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01 01 54 DENISE TESSIER-CYR Demanderesse c. MUNICIPALITÉ DE PIOPOLIS Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 16 janvier 2001, le procureur de la demanderesse écrit à l'organisme que sa cliente a procédé à l'installation d'une fosse septique approuvée conforme par l'inspecteur de l'organisme, M. Gilles Blais, le 8 juillet 1991. Il indique que sa cliente a été informée, en septembre 2000, que lesdits travaux n'étaient plus conformes à la réglementation en vigueur. Il spécifie que la demanderesse a découvert, à la suite d'une demande d'accès à son dossier, une note manuscrite qui mentionne : « non-conformité élément épurateur excavé plus ou moins 5 pieds non conforme ») ». Il prétend que cette dernière note n'apparaît pas sur la copie du plan approuvé par l'organisme que détient sa cliente. Il exige de l'organisme que soit retranchée du dossier ladite note manuscrite concernant la demanderesse. Le 18 janvier 2001, l'organisme prétend que la demande n'est pas visée par l'article 89 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi) parce qu'il ne s'agit pas d'un renseignement nominatif et qu'en conséquence, les renseignements n'ont pas à être retranchés. 1 L.R.Q., c. 2-1.
01 01 54 - 2 -Le 5 février 2001, le procureur de la demanderesse invoque l'affaire Desjardins c. Ville du Lac St-Joseph 2 pour souligner que la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) a déjà décidé que les renseignements en litige sont des renseignements nominatifs visés par la loi. Il réclame l'intervention de la Commission pour que soit révisée cette décision de l'organisme. Le 15 mai 2001, une audience a lieu à Montréal en présence des parties. LA PREUVE Les parties reconnaissent l'existence d'une demande de permis de construire (pièce O-1) et que l'objet du litige vise à ce que soit retirée du dossier la note manuscrite apparaissant au plan détenu par l'organisme au sujet de l'installation d'une fosse septique (pièce O-2) : « élément épurateur excavé ± 5 pi (non conforme) » Aux fins d'une saine administration de la justice, la procureure de l'organisme soumet que la Commission doit rejeter immédiatement la demande de rectification parce qu'à sa face même, elle ne pourra modifier l'opinion émise par l'inspecteur contre la volonté de ce dernier 3 . Elle avance que la Commission ne peut décider de la conformité ou non d'une fosse septique. Le procureur de la demanderesse soutient que l'objection de sa collègue est prématurée. Il plaide que sa cliente « n'a jamais vu la couleur de la pièce O-2 » et que les faits entourant la vérification de la fosse septique demeurent préoccupants. Il réitère que l'organisme doit démontrer le bien-fondé de ses prétentions en vertu de l'article 90 de la loi : 2 [1998] C.A.I. 81. 3 Jabre c. Middle East Airlines-Airliban S.A.L., [1998] C.A.I. 404; X c. Services de réadaptation L'Intégrale, [1997] C.A.I. 101; Ouellet c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, C.Q. Montréal, n o 200-02-023057-997, 1 er mars 2001, j. Godbout.
01 01 54 - 3 -90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. La Commission suspend l'audience et remet aux procureurs la décision rendue par la Cour du Québec dans l'affaire Équifax Canada inc. c. Leblanc 4 . Au retour, les procureurs maintiennent leur position respective et la Commission décide de prendre sous réserve l'objection de l'organisme. M. Gilles Blais, inspecteur en bâtiment et en environnement depuis 1988, identifie la pièce O-1. Il indique avoir été saisi par l'organisme, au mois de mai 1991, de la demande de permis pour l'installation d'une fosse septique concernant un immeuble de deux chambres à coucher. Il affirme avoir visité, avec le propriétaire le 14 juin 1991, le terrain visé par la demande de permis et avoir dessiné un croquis (plan) en considérant les règlements en vigueur (pièce O-2). Il soutient que le plan a été fourni à M. Cyr, conjoint de la demanderesse, et qu'il y a été inscrit de ne pas creuser plus de deux pieds de profondeur, et ce, en raison des exigences pour ne pas endommager la nappe phréatique. Il raconte avoir discuté avec M. Cyr et l'avoir informé de l'obligation d'installer une pompe, la fosse septique étant trop basse pour être « gravitable ». Il rapporte que M. Cyr a déclaré que jamais il n'installerait une pompe. Il certifie avoir constaté, lors d'une inspection ultérieure, que la fosse septique avait près de cinq pieds, avoir avisé M. Cyr de cette situation et de l'avoir notée au plan la même année. Il assure que ladite note en litige a été inscrite au plan sur la base de photos prises au mois de mai 1991 (pièce O-3) et de ses notes personnelles colligées au mois de juillet 1991. Il confirme que les photos lui ont été remises par la demanderesse, car celles versées au dossier de l'organisme ne concernaient pas la propriété de la demanderesse. Il confirme également avoir détruit les mauvaises photos. 4 [1997] C.A.I. 438.
01 01 54 - 4 -Interrogé par le procureur de la demanderesse, M. Blais précise qu'il a suivi un cours de formation de cinq jours du ministère de l'Environnement en 1986 au sujet des règles régissant l'installation de fosses septiques, qu'il a travaillé pour l'organisme en 1991 l'équivalent dune journée par semaine et qu'il ne connaissait pas la demanderesse avant d'avoir eu à traiter la demande de permis. Il réitère s'être déplacé le 14 juin 1991 sur les lieux des travaux, avoir inspecté la fosse septique, avoir dessiné le plan et inscrit à celui-ci de ne pas excaver plus de deux pieds de profondeur. Il indique avoir fait le « sondage du sol » pour en déterminer les composantes et pour situer la nappe phréatique, tel qu'exigé par le règlement Q-2-R-8 du ministère de l'Environnement. Il affirme que les photos actuelles versées au dossier sont celles que lui a envoyées la demanderesse, au mois de novembre 2000, et reproduites à la pièce O-3. Il fait remarquer qu'aucun constat d'infraction concernant la fosse septique de la demanderesse n'a été émis par l'organisme depuis 1991, qu'il n'a pas été ordonné l'arrêt des travaux ni recommandé de poursuite judiciaire, ni signifié autrement un avis de correction. Il reconnaît que les photos initialement au dossier n'étaient pas les bonnes et que cela était une erreur de sa part. Il répète avoir spécifié à la demanderesse et à M. Cyr, sur les lieux mêmes du chantier de construction, que l'installation n'était pas conforme et qu'il n'en a jamais autorisé le remblais. Il atteste ne pas avoir expédié à la demanderesse le plan avec l'inscription en litige. La Commission avise les parties qu'elle étudiera la requête préliminaire présentée en début d'audience par l'organisme et, le cas échéant, rendra décision d'ici la reprise de l'audience prévue pour le 23 octobre 2001. APPRÉCIATION La preuve démontre que la demanderesse a présenté à l'organisme une demande de permis de construction en son nom à titre de propriétaire de l'immeuble concerné (pièce O-1). Je n'hésite pas à conclure que la présente demande est visée par l'article 89 de la loi :
01 01 54 - 5 -89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. La Commission a toujours décidé que le droit à la rectification ne s'applique qu'aux faits et ne peut avoir pour objet de modifier l'opinion émise par leur auteur, contre leur gré. Il est également de jurisprudence constante que la Commission refuse de se substituer aux instances habilitées à trancher un litige d'ordre civil, criminel ou de relations de travail. Dans le cas sous étude, la preuve démontre que la note en litige, opinion de l'inspecteur Blais, est bien au dossier détenu par l'organisme. Devait-elle y apparaître? À mon avis, ce qui est contesté par la demanderesse n'est pas nécessairement l'exactitude de la note en litige, mais plutôt si celle-ci, vu les circonstances, devait ou non se retrouver au dossier détenu par l'organisme et s'il s'agit d'une évaluation (opinion de l'inspecteur) conforme aux faits et à la réglementation en vigueur. Il s'agit donc d'une situation deux versions s'opposent et je suis d'opinion que cette question relève d'un débat qui doit être tranché par un tribunal en matière civile 5 . D'ailleurs, j'ai noté et également mentionné à l'audience que les questions posées par le procureur de la demanderesse à M. Blais avaient une certaine similitude avec un interrogatoire au préalable prévu à l'article 398 du Code de procédure civile : 398. Après production de la défense, une partie peut, après avis d'un jour franc aux procureurs des autres parties, assigner à comparaître devant le juge ou le greffier, pour y être interrogé sur tous les faits se rapportant au litige ou pour donner communication et laisser prendre copie de tout écrit se rapportant au litige: 1. toute autre partie, son agent, employé ou officier; 2. toute personne mentionnée aux paragraphes 2 et 3 de l'article 397; 3. avec la permission du tribunal et aux conditions qu'il détermine, toute autre personne. 5 Précitée, note 4.
01 01 54 - 6 -Le défendeur ne peut cependant, sans l'autorisation du juge ou dans le cas visé au paragraphe 3 du premier alinéa, du tribunal, interroger en vertu du présent article une personne qu'il a déjà interrogée en vertu de l'article 397. Je tiens à signaler qu'il est loisible à la demanderesse, conformément à l'article 91 de la loi, de faire enregistrer par l'organisme sa demande de rectification : 91.Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. En conséquence, la Commission croit qu'à ce stade-ci, son intervention n'est manifestement plus utile et décide de FERMER le dossier; RÉSERVE toutefois à la demanderesse ses droits et recours. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 17 juillet 2001 M e André Comtois Procureur de la demanderesse M e Bernardette Doyon Procureure de lorganisme
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