les problèmes soulevés par la demanderesse. Elle demande d’être protégée contre ce type d’abus qui, selon elle, laisse les appelants impunis. Bien qu’elle prétende les connaître, la demanderesse n’a pas déposé de plainte auprès des autorités policières contre eux. Elle déclare que le processus suivi pour s’adresser à la Commission a été fait sur les recommandations de constables rencontrés à son domicile lors de vérification des allégations portées contre elle. Elle veut mettre un terme aux fausses 2 [1990] C.A.I. 21.
00 07 16 - 6 -allégations portées contre elle, en identifiant les appelants et en portant plainte contre eux. DÉCISION La Commission n’est pas habilitée à trancher des questions reliées à des procédures en matière de poursuites sommaires, civiles, pénales ou criminelles. L’objectif principal de la Commission est d’appliquer la loi, dont l’article 1 en est la pierre angulaire. Il définit son champ d’application, qui se lit comme suit : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. Dans le cas présent, la demanderesse ne peut pas obtenir copie de la bande sonore, car elle peut identifier les appelants pour les motifs ci-dessus énoncés. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ORDONNE la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion de la pièce O-1; et REJETTE la demande de révision. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Montréal, le 1 er octobre 2001 M e Paul Quézel Procureur de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.