01 02 59 X Demanderesse c. VISA DESJARDINS Entreprise LA DEMANDE DE RECTIFICATION La demanderesse demande à Visa Desjardins de faire corriger sa côte de crédit R-9 qui résulte, prétend-t-elle, d’une mauvaise compréhension de ses responsabilités face à des engagements financiers. Elle écrit à Visa Desjardins le 5 janvier 2001 lui demandant de faire cette correction. Lorsque Visa Desjardins ne modifie pas son dossier Madame soumet à la Commission d'accès à l'information (la Commission), le 19 février 2001, une demande de mésentente, conformément à l'article 42 de la Loi sur la protection de renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la Loi). L’audience a lieu le 25 mai 2001. LES FAITS MIS EN PREUVE À L’AUDIENCE La version de la demanderesse La demanderesse a co-signé une demande de carte de crédit auprès de Visa Desjardins avec l'époux de la demanderesse, qui à l’époque était son mari. Cette demande date du 10 juin 1996. Au-dessus des signatures de la demanderesse et de son époux, on peut lire : 1 L.R.Q., c. P-39.1.
01 02 59 2 Chacun des soussignés certifie que les informations mentionnées ci-desssus sont véridiques et demande l’émission d’une carte Chargex* ainsi que son renouvellement ou remplacement à la discrétion du Centre Desjardins de traitement de cartes Inc. (CDTC). Si une carte Visa* est émise, chacun des soussignés s’engage à l’utiliser selon les modalités du contrat de la Confédération* accompagnant la carte. Chacun des soussignés se porte solidairement et indivisément responsable de toute dette contractée relativement à l’utilisation des cartes émises à la suite de cette demande. Deux cartes furent émises, portant chacune un numéro distinct. Les dépenses faites avec les deux cartes étaient facturées au même compte au nom du mari. Le 2 juillet l999, l'époux de la demanderesse a demandé, par téléphone, à Visa Desjardins de fermer le compte. Ne sachant pas que le compte a été fermé, la demanderesse a utilisé sa carte de crédit pour effectuer des dépenses en juillet l999. Dès le mois d’août l999, elle se fait appeler par l’entreprise Visa Desjardins pour payer le montant encouru au mois de juillet. Bientôt ce sont des avocats qui l’appellent, bien qu’elle dit n’avoir jamais reçu de compte pour le montant. En 2000, elle prend connaissance de sa côte de crédit R-9. Elle craint que cette cote lui cause préjudice. Elle affirme, par ailleurs, posséder un dossier de crédit exemplaire. La demanderesse soutient qu’elle n’aurait jamais fait la dépense si elle avait été informée de la fermeture du compte. Elle prétend que son époux est également responsable du montant impayé. Elle a déjà offert à Visa Desjardins de payer sa part, qu’elle estime être la moitié du montant de $2000,00.
01 02 59 3 Par ailleurs, elle nie avoir demandé par téléphone à l’entreprise de rouvrir le compte en juillet l999 et elle questionne le bien-fondé de la politique de l’entreprise Visa Desjardins à ce sujet. La version de Visa Desjardins M. Gilbert Prégent, chargé d’équipe, recouvrement/liquidation témoigne pour Visa Desjardins. Sa version des évènements de l’été l999 est très différente de celle de la demanderesse. Il témoigne qu’à la fin de juin l999, l'époux de la demanderesse a écrit pour faire fermer le compte. À ce moment il y avait un solde de $530,88. Le 14 juillet, Madame appelle pour faire rouvrir le compte et augmenter la limite de crédit. Visa Desjardins rouvre le compte mais refuse l’augmentation de crédit. Entre le 15 juillet et le 19 juillet, la demanderesse se sert de cette même carte pour quelques dépenses mais surtout pour obtenir $2000,00 en avance de fonds par guichet automatique. M. Prégent fait valoir que le fait que l’on utilise son NIP ( numéro d’identification personnel) pour obtenir une avance de fonds permet de relier ces transactions à un individu spécifique. Le 21 juillet, l'époux de la demanderesse demande l'annulation, par téléphone, de la carte enregistrée au nom de la demanderesse. Une semaine plus tard, Visa Desjardins conclue une entente avec l'époux de la demanderesse. Celui-ci sera facturé pour le montant dû en juin, avec les intérêts, et Madame sera tenue responsable pour les dépenses de juillet qui totalisent plus de $2000,00. Le même jour, M. Prégent propose ce partage de la responsabilité avec Madame qui le refuse.
01 02 59 4 Dès le 29 juillet, les avocats de Visa Desjardins mettent Madame en demeure de payer le montant de $2000,00. Elle continue de décliner responsabilité. En octobre l999, Visa Desjardins ouvre un nouveau compte pour l'époux de la demanderesse pour y transférer le montant dû par lui. Madame est de plus en plus difficile à rejoindre et refuse de prendre des appels téléphoniques. En janvier 2000 Visa Desjardins lui donne la côte de crédit R-9 équivaut à une mauvaise créance, un compte en recouvrement ou incapable de repérer. Son dossier est transmis à une agence de recouvrement. M. Prégent fait valoir que selon la politique de l’entreprise, la personne qui demande une avance de fonds est responsable en totalité (« à 100% ») de son remboursement. En ce qui a trait aux modifications faites après une demande téléphonique, M. Prégent explique que lorsqu’il y a des signatures au dossier de carte de crédit, la compagnie accepte de rouvrir le compte au téléphone après avoir requis des renseignements particuliers afin d’identifier le requérant. Il donne comme exemple le nom de famille de la mère du client à la naissance. Son appel est noté au dossier. Madame n’avait jamais fait valoir qu’elle était victime d’une fraude dans l’utilisation de sa carte de crédit. L’appel téléphonique placé en juillet l999 A la suite de l’audience du 25 mai 2001, Visa Desjardins fait parvenir à la Commission un relevé des opérations effectuées dans le compte en question, y inclus des appels téléphoniques reçus, pour le mois de juillet l999. On y voit inscrit des notations qui appuient le témoignage de M. Prégent quant à l’appel de la demanderesse.
01 02 59 5 On lit, en date du 14 juillet l999 : « Ré-ouverture du compte demandé par Carole Y » (M me utilisait à ce moment le nom de famille de son époux). Ensuite, il semble y avoir un autre appel noté par un autre préposé. On lit « M me voulait aug lim suite à sa réouverture. En 06-99 avons reçu lettre de fermeture du cpte M me( Y.) me dit que ce n’est pas elle ni son conj qui a demandé la fermeture??????…(SIC) Le 29 mai 2001, La demanderesse commente par écrit, pour éclairer la Commission, le relevé des opérations de son compte transmis par Visa Desjardins. Elle dit : « […] Lorsque la dépense a été enregistrée sur cette carte, (dépense servant à récupérer un somme dû par l'époux de la demanderesse), le compte aurait dû être fermé depuis 15 jours. La dépense a été faite sans problème et rien ne me faisait croire que cette carte était annullée. Je n’ai pas été mise au courant de la fermeture de cette carte par de l'époux de la demanderesse car nous vivions une douloureuse séparation après 23 ans de mariage. Visa Desjardins n’ont pas entré en communication avec moi pour m’aviser de la situation ». Le droit applicable La Loi prévoit, à l’article 28, et en référant à l’article 40 du Code civil du Québec, que l’on peut faire corriger des renseignements périmés ou non justifiés par l’objet du dossier, ou inexacts, incomplets ou équivoques. La personne qui détient le dossier doit, à son tour, en vertu de l’article 53 de la Loi, prouver que le même dossier n’a pas à être rectifié. Ces articles énoncent : 28. Outre les droits prévus au premier alinéa de l'article 40 du Code civil du Québec, la personne concernée peut faire supprimer un renseignement personnel la concernant si sa collecte n'est pas autorisée par la loi. 40. Toute personne peut faire corriger, dans un dossier qui la concerne, des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques; elle peut aussi faire supprimer un renseignements périmé ou non justifié par l'objet du dossier, ou formuler par écrit des commentaires et les verser au dossier.
01 02 59 6 La rectification est notifiée, sans délai, à toute personne qui a reçu les renseignements dans les six mois précédents et, le cas échéant, à la personne de qui elle les tient. Il en est de même de la demande de rectification, si elle est contestée. 53. En cas de mésentente relative à une demande de rectification, la personne qui détient le dossier doit prouver qu'il n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec l'accord de celle-ci. La Commission doit apprécier la preuve de l'entreprise en vertu de l'article 53 de la Loi et déterminer si le dossier de la demanderesse n'a pas à être rectifié parce que les renseignements qu'il contient ne sont pas inexacts, ni complets ou équivoques au sens de l'article 40 du Code civil du Québec. LA DÉCISION Madame a fait une demande à la Commission afin de faire améliorer sa côte de crédit R- 9, cote des plus défavorables, puisqu’elle considère que son ancien mari est responsable de la moitié de la dette. Elle croit être pénalisée injustement. Visa Desjardins doit prouver que les informations dans le dossier de la demanderesse n’ont pas à être modifiées 2 . Les prétentions de la demanderesse qui soutient qu’elle n’est pas totalement responsable des montants dûs à Visa Desjardins doivent être évaluées dans le contexte des faits survenus entre juin et août l999. En effet, on retient le scénario suivant: après fermeture du compte par son ancien mari, Madame le fait rouvrir et retire au cours des jours suivants quelques deux mille dollars. Dans le contexte conjugal dans lequel elle vit à cette époque, elle refuse de reconnaître sa responsabilité pour ce montant ou de discuter de son remboursement éventuel. 2 Woël c. Nissan Canada Finance Inc (l999) C.A.I. 403 à 407.
01 02 59 7 Visa Desjardins, référant au contrat signé par les deux époux à l’époque, peut tenir un des deux signataires de la carte responsable pour le tout. C’est le sens ordinaire de l’expression « conjointement et solidairement responsable ». Dans le présent cas, Visa Desjardins retient Madame comme étant la seule responsable du montant qu'elle a retiré après avoir fait rouvrir un compte que son mari avait fait fermer. Après avoir entendu les parties et examiné le contrat initial ainsi que le relevé des transactions dans le compte, la version de Visa Desjardins quant aux appels du mois de juillet l999 me semble plus plausible. Toutefois, la position de Madame est compréhensible, ainsi que son sentiment d’injustice, mais il paraît devoir se rattacher aux conditions financières de la dissolution de son mariage plutôt qu'à une erreur de transcription de Visa Desjardins. Le capital et les intérêts étant encore impayés au moment de l’audience, Visa Desjardins a fait la preuve de l’applicabilité de la côte R-9. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission : REJETTE la présente demande d'examen de mésentente et FERME le dossier. Montréal, le 14 juin 2001. JENNIFER STODDART Commissaire
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