Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 02 08 23 Date : Le 10 mars 2005 Commissaire : M e Diane Boissinot COMPLEXE HOSPITALIER DE LA SAGAMIE Organisme requérant ou organisme c. X intimé DÉCISION SUR LA REQUÊTE FORMULÉE PAR L’ORGANISME DANS LE BUT D’OBTENIR L’AUTORISATION DE NE PAS TENIR COMPTE DE LA DEMANDE D’ACCÈS DE L’INTIMÉ (Requête découlant de l’art. 126 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 ) OBJET [1] L’organisme requérant allègue que la demande d’accès de l’intimé est revêtue d’un caractère abusif tant par le nombre de renseignements qu’elle vise que par son caractère systématique. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
02 08 23 Page : 2 [2] L’organisme requérant allègue également que cette demande a pour objet l’obtention d’un nombre considérable de renseignements concernant des personnes physiques, notamment des tiers et des chercheurs, renseignements dont la protection est prévue aux dispositions du chapitre II de la Loi. [3] L’article 126 de la Loi se lit : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. [4] À l’appui de cette requête formulée le 29 mai 2002, l’organisme y annexe la demande d’accès de l’intimé du 6 novembre 2001 (R-1) ainsi que la demande de révision de la décision adressée le 21 décembre 2001 par l’intimé à la Commission (R-2) dans laquelle l’organisme y décèle des précisions à la demande d’accès. [5] Selon l’organisme, il ressort de ces deux documents que la demande d’accès comprend trois éléments. [6] Le premier élément est reproduit en ces termes, à partir de la lettre du 6 novembre 2001 (R-1) : Je souhaiterais obtenir une copie des politiques, règlements ou orientations … [de l’organisme] (ou de ses instances appropriées, notamment de l’Unité de recherche clinique et des comités d’éthique clinique et d’éthique de la recherche) touchant les normes éthiques formellement adoptées et appliquées en recherche et en intervention en génétique. Je suis plus précisément intéressé aux conditions entourant l’administration de tests génétiques, aux procédures d’étude et aux critères d’approbation des protocoles de recherche en génétique, aux normes touchant l’information des participants, l’obtention de leur consentement, la confidentialité, les modalités de conservation (lieu, forme et durée) et de circulation des données personnelles et familiales ainsi que des prélèvements biologiques. Advenant l’absence de compilation ou le caractère fragmentaire et inachevé des politiques, normes ou orientations actuelles, je souhaiterais avoir une copie de la portion pertinente des procès-verbaux et documents afférents
02 08 23 Page : 3 relatifs aux procédures d’administration de tests génétiques et aux conditions générales d’approbation de projets de recherche en génétique dans votre établissement au cours des cinq dernières années. (les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [7] La précision de ce premier élément est apportée le 21 décembre suivant (R-2) et se lit : […] Les documents listés en page 1 de la réponse sont d’ordre tout à fait général et ne répondent en aucune manière à ma requête spécifique. Un seul document fait référence à la génétique (« Présentation d’un projet de recherche ») : il s’agit d’un simple exemple de formulation, pour les formulaires d’information et de consentement, d’une clause sur les risques et inconvénients des tests génétiques. La réponse ne m’indique pas les dispositions de la Loi justifiant que l’on ne me communique pas les renseignements spécifiques demandés. Or, pour avoir participé comme membre aux travaux du Comité d’éthique de la recherche [de l’organisme] entre juin 1995 et décembre 1998, je sais qu’à l’occasion de ses travaux durant cette période, tout au moins, le CÉR a discuté et adopté diverses propositions à caractère général sur les conditions de la recherche en génétique. Même si elles n’ont pas fait l’objet de compilation, elles sont présentes dans les procès-verbaux et pourraient en être facilement extraites. Des normes et orientations générales peuvent aussi être appliquées de facto à l’occasion de l’évaluation de projets particuliers, sans avoir jamais été formulées comme telles : une « jurisprudence » interne, en quelque sorte. Elles pourraient cependant être déduites de l’étude des projets particuliers adoptés par le CÉR. D’où le deuxième élément de ma requête : (les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [8] Le deuxième élément de la demande d’accès s’extrait de la lettre du 6 novembre 2001 (R-1) en ces termes : Je souhaiterais également avoir un sommaire (ou accès aux documents pertinents) me permettant de connaître la nature des projets de recherche en génétique adoptés au cours des cinq dernières années, l’identité des chercheurs responsables, des partenaires, des commanditaires ou organismes subventionnaires, et obtenir une copie de la résolution d’acceptation du comité d’éthique ainsi que du formulaire d’information et de consentement à l’intention des participants de chacun de ces projets. [9] La précision du 21 décembre 2001 (R-2) se lit essentiellement comme suit : […] J’ai reçu pour les années 1995 à 1998 un très bref résumé des objectifs des projets, comportant le nom des chercheurs, des partenaires et des organismes subventionnaires. Il sera difficile de se faire une idée sur la
02 08 23 Page : 4 « nature » des projets dont la description fournie par [l’organisme] ne dit rien de la durée, du montant des subventions reçues ou même, dans la plupart des descriptions (1996-1998, 1999-2000), du nombre de participants recrutés. Précisons que le rapport des travaux de recherche de 1999-2000 se résume à une liste de 38 inscriptions de 2 à 4 lignes par projet en donnant essentiellement le titre, les noms des chercheurs et des commanditaires. Quant à l’année 2001, on ne m’a rien communiqué sur les projets de recherche en génétique approuvés ou renouvelés durant cette période. Bref, en regard des documents transmis, plus on avance dans le temps et plus l’information disponible tend vers zéro. (les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [10] Le troisième élément de la demande (R-1) vise l’accès aux documents suivants : […] […] Je souhaiterais consulter les rapports annuels du comité des cinq dernières années et obtenir une copie de la portion des procès-verbaux du [Conseil d’Administration de l’organisme] relatifs à la discussion et l’acceptation de chacun de ces rapports annuels. (les inscriptions entre crochets sont de la Commission) [11] Ce troisième élément de la demande d’accès est précisé en ces termes dans la demande de révision (R-2) : […] […] À l’époque où j’étais membre du CÉR, ce rapport d’activités annuel consistait essentiellement en un rassemblement dans un cahier des procès-verbaux du CÉR. [12] L’intimé a déposé une demande de révision à la Commission d’une décision de l’organisme rendue le 13 décembre 2001 et lui refusant en partie l’accès aux documents demandés. Un dossier distinct en révision portant le numéro 01 20 12 est assigné à la soussignée par la présidente de la Commission. [13] Les parties sont convoquées à l’audition de la présente requête en même temps que celle de la demande de révision 01 20 12. [14] D’emblée, l’audition du dossier de révision 01 20 12 est suspendue par la soussignée le 28 février 2003 jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur le bien-fondé de la présente requête faite en vertu de l’article 126 puisque la conclusion de la Commission dans le présent dossier décidera de la pertinence pour la Commission d’entendre ou non la demande de révision de l’intimé. [15] En effet, il deviendrait inutile que la Commission se prononce sur la demande de révision de l’intimé d’une décision du Responsable de l’accès de l’organisme (le Responsable) refusant en partie l’accès aux documents faisant l’objet de la présente demande d’accès si l’organisme est par ailleurs autorisé par
02 08 23 Page : 5 la Commission à ne pas tenir compte de cette demande d’accès en vertu de l’article 126 de la Loi. [16] L’audience sur la présente requête se tient en la ville de Jonquière les 28 février 2003 et 22 juin 2004. [17] Le délibéré qui devait commencer le 22 juin 2004 est tout de même suspendu en raison de l’absence de temps à la disposition de la soussignée pour ce faire vu sa nomination par l’Assemblée nationale à la fonction de présidente par intérim de la Commission, vu l’exercice de cette fonction qui s’est prolongé jusqu’au 24 septembre 2004 et vu les vacances annuelles qui ont suivi jusqu’au 12 octobre 2004. Ce délibéré, comme tous les autres délibérés suspendus dans d’autres causes pour ces mêmes raisons, a pu commencer ou recommencer le 12 octobre 2004, en même temps que tous les autres. L’AUDIENCE A. REQUÊTE EN IRRECEVABILITÉ [18] Lors de la séance du 28 février 2003, l’intimé fait valoir à la Commission que par décision dans l’affaire Trudel c. Hydro-Québec 2 , le commissaire Iuticone a refusé de permettre à Hydro-Québec de présenter une requête faite en vertu de l’article 126 de la Loi après que celle-ci ait répondu à la demande d’accès visée par la requête : Le soussigné est d’opinion que cet article de la loi peut être invoqué en tout temps conditionnellement à ce que l'organisme n’ait pas répondu à la demande d’accès. Cet article permet à l'organisme de ne pas tenir compte de la demande d’accès. Comment peut-on prétendre que l'organisme puisse être autorisé à ne pas tenir compte de la demande d’accès, alors qu’il en a déjà tenu compte en répondant à la demande dans la négative, et en invoquant les articles de la Loi sur l'accès à l’appui de son refus? Dans le cas qui nous occupe, l'organisme a motivé son refus et est donc forclos de soulever l’article 126 de la Loi sur l'accès. [19] Or, plaide-t-il, la présente requête faite en vertu de l’article 126 de la Loi ainsi que la demande de révision y annexée sous la cote R-2 établissent que l’organisme requérant avait déjà répondu à la demande d’accès le 13 décembre 2001. 2 Trudel c. Hydro-Québec, CAI Montréal n° 98 788, le 26 juin 2001.
02 08 23 Page : 6 [20] Il demande donc à la Commission de déclarer l’organisme requérant forclos de présenter, le 29 mai 2002, soit plus de six mois après avoir adressé une réponse à l’intimé, la présente requête et, en conséquence de la déclarer irrecevable. [21] De son côté, l’organisme plaide que la Cour du Québec, dans l’affaire Bolduc 3 , a permis à l’organisme de présenter une requête en vertu de l’article 126, même dans le cas d’un refus dit « réputé » de sa part 4 suivi d’une demande de révision de ce refus réputé déposée en vertu de l’article 135, Ainsi statuait la Cour à la page 443 de ce jugement : […] En décidant que la demande est irrecevable parce que l’autre partie a déjà demandé la révision du refus la Commission ajoute une condition d’exercice à l’article 126, ce que ne fait pas le législateur. Au contraire, l’organisme qui découvre, même tardivement, que les conditions d’exercice de la demande sous l’article 126 sont présentes peut alors en demander l’application. Il appartient, dans ces cas, à la Commission d’accès à l’information de décider de cette demande in limine litis. [22] L’avocat de l’organisme requérant plaide que les faits au soutien de la présente requête faite sous 126 sont essentiellement les mêmes que ceux qui ont été considérés dans l’affaire Bolduc. [23] Séance tenante, compte tenu du précédent créé par le jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Bolduc précitée, la Commission souscrit à la position de l’avocat de l’organisme requérant et déclare recevable la présente requête. B. LA PREUVE SUR LE FOND DE LA REQUÊTE PRINCIPALE i) de l’organisme requérant Témoignage de monsieur Jean-Claude Otis [24] Monsieur Otis déclare qu’il a exercé diverses fonctions au sein de l’organisme depuis 1978 dont, notamment, la recherche en santé publique, la qualité des soins, la direction des ressources humaines. En outre, il y a œuvré 3 Service de réadaptation l’Intégrale c. Bolduc, [1998] CAI 439 (C.Q.) 4 Le refus « réputé » s’infère de l’article 52 de la Loi, qui se lit : 52. À défaut de donner suite à une demande d'accès dans les délais applicables, le responsable est réputé avoir refusé l'accès au document. Dans le cas d'une demande écrite, ce défaut donne ouverture au recours en révision prévu par la section I du chapitre V, comme s'il s'agissait d'un refus d'accès.
02 08 23 Page : 7 pendant presque 20 ans dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Sa fonction actuelle au sein de l’organisme est celle du directeur de la mission Enseignement et Recherche dans le domaine médical, avec un mandat axé sur le développement et les relations avec les universités. [25] Il expose longuement et de façon précise en quoi consistent les activités de recherche de l’organisme et plus particulièrement celles de son comité d’éthique qui relève directement du conseil d’administration. Il précise que le comité d’éthique est composé d’une quinzaine de membres qui agissent bénévolement en grande majorité. [26] À chaque année, de plus en plus de projets de recherches sont examinés et approuvés par le comité d’étique de l’organisme. [27] Le comité d’étique produit au conseil d’administration un rapport annuel de ses activités, c’est-à-dire une revue de tous les projets qu’il a étudiés et approuvés durant l’année. Il est d’avis que la tâche du comité d’éthique est de plus en plus lourde. [28] Il déclare que le nombre de personnes se livrant à des activités de recherche au sein de l’organisme a beaucoup augmenté ces dernières années. Il est passé de deux ou trois en 1990 à environ 70-75 en 2003. Il s’agit de médecins chercheurs, d’assistants de recherches, d’infirmières, de personnes travaillant dans les laboratoires ou du personnel de secrétariat. [29] Le témoin explique que la recherche ne se fait plus en vase clos, aujourd’hui. En général, dit-il, les acteurs en ce domaine sont d’autres établissements, des centres de recherches associés à des hôpitaux, des entreprises pharmaceutiques, des centres de recherche universitaires, des centres de recherches situés à l’extérieur du Québec ou du Canada. Les pharmaceutiques, par exemple, peuvent devenir des partenaires contractuels privés des médecins oeuvrant au sein de l’organisme. Participent également aux activités de recherche, des « fonds » de recherches publics du Québec ou du Canada, par exemple, qui subventionnent des projets. Ainsi, des alliances peuvent se former entre des pharmaceutiques et des organismes subventionnaires publics. [30] Sans avoir passé en revue systématiquement tous les projets de recherche examinés par le comité d’éthique de l’organisme au cours des cinq dernières années, le témoin évalue approximativement, et sous toute réserve, à une dizaine, le nombre d’entreprises pharmaceutiques participantes, peut-être un peu plus. [31] Il dépose, en liasse sous la cote O-1 et sous le sceau de la confidentialité, une série de 6 documents numérotés 1 à 6 à titre d’exemples typiques de documents pouvant se trouver dans des dossiers de projet de recherche soumis au comité d’étique. [32] À son avis, ces documents pourraient faire l’objet de l’analyse du Responsable de l’accès à la suite de la demande d’accès en cause ici. C’est
02 08 23 Page : 8 pourquoi il demande qu’ils soient l’objet d’un interdit de publication, de diffusion ou de communication par la Commission, ce qui est accordé séance tenante. [33] Il déclare que, lors de la réception de la demande d’accès du 6 novembre 2001 par l’organisme, la personne qui occupait le poste de responsable de l’accès en vertu de la Loi était madame Suzanne Lévesque. Madame Lévesque occupe toujours ce poste. Alors et encore aujourd’hui, madame Lévesque occupe aussi le poste adjointe au directeur général et responsable des communications. [34] Il explique qu’il n’y a aucun lien de subordination entre lui et la responsable de l’accès, les deux postes étant d’égal niveau hiérarchique. [35] La responsable de l’accès a fait appel à ses connaissances en matière de dossiers recherche afin qu’il la conseille sur la portée de la demande d’accès et le repérage de documents. [36] Le témoin exprime l’opinion qu’il est la personne ressource idéale pour la Responsable de l’accès qui, il en est convaincu, ne pourrait exécuter rapidement, efficacement et convenablement cette tâche de répondre à la demande d’accès en cause ici sans son aide. [37] Le témoin affirme que le comité d’éthique a passé en revu, analysé et approuvé 199 projets nouveaux et 74 renouvellements de projets durant la période qui intéresse l’intimé, soit durant les cinq années précédant le 6 novembre 2001, date de la demande d’accès. [38] Il estime à 914 le nombre de points de correspondance relatifs aux interventions du comité d’éthique dans ces 199 projets et 74 renouvellements. Ces points de correspondance (variant d’une page à des dizaines de pages) s’ajoutent aux documents de présentation et d’analyse des nouveaux projets et des renouvellements. [39] Le témoin explique que chaque projet de recherche ou renouvellement contient généralement et minimalement les documents suivants : 1) un protocole de recherche 2) une analyse des effets secondaires (risques, inconvénients) et des bienfaits ou l’équivalent 3) un formulaire de consentement. [40] Il affirme que chaque projet de recherche contient une documentation de présentation variant de 100 à 150 pages. [41] Il est convaincu que la demande d’accès, telle que rédigée et précisée l’oblige à passer en revue tous les documents mentionnés au paragraphe précédent. Il ne peut se limiter à l’examen des seuls dossiers qui, à la lecture du titre qu’il porte, semble concerner des projets de recherche en génétique. [42] Par exemple, dit-il, la lecture des documents numéros 3 et 4 de la liasse O-1, présentés en preuve sous le sceau de la confidentialité, démontre qu’un projet de recherche donné visant à évaluer l’efficacité et la sûreté d’un médicament (O-1, doc. # 3) peut se transformer, au cours d’une sous-étude d’un même projet de recherche (O-1 doc. # 4), en projet de recherche pharmacogénétique.
02 08 23 Page : 9 [43] Le titre du projet de recherche O-1 doc. #3 ne peut révéler son aspect génétique. [44] Le témoin affirme qu’il ne pourrait conseiller adéquatement la Responsable sur l’étendue réelle de la demande d’accès sans passer en revue tous les projets de recherche et les renouvellements des cinq années visées. [45] Il émet également l’opinion que la définition de ce qu’est une « recherche en génétique » peut varier considérablement d’une personne bien informée à une autre personne bien informée. Il conclut donc que cette particularité constitue une difficulté supplémentaire qui augmente nécessairement la difficulté d’un repérage adéquat des documents faisant l’objet de la demande d’accès. [46] Ce travail de repérage exécuté en guise de support à la Responsable, travail que lui seul dans l’organisme peut accomplir, exige de sa part un effort considérable en temps et énergie et ce, en supplément au temps et aux efforts qu’il doit consacrer à ses tâches habituelles. Il devra également offrir à la Responsable un support dans l’analyse de l’accessibilité des renseignements que contiennent les dossiers repérés, qu’il s’agissent de déterminer par exemple si ces renseignements sont nominatifs ou s’ils sont visés par les articles 23 ou 24 de la Loi et, le cas échéant, communiquer avec chacun des tiers concernés et les consulter. La Responsable doit également appliquer l’article 14 de la Loi et faire l’élagage des parties inaccessibles des documents. [47] En matière de ressources disponibles au sein de l’organisme pour faire ce travail essentiel de support à la Responsable, et après avoir passé en revue toutes les possibilités, le témoin affirme qu’il ne reste que son propre temps libre, c'est-à-dire le temps qui lui reste au-delà des 45 heures/semaines consacrées à ses tâches normales, auquel viendrait s’ajouter la moitié du temps d’une secrétaire, qui est déjà par ailleurs fort occupée. ii) de l’intimé [48] L’intimé témoigne. [49] Il a été membre du comité d’éthique de l’organisme de 1995 à 1998; il n’en fait plus partie. Il était alors professeur de philosophie au Cégep de Chicoutimi. [50] Malgré que la Loi n’exige pas qu’il le fasse, il tient à justifier sa demande d’accès comme suit : il s’intéresse profondément aux questions philosophiques et étiques que soulève le nombre croissant des recherches en génétique à partir de données à caractère génétique émanant du milieu démographique spécifique à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou puisées à même ce milieu. Il s’inquiète du manque de moyen, de directives et d’encadrement dont dispose, pour faire un travail de plus en plus ardu et lourd, le comité d’étique de l’organisme composé en très grande majorité de bénévoles. Il craint, entre autres, que l’absence totale
02 08 23 Page : 10 d’orientation sur les enjeux inédits, dans cette région, de la recherche en génétique ne permette l’éclosion d’une discrimination à caractère génétique contre la population de cette région. Il désire protéger cette population et s’assurer que toutes les précautions sont prises pour la protéger de ce danger, en particulier en vérifiant si des normes satisfaisantes d’éthique sont édictées. [51] Il dépose, à l’appui de son témoignage et du contre-interrogatoire du témoin Jean-Claude Otis, les documents suivants, dont plusieurs ont fait l’objet de l’examen de l’intimé alors qu’il siégeait sur le comité d’étique de l’organisme : D-1 Copie d’un extrait du Rapport annuel du Vérificateur général du Québec 2000-2001 (ses paragraphes 4.43 à 4.60); D-2 Copie d’un document intitulé « L’obtention du consentement des sujets de recherche dans le cadre du programme de maladies complexes » accompagné d’un projet de formulaire de consentement comportant certaines annotations manuscrites; D-3 Copie d’un feuillet d’information au participant à un projet de recherche sur les troubles affectifs bi-polaires accompagné d’un formulaire de consentement pour ce projet spécifique le tout, comprenant des ratures et annotations manuscrites; D-4 Photocopie d’extraits du Rapport annuel 1996-97 du sous-comité de bioéthique de recherche du Comité régional de bioéthique de l’organisme remis en septembre 1997; et D-5 Photocopie du compte rendu de la réunion du 9 avril 1998 du comité de bioéthique à la recherche, comprenant aussi des ratures et des annotations manuscrites. [52] Considérant la nature des documents D-2 à D-5 et vu le consentement des parties, la soussignée les frappe, séance tenante, d’un interdit de publication, de diffusion ou de divulgation par la Commission. [53] L’intimé déclare que sa demande ne vise que les recherches en génétique et qu’il est aisé de les distinguer des autres recherches. [54] Il estime que sa demande ne vise pas les protocoles de recherche ni la correspondance. [55] Il désire obtenir les consentements qui circulent de toute façon entre les mains de ceux qui les ont signés ainsi que les normes et la jurisprudence qui guident les comités d’éthique dans leur étude des projets en génétique. [56] Il estime que la définition de génétique est claire et que les lexiques récents utilisent également le mot « génomique » comme équivalent. Il ne croit pas que l’organisme aurait à faire la revue de tous les projets de recherche et de renouvellement présentés au comité d’éthique pour répondre à sa demande.
02 08 23 Page : 11 C. LES REPRÉSENTATIONS SUR LE FOND DE LA REQUÊTE PRINCIPALE FAITE EN VERTU DE L’ARTICLE 126 i) de l’organisme requérant [57] L’avocat de l’organisme plaide que, compte tenu que la preuve démontre que certains projets de recherches non génétique au départ peuvent se transformer en projet de recherche à caractère, il en découle que le travail de repérage et d’analyse porte sur les milliers de documents 5 . [58] Il estime que les nombreuses facettes de la demande d’accès imposent une profonde analyse de ces milliers de documents 6 dans le but de dégager la jurisprudence ou les propositions générales qui guident les comités d’éthique dans leur travail d’approbation des projets de recherche en génétique. [59] La Loi n’a pas pour objectif de faciliter l’accès d’une seule personne, en si peu de temps, à un si grand nombre de documents [60] Il estime que la définition de ce qu’est la « génétique » ou « la recherche en génétique » n’est pas unique, d’où la difficulté de trouver le bon angle d’analyse et d’où la complexité de la détermination à effectuer. [61] Il plaide que preuve est faite que les ressources de l’organisme pour répondre à une demande d’accès faisant appel à des compétences très pointues comme celle qui nous occupe sont limitées. [62] Il pense que la preuve démontre qu’elles sont en fait largement insuffisantes, compte tenu du temps dont dispose l’organisme pour ce faire, savoir 30 jours au maximum 7 . [63] L’avocat de l’organisme plaide que sa requête est justifiée et que la Commission doit autoriser celui-ci à ne pas tenir compte de cette demande d’accès. 5 [1991] CAI 359 C.Q. 363. 6 Id. ib. 7 Dupuis, Louiselle c. Commission scolaire de la Tourelle, CAI n° 92 04 72 Québec, le 19 janvier 1993, Paul-André Comeau, commissaire, p. 6 et 8; Commission scolaire de Bersimis c. Clermont Martel, [1994] CAI, 284, 288. Ministère des Transports c. Roderic McLauchlan, [2000] CAI 7, 12; Municipalité de Vassan c. Comité des citoyens de Vassan, [2001] CAI 475, 480; Desloges, Normand c. Hôpital Sainte-Justine, CAI n° 00 11 94 et 00 12 28, Montréal, le 28 janvier 2002, Jennifer Stoddart, commissaire.
02 08 23 Page : 12 ii) de l’intimé [64] L’intimé plaide en substance que sa demande n’est pas abusive. Elle ne contient pas autant de documents que l’organisme le prétend et le travail pour le repérage et l’analyse n’est pas si exigeant que l’organisme le croit. Il est convaincu que sa demande est suffisamment ciblée et précise pour permettre le repérage rapide des documents demandés par simple examen de la liste des projets dans les rapports annuels du comité d’étique au conseil d’administration de l’organisme et ce, pour les années visées par la demande d’accès. [65] Il plaide que l’organisme n’a pas établi qu’il verrait son fonctionnement entravé par l’effort qu’il mettrait à répondre à sa demande d’accès. En effet, l’organisme n’a pas même établi quel personnel serait affecté à ce travail. [66] Il fait d’ailleurs remarquer que l’organisme n’a pas fait témoigner le meilleur témoin en la matière qui est discutée ici savoir, la responsable de l’accès. Il argue que cette lacune dans la preuve de l’organisme devrait lui être fatale. [67] Il soutient que l’organisme tente de donner à sa demande une ampleur qu’elle n’a pas afin de justifier l’invocation de l’article 126 de la Loi. [68] Il demande à la Commission de rejeter la requête de l’organisme et de commencer l’étude sur le fond de sa demande de révision formulée en vertu de l’article 135 de la Loi. DÉCISION [69] La Commission tient à souligner que les inquiétudes de l’intimé sont légitimes, que le but qu’il poursuit est noble et que les questions qu’il soulève doivent trouver réponse. [70] Toutefois, la Commission doit s’assurer que toutes les demandes d’accès, de diverses provenances, reçoivent le traitement requis dans le délai maximum de trente jours prévu par la Loi. [71] Une des raisons d’être de l’article 126 de la Loi, précité, est de permettre d’exempter un organisme de répondre à une demande d’accès lorsqu’il est vraisemblablement impossible d’y répondre dans ce délai, et, de surcroît, lorsque y consacrer tout ce temps empêcherait l’organisme d’accorder aux autres demandes d’accès le traitement statutaire qu’elles méritent.
02 08 23 Page : 13 [72] L’examen des documents 1 à 6 de la liasse O-1 convainc la Commission que la simple consultation des listes annuelles des titres des projets approuvés ou renouvelés par le comité d’étique, telles que relatées dans les rapports annuels de ces comités au conseil d’administration de l’organisme, n’est pas suffisant pour distinguer de façon certaine les projets de recherche en génétique des autres projets de recherche. [73] La preuve tant documentaire que verbale convainc la Commission que le repérage adéquat des documents demandés passe par la consultation de tous les projets de recherche ou des renouvellements de recherche, donc par la consultation de milliers de pages, pouvant aller jusqu’à 20 000 pages. [74] La preuve a établi qu’un repérage adéquat exige également un travail d’analyse presque philosophique pour déterminer si certains documents sont visés par la demande ou non. [75] Ensuite un deuxième travail d’analyse, fastidieux celui-là, devrait être accompli afin de séparer les parties des documents qui seraient accessibles de ceux qui seraient vraisemblablement visés, à première vue, par les articles 53, 59 alinéa premier, 23 et 24, donc qui devraient demeurer confidentiels. D’autres exceptions à l’accès pourraient être également applicables à l’examen approfondi. [76] Il est connu de la Commission, de par sa spécialisation, que lorsque les articles 23 et 24 de la Loi sont en cause, l’organisme doit souvent contacter les tiers qui lui ont fourni les renseignements techniques, scientifiques, commerciaux ou autres afin de les consulter, ce qui implique une charge certaine de travail. [77] Une fois le travail de repérage, d’analyse et de consultation accompli, il est connu de la Commission, en raison de sa spécialité, que l’organisme doit motiver par écrit les refus de communiquer, en tout ou en partie les documents repérés, traiter l’envoi des documents ou de partie des documents accessibles après en avoir fait des photocopies et reclasser le tout au bon endroit, le tout, faut-il le rappeler, dans un maximum de 30 jours de la réception de la demande d’accès. [78] La preuve ainsi que la connaissance spécialisée de la Commission dans ce domaine établissent que la responsable de l’accès de l’organisme avec l’aide exceptionnellement judicieuse et nécessaire, dans le cas qui nous occupe ici, de personnes ressources oeuvrant à l’extérieur de son équipe, ne pourrait répondre à la demande d’accès dans le délai le plus long permis par la Loi, savoir dans le délai de 30 jours et ce, même si tout ce temps était entièrement consacré à traiter cette seule demande d’accès.
02 08 23 Page : 14 [79] La Commission est convaincue que la demande d’accès en cause non seulement ne pourrait être traitée dans le délai prévu par la Loi, mais que tentant tout de même de le faire, l’organisme serait empêché de répondre aux autres demandes d’accès qu’il pourrait recevoir durant cette période. [80] De plus, vu la preuve, il n’est pas déraisonnable de conclure qu’une fois complétée l’analyse complexe qu’exige la demande d’accès telle que formulée, des centaines de pages risquent d’être considérées comme visées par la demande d’accès. [81] À ce sujet et à l’instar de la cour du Québec dans l’affaire Ville de Montréal c. Winters 8 , a Commission est d’avis que : […] généralement, des demandes d’accès portant sur des centaines, voire des milliers de documents à la fois sont juridiquement irrecevables au sens de la Loi sur l’accès. [82] POUR TOUTES CES RAISONS, la Commission ACCUEILLE la requête formulée en vertu de l’article 126 de la Loi; AUTORISE l’organisme à ne pas tenir compte de la demande d’accès du 6 novembre 2001; FRAPPE d’un INTERDIT DE PUBLICATION, DE DIFFUSION ET DE DIVULGATION, par la Commission, les documents déposés en preuve sous la liasse O-1, tel interdit devant valoir à l’encontre de l’intimé; FRAPPE d’un INTERDIT DE PUBLICATION, DE DIFFUSION ET DE DIVULGATION, par la Commission, les documents déposés en preuve ainsi que sous les cotes D-2 à D-5. M e DIANE BOISSINOT commissaire Avocat de l’organisme : M e Sylvain Poirier (Heenan Blaikie, avocats) 8 Op. cit. supra, note 5.
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