Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DOSSIER N O 00 08 69 SYNDICAT DES ENSEIGNANTS DU COLLÈGE DAWSON Demandeur c. COLLÈGE DAWSON Organisme public -et-EMBOUTEILLAGE COCA-COLA LTÉE -et-EUREST Tierces parties __________________________________________________________________ DÉCISION __________________________________________________________________ L'OBJET DU LITIGE Le 3 mars 2000, le demandeur s'adresse à l'organisme pour obtenir copie du contrat concernant la gestion de la cafétéria et les contrats de publicité intervenus avec Embouteillage Coca-Cola ltée (Coca-Cola), la tierce partie, Eurest, et Zoom Media. Il précise qu'il veut recevoir les revenus tirés de ces contrats. Le 17 mars 2000, l'organisme informe le demandeur qu'il a avisé les tierces parties de sa demande conformément à l'article 49 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi). Le 24 mars 2000, l'organisme est avisé par la tierce partie, Eurest, responsable de l'exploitation et de la gestion des services alimentaires, qu'elle refuse que soit communiqué le contrat la concernant parce que celui-ci renferme des 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 08 69 - 2 -informations commerciales et financières traitées confidentiellement. L'organisme transmet la réponse de la tierce partie, Eurest, au demandeur le 29 mars suivant. Le 29 mars 2000, Coca-Cola refuse également, pour les mêmes motifs que ceux soulevés par la tierce partie, Eurest, la communication du contrat la liant à l'organisme. Cette réponse de Coca-Cola est transmise au demandeur le 31 mars. Le 27 avril 2000, le demandeur dépose à la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) une demande pour que soit révisé le refus signifié par les tierces parties à l'organisme de lui remettre les documents demandés. L'audience prévue à Montréal le 14 septembre 2000 est remise au 22 mai 2001, à la requête des parties. LES PRÉTENTIONS DES PARTIES Le procureur du demandeur informe la Commission que son client a obtenu le contrat de Zoom Media et qu'il n'existe plus de litige avec cette tierce partie. Il nous informe également de la conclusion d'une entente de principe avec la tierce partie, Eurest. La Commission prend acte de l'entente impliquant Zoom Media et la tierce partie, Eurest, et requiert du demandeur de lui faire parvenir, d'ici le 1 er juin 2001, un désistement en ce qui concerne la tierce partie, Eurest. Le 5 juin 2001, le procureur du demandeur informe la Commission que l'entente est en voie d'être signée avec la tierce partie, Eurest. La Commission considère, à défaut d'avis contraire de la part du demandeur, et ce, à la date de la présente décision, qu'il n'existe plus de litige concernant la tierce partie, Eurest. Le procureur du demandeur reconnaît également avoir reçu de Coca-Cola copie du contrat de 18 pages réclamé à l'organisme (pièce O-1 en liasse). Les parties
00 08 69 - 3 -conviennent que l'objet du litige est limité aux quatre clauses masquées audit rapport et d'une annexe, soit: À la page 8 : La clause 3.01 qui révélerait un concept unique propre à la tierce partie; À la page 9 : Les clauses 4.02 et 5.01 qui donnent la ventilation des montants versés à l'organisme; À la page 10 : La clause 6.01 qui réfère à l'une des clauses masquées; et L'annexe « A » : La liste des prix. Il est également reconnu par les parties que l'organisme ne reproduit pas à ses rapports financiers les renseignements en litige. Le procureur de Coca-Cola fait un bref historique du processus de médiation entrepris avec le demandeur, dont l'esprit d'ouverture manifesté par sa cliente de se rendre à la limite « extrême » de l'exercice d'élagage et de remettre au demandeur tout ce qui est humainement possible de lui donner, sans pour autant lui nuire ou favoriser sa concurrente, l'entreprise Pepsi-Cola. Il réitère l'offre faite au demandeur de lui communiquer le montant total convenu avec l'organisme en vertu du contrat, mais prétend que la communication de la liste de prix, des taux de commissions et des montants garantis par l'entente est de nature à nuire à Coca-Cola ou à favoriser sa compétitrice. M. Alain Robichaud, vice-président de Coca-Cola, relate être responsable pour le Québec du réseau de distribution de breuvage, de la direction générale des
00 08 69 - 4 -opérations (transport, entreposage, vente, distribution des produits et services associés, telle la réparation des réfrigérateurs) et de la mise en marché pour Coca-Cola. Il reconnaît l'entente remise au demandeur et ses initiales à la fin de celle-ci. Il explique que l'entente est un partenariat avec l'organisme visant à rendre disponible le breuvage de Coca-Cola et que cette dernière entente a été conclue à la suite d'un appel d'offres lancé par l'organisme (pièce O-2). Il soutient que sa principale concurrente a également été sollicitée par l'organisme. Il atteste que Coca-Cola a conclu quelque 10 ententes au Québec, similaires à celle discutée actuellement. Il certifie que ces dernières ententes ont des clauses financières différentes qui tiennent compte de la spécificité de chaque organisation, particulièrement de l'importance de l'organisme, de son rayonnement, de la disponibilité des produits, de la situation géographique, du nombre de personnes et de l'environnement commercial. M. Robichaud remet à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, copie de la présentation audiovisuelle faite à l'organisme de la proposition de Coca-Cola (pièce O-3 en liasse) ayant permis de conclure l'entente intervenue entre les parties. Ladite présentation révèle les produits et services offerts par Coca-Cola à la suite de l'appel d'offres de l'organisme, les offres financières et les renseignements en litige. Ce dernier document est frappé d'une interdiction de communication, publication ou diffusion. M. Robichaud indique que le contrat a été rédigé par les procureurs de Coca-Cola, à l'exception de certaines clarifications apportées ultérieurement par l'organisme. Il fait valoir que seules cinq à six personnes ont eu accès à l'entente, conservée sous clé, dont une copie au bureau régional et deux autres aux bureaux de Montréal et de Toronto. Il affirme que les parties ont toujours convenu du caractère confidentiel de la négociation et du contrat, tel qu'il a été inscrit à la clause 8.12 de l'entente, et ce, en raison de la compétition. Il soumet que la communication des renseignements en litige aurait un impact important sur les négociations avec d'autres institutions. Il affirme n'avoir jamais obtenu de sa principale concurrente, Pepsi-Cola, ni les membres de son équipe, ce type d'entente. Il prétend qu'il lui serait avantageux
00 08 69 - 5 -de connaître les détails des ententes convenues par Pepsi-Cola avec des organismes. Il est d'opinion que la divulgation des renseignements en litige permettrait à sa concurrente de connaître son modèle d'évaluation, de le reproduire et d'utiliser ces renseignements à son avantage. Il précise que les compétiteurs œuvrent dans le même type d'industrie, que le coût des ventes est similaire et qu'il serait facile aux compétiteurs, en connaissant les renseignements en litige, d'identifier les particularités de l'entente et, ainsi, d'intervenir auprès du client pour égaler l'offre. De plus, la communication des renseignements en litige créerait, chez un futur client ayant une situation différente de l'organisme, des attentes irréalistes. Il constate que le contrat d'exclusivité avec des organismes est un phénomène récent et qu'il existe actuellement une guerre sur le terrain pour ce type de marché avec sa compétitrice. Interrogé par le procureur du demandeur, M. Robichaud indique avoir conclu une dizaine d'ententes avec des organismes scolaires qui ne sont pas tous des contrats d'exclusivité. Il affirme négocier actuellement avec au moins trois institutions scolaires un contrat s'apparentant à celui discuté en la présente. Coca-Cola présente une preuve ex parte conformément à l'article 20 des Règles de la Commission 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. LES ARGUMENTS Le procureur de Coca-Cola invoque les articles 23 et 24 de la loi 3 : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information du Québec, décret 2058-84. 3 L.R.Q., c. A-2.1.
00 08 69 - 6 -habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. Le procureur soumet que seuls quatre éléments ont été retranchés au contrat remis au demandeur et qu'il s'agit de renseignements de nature commerciale, fournis par Coca-Cola et qui sont traités confidentiellement. Il fait remarquer que lesdits renseignements masqués à l'entente sont les mêmes que ceux qui ont servi lors de la présentation audiovisuelle faite par Coca-Cola à l'organisme au début du processus d'appel d'offres. Il prétend que Coca-Cola a démontré ne pas connaître les ententes de sa principale compétitrice et qu'il lui est impossible, pour des raisons évidentes, d'assigner sa seule compétitrice à venir témoigner à la Commission sur le sujet. Il soumet que la communication des renseignements en litige nuirait à Coca-Cola dans la négociation actuelle avec près de trois nouvelles institutions scolaires ou procurerait un avantage appréciable à sa compétitrice aux termes de l'article 24 de la loi. La communication entraînerait, soumet-il, de nouvelles attentes de la part des acteurs concernés dans ce domaine. Le procureur soutient que Coca-Cola œuvre dans un milieu restreint il existe beaucoup de compétition; les renseignements en litige prennent alors une valeur commerciale appréciable 4 . Il soumet que les renseignements en litige proviennent de Coca-Cola, transmis confidentiellement lors de la présentation audiovisuelle 5 , et que les renseignements contenus dans un contrat ne rendent pas 4 Burcombe c. Hydro-Québec, [1999] C.A.I. 153; Joli-coeur , Lacasse, Lemieux, Simard, St-Pierre c. Ministère du Revenu du Québec, [1998] C.A.I. 34. 5 Simard c. Ministère de la Culture et des Communications, [2000] C.A.I. 180.
00 08 69 - 7 tout le document public 6 . Il allègue que toutes les conditions des articles 23 et 24 ont été respectées. Le procureur du demandeur souligne que la loi énonce, à son article 9, le principe de l'accès aux documents détenus par un organisme public et le droit de son client d'obtenir les renseignements en litige : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. Le procureur reconnaît que les renseignements en litige sont des renseignements commerciaux, mais conteste le fait que les renseignements sont de ceux transmis par un tiers au sens des articles 23 et 24 de la loi. Il prétend que l'accord de volonté des deux parties de retrouver lesdits renseignements dans un contrat fait en sorte que ni l'un ni l'autre ne peuvent prétendre à l'exclusivité des renseignements qui y sont inscrits. La conclusion du contrat, soumet-il, rend les renseignements communs aux deux parties et ceux-ci cessent dès lors de n'appartenir qu'à Coca-Cola 7 . Il requiert de la Commission d'écarter, comme motifs de restrictions, les articles 23 et 24 de la loi parce qu'il n'a pas été démontré que les renseignements en litige ont été fournis par un tiers. Il ajoute que l'écoulement du temps rend le caractère confidentiel inopérant 8 . Il avance que « plus il existe de cachettes, plus il y a possibilité de non-transparence » de la part des organismes publics. APPRÉCIATION 6 Norstan Canada inc. c. Université de Sherbrooke, [1997] C.A.I. 226. 7 Parker c. John Abbott College, [1984-86] 1 C.A.I. 192; Waxman c. Hydro-Québec, [1992] C.A.I. 72; Nadeau c. Société d'habitation et de développement de Montréal, [1992] C.A.I. 197; Laliberté et associés inc. c. Société du Palais des congrès de Montréal, [1992] C.A.I. 206; Joncas c. Centre de santé de la Basse Côte-Nord, [1992] C.A.I. 319; J.P. Marcouiller inc. c. Hydro-Québec, [1995] C.A.I. 168; Boucher c. Ministère des Affaires municipales, [1996] C.A.I. 378; Cogénération Kingsey c. Burcombe, [1996] C.A.I. 420; Hydro-Pontiac inc. c. Municipalité de Saint-Ferréol-les-Neiges, [1997] C.A.I. 53. 8 La Lauretienne-Vie c. Inspecteur général des institutions financières, [1990] C.A.I. 382.
00 08 69 - 8 -Je tiens à rappeler que la Commission n'est pas liée par une clause de confidentialité convenue entre les parties en raison du caractère prépondérant de la loi énoncé à l'article 168 : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. J'ai examiné les renseignements en litige. Il s'agit des parties masquées à 30 % à l'article 3.01, de six lignes à l'article 4.02, d'une ligne à l'article 5.01, de quatre lignes à l'article 6.01 ainsi que la dernière colonne du tableau qui en compte quatre à l'annexe « A ». Tous les renseignements masqués sont des chiffres. Pour la Commission, le seul point qui demeure en litige est de déterminer si les renseignements en litige sont des renseignements fournis par Coca-Cola au sens des articles 23 et 24 de la loi, la preuve m'ayant convaincu que les trois autres conditions de l'article 23 ont été rencontrées. La lecture du document de présentation faite par Coca-Cola à l'organisme (pièce O-3 en liasse) et la preuve ex parte corroborent le témoignage de M. Robichaud : les renseignements en litige proviennent de Coca-Cola et ont été fournis à l'organisme par celle-ci. Les conditions des articles 23 et 24 ayant été démontrées, le demandeur ne peut donc obtenir les renseignements en litige. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que le demandeur a reçu de Coca-Cola une copie du document réclamé, à l'exception des quatre parties masquées; PREND ACTE également de l'offre de remettre au demandeur le montant total versé à l'organisme par Coca-Cola;
00 08 69 - 9 -FERME le dossier en ce qui concerne Zoom Media et la tierce partie, Eurest; et REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 13 juillet 2001 M e Frédéric Nadeau Procureur du demandeur M e Micheline Bouchard Procureur de l'organisme M e Stéphane P. Lemay Procureur de la tierce partie, Embouteillage Coca-Cola ltée
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.