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00 09 96 FILERMA SANCHEZ Demanderesse c. VILLE DE WESTMOUNT Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 22 mars 2000, la demanderesse s'adresse à l'organisme pour obtenir une copie de son dossier d'employé. Le 10 avril, l'organisme requiert un délai supplémentaire de 10 jours pour pouvoir traiter la demande et, le 20 avril suivant, informe la demanderesse de ce qui suit : 1° Elle peut consulter son dossier médical et prendre un rendez-vous avec M me McLoughlin; 2° Elle peut avoir accès à son dossier de « pension », à l'exception de deux documents qui renferment des renseignements nominatifs en vertu des articles 53, 54 et 56 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi); 3° Elle peut avoir accès au dossier de la paie, à l'exception de cinq documents qui renferment des renseignements nominatifs; 4° Elle peut avoir accès à son dossier détenu par le Service des ressources humaines, à l'exception de cinq documents qui contiennent des renseignements nominatifs; 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 09 96 - 2 -5° Elle peut avoir accès aux deux dossiers la concernant à la Cour municipale, à l'exception des renseignements touchant d'autres employés, des notes personnelles ou la correspondance visées par les articles 9, 15, 27, 32, 37, 39, 53, 54 et 56 de la loi; 6° Elle peut avoir accès aux documents la concernant détenus par le Service juridique de la Cour municipale, à l'exception de la même catégorie de documents décrits au point précédent et pour les mêmes motifs. Le 13 mai 2000, la demanderesse veut que la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) révise cette décision de l'organisme. L'audience prévue à Montréal pour le 18 mai 2001 a été remise au 14 août suivant, à la requête de la demanderesse. LA PREUVE ET LES ARGUMENTS La demanderesse mentionne avoir fait l'objet d'une mesure disciplinaire comme employée de l'organisme et avoir été suspendue sans salaire. Elle considère avoir le droit d'obtenir tous les documents relatifs à cette situation. Elle confirme à la Commission qu'elle n'a pas consulté son dossier à la suite de la réponse de l'organisme. Elle fait une vérification de son dossier à l'audience avec M e Marie-France Paquet, responsable de l'accès pour l'organisme. Elle affirme, à la suite de cette consultation, qu'elle ne désire pas une copie de son dossier médical, de pension et du Service des ressources humaines. Les parties attestent que les seuls documents qui demeurent en litige sont deux lettres de plaintes, les notes manuscrites des superviseurs, les rapports des 20 octobre 1999 et 7 janvier 2000. Ces derniers documents sont déposés à la Commission sous pli confidentiel. M e Paquet dépose, de consentement, la lettre de suspension du 16 mars 2000 adressée à la demanderesse, le rapport attaché à cette dernière
00 09 96 - 3 -daté du 13 mars 2000, une lettre de la demanderesse du 7 mars 2000 (pièce O-1 en liasse) ainsi que le grief du 30 mars 2000 à l'encontre de cette mesure disciplinaire (pièce O-2). Elle soutient que les lettres de plaintes n'ont pas été communiquées à la demanderesse parce qu'elles renferment des renseignements nominatifs protégés par l'article 88 de la loi. Pour les rapports, elle indique qu'ils n'ont pas été communiqués à la demanderesse en vertu des articles 32, 37 et 88 de la loi, s'agissant de documents pouvant avoir un impact sur le grief en cours ou parce qu'ils contiennent des opinions personnelles ainsi que des avis et des recommandations. APPRÉCIATION L'examen des documents en litige me confirme que les deux lettres de plaintes ne peuvent être communiquées à la demanderesse sans que ne lui soient révélés des renseignements concernant une autre personne physique. Celles-ci sont protégées par l'article 88 de la loi : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. Les trois autres documents en litige sont les rapports des 20 octobre 1999 et 7 janvier 2000 ainsi que les notes manuscrites prises en vue de la rédaction desdits rapports. M e Paquet a déclaré que l'auteur de ces trois documents est M. André Gagnon, supérieur immédiat de la demanderesse par intérim, en remplacement de M. Alan Kulaga, ce dernier ayant été libéré pour un congé d'études. La lecture attentive de ces documents démontre qu'il ne s'agit pas de plaintes ni de renseignements d'un employé visés par le 2 e
00 09 96 - 4 -paragraphe de l'article 57 de la loi, mais bien de rapports et de notes préparés par un cadre de l'organisme et touchant l'un des employés sous sa responsabilité : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1 o le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2 o le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; […] L'affaire Galipeau c. Ministère de la Main-d'œuvre et de la Sécurité du revenu 2 , suivie dans celle de Ville de Montréal c. Chevalier 3 , traite du caractère nominatif de renseignements colligés par un employé, visés par le 2 e paragraphe de l'article 57 de la loi, et rapporte que : « Un renseignement nominatif est donc un renseignement qui se rapporte à un individu, qui le concerne personnellement et qui l'identifie ou permet de l'identifier. Un renseignement sur le comportement d'un individu au travail peut très certainement, aux termes de cette définition, être nominatif, ce qui ne signifie pas que tous les documents faisant état des gestes posés au travail soient nominatifs. La Commission a fait, à cet égard, une distinction entre des renseignements qui traduisent une appréciation du travail d'un employé et ceux qui ne font que relater froidement les activités auxquelles il a participé. La Commission a reconnu le caractère nominatif des premiers mais pas des seconds, qu'elle a considérés comme étant le prolongement de la fonction. En raison des articles 55 et 57 paragraphe 2, ce dernier renseignement n'est pas nominatif: 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. […] (soulignement ajouté) 2 [1989] C.A.I. 1. 3 [1998] C.A.I. 501 (C.Q.).
00 09 96 - 5 -Une lecture attentive des trois documents m'amène à conclure que la lettre introductive du rapport du 7 janvier 2000 et le premier paragraphe des pages 2 et 3 dudit rapport sont des renseignements protégés par l'article 88 de la loi. Pour les autres renseignements, je suis d'avis qu'ils sont essentiellement de nature factuelle et n'apprendraient rien à la demanderesse qu'elle ne sache déjà, ceux-ci ne rapportant que les conversations qu'ont eues la demanderesse et M. Gagnon. Lesdits renseignements ne sont pas couverts par la restriction de l'article 88 de la loi. Peuvent-ils bénéficier des restrictions des articles 32 ou 37 de loi? 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. L'article 37 trouve difficilement application en la présente parce que, d'une part, je n'y trouve pas « l'énoncé d'un jugement de valeur conditionnant l'exercice d'un choix entre diverses alternatives », tel qu'il a été déterminé dans l'affaire Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 4 , et que, d'autre part, la preuve m'a convaincu que la suspension de la demanderesse par l'organisme constituait, au moment de la demande d'accès, 4 [1991] C.A.I. 311, p. 321.
00 09 96 - 6 -une décision au sens de l'article 86.1 de la loi, auquel cas l'article 37 ne peut plus s'appliquer : 86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, lorsque ce renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de cet avis ou de cette recommandation. Toutefois, l'avant-dernier paragraphe de la page 2, les deux derniers paragraphes de la page 3 du rapport du 20 octobre 1999 et la dernière phrase de la page 2 du rapport du 7 janvier 2000 sont, selon moi, les seuls renseignements qui répondent aux conditions de la restriction de l'article 32 de la loi, à savoir qu'il s'agit d'une analyse 5 pouvant avoir un impact sur une procédure judiciaire 6 . Les autres documents ou renseignements deviennent accessibles à la demanderesse. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision; 5 Id., 322. On définit ce que doit être une analyse comme suit : « Par contre, il va de soi qu'une «analyse» ne peut être qualifiée d'avis ou de recommandation. Ainsi, le Petit Robert définit le mot analyse comme suit : Analyse: 1.- Didact. opération intellectuelle consistant à décomposer une œuvre, un texte en ses éléments essentiels, afin d'en saisir les rapports et de donner un schéma à l'ensemble […] 3. -Cour […] Méthode ou étude comportant un examen discursif en vue de discerner les éléments. Discursif: […] qui tire une proposition d'une autre par une série de raisonnements successifs (opposé à intuitif). » 6 Dancause c. Ministère des Transports, [1986] C.A.I. 85, p. 86. On y traite de l'impact que doit avoir « l'analyse » sur une procédure judiciaire : « La Commission ne partage pas les arguments du procureur du demandeur quant à l'interprétation à donner à l'article 32. D'une part, l'article 32 est clair. Il vise une analyse dont la divulgation risquerait d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. Il n'exige pas que l'analyse ait eu pour but ou pour objet d'agir sur une procédure judiciaire. […] Il suffit que sa communication risque vraisemblablement d'avoir sur elle un effet. »
00 09 96 - 7 -CONSTATE que la demanderesse a eu accès à son dossier, à l'exception des documents en litige; ORDONNE à l'organisme de transmettre à la demanderesse les documents suivants : Le rapport du 20 octobre 1999, masqué de l'avant-dernier paragraphe de la page 2 et des deux derniers paragraphes de la page 3; Le rapport du 7 janvier 2000, retranché de la lettre introductive et masqué du premier paragraphe aux pages 2 et 3 et de la dernière phrase de la page 2; et Les notes manuscrites.
00 09 96 - 8 -REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 5 septembre 2001 M e Marie-France Paquet Procureure de l'organisme
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