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00 10 10 OUELLET, Joanne et CARON, Micheline ci-après appelées les « demanderesses » c. HÔPITAL SAINTE-JUSTINE ci-après appelé l’« organisme » Le 10 avril 2000, madame Danielle Groleau du comité de survie des infirmières-auxiliaires de lHôpital Sainte-Justine sadresse à lorganisme afin dobtenir copie complète et intégrale du procès-verbal et/ou les recommandations de Lagrément émis par le Conseil canadien dagrément des établissements de santé depuis 1993. Le 11 avril 2000, la responsable de laccès, madame Paulette Dufresne, accuse réception, le même jour, de la demande. Le 26 avril 2000, lavocate mandatée par lorganisme, M e Christiane Lepage, refuse laccès aux documents demandés, pour et au nom de lorganisme, et ce en invoquant larticle 37 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Le 16 mai 2000, madame Groleau demande à la Commission de réviser cette décision. Elle souligne que cette décision émane de lavocate de lorganisme à titre de conseiller externe. Une audience se tient en la ville de Montréal, le 8 août 2001. LAUDIENCE REMARQUES PRÉLIMINAIRES 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi », article 47.
00 10 10 2 REMPLACEMENT DE LA DEMANDERESSE Se présentent à cette audience, aux lieu et place de madame Groleau, les demanderesses qui sont deux infirmières-auxiliaires travaillant au sein de lorganisme. Elles informent la Commission et lorganisme que madame Groleau a quitté lorganisme depuis la demande de révision et souhaitent la remplacer comme partie demanderesse aux présentes. Lavocate de lorganisme ne soppose pas à cette demande. La Commission accepte donc de changer le nom de la partie demanderesse de Danielle Groleau à Joanne Ouellet et Micheline Caron et fera au dossier les inscriptions nécessaires partout besoin sera. QUESTION DU TRIBUNAL Soulignant le rôle important et la compétence conférés par la Loi au responsable de laccès, la soussignée sinforme auprès de la responsable de lorganisme, présente lors de laudience, sil est courant, pour cette dernière de faire appel à un conseiller juridique externe pour répondre à une demande daccès faite en vertu de la Loi. La responsable déclare que cette façon de faire est très rare et quelle la fait exceptionnellement, dans ce cas-ci, parce quelle partait en voyage durant le délai que la Loi lui impose pour libeller une réponse. Elle précise cependant quelle avait eu le temps de faire sa consultation, à linterne, sur laccessibilité aux documents demandés et de transmettre la position de lorganisme à Me Lepage avant de sabsenter. LA PREUVE Lavocate de lorganisme appelle, pour livrer témoignage, madame Paulette Dufresne, responsable de laccès de lorganisme. Celle-ci dépose, sous pli confidentiel à la Commission, les documents en litige. Il sagit des : 1. Rapport de visite dagrément faite chez lorganisme du 19 au 22 janvier 1993, contenant, en plus de la page titre et de lavant-propos, 44 pages de texte; 2. Rapport de visite dagrément faite chez lorganisme du 9 au 14 juin 1996, contenant, en plus de la page titre et de lavant-propos, 17 pages de texte;
00 10 10 3 3. Rapport de visite dagrément faite chez lorganisme du 16 au 21 mai 1999, contenant, en plus de la page titre et de lavant-propos, 25 pages de texte. Elle déclare quil ny a pas de procès-verbaux relativement à ces visites. Les seuls documents pouvant répondre à la demande daccès sont ces trois rapports. Elle dépose également, respectivement sous les cotes O-1, O-2 et O-3, la demande daccès du 10 avril 2000, laccusé de réception du 11 avril 2000 et la réponse de M e Lepage du 26 avril 2000. Madame Dufresne explique ensuite ce quest le Conseil canadien dagrément des services de santé, son rôle de consultant externe pour lorganisme, lutilité des rapports dans le processus décisionnel de lorganisme, laccès restreint dont ces rapports font lobjet à linterne et le contenu des rapports qui sont essentiellement composés dune évaluation, dun jugement sur la qualité des services de santé dispensés par lorganisme et des recommandations à la direction de lorganisme. Ces documents ne sont pas déposés aux assemblées du Conseil dadministration de lorganisme. LES ARGUMENTS Lavocate plaide que la provenance et le contenu, en substance, des documents répondent aux conditions dapplication de larticle 37, alinéa deuxième 2 . Lorganisme ne peut rendre accessible, en vertu de larticle 14 de la Loi, les parties non-visées par larticle 37 parce que celles-ci seraient dénudées de toute signification utile pour quiconque : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une 2 Deslauriers c. Le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] CAI 311, 321; Dussault, René et Borgeat, Louis, Traité de droit administratif, deuxième édition, Tome II, Les presses de lUniversité Laval, 1986, pages 1005 et 1077.
00 10 10 4 matière de sa compétence. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. Lavocate de lorganisme ne fait aucune représentation au sujet de la question soulevée par la soussignée, au début de laudience, au sujet de la réponse de refus. Les demanderesses ne présentent aucun élément de preuve et ne font aucune représentation si ce nest que la fonction quelles occupent au sein de lorganisme est à la source de lintérêt que suscite le contenu des rapports. DÉCISION La fonction du responsable de laccès ne se délègue pas et sa compétence, en ce qui concerne lapplication de la Loi au sein de lorganisme, est exclusive. Seul le responsable de laccès peut lier juridiquement lorganisme en cette matière. Dans le cas qui nous occupe, la responsable ne pouvait, avant de quitter son travail pour aller en voyage, déléguer ses pouvoirs à une autre personne ou de mandater une autre personne pour agir à sa place. En conséquence, la réponse (O-3) rédigée et signée par la conseillère juridique de lorganisme ne lie pas lorganisme. La Commission ne peut réviser le bien-fondé de cette décision qui, en somme, nen est pas une aux termes de la Loi. En labsence de réponse valable dans les délais impartis (article 47 de la Loi), lorganisme est réputé avoir refusé laccès (article 52) et ce, bien entendu, sans exprimer ses motifs de refus, contrairement à ce quexige larticle 50. La Commission considère que le motif de refus fondé sur larticle 37 a été invoqué à laudience. Larticle 37 de la Loi créée une restriction à laccès que la Commission a traditionnellement qualifiée de restriction à caractère facultatif par opposition à celles qui sont impérativement imposées à lorganisme, comme par exemple, celle
00 10 10 5 découlant des articles 53, 54 et lalinéa premier de larticle 59 de la Loi, lesquels interdisent à lorganisme de divulguer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Ces dernières restrictions à caractère impératif peuvent être soulevées en tout temps devant la Commission et celle-ci doit, à défaut, les appliquer doffice. La jurisprudence très majoritaire de la Commission et des tribunaux supérieurs 3 et ce, avec une quasi-constance, na pas permis à lorganisme qui ne sen était pas prévalu à lintérieur du délai prévu à larticle 47 de la Loi, de soulever un motif facultatif de refus après ce délai et na pas hésité à déclarer forclos lorganisme qui tentait de le faire. La soussignée suit cette jurisprudence et déclare lorganisme forclos de soulever, plus dune année trop tard, larticle 37 de la Loi à légard des documents quil détient au sens de larticle 1. Jai examiné les documents en litige et ne vois aucun obstacle à leur divulgation entière à lexception des nom, prénom et titre, le cas échéant, des personnes représentant le Conseil et apparaissant à la page de présentation de chaque rapport. POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; et ORDONNE à lorganisme de remettre aux demanderesses copie des trois rapports en litige en ayant pris soin, au préalable, de masquer les nom, prénom et titre, le cas échéant, des personnes représentant le Conseil et apparaissant à la page de présentation de chaque rapport. Québec, le 10 août 2001 DIANE BOISSINOT Commissaire Avocate de lorganisme : M e Christiane Lepage 3 Lire à ce sujet, un jugement récent de la Cour du Québec dans Paul Revere, Compagnie dassurance-vie, et al c. Chaîné, Claude, C.Q. Montréal 500-02-068439-988, juge Michèle Pauzé, le 27 avril 2000, pages 15 à 18 et la décision de la soussignée dans Milliard c. Axa Assurances inc., [1999] CAI 305, 308 à 311.
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