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00 11 01 PIERRE BOULÉ, demandeur, c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, organisme public. L'OBJET DU LITIGE Le 18 mai 2000, M. Pierre Boulé fait une demande au ministère de la Sécurité publique (le « Ministère » ) pour que soit rectifié son dossier d'employé. Le 8 juin 2000, M. Boulé sollicite l'intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour qu'elle révise la décision rendue le 25 mai 2000 par le Ministère de lui refuser la rectification demandée. L'audience initialement prévue à Sherbrooke pour le 18 mai 2001 a été remise, en l'absence de salle d'audience disponible au Palais de justice. Le 22 janvier 2002, la Commission rend une décision préliminaire précisant l'objet du litige. L'audience débute à Sherbrooke le 5 novembre 2001 et se poursuit à Montréal le 10 avril 2002. LA PREUVE DU MINISTÈRE
00 11 01 - 2 -Les parties soumettent que l'objet du litige vise à ce que soit retirée la fiche de notation du 14 avril 1998 du dossier d'employé de M. Boulé, signée par MM. Luc Brouillette et Pierre Soucy (pièce O-1 en liasse). M. Luc Brouillette, responsable administratif depuis 1993 de 12 palais de justice, mentionne être gestionnaire depuis 20 ans et avoir effectué au moins 800 évaluations d'employés permanents ou occasionnels. Il relate que M. Boulé était constable spécial au Palais de justice de Sherbrooke et à son deuxième contrat avec le Ministère comme employé occasionnel. Il explique qu'à la demande de la Direction, il a procédé à l'évaluation de rendement de M. Boulé, selon le formulaire type prévu à cet effet. Pour compléter cette évaluation, il a consulté les membres du personnel du Palais de justice de Sherbrooke. Il passe en revue et commente les quatre pages de la fiche de notation personnelle de M. Boulé. Plus spécifiquement, M. Brouillette justifie les notes inscrites aux rubriques 8, 9, 13 et 14, intitulées « Discernement, Maîtrise de soi, Esprit d'équipe et Relations humaines », par des événements impliquant M. Boulé, le fils de celui-ci et l'agence de Sécurité Martin Bellemare. Cette dernière est une entreprise dont les services sont utilisés par le Ministère pour répondre à des besoins ponctuels dans les divers palais de justice. L'appréciation globale qu'il a inscrite à la fiche d'évaluation a été : « Cote insuffisant en raison des 3 dernières semaines et de l'événement. ». Il atteste avoir signé, le 14 avril 1998, cette évaluation et que M. Pierre Soucy en a fait de même le 20 avril suivant. Il maintient l'évaluation qu'il a faite au sujet de M. Boulé. Il spécifie que cette fiche d'évaluation a été expédiée à M. Boulé, par courrier recommandé, le 15 mai 1998. Il confirme que le contrat de M. Boulé n'a pas été renouvelé au poste de constable spécial depuis cette évaluation.
00 11 01 - 3 M. Brouillette indique que le dossier des employés se trouve à la Direction des ressources humaines à Québec et que la fiche d'évaluation de M. Boulé a été versée dans son dossier. Interrogé par M. Boulé, M. Brouillette lui répond que la fiche de notation est celle s'appliquant à tous les employés. Il prend connaissance des articles 2,03 et 16 de la convention collective de travail des constables spéciaux à la sécurité dans les édifices gouvernementaux (pièce O-2 en liasse) : 2,03 Toutefois, seuls les articles, paragraphes et annexe suivants de la convention s'appliquent à l'employé occasionnel, qui est salarié au sens du Code du travail et qui fait partie de l'unité de négociation décrite à l'accréditation en vigueur relative aux employés : article 1 - Interprétation; article 2 - Reconnaissance et champ d'application; paragraphes 3,01 et 3,03; article 4 - Pratiques interdites; article 5 - Régime syndical; article 6 - Droit d'affichage et transmission de documents; article 7 - Réunions syndicales; article 12 - Règlements des griefs; article 13 - Arbitrage des griefs; paragraphe 19,06; article 27 - Santé et sécurité; article 28 - Costumes et uniformes, étant entendu que les quantités de vêtements seront limitées et suffisantes pour répondre aux besoins de l'employé; paragraphes 30,01,02; 30,02; 30,05,02; 30,08; article 30 - Heures de travail, à l'exception de 30, 01, 01, 02, 03, 04 et 30,05,01; article 33 - Congés pour affaires judiciaires; paragraphes 34,12; paragraphes 35,09; paragraphes 36,05; paragraphes et sous-paragraphes 37,01A, 37,02; 37,04; 37,05; 37,07; 37,20,01; 37,23,01; 37,24,01; 37,29,01; 37,33,01; paragraphes 38,05; paragraphes 39,01 et 39,02; […] ARTICLE 16 ÉVALUATION 16,01 L'évaluation du rendement d'un employé est une appréciation, par ses supérieurs, des résultats de son travail eu égard aux attributions et responsabilités qui lui
00 11 01 - 4 -sont confiées et des comportements démontrés dans l'accomplissement de son travail. Cette évaluation permet aux supérieurs de renseigner l'employé sur l'appréciation faite sur son rendement, de l'assister dans son développement personnel, ainsi que d'identifier les mesures qui devraient être amorcées pour améliorer son rendement. 16,02 L'évaluation du rendement de l'employé s'effectue au moins une (1) fois par année. Elle doit s'effectuer au moins une (1) fois pendant la durée de la période continue du stage probatoire d'un employé à la condition que celui-ci ait travaillé pendant une période au moins égale à la moitié de la durée prévue de ce stage. Par ailleurs, il est entendu que le sous-ministre s'efforce de porter à l'attention de l'employé en temps utile, les points sujets à amélioration ou les points négatifs à corriger. 16,03 L'évaluation du rendement est faite au moyen d'un formulaire dûment rempli et signé par les supérieurs de l'employé, qui en reçoit une copie de son évaluateur. Le sous-ministre peut, à cette fin, utiliser un formulaire spécifique aux agents de la paix. Sur réception de cette copie, l'employé signe l'original pour attester qu'il en a reçu copie. L'employé qui refuse de signer l'original de son formulaire est considéré avoir reçu sa copie à la date à laquelle son évaluateur la lui a remise ou à la date à laquelle la copie lui a effectivement été expédiée. […] 16,05 Le contenu de l'évaluation ne peut en aucun cas faire l'objet d'un grief. M e Michel Déom, procureur du Ministère, intervient pour souligner que l'article 16 de la convention collective ne s'applique pas aux employés occasionnels, mais attire l'attention des parties à la lettre d'entente n o 4 attachée à la convention : 4. LETTRE D'ENTENTE RELATIVE AUX EMPLOYÉS OCCASIONNELS Lorsque l'employeur procède à l'engagement d'un employé occasionnel, il favorise en priorité le renouvellement de l'engagement d'un employé occasionnel dont le contrat a pris fin et qui répond aux conditions suivantes : a) avoir été à l'emploi pendant une période continue d'au moins six (6) mois au cours de laquelle ses services ont été requis pendant un minimum de soixante (60) jours. b) avoir fourni un rendement jugé satisfaisant par l'employeur. L'évaluation dont copie est remise à l'employé ne peut en aucun cas faire l'objet d'un grief.
00 11 01 - 5 M. Brouillette confirme qu'il était le supérieur de M. Boulé et que ce dernier a été congédié le 14 avril 1998 à la suite de l'évaluation en litige. Il confirme également que M. Boulé n'a pas signé l'évaluation le 14 avril. Il répond aux questions de Boulé sur le bien-fondé de certains aspects se trouvant à l'évaluation, notamment sur le rôle et l'intervention de son superviseur, M. Guénette. LES PRÉTENTIONS DE M. BOULÉ M. Boulé confirme avoir reçu la fiche d'évaluation en litige le 15 mai 1998, mais ne l'a jamais signée. Il soutient que cette évaluation renferme des renseignements subjectifs et inexacts, des faits non vérifiés ni vérifiables. Il prétend que la fiche de notation doit être retirée de son dossier d'employé parce que l'article 16 de la convention collective ne s'applique pas aux employés occasionnels. Il invoque l'article 37 du Code civil du Québec pour soutenir que le Ministère n'a pas recueilli des renseignements pertinents à la constitution du dossier et qu'en conséquence, cette fiche doit être enlevée : 37. Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêts sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l'utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l'intéressé ni à sa réputation. La Commission signale alors à M. Boulé qu'elle ne peut modifier une opinion émise par un évaluateur. M. Boulé fait valoir que le Ministère ne lui a jamais laissé l'occasion de livrer sa version des faits. M. Boulé ajoute que la lettre d'entente n o 4 de la convention collective exclut le dépôt d'un grief pour contester une évaluation. Il s'explique donc difficilement pourquoi le Ministère a accepté dans son cas le dépôt d'un grief.
00 11 01 - 6 -LES PRÉTENTIONS DU MINISTÈRE M e Déom rappelle que la lettre d'entente n o 4, faisant partie intégrante de la convention collective, prévoit que le Ministère doit fournir une évaluation, dont une copie est remise à l'employé occasionnel. Il allègue que le Ministère, à titre d'employeur, est justifié de tenir un dossier personnel sur M. Boulé et d'y verser tous les documents le concernant, spécifiquement les évaluations. M e Déom fait valoir que le Ministère a exercé son droit de gérance pour évaluer un employé et que la fiche d'évaluation utilisée est la même pour tous les employés. Il soumet que la Commission ne peut intervenir pour modifier l'opinion subjective émise par les évaluateurs sur le rendement au travail de M. Boulé. APPRÉCIATION M. Boulé demande à la Commission d'ordonner au Ministère de retirer de son dossier d'employé sa fiche d'évaluation de rendement datée du 20 avril 1998. L'article 89 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « loi ») permet à la Commission de rectifier un fichier si celui-ci est inexact, incomplet ou équivoque, ou si la collecte et sa conservation ne sont pas autorisées par la Loi : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. La preuve a établi que le Ministère a procédé à une évaluation de rendement conformément aux prescriptions de la lettre d'entente n o 4 de la convention collective régissant les parties en 1998. 1 L.R.Q., c. A-2-1.
00 11 01 - 7 La Commission comprend bien l'impact négatif exprimé à l'audience par M. Boulé d'avoir perdu son emploi à la suite de l'évaluation dont il en demande le retrait de son dossier. Toutefois, il est évident que nous sommes dans une situation de relations de travail par laquelle s'affrontent deux versions. L'article 89 de la Loi n'autorise pas la Commission à substituer l'opinion du demandeur à celle du Ministère, ou l'inverse, ni d'ailleurs à retirer une évaluation de rendement, qu'elle soit positive ou négative. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de rectification de M. Pierre Boulé. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 28 mai 2001 M e Jean-François Boulais Procureur de l'organisme
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