Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

01 13 27 MARIO BOUCHER, demandeur, c. RÉGIE INTERMUNICIPALE DE POLICE DES SEIGNEURIES, organisme public. L'OBJET DU LITIGE M. Mario Boucher réclame de la Régie intermunicipale de police des Seigneuries (le « Service »), le 3 juillet 2001, copie des documents suivants le concernant : Dossier de la Police des Seigneuries, portant le numéro SLZ-990525-003 (tout le dossier complet); Le dossier de l'enquêteur M. Patrick Després; Une copie du dossier de la Sûreté du Québec (enquête); Le dossier personnel de l'agent M. Mario Boucher, Matricule 12. Une copie de la convention collective et toutes les lettres d'ententes (demande ajoutée en ce 3 juillet 2001) Sans réponse du Service, M. Boucher sollicite l'intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission »), le 20 août 2001, pour qu'elle révise le refus présumé de celui-ci de ne pas lui avoir communiqué les documents demandés. L'audience se tient à Montréal les 14 janvier et 11 avril 2002.
01 13 27 - 2 LA PREUVE La séance du 14 janvier 2002 M. Réjean Noiseux, directeur du Service et responsable de l'accès, relate avoir été responsable du Service de police de Saint-Lazare et assumer la même fonction depuis la création de la Régie intermunicipale de police des Seigneuries en 1997. Il mentionne être responsable de la gestion des vingt policiers et qu'il connaît M. Boucher pour l'avoir embauché, en 1996, à titre de policier temporaire. Il précise que M. Boucher était en période de probation, jusqu'en 1998, pour un poste permanent de policier. Il atteste avoir répondu, le 1 er novembre 2001, à la demande d'accès, ce que me confirme M. Boucher (pièce O-1). Il remet à celui-ci à l'audience, séance tenante, copie de son dossier personnel et la convention collective, à l'exception du rapport d'enquête de la Sûreté du Québec (la « Sûreté »). M. Noiseux dépose, sous pli confidentiel, le rapport de la Sûreté et les cinq annexes de celui-ci. Il s'agit de plaintes (annexes A, B et C), d'un rapport d'enquête du Service (annexe D) et du voir-dire lors de l'arrestation de M. Boucher (annexe E). Il affirme que le rapport de la Sûreté a été réalisé à la suite de plaintes de harcèlement portées par des policières contre M. Boucher. M. Boucher signale que l'objet du litige ne porte que sur l'accès au document confidentiel remis à la Commission par le Service. M. Noiseux raconte que l'enquête sur les plaintes de harcèlement fut menée par M. Gordon Hunter, un policier, et que M. Patrick Després, un autre policier, n'y a participé que pour recueillir la déclaration de témoin. Il fait part que le rapport d'enquête du Service a été remis à la Sûreté. Cette dernière a tenu sa
01 13 27 - 3 -propre enquête (n o SLZ-990508-002). Il atteste que l'enquêteur n'a pas retenu « les charges » contre M. Boucher, mais que ce dernier a été d'abord suspendu, congédié, puis réintégré dans son emploi par le Service. M. Noiseux allègue qu'à la suite de ces événements, le Service a mis en vigueur et distribué, le 16 mars 2001, une politique contre le harcèlement (pièce O-2). Cette politique s'applique à tout le personnel du Service. M. Noiseux fait valoir que les plaignantes travaillent avec M. Boucher. Il prétend que la communication du document en litige à M. Boucher pourrait leur porter préjudice et créerait un impact négatif sur la motivation et le niveau de confiance des policières envers le processus de plaintes. Interrogé par M. Boucher, M. Noiseux lui confirme son arrestation, le 25 mai 1999, en relation avec les plaintes. Il atteste que, le 8 juillet de la même année, il a été décidé de ne pas porter d'accusation contre M. Boucher. Il confirme également l'avoir réintégré au travail au mois de février 2001. Il ne peut toutefois confirmer si le rapport d'enquête en litige a déjà été transmis au procureur de M. Boucher. Il réitère avoir remis à M. Boucher son dossier personnel et qu'il n'y a rien d'autre, à l'exception du document en litige et le dossier en déontologie policière. M. Noiseux prend connaissance d'une note de service de l'inspecteur André Senterre, datée du 18 avril 1999, sur l'appréciation positive du travail effectué par M. Boucher. Il reconnaît qu'habituellement, ce type de document est versé au dossier de l'employé (pièce D-1). Il ne s'explique pas pourquoi ce dernier document n'est pas au dossier, mais s'engage à le mettre dans celui-ci. Il constate la même situation en ce qui concerne une lettre de félicitations du 2 février 1999 (pièce D-2). Il spécifie que le Service n'a pas de cachette à faire. Il s'engage à
01 13 27 - 4 -vérifier de nouveau s'il existe d'autres documents et si le rapport d'enquête produit par le Service a été déjà donné au procureur de M. Boucher. La séance du 11 avril 2002 M. Noiseaux indique avoir vérifié de nouveau le dossier de M. Boucher et affirme qu'il n'existe pas d'autres documents le concernant. Il a également vérifié le dossier de grief de M. Boucher et fait les démarches auprès du procureur responsable de celui-ci pour le Service, M e Sylvain Bailly. Il affirme que le dossier du Service a été remis à la Fédération des policiers du Québec, mais pas à M. Boucher. M. Boucher dépose le rapport d'enquête de 71 pages qu'il a reçu de son avocat en l'an 2000 à l'époque du grief contestant son congédiement (pièce D-3). Le rapport renferme un résumé de rencontres avec les témoins civils et leurs noms et les noms et déclaration des victimes et d'autres employés. Interrogé de nouveau par M. Boucher, M. Noiseux identifie la pièce D-3 et assure que le Service ou l'un de ses représentants n'a jamais remis ce document à M. Boucher, mais seulement à la Fédération des policiers du Québec dans le cadre du grief l'opposant à celui-ci. Il précise que le rapport en litige ne contient pas toutes les déclarations que l'on trouve à la pièce D-3. Toutefois, les annexes « A » (8 pages), « B » (13 pages) et « C » (10 pages) contenues au document en litige sont les mêmes déclarations de plaignantes que celles apparaissant à la pièce D-3. M. Noiseux explique que le rapport en litige a été réalisé par la Sûreté et qu'il ne s'agit pas d'un rapport du Service. Il spécifie que ce dernier rapport de la Sûreté contient deux annexes D » et « E » ) émanant du Service. Il réitère que le rapport diffère de celui réalisé par le Service.
01 13 27 - 5 M. Noiseux répète à M. Boucher que le policier ayant rédigé le rapport d'enquête pour le Service est M. Hunter et non M. Després, ce dernier n'ayant que cueilli des déclarations. M. Noiseux explique que le Service doit conserver dans un dossier les documents de nature criminelle, mais ne peut conserver au dossier, dans le présent cas, ceux se rapportant au dossier disciplinaire de l'employé. M. Boucher ayant gagné son grief et réintégré ses fonctions au mois de février 2001, le dossier de celui-ci, affirme-t-il, a été purgé des références disciplinaires au mois de juin 2001. LES ARGUMENTS M e Antonietta Marro, procureure du Service, fait valoir que M. Boucher est policier depuis 1997 à la Régie intermunicipale de police des Seigneuries. M. Boucher a fait l'objet d'une enquête du Service par le policier Hunter et par la Sûreté à la suite de plaintes pour harcèlement de collègues de travail en 1999. Elle signale qu'il n'a pas eu de plainte de nature criminelle, mais un congédiement contesté et gagné par M. Boucher. M e Marro invoque l'article 48 1 , le 5 e paragraphe de l'article 28 2 et l'article 88 3 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 4 (la « loi ») pour lui refuser l'accès aux documents en litige : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée 1 Lévesque c. Commission scolaire Taillon, [1993] C.A.I. 142. 2 Bordeleau c. Ministère de la Justice, [1985] C.A.I. 499; Douville c. Communauté urbaine de Montréal, [2000] C.A.I. 165; X c. Groupe CFC, C.A.I. Montréal, n o 98 16 30, 2001-03-21, c. Iuticone; Issaoui-Mansouri c. Ville de Ste-Foy, [1991] C.A.I. 129. 3 Rousseau c. Centre hospitalier régional de l'Outaouais, [1988] C.A.I. 35; Ville de Montréal c. Chevalier, [1998] C.A.I. 501 (C.Q.). 4 L.R.Q., c. A-2.1.
01 13 27 - 6 -de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. M e Marro soutient que le Service conserve une obligation de protéger adéquatement les renseignements qu'il détient, selon les diverses dispositions de la Loi, et ce, même si M. Boucher a eu accès aux renseignements de la pièce D-3. Elle avance que le Service a remis à la Fédération des policiers du Québec la pièce D-3, mais, à son avis, la communication de cette pièce D-3 à M. Boucher constitue une entorse à la Loi. Elle plaide que les renseignements au sujet des plaignantes sont des renseignements nominatifs protégés par la Loi. Elle allègue que les plaignantes n'ont pas autorisé la communication des déclarations les concernant et qu'il n'a jamais été de l'intention pour le Service de remettre les déclarations dans les mains de M. Boucher. M. Boucher réplique avoir reçu de son avocat la pièce D-3 et réitère vouloir recevoir le document en litige. APPRÉCIATION Il n'est pas contesté que le Service détient, au sens de l'article 1 de la Loi, le rapport d'enquête de la Sûreté, seul objet du litige : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.
01 13 27 - 7 L'article 48 de la Loi oblige le Service de référer M. Boucher à la Sûreté lorsque le document a été produit par un autre organisme : 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. (soulignements ajoutés) Il est requis du Service, pour exercer cette obligation de l'article 48, qu'il ait répondu par écrit à la demande de M. Boucher dans le délai prévu au premier alinéa de l'article 47 de la Loi, en lui donnant les renseignements prévus par l'article 45 ou par le 2 e alinéa de l'article 46 : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: […] (soulignement ajouté) 45. Le responsable doit informer la personne qui lui fait une demande verbale de la possibilité de faire une demande écrite et que seule une décision sur une demande écrite est susceptible de révision en vertu de la présente loi. 46. Le responsable doit donner à la personne qui lui a fait une demande écrite un avis de la date de la réception de sa demande. Cet avis est écrit; il indique les délais prescrits pour donner suite à la demande et l'effet que la présente loi attache au défaut, par le responsable, de les respecter. Il informe, en outre, le requérant des recours prévus par le chapitre V. La réponse du Service est venue presque quatre mois après la demande d'accès du 3 juillet 2001, soit le 1 er novembre, et ne comprend pas les informations des articles 45 ou 46 de la Loi. En conséquence, la Commission statuera sur l'accessibilité pour M. Boucher au document en litige en étudiant les motifs
01 13 27 - 8 -impératifs de restrictions à l'accès des articles 28 et 88 de la Loi soulevés par le Service. La Commission a examiné le document en litige. Ce rapport d'enquête de la Sûreté de 42 pages est presque exclusivement constitué de déclarations des plaignantes et de témoins. Les annexes « A », « B » et « C » sont d'ailleurs les déclarations des plaignantes. L'annexe « D » est un rapport d'enquête du Service de 19 pages renfermant essentiellement le résumé dressé par l'enquêteur des déclarations des plaignantes. L'annexe « E » de deux pages est le voir-dire lors de l'arrestation de M. Boucher. M. Noiseux a confirmé que le document détenu par M. Boucher est bien celui que le Service a donné à la Fédération des policiers du Québec (pièce D-3). Ce dernier document est un rapport disciplinaire confectionné par le Service qui contient la version intégrale : du résumé de l'enquêteur de rencontres avec les témoins civils (2 pages); des noms et titre des victimes et des témoins (1 page); du sommaire des déclarations des plaignantes (2 pages); des déclarations des plaignantes et des témoins (66 pages). On apprend, de la lecture attentive de ce dernier document, qu'il contient les noms et la version détaillée des plaignantes et des témoins. Il est rempli de renseignements sur les plaignantes, y compris les témoins, que la Commission considère habituellement nominatifs. Toutefois, la Commission est d'avis que la communication du document en litige n'apprendrait rien à M. Boucher qu'il ne connaît déjà. La Commission, dans une situation différente à la présente affaire, aurait accédé aux arguments du Service de ne pas communiquer en tout ou en partie le
01 13 27 - 9 document en litige. Cependant, dans le cas sous étude, la Commission arrive difficilement à concevoir le préjudice que peut causer à une personne la communication du document en litige à M. Boucher, selon les termes du 5 e paragraphe de l'article 28 de la Loi. M. Boucher possède déjà plus de renseignements que n'en révèle le rapport en litige. En outre, les renseignements éminemment nominatifs que renferme le document en litige ont été dévoilés à M. Boucher. Dès lors, il ne peut y avoir de divulgation prohibée au sens de l'article 88 de la Loi, M. Boucher détenant déjà les renseignements. La Commission précise toutefois qu'il ne s'agit pas de statuer sur le caractère public d'un document détenu par un organisme public. Nous ne sommes pas dans le cadre d'une demande d'accès faite en vertu de l'article 9 de la Loi, mais bien devant une demande faite aux termes de l'article 83 : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. Ainsi, la Commission tient à protéger la preuve nominative qui lui a été soumise et frappe d'une interdiction de communication, diffusion et publication la pièce D-3. Il en est de même pour les dates de naissances, adresses et numéros de téléphones personnels inscrits au document en litige, tels que ci-après mentionnés au dispositif.
01 13 27 - 10 PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de M. Mario Boucher; PREND ACTE que M. Boucher a reçu tous les documents détenus par l'organisme le concernant, à l'exception de celui en litige; CONSTATE que M. Boucher détient le rapport d'enquête disciplinaire, le nom des plaignantes, des témoins et leur déclaration (pièce D-3 en liasse); ORDONNE à l'organisme de remettre à M. Boucher le document en litige, à l'exception des renseignements suivants : les annexes « A », « B » et « C » déjà détenues par M. Boucher; Les dates de naissances, adresses et numéros de téléphones personnels des personnes autres que M. Boucher se trouvant aux : ! points 3, 4, 5 et 6.2 à 6.6 de la table des matières du rapport d'enquête de la Sûreté; ! pages 4, 13, 24, 32, 33, 34, 35, 36 et 37 du rapport d'enquête de la Sûreté; ! pages 2, 3, 4, 9 et 10 de l'annexe « D ». FRAPPE d'une interdiction de publication, diffusion et communication la pièce D-3. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 29 mai 2001 M e Antonietta Marro Procureur de l'organisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.