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00 06 15 CHARRON, Ronald ci-après appelé le « demandeur » c. ING GROUPE COMMERCE ci-après appelée l entreprise » Le 28 janvier 2000, le demandeur s'adresse à l'entreprise afin qu'elle effectue une rectification dans son dossier de police d'assurance automobile numéro 560-0076. Cette demande est faite en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . Il requiert de l'entreprise quelle supprime de son dossier dassurance la mention « risque moral » ou les informations tirées de son dossier criminel et pénal et ce, afin de retrouver les taux normaux de prime et la protection habituelle souhaitée. Il ajoute que sa conjointe, qui est co-assurée sur la même police pour son propre véhicule, doit subir les mêmes inconvénients. L'entreprise ne répond pas à cette demande de rectification et le demandeur requiert que la Commission examine la mésentente. Une audience se tient à Montréal, le 24 mai 2001. L'AUDIENCE Le demandeur témoigne. À la suite d'une demande de communication de son dossier dassurance automobile, l'entreprise lui transmet une série de documents quil dépose en liasse sous la cote D-1. Font partie de cette liasse les pages extraites du plumitif criminel et pénal à son nom. La reproduction de ces extraits est, dailleurs, de très mauvaise qualité et ceux-ci sont difficilement lisibles. 1 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée la « loi ».
00 06 15 2 Madame Christine Lefebvre, vice-présidente, assurance des particuliers chez l'entreprise témoigne pour cette dernière. Afin de pallier la mauvaise reproduction dont se plaint le demandeur, elle sempresse de déposer, sous la cote E-1, une copie intelligible des pages extraites du plumitif criminel et pénal. Selon ce témoin, ces pages sont dailleurs le seul objet de la demande de rectification. Madame Lefebvre affirme que ces renseignements, bien que versés au dossier du demandeur, ne sont jamais communiqués à des tiers ni même aux agents ou courtiers avec qui lentreprise fait affaires. Il ressort de ce témoignage que lentreprise a, dans le passé et après analyse, conclu que les personnes qui ont un dossier criminel révélant des offenses majeures au cours des cinq années précédant la vérification ont des résultats de conduite automobile moins performants que ceux qui nen ont pas. Cet état de fait est de nature à influencer de façon importante lappréciation du risque. Aussi, lentreprise effectue-t-elle, de temps à autre, de façon ponctuelle et selon des critères objectifs, des vérifications au plumitif criminel et pénal à partir du nom de ses assurés. Parce que cette information influe sur lappréciation du risque, le témoin considère que le proposant assuré ou lassuré se doit de lui déclarer son passé criminel ou les activités criminelles pour lesquelles il est condamné. Dans le cas qui nous occupe, le demandeur à omis de le faire. Lentreprise, sur réception des extraits du plumitif concernant le demandeur et obtenus selon la vérification ponctuelle décrite plus haut, réévalue le risque et décide de ne pas renouveler le contrat dassurance. Selon le demandeur, lui et sa conjointe nont pas trouvé de nouvel assureur disposé à couvrir le risque. Madame Lefebvre confirme dailleurs cette information. En effet, dit-elle, tout proposant assuré doit déclarer à son assureur éventuel le fait quun autre assureur a déjà refusé de lassurer. Cette information provoque un refus dassurer ou lexigence dune très forte prime. Madame Lefebvre ajoute quen raison de ladhésion de lentreprise aux règles du Bureau dassurance du Canada, ce dernier a obligé lentreprise, en sa qualité de dernier assureur, de réassurer le risque puisque aucun propriétaire dautomobile au Québec ne peut sillonner les routes sans assurance. Lentreprise a donc réémis un contrat dassurance, mais pour une couverture moindre à un prix plus élevé.
00 06 15 3 Le demandeur requiert que la Commission ordonne à lentreprise de détruire toute information concernant son dossier criminel et pénal se trouvant à son dossier dassurance et, forcément, à celui de sa conjointe parce que cette information leur cause préjudice et est de nature à favoriser la discrimination. Lentreprise soutient, de son côté, que cette information est nécessaire à lappréciation du risque et à la détermination de la prime et que, vu lomission du demandeur de la déclarer 2 , elle était fondée de lobtenir par vérification ponctuelle au plumitif et de la détenir. DÉCISION Ce nest pas le rôle de la Commission de statuer sur la façon dont lentreprise évalue les risques quelle assure, ni de mesurer lexistence ou lampleur du préjudice subi par le demandeur ou sa conjointe, ni de statuer sur des allégations dactes discriminatoires. Les renseignements en cause sont des renseignements personnels, certes, mais ceux-ci sont revêtus dun caractère public lorsque contenus aux dossiers des tribunaux judiciaires, dossiers éminemment publics. Rien dans la preuve nétablit que ceux-ci sont frappés dune ordonnance des tribunaux les privant de ce caractère public. La cueillette de ces renseignements publics, dans quelques dossiers judiciaires à la fois, est donc autorisée par la Loi. Après leur cueillette, la détention, lutilisation et la communication de ces renseignements par lentreprise sont toutefois régies par la Loi puisquils sont, tout de même, des renseignements personnels au demandeur au sens de larticle 2 de la Loi : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. La Commission doit donc évaluer si les renseignements doivent être supprimés en vertu de la Loi, comme lexige le demandeur. Les dispositions applicables sont les articles 1 et 28 de la Loi et larticle 40 du Code civil du Québec : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 2 À ce sujet, lentreprise propose la lecture de Crédit Ford du Canada Limitée c. La fédération, compagnie dassurance du Canada, [2000] R.R.A. 149 (C.S.) 151, 152.
00 06 15 4 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. […] Art. 40. Toute personne peut faire corriger, dans un dossier qui la concerne, des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques; elle peut aussi faire supprimer un renseignement périmé ou non justifié par l'objet du dossier, ou formuler par écrit des commentaires et les verser au dossier. […] 28. Outre les droits prévus au premier alinéa de l'article 40 du Code civil, la personne concernée peut faire supprimer un renseignement personnel la concernant si sa collecte n'est pas autorisée par la loi. La preuve démontre que les informations publiques cueillies par lentreprise au plumitif criminel et pénal et concernant le demandeur sont nécessaires à lévaluation du risque assuré et que cette cueillette est autorisée par la Loi. Lentreprise est toujours lassureur du demandeur et de sa compagne, conjointement, et les détention et utilisation de ces renseignements pour lévaluation du risque sont pertinentes à lobjet du dossier et sont justifiées. La preuve établit aussi que le demandeur ne met pas en doute lexactitude de ces renseignements ni ninvoque quils soient incomplets, équivoques ou périmés. Par conséquent, la preuve au dossier établit que les renseignements en cause nont pas à être rectifiés ou supprimés. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande d'examen de mésentente. Québec, le 14 juin 2001. DIANE BOISSINOT Commissaire
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